Candice gara le véhicule à quelques pas du bâtiment où résidait sa collègue. Façade blanche, typique de ce genre d'immeubles récents qu'on pouvait trouver en banlieue des métropoles françaises. Mehdi prit la tête du trio et les guida jusqu'à l'appartement en question. Son collègue n'y était allé que quelques fois, mais déjà l'immersion dans son logement lui rappelait quelques souvenirs… Candice lui caressa l'épaule, montrant son indéfectible soutien.
« On reste pas longtemps… D'accord ?
- Ouais… marmonna-t-il en se ressaisissant.
- C'est toi qui la connaît le mieux Nathan… Si y a quelque chose à trouver… Y a que toi qui saura…
- Donc, intervint Mehdi après s'être éclairé la voix, on a rien de trouvé de probant. Y avait une clé dans une boîte sur la commode dans l'entrée mais on sait pas ce que ça ouvre… Quelques factures… Des ordonnances qui datent d'il y a quelques mois… Sinon tout a l'air clean…
- Ok… On va faire le tour… annonça Candice.
- Moi j'vais aller voir si le voisin de gauche est là… »
La commandante acquiesça avant de laisser ses mains traîner sur les meubles. Déco minimaliste… se rappela-t-elle en hochant la tête. C'était peu de le dire… Les murs blancs ne s'ornaient même pas de photos, de tableaux ou d'affiches. Chaque pièce se distinguait par sa pureté et par sa simplicité.
« Elle était là depuis combien de temps ? demanda Candice à son adjoint.
- Euh… Je sais plus précisément… Au moins deux ans je crois…
- C'est dingue ! lâcha Candice stupéfaite. Elle a rien personnalisé du tout… C'est comme si…
- Elle voulait pas rester… compléta son second. »
Candice acquiesça, émue de cette cohésion. Pourtant, le temps filait et ils n'avaient toujours rien… Et la commandante s'agaçait...
« Bon ! lâcha Mehdi de retour de ses investigations, J'ai vu le voisin mais comme tous les autres… Rien de crousti… Émilie était sympa, polie… Il a jamais vu personne chez elle…
- Mais c'est pas possible… Elle avait bien des amis quand même ! pesta la blonde.
- Vous avez retrouvé son scoot ? demanda Nathan en débarquant dans le salon.
- Euh… Non ?
- Elle le garait toujours sur le parking… Un petit scooter bleu, type vespa…
- On va aller voir… Tu refermes Mehdi ?! »
En bas de l'immeuble, les trois policiers cherchèrent la trace du scooter bleu, en vain. Émilie ne possédait pas de garage, ni de box… Le véhicule devait forcément se trouver dans la rue. Ils étendirent leurs recherches dans les rues voisines mais ces investigations se soldèrent à nouveau par un échec. Les choses étaient simples, si le scooter bleu n'était pas chez elle, il était forcément à proximité de la scène de crime ou du Cubanos. Le reste de l'équipe se chargeait donc d'aller inspecter ces lieux. En attendant ils coupèrent court aux recherches montpelliéraines et rebroussèrent chemin jusqu'à la brigade sétoise. À peine la blonde avait-elle passée la porte cochère qu'elle croisa son homologue qui la salua d'un coup de tête.
« Vous allez où ?
- Ismaël vient de m'appeler, y a pas de scooter dans les environs de la scène de crime. Ils ont ratissé tout le quartier… Je fonce au Cubanos avec Val.
- Ok… C'est sympa de prévenir… grommela-t-elle. C'est une cosaisine ou une saisine tout court ?
- On voulait vous épargner l'info en attendant de trouver un truc… Ordre du commissaire…
- Bah voyons… marmonna-t-elle alors qu'elle quittait la brigade ».
Ordre du commissaire… répéta-t-elle silencieusement avec énervement. Remontée, elle accourut dans le bureau d'Antoine qu'elle trouva vide. Elle pesta à nouveau avant de claquer la porte et s'isoler en salle de repos. Elle ouvrit le placard et récupéra un sachet de thé avant d'hésiter.
