Chapitre 11 – La conséquence.
Les Malefoy avaient repris les pleins droits dans leurs manoirs depuis quelques jours. Si June n'avait que rarement eu l'occasion de les croiser depuis leur arrivée, elle avait tout de même eu la politesse de se présenter à eux et de les remercier. Ils n'avaient pas dit grand-chose pour toute réponse. Narcissa Malefoy l'avait observée comme si elle était un monstre et Lucius Malefoy n'avait même pas semblé l'écouter. Depuis lors, June se faisait la plus discrète possible en leur présence, mais il n'en était pas moins qu'elle doutait de plus en plus du fait qu'ils puissent, tous ensemble, former un jour une famille soudée face au reste du monde. Voldemort avait menti, sans le savoir. Si bien que depuis quelques jours, une colère sourde naissait dans l'esprit de la jeune femme. Une colère qu'elle savait bien enfantine et égoïste toutefois, et pourtant, même en tentant de se raisonner, elle ne parvenait pas à se sentir mieux.
« - Ou vas-tu a une heure pareille ? »
Elle se retourna en sursautant. En haut de l'escalier qu'elle venait de descendre à une vitesse folle, sa mère -du moins sa mère moldue- encore en tenue de nuit, l'observait avec colère. Il devait bien être sept heures du matin et elle devait se rendre au manoir des Malefoy pour apprendre à transplaner avec Holly avant d'accueillir les Goyle et un certain Fenrir qui devaient arriver dans la matinée. En temps ordinaire, sa mère ne se serait jamais inquiétée de savoir où elle allait, elle s'en moquait éperdument, au même titre que son père. Mais depuis quelques jours, une tension s'était installée au sein du trio et June ne se sentait absolument plus à l'aise avec ses parents. Elle n'avait jamais été, certes, très proche d'eux, mais il semblait désormais évident qu'aujourd'hui, la situation n'allait pas en s'arrangeant. Prenant sur elle, June décida une nouvelle fois d'éviter le conflit
« - Je vais chez le voisin. »
En soit, ce n'était pas faux, mais cette réponse n'eut pas l'air de satisfaire sa mère qui fronça les sourcils et commença à descendre les marches pour lui faire face.
« - Tu vas tout le temps chez le voisin, sans jamais nous dire ce que tu y fais. Je ne l'aime pas ce voisin, il a l'air gentil mais je suis sûre qu'il cache quelque chose. Il te vend de la drogue ?
- Mais n'importe quoi, soupira June en levant les yeux au ciel.
- Ne dis pas que c'est n'importe quoi. Je ne l'aime pas. Physiquement, il est effrayant, il s'habille comme un marginal et des gens aussi étranges sont venu habiter chez lui. Je le sais, je l'ai vu en passant devant l'autre jour… »
Elle marqua une pause lorsqu'elle arriva finalement à la hauteur de sa fille et fronça les sourcils.
« - T'as pas mieux à faire June ? Comme finir tes études ? Ou te trouver enfin un travail pour arrêter de dépendre de nous en permanence ?
- Je bosse chez le voisin je te signale, retorqua l'intéressée alors qu'une colère sourde montait peu à peu en elle.
- Et où es ton contrat ? Ton salaire peut-être ? Bien sûr comme toujours tu as réponse à tout, parce que tu sais tout mieux que tout le monde. Tu as interdiction de retourner chez ce sale type. Interdiction de sortir de cette maison tant que tu n'auras pas trouvé un vrai travail. »
Elle insista vivement sur le terme ''vrai'' alors que l'esprit de June s'échauffait. Elle n'avait pas le droit d'être traitée de la sorte. Elle avait vingt-deux ans après tout ! Cette fois-ci pourtant, la jeune femme ne pouvait laisser faire. Voilà plusieurs jours qu'elle cautionnait les reproches et supportaient les titillements désagréables de ses parents, il était hors de question qu'elle les laisse poursuivre sans rien dire. Avec colère, elle répondit
« - T'as pas le droit de faire ça !
- Bien sûr que si, s'exclama l'autre. Je suis ta mère je te signale.
- On sait toutes les deux que ce n'est pas vrai. »
Son ton sec et agressif, ainsi que ses propos, eurent un semblant d'impact sur la femme d'une quarantaine d'années qui perdit son sourire moqueur pour arborer une grimace de mécontentement. Elle ne semblait pas surprise par les propos de June et bien loin de nier ce fait, elle sembla affirmer ce que sa fille venait de dire.
« - Tout à fait. Et avec le recul, je me dis que nous aurions dû te laisser dans ton orphelinat miteux et prendre un chien. Ça nous aurait coûté bien moins d'argent. »
Heurtée par de tels propos, June sentit son cœur se serrer dans sa poitrine alors que ses yeux s'humidifiaient. Non seulement sa mère venait d'avouer de but en blanc qu'elle ne l'était pas réellement, mais en plus de cela, elle le faisait de la pire des manières. Retenant les larmes qui menaçaient de jaillir, elle resta muette et fit volte-face, s'éloignant de celle qu'elle avait toujours considéré comme étant sa réelle mère.
