Bonjour, bonjour !

DISCLAMER : L'univers et les personnages ne m'appartiennent, malheureusement, pas.

C'est toujours un plaisir de voir que vous lisez, donc : Bonne lecture ! ^^


– Chapitre 22 – « Le casse-tête de Tsuranga », Partie 2


Elle ne se souvenait pas s'être jamais sentie aussi démunie. Et Graham ne l'aidait pas avec ses jeux idiots, même si c'était ce qu'il voulait, au contraire. De tous les jeux qu'il lui avait proposés, elle avait choisi le pendu, sans savoir à quoi cela correspondait réellement. Il s'avéra qu'il s'agissait d'un jeu où elle devait deviner les lettres d'un mot. Connaissant trop de langues différentes et donc trop de mots différents, elle avait négligé pendant un temps la langue natale de Graham, ce qui avait conduit à d'étranges propositions, selon lui. Alors elle s'était focalisée sur l'Anglais et à partir de ce moment-là, le calcul des lettres,

Ils étaient donc passés au mime. Là, encore, Missy n'arrivait pas à se mettre au niveau de Graham et ne proposait que ce qui était dans ses connaissances. Alors quand il avait tenté de lui mimer une pieuvre, elle avait proposé : « Dalek ». Puis, Graham avait proposé un Pictionnaire. Ils avaient abandonné après deux essais. Graham qui avait dessiné un cheval qui ressemblait plus à une table que Missy n'avait pas su deviner et Missy qui avait dessiné à la perfection un accélérateur de particules que Graham n'avait pas su deviner non plus.

– J'en ai assez, décréta-t-elle.

– Vous jouez à quoi sur votre planète ? interrogea Graham en s'asseyant sur un tabouret.

– Nos jeux favoris lorsque nous sommes enfants, c'est de faire des duels psychiques, sourit Missy en se rappelant qu'elle les gagnait tous.

– C'est quoi, ça ?

– C'est un jeu que l'on ne fait que lorsque l'on est enfant car à cet âge, nous ne sommes pas assez fort pour tuer l'adversaire. Nos esprits se combattent. C'est très amusant. Malheureusement, une fois à l'âge adulte nos capacités psychiques croissent encore davantage et nous ne pouvons plus nous servir comme jeu. Ce n'est plus qu'une technique de combat comme une autre lorsque nous provoquons quelqu'un en duel.

– Autre chose, peut-être ? tente le vieil homme.

- Oh ! Il y avait un jeu que nous adorions faire avec le Docteur ! Compter les molécules d'oxygène dans une pièce ! Au bout de dix minutes, celui qui a compté le plus de molécules d'oxygène gagne. L'astuce, c'est de ne pas oublier qu'il y a de l'oxygène caché entre des meubles.

Cette fois, Graham baissa les bras.

– Mais c'est pas un jeu, ça…

– Pas pour vous et votre intelligence limitée, c'est certain, rétorqua Missy incisive.

– Allez, il doit bien y avoir un truc ! persista-t-il en mettant cette pique sur le compte de l'accouchement imminent.

– Nous jouons de la musique, je joue du piano et du tambour, nous faisons de la sculpture pour nous détendre. Aussi de la peinture. Nous peinions un moment, un paysage avec de la peinture et ensuite, nous utilisons un cube de stase pour rendre la peinture en 3D, plus grande à l'intérieure.

– Génial, parce que je suis sûr qu'on doit avoir un piano quelque part dans ce vaisseau ou un cube de stase… ironisa-t-il.

– Ne soyez pas méprisant. On ne méprise pas un Seigneur du Temps, quand on est un humain. On est plutôt reconnaissant que le Seigneur du Temps ne nous méprise pas.

– Je vous suis reconnaissant d'avoir sauvé ma femme, mais certainement pas de me traiter avec civilité, se moqua le vieil homme avec un regard bienveillant. Enfin de manière générale, parce qu'en ce moment, c'est un peu plus compliqué.

Missy la fusilla du regard. Il était gentil, il voulait l'aider et il l'appréciait beaucoup, mais elle ne se sentait pas d'humeur à être agréable. Elle avait juste peur de ce qui allait arriver et elle ne voulait pas que Graham en fasse les frais. Avant qu'elle n'essaye de lui répondre, il dit :

– J'ai appris que vous vous souciez des problèmes de santé, mais je sais pas ce qui vous arrive vraiment. Le Docteur m'a rien expliqué, enfin pas tout.