Un café… Ouais… C'est peut-être mieux un café… songea-t-elle en enclenchant le bouton de la machine.
« Alors ! Il paraît qu'il y a une belle blonde qu'est de retour ! s'exclama Nath à l'entrée de la salle de repos.
Candice sursauta, joignant sa main à son cœur.
- Putain t'es con… Tu m'as fait peur !
- J'suis désolée pour ta collègue…
- Ça va… J'suis résistante… répliqua-t-elle en s'installant à table face à Nathalie.
- Mais t'as minci toi, non ?
- Ouais… J'me suis remise au sport ! Conseil de mon thérapeute… Ça m'aide à me détendre et à penser à autre chose…
- Et bah ça te réussit en tout cas !
- Ah bah c'est sûr qu'avec ce qui vient de tomber… C'est plus 5 kilomètres que je vais devoir courir… J'fais carrément devoir faire un marathon là…
- Antoine ?
- Ouais… On s'est déjà pris la tête…
- Jusque-là tout va bien… On prend les mêmes et on recommence…
Candice haussa les épaules, résignée.
- Et cette thérapie alors ? T'y vois plus clair ?
- J'avance doucement… Mais c'est pas facile… osa-t-elle se confier.
- Je me doute… Mais t'es forte. T'es pas du genre à baisser les bras… Tu vas y arriver !
- J'espère juste que je fais pas tout ça pour rien…
- Non… Tu le fais avant tout pour toi. Tu verras ! Tu te sentiras beaucoup mieux après !
Candice acquiesça doucement.
- Puis la situation est compliquée… À distance j'arrivais à gérer mais… depuis que Perrin nous a imposé cette cosaisine là… c'est l'enfer…
- Comprends-le… C'était la seule solution pour que tu aies accès au dossier…
- Je sais mais… J'étais pas prête à le revoir tous les jours… Rebosser avec lui, tu te rends compte ?!
- Oui… Et je sais comment vous fonctionnez… Y a que vous pour réussir à résoudre cette enquête au plus vite… C'est ce que tu veux non ?
- Tu parles… Il a déjà demandé à sa chère Élodie de me tenir à l'écart de leurs recherches…
- Ah non Candice ! Me dis pas t'es jalouse ?!
- Moi jalouse !? protesta-t-elle. Nan… Mais elle a intérêt à se tenir à distance quoi…
- Sinon… Elle aura affaire à toi, c'est ça ?!
- Hum… Ils sont proches tous les deux ?
- J'en sais rien... Je pense pas...
Candice fit la moue, boudeuse.
Allez ! Puis vous êtes adultes et vous savez faire la part des choses…
- Sauf que y a les souvenirs… et mine de rien… ça fait mal de voir qu'on n'est plus rien l'un pour l'autre…
- Tu le revois quand ton thérapeute ?
- Dans quelques jours je crois…
- Bon ! Écoute on va se donner à fond pour résoudre cette enquête au plus vite et… tout redeviendra comme avant !
- Ouais… accepta-t-elle en souriant difficilement. Tu sais… J't'admire hein !
- Pourquoi tu dis ça ?
- Bah parce qu'avec Marquez ça fait quoi ? Presque 5 ans que vous êtes ensemble… Et ça a l'air super simple entre vous…
- Chaque histoire est différente Candice…
- En fait… J'crois qu'on s'aime trop pour s'aimer bien…
- J'ai pas compris… balbutia-t-elle perplexe.
- Laisse tomber… rétorqua-t-elle gênée en voyant Antoine se planter devant le pas de la porte.
- Salut… lâcha-t-il gêné. J'peux entrer ?
- J'y vais de toute façon… répliqua la responsable de l'IJ. J'ai encore du pain sur la planche ! expliqua-t-elle à sa collègue.
- Ok ! J'vais rejoindre Nathan… la suivit-elle avant de se retrouver face à Antoine. Enfin sauf si j'ai pas le droit… lâcha-t-elle en le toisant.
- Tu fais ce que tu veux… bredouilla-t-il.
