Les rayons du soleil filtraient à travers la fenêtre, illuminant le petit salon dans lequel ils se trouvaient. Ultia retint un soupir. Elle observait distraitement le paysage au-dehors, n'écoutant que d'une demi-oreille ce que disaient les membres du conseil.
« Les négociations avec Suna se sont bien passées. Leurs dirigeants ont admis publiquement avoir été trompés par Orochimaru et ses complices. Ils ont présenté une réédition totale à Konoha, déclara platement Homura Mitokado.
_ Bien sûr, nous n'avions pas d'autres choix que d'accepter, afin de préserver notre image, poursuivit Hoharu Utatane de sa voix rocailleuse. Mais notre puissance et notre influence ont été sérieusement diminuées par cette bataille. Dans les circonstances actuelles, il nous faut nous préparer au pire. Nous n'avons aucun moyen de savoir si les villages voisins ont l'intention de profiter de notre faiblesse pour nous attaquer. »
Elle esquissa un sourire en coin avant de daigner poser les yeux sur eux.
« Et par ''villages voisins'', vous voulez dire Kumo, n'est-ce pas ? »
La vieille femme lui lança un regard noir, visiblement, elle n'appréciait pas son sous-entendu.
« Vous avez raison d'être sur vos gardes, c'est bien leur genre de profiter de la faiblesse des autres pays pour s'accaparer leurs ressources, continua-t-elle en haussant les épaules.
_ C'est pourquoi, et ce jusqu'à nouvel ordre, que nous avons décidé de rassembler les ninjas d'élite de toutes les unités et de créer une commission d'urgence pour faire face à d'éventuels problèmes. » annonça Homura.
Elle haussa un sourcil interrogateur. Elle ne comprenait toujours pas ce qu'elle faisait ici et pourquoi ils l'avaient convoquée au petit matin. La politique, ce n'était pas pour elle. Elle n'était pas suffisamment patiente et subtile pour ça.
« C'est pour ça que vous vouliez me voir ? Pour parler de l'administratif ?
_ Comme nous ne l'avons dit, nous devons assurer nos arrières. Nous comptons renforcer les patrouilles aux frontières, mais ce n'est pas suffisant. Nous allons également envoyer plusieurs émissaires dans les pays voisins. Nous avons donc besoin que tu te rendes au village de Kumo pour t'assurer que nos accords de paix tiennent toujours. »
Elle se raidit soudainement et son souffle se bloqua dans sa gorge. Elle ouvrit et referma plusieurs fois la bouche pour parler, mais aucun son n'en sortit. Elle ne l'avait pas vu venir. Elle finit par secouer la tête, faisant bouger quelques mèches de cheveux noirs, afin de reprendre contenance.
« Vous devriez envoyer quelqu'un d'autre, pour le bien du village. Le Raikage ne me porte pas dans son cœur. À ses yeux, je suis une traîtresse qui a retourné sa veste à la minute où elle a franchi la frontière et entre nous, il n'a pas forcément tort.
_ Raison de plus pour lui montrer que, désormais, tu fais partie du village de Konoha et qu'en tant que tel, tu as des devoirs et des obligations.
_ Je croyais que les missions diplomatiques étaient supervisées par le maître Hokage ? Pourtant, aux dernières nouvelles, le poste est toujours vacant.
_ Ne sois pas insolente Ultia. » siffla Hoharu, les lèvres pincées.
Elle ignora la remarque de son interlocutrice.
« Qui a pris cette décision ? Qui doit-on remercier pour cette brillante idée ?
_ C'est moi. »
Elle tourna la tête, Danzô se tenait fièrement sur le seuil de la porte. Elle ne l'avait pas entendu arriver. Elle serra les poings. Évidemment. Après réflexion et venant de sa part, une telle bassesse ne l'étonnait pas. Il essayait de lui mettre des bâtons dans les roues depuis plusieurs mois, depuis qu'elle avait refusé son offre. Avec Sarutobi qui assurait ses arrières, il n'avait pas pu faire grand-chose, mais maintenant qu'il n'était plus, Danzô avait le champ libre. Les membres du conseil lui mangeaient pratiquement dans la main et tenaient compte de son avis pour absolument tous les sujets. Qu'ils se tournent vers lui en ces temps troubles ne la surprenait pas plus que ça finalement.
« Pourquoi moi ? demanda-t-elle en reportant son attention sur les deux conseillers.
_ Tu connais le village de Kumo. Tu y es née et tu y as grandi. Tu connais leur fonctionnement, tu sais de quoi ils sont capables et tu pourras agir en conséquence, énuméra Homura en levant les yeux vers elle. Tu es la plus qualifiée pour cette mission.