« -Si tu quittes cette maison, ne compte même pas pouvoir revenir un jour. »
Le ton était froid, distant, comme s'il ne s'agissait que d'une inconnue qui lui lançait un avertissement. June avala sa salive et, prise d'un courage surhumain, elle ouvrit la porte d'entrée à la volée et se rua à l'extérieur. Ainsi donc elle n'avait plus de parents, plus de toits ni même d'endroit ou se réfugier. Elle était devenue orpheline, ou plutôt était-elle redevenue ce qu'elle avait jadis été, sans même s'en souvenir. Son cœur dans sa poitrine n'avait jamais été tant malmené et il lui semblait qu'on venait de le lui arracher pour le piétiner avec rudesse. Elle n'arrivait pas à concevoir qu'on puisse subitement devenir si sec, si hargneux avec quelqu'un d'autre au point de ne plus le considérer comme étant de sa famille. Elle se sentait également très lourde, comme si toute la peine du monde était venue, d'un seul coup, se charger sur ses frêles épaules. Accablée par l'horreur de la situation, elle avançait sans même savoir où elle se rendait. Errant comme une âme en peine, elle marchait sur la route, sans se soucier du potentiel danger qui la guettait. Et tandis qu'elle progressait lentement, elle songeait qu'elle n'avait probablement jamais été aimée par ceux qui un jour avait décidé, par bonté ou dépit, de la ramener chez elle. Tout ce qu'elle avait vécu depuis lors n'était peut-être que fictif. Peut-être avait-elle cru être aimée ? Ou le sentait-elle depuis toujours au plus profond d'elle ?
Ses pas la guidèrent jusqu'au fameux manoir des Malefoy ou elle était censée se rendre avant que la tragédie n'arrive. Elle ne le réalisa que lorsque, finalement, son corps se présenta face à l'immense porte. Ses yeux, baignés de larmes, se levèrent pour affronter la tête de serpent qui faisait office de heurtoir. Le bras lourd et la main engourdie, elle s'en saisi pour frapper, deux fois. Et si son cœur se serrait davantage à l'idée qu'ici aussi, on ne veuille plus d'elle, son corps refusa de se laisser aller à pleurer. Alors, lorsque la porte s'ouvrit sur le visage ferme et sévère de Narcissa Malefoy, elle l'affronta, comme elle le faisait toujours. Mais quelque chose à l'intérieur de son être s'était cassé. Elle se sentait abimée. Et lorsque finalement, la seconde d'après, le visage de Narcissa changea pour laisser place à de l'inquiétude, June songea qu'elle aurait aimé avoir une mère qui s'inquiète de la sorte pour elle. A cette pensée, son esprit et son corps lâchèrent prise et, éclatant en sanglot, elle se laissa aller contre le buste de l'épouse Malefoy.
Elle aurait pu être repoussée que cela ne l'aurait guère étonnée. Mais contre toute attente, les bras de la femme vinrent entourer son corps et June pu se laisser aller à ses premières larmes. Les premières depuis une éternité lui sembla-t-il. Bruyamment, elle commença à pleurer pour la première fois depuis longtemps. Elle ne put retenir ses sanglots, ses reniflements ou ses gémissements rauques et douloureux car elle souffrait et, cette souffrance, elle était incapable de la traduire autrement. De plus, cette main chaude qui caressait son dos, comme pour la soulager, n'arrangeait en rien la situation, au contraire. Ses pleurs redoublèrent alors qu'elle avait l'impression, pour la première fois encore, que quelqu'un se souciait vraiment de la douleurs qu'elle pouvait ressentir au plus profond d'elle.
June pleurait encore lorsque finalement, Narcissa défit leur étreinte pour l'attraper par la taille et la guider à l'étage. La jeune femme avait si mal qu'elle dû reposer son poids sur le corps de l'épouse. Elle avait tant de peine également qu'elle ne porta pas la moindre attention à la douce Holly qui les suivait avec anxiété. Elle ne remarqua même pas Lucius Malefoy qui avait quitté le salon pour l'observer avec un vif intérêt et elle ne croisa pas non plus le regard du Seigneur des Ténèbres qui, au sommet des marches, la regardait. La seule chose qui semblait encore être à même de fonctionner convenablement en elle, c'était cette tristesse qui débordait de part et d'autre.
Narcissa l'installa dans une chambre sans un mot et resta à ses côtés un long moment. June pleurait toujours lorsqu'elle dû s'absenter. Elle pleurait toujours lorsque Holly lui déposa un plateau repas le midi et lorsqu'elle vint le rechercher aux alentours de seize heures. Elle pleurait encore lorsque Narcissa vint la revoir, tard dans le soir et elle pleurait également lorsque Lucius s'arrêta un instant devant sa chambre pour s'assurer qu'elle allait bien. Voilà vingt-deux années qu'elle avait besoin de pleurer, comme un long deuil que l'on porte sans fin.