Missy enfouie ses mains dans son visage. Si seulement le Docteur avait bien voulu s'occuper des explications à sa place… Mais non. D'après ce qu'elle savait, le Docteur ne s'était nommé qu'à Yasmin Khan. Et maintenant, elle devait expliquer la situation à Graham. Elle ne voulait pas le faire. Mais elle devait le faire.

– Comme vous le savez, j'ai des contractions de Talphao. Chez notre espèce, c'est le signe de mort imminente s'il ya accouchement par les voies naturelles.

– Mais vous vous régénérez, contredit Graham. Bon, je sais pas ce que ça fait la régénération, ni comment je le sens, mais je suppose que même si vous changez d'apparence, vous devenez pas non plus une toute autre personne. Je m'habituerai sans doute à votre changement.

– L'accouchement est un processus complexe pour une Dame du Temps. Ma biologie est mise à rude épreuve et mes capacités régénératrices sont plus qu'aléatoires.

– Ok, alors…

– Graham, le coupa Missy avec autorité. Je vais mourir en mettant ma fille au monde si je ne me trouve pas sur Gallifrey à ce moment-là. Et ça semble compromis. Donc vous devez vous préparer à ce qui va se produire.

Le vieil homme baisse les yeux. Il avait envie de pleurer, mais il ne voulait pas le faire devant Missy. Elle parlait avec un tel calme. Elle était si ferme dans ses propositions. Elle était si forte. Il ne pouvait pas se laisser aller en étant moins fort qu'elle, alors que c'était elle qui allait mourir. Même s'il ne supportait pas l'idée de la voir mourir.

– Je suis sûr que le Docteur trouvera un moyen de vous sauver. Je vous ai vu faire des merveilles, toutes les deux. Vous avez ramené ma femme à la vie. Vous nous avez fait sortir d'une planète plus que mortelle. Vous…

– Arrêtez, s'il vous plaît.

Les mains de Missy se crispèrent sur la couverture. En plus d'une nouvelle contraction, maintenant, elle ne cessait de penser à toutes les prouesses dont son espèce était capable et qui, pour l'instant, étaient hors de leur portée.

Graham ne l'écouta pas et continua d'exprimer ses espoirs, sa conviction qu'elle survivrait, qu'elle ne pourrait pas mourir et que le Docteur la sauverait, comme Missy avait sauvé sa femme. La Dame du Temps ne savait plus quoi faire pour le faire taire, alors elle resta silencieuse. Mais plus elle restait silencieuse à entendre parler d'espoir, de ne pas se laisser abattre, de ne pas être fataliste, plus ses envies de meurtre la représenter à la gorge. C'était saisissant. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ressenti une telle envie, un tel besoin. Il fallait qu'elle éloigne Graham avant de faire quelque chose qu'elle regretterait.

– Pourriez-vous aller chercher le Docteur ? dit-elle calmement, le coupant une nouvelle fois. Mes contractions sont de plus en plus rapprochées. Je voudrais qu'elle accepte que tout va bien.

Graham lui offrit un sourire chaleureux, hocha la tête et sortit de la chambre.

Missy attendit quelques minutes avant de trouver le courage de se lever. Elle devait faire quelque chose. Quelque chose a choisi pour oublier tout ce qui était en train de se passer. Elle marcha autour de son lit, craignant de nouvelles douleurs.

Ce jour aurait dû être le plus beau jour de sa vie. Tenir sa fille dans ses bras, la serrer fort, voir ses yeux s'ouvrir. Découvrir s'ils étaient identiques aux siens ou à ceux du Docteur. Voir si le bébé allait naître roux comme ce dont le Docteur rêvait sans oser jamais le patient à voix haute. Ce serait son bébé, son ange. Et elle allait mourir en la mettant au monde.

Mais il y avait une chose qu'elle craignait par-dessus tout. Une chose qui rendait à la fois sa marche plus difficile et plus pressante. Que lui arriverait-il après sa mort ? Quand ses cœurs cesseraient de battre… Quand elle ne respirerait plus… Allait-elle mourir définitivement comme n'importe quelle Dame du Temps ? Allait-elle une nouvelle fois goûter à la paix ? Ou aurait-elle à nouveau la visite de la Mort ? Oui, elle savait qu'elle reviendrait. Elle savait qu'elle risquait de survivre à ça. Elle savait que dès que le Docteur ne serait plus près d'elle, elle serait vulnérable. Elle ne pourrait plus éviter à la Mort, elle serait au cœur de son royaume.