_ De toute façon, ce n'est pas comme si tu avais le choix, argua Danzô d'un ton dur et grave. Nous t'avons accueilli dans notre village, en dépit des risques que tu nous as fait prendre. Nous avons protégé ton secret sans rien te demander en échange. Rien, hormis ta loyauté totale et absolue. Tu as prêté serment, il est maintenant temps de rembourser ta dette et de nous prouver que nous avons eu raison de te faire confiance. »
La jeune femme se leva brusquement, faisant trembler la petite table basse sur laquelle reposait un service à thé en porcelaine blanche. Elle plongea ses prunelles flamboyantes dans celles de l'homme qui se tenait debout face à elle.
« Vous n'êtes pas Hokage, vous n'êtes qu'un infirme qui se cache derrière sa milice personnelle. Vous n'avez rien à exiger de moi. Vous ne dirigez pas ce village.
_ Ultia ! gronda la vieille femme, outrée par son comportement. Ça suffit maintenant. Rassis-toi et ne discute pas. Nous avons pris cette décision tous ensemble et ne crois pas que cela nous fasse plaisir. Mais nous n'avons pas d'autres choix. Tu te rendras à Kumo pour résigner les accords de paix et s'il le faut, tu emploieras la manière forte pour les faire céder.
_ Vous me demandez d'aller négocier la paix avec un homme à qui nous mentons tous, moi la première ? Le Raikage ignore que je suis la détentrice du démon à deux queues. Il ne sait pas que, pendant tout ce temps, ce qu'il cherchait se cachait juste sous son nez et qu'il n'a rien vu.
_ C'est justement pour ça que c'est toi qui dois y aller, expliqua Danzô. Si besoin, tu devras utiliser ta condition de jinchûriki à ton avantage pour faire pression sur eux.
_ Vous voulez que je leur dise la vérité ? elle écarquilla les yeux. Vous êtes compléments fous. »
Hoharu ouvrit la bouche pour la réprimander une nouvelle fois, mais son homologue la devança.
« En dernier recours. Ça sera ta dernière carte à jouer si les choses tournent mal.
_ S'ils l'apprennent, ils ne me laisseront jamais quitter le village.
_ Tu es envoyée là-bas en tant qu'émissaire. Il y a des règles auxquelles même le Raikage ne peut déroger. S'il le fait, il s'expose à de lourdes représailles, et même à une nouvelle guerre.
_ On parle du fils de l'homme qui, sous couvert d'une alliance, a voulu kidnapper l'héritière du clan Hyûga. Vous pensez vraiment qu'il suit les règles ? »
Elle cracha presque ses mots, tant la situation lui paraissait absurde.
« De toute façon, nous ne t'avons pas convoqué pour demander ton avis, mais pour te donner ton ordre de mission,la femme poussa un rouleau de parchemin vers elle. Le Raikage devra résigner les accords de paix entre nos deux villages avec son sang, c'est important. Après quoi, notre futur Hokage les signera à son tour et aucun d'eux ne pourra briser ce pacte sans en payer le prix. Certains termes peuvent être rediscutés si ça peut lui fait plaisir, mais tu dois revenir avec le parchemin signé coûte que coûte, quitte à le faire signer de force. Tu partiras demain matin avec Aoba, un bateau vous conduira directement au Pays de la Foudre.
_ Je veux que Takumi fasse partie de la mission. Il est aussi originaire de Kumo après tout.
_ Accordé. Si tu n'as pas d'autres questions, tu peux disposer. »
Elle prit le parchemin, le froissant légèrement entre ses doigts, et tourna les talons sans un regard en arrière pour les deux conseillers. Elle passa devant Danzô qui lui barra le passage avec le manche de sa canne en bois. Il se pencha ensuite vers elle pour lui murmurait des mots à l'oreille qu'elle seule pouvait entendre.
« Tâche de ne pas échouer, car cette fois, personne ne viendra te sauver. »
Elle serra des dents et lui décocha un regard noir. À quoi faisait-il allusion ? Au maître Hokage qui l'avait toujours protégé ou à Kakashi qui était intervenu un jour alors qu'il l'avait coincé dans un couloir pour la recruter au sein de sa milice personnelle ? Elle le toisa un court instant et le vit passer le bout de sa langue sur ses lèvres. Il se délectait de la situation, elle le savait.
« Je n'ai besoin de personne pour me sauver. Je peux le faire moi-même. »
Ils voguaient sur le bateau qui devait les emmener au Pays de la Foudre depuis trois jours maintenant. Le temps était clair, le vent faisait gonfler les voiles et bouger les gréements. Ils progressaient vite, il leur faudrait moitié moins de temps pour arriver à destination.