- Exactement. Donc tu vois Antoine, la prochaine fois qu'un des membres de ton équipe part suivre une piste, ou déniche des infos… J'ai le droit d'être tenue au courant.
Antoine soupira, faisant le lien avec les directives qu'il avait donné à son commandant.
- C'était pour pas te donner de faux espoirs ! Je préférais… Je préférais attendre d'être sûr avant de…
- Et bah maintenant c'est pas la peine de prendre des pincettes… Sur ce…
- Pardon… marmonna-t-il pour la laisser passer alors qu'elle se décalait du même côté.
- Je…
- Ouais… conclut-il en s'immisçant dans la pièce à son tour après qu'elle l'ait détourné. »
Antoine ferma les yeux, inexorablement perturbé par cette soudaineproximité dont il n'était plus habitué. Ses souvenirs nocturnes lui vinrent en tête et le commissaire ne put s'empêcher de souffler. Pourquoi fallait-il que la situation soit si compliquée ?! Il aurait juste voulu une histoire simple… Vivre avec elle et la retrouver le soir après le boulot… Passer des week-end en amoureux, loin d'ici… Des repas en famille où tout le monde rigole… Peut-être même l'épouser pour lui jurer un amour fidèle et éternel… Sauf qu'Antoine Dumas n'avait pas choisi la plus facile. Alors il se résolut à prendre un décaféiné pour limiter le stress et s'enferma à nouveau dans son bureau, attendant des nouvelles de ses subordonnés.
. . . . .
« On a trouvé un agenda dans son scooter… s'exclama Vasseur en débarquant dans le bureau de son chef.
- Vous avez forcé l'ouverture ? s'étonna Antoine.
- Ouais…
- Tu vas me chercher Candice, qu'on en discute…
- Ok…
La commandante s'exécuta et redébarqua dans le bureau avec ses deux collègues de Montpellier.
- C'est ça ? demanda Candice en usurpant l'agenda rouge des mains d'Antoine.
- Sur la première page c'est écrit « mimille » …
- Ça te dit quelque chose ? demanda-t-elle à Nathan.
- Non… C'est sûrement un surnom mais…
- Et à la fin y a un code… 2226… Impossible de savoir à quoi ça correspond…
- Vous avez vu les petites croix là ?
- Ouais y en a à certaines dates… Dont la date d'hier…
- Faudrait identifier ce qu'elle faisait à ces dates… lança hasardement Antoine.
- Ouais enfin ça peut être tout et n'importe quoi… La date d'un virement, d'un rendez-vous, son cycle menstruel… Fin c'est vague quoi… rajouta le commandant Vasseur.
- Vous avez épluché ses comptes ?
- Marquez est en train de s'y coller… Tout le monde est mobilisé pour fouiller dans sa vie… D'ici demain matin on pourra dresser un tableau complet…
- Je retournerai au bureau demain matin pour regarder dans son bureau et dans son casier… On sait jamais… Je sais qu'elle mettait jamais rien mais bon…
- Ok… acquiesça Candice. Mais cet agenda… Dans son scooter… C'est pas anodin…
- Tu penses à quoi ? demanda Antoine.
- Je sais pas… Le scooter on l'a retrouvé devant le Cubanos, elle a fait une croix à la date d'hier. Donc elle a eu le temps de marquer cette date comme importante avant d'entrer au bar… Pourquoi ne pas avoir laissé l'agenda chez elle, et l'avoir marqué après ?!
- La croix précédente date de quand ? l'interrogea le commissaire en se levant de son fauteuil à son tour.
- Le 21 août... C'était un lundi…
- Y a eu un truc particulier ?
- Non ! La fin du mois était calme. Ce jour-là on a juste eu une mère paniquée à cause de la disparition de son ado mais le gosse avait fugué. On l'a retrouvé hyper vite.
- Et bah… T'as une de ces mémoire…
- Y a des jours comme ça qui marquent plus que d'autres… répondit-elle en fixant durement Antoine.
- Pourquoi tu dis ça ? s'étonna Nathan.