Elle avait peur. Elle avait peur de mourir et de ne jamais pouvoir admirer son enfant. Elle avait peur de la Mort et de devoir revenir… de devoir… refaire du mal. Elle avait déployé tellement d'efforts pour rester près du Docteur, pour ne tuer personne depuis plus de soixante ans. Même si elle avait affirmé le contraire au Docteur, elle ne pouvait pas supporter l'idée de redevenir simplement le Maître.

Elle sentit immédiatement la colère étreindre ses cœurs. Cette colère. Cette fureur, elle ne l'avait plus ressentie depuis des décennies. Elle ne pourrait pas voir sa fille grandir. Elle ne pourrait pas s'occuper d'elle. Comme pour sa fille aînée, mais cette fois le problème était inversé.

Oh, elle était en colère. Elle avait besoin de supporter cette colère. Comment devait-elle soulager ça, déjà ? Elle avait oublié. Elle était furieuse. Comment faisait-elle avant ? Elle était le Maître. Elle tuait. Elle tuait parce que ça pouvait la soulager, ne serait-ce que pendant quelques secondes au moins. Elle avait besoin de reculer. Même si c'était éphémère. Elle ne voulait plus ressentir cette colère. Elle en avait assez d'être en colère. Elle avait besoin de… tuer… à nouveau. Elle avait besoin de quelques instants de paix.

Elle sortit d'un pas précipité de la chambre, espérant que le Docteur n'avait pas encore rassemblé tout le monde.

Juste quelque chose pour oublier tout ce qui était en train de se passer.


– Trop rapide pour être mérité. Trop toxique pour être touché sans protection. C'est un vrai casse-tête, ce truc, s'agaça le Docteur en regardant le Pting – symbolisé par un point rouge – se déplacer sur le plan du vaisseau.

Mabli l'avait emmenée dans la salle de contrôle pour lui montrer les systèmes et les cartes. La blonde n'avait que modérément consenti à laisser Missy seule avec Graham. Elle n'y était arrivée que parce qu'elle avait conscience que sa présence énervait Missy plus qu'autre chose et que celle de Graham était plus apaisante pour une raison qu'elle ne voulait pas.

– Il va tous nous tuer, déclarer Mabli, paniquée.

– Oh… Mabli, vous allez vite en besogne. J'ai dit casse-tête, pas peine de mort, contre le Docteur. C'est vrai… que c'est un vrai défi et… je ne connais pas encore la solution, avoua-t-elle, moins confiante. Mais c'est la vie. C'est comme pour la médecine. Un patient se présente à vous avec un petit souci. Vous étudiez son petit souci et vous y apportez une solution. Ça, là, c'est pareil. Un petit souci que l'on doive diagnostiquer. Un médicament que l'on doit administrer. Vous êtes médecin. Je suis le Docteur.

– Un docteur en médecine ? interrogea Mabli avec une lueur d'espoir.

– Ben, en médecine, en sciences, en ingénierie, en barbe à papa… en lego, philosophie, musique, problèmes en êtres vivants, en espoir. Oui, surtout en espoir.

– Faut vraiment faire un effort pour voir de l'espoir ici.

« Sans espoir. Sans témoin. Sans récompense . »

– Il va pas se présenter comme ça, rétorqua la Dame du Temps avec gravité. Il va falloir un petit peu d'imagination. Imaginez la solution et les faits en sorte d'en faire une réalité. Le monde entier avance au rythme de l'imagination.

- D'accord ! Qu'est-ce que vous imaginez en ce moment ?

– Ben je… En gros j'imagine que cette créature est partie de ce vaisseau. Et pour être plus précis, j'essaye d'imaginer la réponse à la question suivante : qu'est-ce qu'elle veut ?

– Elle veut fatalement quelque chose ?

– Tout être vivant, du plus gros au plus petit, veut quelque chose, explique Dottie. De la nourriture, qu'on l'aide à survivre, la paix…

– Mais la première a choisi qu'elle a fait, ça a été de tuer Astos. Elle doit demander de vouloir tous nous tuer, paniqua la jeune médecin.

Mais le Docteur ne s'attarde pas sur son angoisse. Elle n'avait pas le temps de la calmer. Elle avait déjà de nombreuses choses à gérer sans avoir besoin d'une autre personne. Sa priorité principale restait de garder Missy en vie jusqu'à Gallifrey. Elle remarqua quelque chose sur la carte spatiale derrière Mabli.