Les bras croisés contre la poitrine, Ultia se tenait appuyée contre le bastingage et guettait l'horizon à la recherche du moindre petit bout de terre. Elle savait qu'elle ne pourrait pas apercevoir le continent avant plusieurs heures, mais peu importe, elle ressentait le besoin viscéral de faire le guet. Chaque minute qui la rapprochait un peu plus de son village natal achevait de planter un nouveau clou dans son estomac. Elle appréhendait son retour. Elle retint un soupir et sentit une présence se glisser à ses côtés, mais elle n'eut pas besoin de se tourner pour voir de qui il s'agissait. Il n'y avait qu'une seule autre personne à bord qui pouvait être aussi agité qu'elle.
« Ça va ? s'enquit Takumi.
_ Mhhh, grogna-t-elle pour toute réponse.
_ Je ne pensais pas un jour remettre les pieds à Kumo.
_ Moi non plus, et je m'en serai bien passée si tu veux tout savoir. »
Elle posa ses prunelles sur la silhouette de son interlocuteur. La plupart des ninjas qui se portaient volontaire pour les transferts ne restaient jamais bien longtemps. Ils revenaient au bout de deux ans. Leurs affectations étaient temporaires, mais il y avait parfois des exceptions, comme Takumi et elle.
Plus rien ne les retenait à Kumo. Ils n'avaient plus personne, plus de familles, alors ils avaient choisis de quitter définitivement le village. Konoha avait accepté et leur nouveau statut avait beaucoup fait parler à l'époque. Ensemble, ils avaient dû affronter les insultes et les regards hostiles, ce qui les avait rapprochés. Ils n'avaient jamais été amenés à se fréquenter plus que ça auparavant, ils se connaissaient de nom, tout au plus. Mais ils avaient appris à se connaître et à tisser des liens lors de leur départ pour le village des feuilles, et aujourd'hui, Takumi était sûrement celui dont elle se sentait le plus proche, celui qu'elle considérait comme un véritable ami.
Elle se résigna finalement à abandonner son poste de surveillance et, avec un soupir las, fit signe au jeune homme de la suivre. Ils se dirigèrent vers la proue du navire où Aoba étaient en train d'aiguiser la lame d'un de ses kunaïs.
« Il faut que je vous dise quelque chose, commença-t-elle. J'y ai bien réfléchi et je pense qu'il faut que vous soyez au courant, au cas où les choses tourneraient mal.
_ Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait mal tourner, souffla Takumi.
_ Le conseil ne m'a pas envoyé à Kumo uniquement parce qu'il s'agit de mon village natal. C'est la version officielle, mais la vérité, c'est qu'ils m'y ont envoyé pour que je puisse faire pression sur le Raikage si jamais il refuse de résigner les accords de paix.
_ Et comment ils veulent que tu fasses ça exactement ? »
Elle se tourna vers Takumi et le regarda droit dans les yeux.
« C'est moi qui ai Matatabi. »
Un éclair de surprise passa dans ses prunelles ambrées, aussitôt éclipser par autre chose. Elle vit les muscles de sa mâchoire se tendre légèrement, bien qu'il s'efforça de conserver une expression neutre. Il leva un sourcil, perplexe.
« Comment ça ''tu as Matatabi'' ? Tu sais où elle est ?
_ Takumi. J'ai Matatabi, insista-t-elle. C'est moi. C'est moi la jinchûriki de Matatabi.
_ Tu quoi ?! »
Un silence de plomb s'abattit sur eux, durant lequel ils s'observèrent sans sourciller.
« Tu… Tu as … , il ferma les yeux un instant et se pinça l'arête du nez. Tu as volé Matatabi ?
_ Je ne l'ai pas volé. Je suis tombée sur elle un jour, par hasard, et je l'ai scellé. »
Le jeune homme tiqua à ses mots, comme s'il venait de comprendre quelque chose.
« Quand tu as disparu en mission et que tout le monde te croyait morte …
_ J'ai bien faillit mourir pendant cette mission. Je n'ai pas menti sur ça.
_ Mais pourquoi est-ce que tu n'as rien dit ? Tu savais qu'ils cherchaient Matatabi.
_ Tu me demandes vraiment pourquoi ? Sérieusement ? demanda-t-elle, sidérée.
Aoba se racla doucement la gorge, attirant l'attention sur lui.