- Parce que… Ce jour-là je me souviens très très bien… On a résolu l'affaire du gamin en un clin d'œil… C'est même Émilie qui l'a rapporté à ses parents. Quand elle est revenue, elle m'a trouvé dans la salle de repos et on a discuté un peu…
- Vous aviez parlé de quoi ?
Candice tiqua et détourna le regard vers la fenêtre.
- Rien de ce qui concerne l'enquête…
- Dis toujours ! On sait jamais… lança Antoine.
- J'étais pas bien parce que... je sortais d'un interrogatoire musclé et... mon... mon amoureux venait de me quitter… Elle a tout de suite vu que ça allait pas… Et pour me remonter le moral elle m'a proposé de sortir le soir.
- Vous y êtes allées ?
La blonde acquiesça.
- Elle m'a emmenée dans un bar sur la plage à Sète. J'y étais jamais allée… Elle semblait connaître du monde…
- C'était où ? demanda le commissaire.
- C'était une paillotte que j'avais jamais testée. Comme on va toujours au Cuba Libre…
- Bon. Et là-bas ? Tu te souviens de quelque chose en particulier ?
- J'sais plus… Y avait du monde, y avait une soirée dansante… Puis on avait pas mal bu… On s'est fait offrir des cocktails par des mecs que je connaissais pas… On a discuté avec eux et après on a dansé…
- Vous êtes rentrées comment ? demanda le lieutenant de Montpellier.
- On est pas rentrées ensemble. Je tiens moins bien l'alcool qu'elle… et j'ai quitté le bar pas mal alcoolisée.
- Seule ? continua Antoine qui avait peur de la réponse.
- Euh… Nan… avoua-t-elle. Un des mecs qu'on a rencontrés a payé le taxi et m'a raccompagné chez moi. Je me souviens qu'elle m'a gueulé dessus parce que je partais trop tôt…
- Faudrait peut-être qu'on aille voir là-bas directement non ? On sait jamais s'ils se souviennent de quelque chose ou s'ils la connaissent…
- Ouais… Il est quasi 19h… À cette heure-là, ça doit être ouvert… acquiesça durement Antoine. Allez-y avec le capitaine Rinsson !
- Ok ! On vous tient au courant »
Penaude, Candice s'était assise sur sa chaise, tête baissée. Antoine l'observait, déçu par ce qu'il venait d'entendre. Une fois n'étant pas coutume, la blonde avait encore fait n'importe quoi… Il la vit relever la tête et deux yeux bleus se posèrent sur les siens.
« Donc en fait t'as pas pu t'en empêcher c'est ça ?
- Arrête… bafouilla-t-elle. J'étais pas bien… Je…
- T'étais mal donc t'es allée te consoler dans les bras d'un autre mec ?! Top… lâcha-t-il avec amertume en levant son pouce en l'air.
- Nan… Il s'est rien passé avec cet homme… Je...
- Ah ?! Donc tu le ramenais chez toi pour jouer aux cartes ?! s'indigna-t-il sarcastique.
- Ça va… C'est bon… Oui, ok, j'étais mal donc j'suis sortie. Oui j'avais bu et oui j'suis rentrée avec ce mec mais il s'est rien passé je te dis.
Antoine hocha négativement la tête, blessé.
Puis de toute façon, on était plus ensemble non ? Donc j'ai pas de comptes à te rendre…
- C'est vrai… confirma-t-il. Après tout, tu fais ce que tu veux… Avec qui tu veux… Ça m'est égal…
- Voilà ! déclara-t-elle en se levant avant de tourner les talons vers la sortie.
- Tu me donneras son nom…
- À qui ?! s'énerva-t-elle.
- Ton mec… Oui parce que tu comprendras qu'il faut qu'on vérifie deux/trois petites choses maintenant…
- J'ai pas son nom… J'ai pas eu le temps de lui demander… lâcha-t-elle provoquante avant de claquer la porte. »
Il souffla, agacé de cette situation. Il avait l'impression de revenir quelques années auparavant où ils devaient bosser ensemble en essayant de mettre de côté leur histoires personnelles. Mais comme à chaque fois, ils en étaient incapables et leurs animosités ne pouvaient s'empêcher de ressortir.
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