« Les membre du conseil n'ont pas peur que … Que cela joue plus en notre défaveur qu'autre chose ? De t'envoyer là-bas ? Nos relations avec Kumo ne sont déjà pas des plus simples alors si en plus, on met de l'huile sur le feu …
_ Tu n'auras qu'à poser la question à Danzô quand on rentrera. L'idée vient de lui. »
Le jônin étouffa un juron et passa une main dans ses cheveux bruns.
« Tu les as trahis Ultia, ils ne te laisseront jamais repartir s'ils le découvrent, reprit Takumi.
_ Qui a trahi qui en premier ? siffla-t-elle entre ses dents. Moi parce que je n'ai rien dit ou eux lorsqu'ils m'ont abandonné à mon sort ? Ils n'ont jamais levé le petit doigt pour nous. À leurs yeux, nos vies ne valaient rien, alors j'ai fait ce qui était le mieux pour moi. J'ai été égoïste c'est vrai, mais ils ne méritaient pas que je sacrifie ma vie pour eux.
_ Ils ne verront pas les choses comme ça.
_ Je n'ai pas besoin que tu me fasses la morale, il ouvrit la bouche, mais elle le coupa aussitôt. Tu n'as rien à me dire, toi aussi tu as choisi de partir. C'est bien pour une raison, mais si ça te dérange à ce point, tu peux rester avec eux. Ça peut très bien être un aller simple pour toi. »
Elle se redressa.
« Je voulais juste jouer cartes sur table avec vous, vous mettre au courant. Il se peut que les choses se passent bien. Ils ont juste à signer ces foutus accords et on pourra rentrer chez nous avant la prochaine pleine lune. La balle est dans leur camp. »
Sur ses mots, elle tourna les talons et s'éloigna.
Le soleil s'était couché depuis longtemps, emportant avec lui les dernières traces de chaleur que procurait ses rayons. Le vent balayait ses cheveux avec une telle force que quelques mèches fouettaient ses joues. La jeune femme frissonna et frictionna ses mains contre ses bras pour se réchauffer un peu. Elle aurait pu rentrer, aller se mettre à l'abri, mais cela signifiait rejoindre la cabine qu'elle partageait avec les garçons et donc, affronter leurs regards. Elle faillit lâcher un soupir quand des bruits de pas dans son dos lui firent lever la tête. La silhouette de Takumi se détacha de la faible lueur que projetaient les lanternes sur le pont. Il vint se poser à côté d'elle.
« Qu'est-ce que tu veux ? Si c'est pour me dire que je n'aurais jamais dû agir comme ça, tu perds ton temps. C'est fait de toute façon, alors à quoi bon -
_ Je me contrefiche de Kumo et de leur fierté mal placé. Et si tu veux tout savoir, je trouve même plutôt amusant de savoir qu'ils continuent de chercher un bijû qui leur a littéralement filé entre les doigts sans qu'ils ne s'en rendent compte. »
Il posa ses coudes contre le bastingage et fixa un point invisible dans la nuit noire, loin devant lui.
« Je ne te faisais pas de reproches tout à l'heure lorsque je disais que tu les avais trahis, j'énumérais juste un fait, il tourna la tête vers elle avant de dire d'une voix pressante. Ultia, tu ne dois rien leur dire, sous aucun prétexte. Ils ne te laisseront jamais repartir. Ils nous voient déjà comme des déserteurs, alors si en plus ils apprennent ce que tu as fait … Tu deviendras l'ennemie publique numéro un à abattre.
_ Est-ce que, par hasard, tu t'inquiéterais pour moi ? le taquina-t-elle.
_ Oh arrête un peu de te moquer. Bien sûr que je m'inquiète pour toi, qu'est-ce que tu crois ? Malgré le fait que tu passes ton temps à me rembarrer, je t'apprécie. Tu es ce qui se rapproche le plus d'une amie pour moi.
_ Personnellement, je te considère comme un ami, mais si ce n'est pas ton cas …
_ Tu vois ? Tu ne peux pas t'en empêcher. »
Le jeune homme leva les yeux au ciel, mais un faible rictus vint tout de même courber le coin de ses lèvres. Ils échangèrent un sourire complice.
« Ce que j'essaye de te dire, reprit-il. C'est qu'évidemment que je m'inquiète pour toi Ultia. Je tiens à toi. Tu es la personne dont je suis le plus proche et je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose alors, s'il te plaît, ne fait pas de bêtises. »
Il lui tendit la main pour l'aider à se redresser.
« Je ferais de mon mieux, mais je ne te promets rien, dit-elle en lui emboîtant le pas.
_ Je n'aime pas quand tu dis ça. »
Elle éclata de rire avant de le suivre à l'intérieur du bateau.