– Vous savez, il y a un moyen plus rapide de retourner sur Rhésus I. Pourquoi on fait tout ce détour ? murmura-t-elle, pensif.

– Pour éviter le champ d'astéroïdes. Il se déplace à toute vitesse autour de nous. Ils sont imprévisibles.

La luminosité baissa, se teinta de rouge, et une alarme se fit à nouveau entendre dans toute la salle.

– C'est quoi, ça ? s'inquiéta le Docteur.

– De mauvaises nouvelles, répondu Mabli en s'approchant d'un écran. Cet aéronef est équipé de plus de 5000 capteurs différents qui retransmettent les données en permanence à Rhésus I. Là-bas, ils contrôlent tout. Dedans et dehors. Ils doivent conserver que l'itinéraire est sans danger et qu'il n'y a aucun élément hostile ou microbien à bord. Et là, les systèmes ont détecté le Pting. Ils nous demandent de confirmer ou bien de nier l'information. On ne peut pas se permettre d'amener une telle créature sur Rhésus I. Ils ont des milliers de patients vulnérables.

– Et si on confirme qu'il est à bord ?

– Ils vont nous conseiller l'évacuation.

– Mais l'évacuation est impossible !

– Ils provoquent l'arrêt structurel à distance. Ils détruiront notre vaisseau.

Pourquoi fallait-il nécessairement que tout passe par une destruction massive ? Pourquoi le monde… que disait-elle ? L'Univers ! Pourquoi l'Univers marchait-il ainsi ?

– Évidemment, murmura-t-elle en se penchant pour faire disparaître le message. C'est bon, dit-elle une fois cela fait. Tout Va Bien.

– On peut pas continuer à faire ça. Après trois démentis, ils vous croiront plus. Il y aura une détonation préventive.

– Ah super ! Mais qui a conçu ça ?! Donc ce vaisseau peut être détruit soit par cette créature, soit à distance par Rhésus I ?!

C'était si frustrant !

Comme si la situation n'était pas déjà assez pénible ! Mademoiselle ! Le bébé ! Le Pting ! Rhésus I !

– C'est ça.

– Raaah…

Tellement frustrant !

– Sincèrement désolée.

Sous le coup de la colère et de la panique, le Docteur faillit répondre à Mabli que ses excuses n'allaient pas les sauver, mais elle se contenta de répondre en passant une main sur ses côtes toujours un peu douloureuses :

– C'est pas ta faute, Mabli. C'est pas votre faute.

– Je sais pas ce qui m'inquiète le plus. Le Pting ? La mort d'Astos ? La bombe ? Notre prochaine mort à tous ? Ou votre amie ? Fit le médecin en agitant ses mains comme si ça pouvait l'aider à se calmer.

– Missy n'est pas dangereuse.

– Vraiment ? Parce que jusqu'ici, aucun patient ne m'a jamais regardé ainsi alors qu'il essayait de m'étrangler !

– Elle est sur les nerfs à cause de l'accouchement.

– Non, j'ai déjà fait accoucher des femmes, des hommes et jamais on m'a broyé la trachée.

– Oui, mais si elle avait vraiment été une menace, elle aurait supprimé toute personne potentiellement… nuisible pour elle.

– Elle est faible en ce moment avec la mine sonique et la grossesse, persista Mabli qui trembla sans effroi en se rappelant la force avec laquelle Missy s'était accrochée à son cou.

– Croyez-moi, ce n'est pas ça qui l'aurait arrêté si elle avait souhaité tuer des gens.

– J'suis pas convaincue.

– Il le faudra bien parce qu'il se peut que vous deviez la faire accoucher si on n'atteint pas rapidement Rhésus I.

– Vous n'êtes pas censé être médecin ?

– Plus ou moins, mais j'ai pas pratiqué d'accouchement depuis mes 800 ans.

– Depuis quoi ?!

– Laissez tomber. Missy ne vous fera plus rien, j'y veillerai personnellement.

Enfin en tous cas, elle l'espère. Elle espérait vraiment pouvoir être sur tous les fronts en même temps et aider Missy, même si cela lui semblait peu probable avec tout ce qu'elle avait encore à faire pour sortir ce Pting du vaisseau. Elle ne pouvait qu'espérer que la colère de Missy s'était apaisée et qu'elle n'accoucherait pas aujourd'hui. Ce qui était fort peu probable car elle avait des contractions et avait même perdu les eaux, en plus de perdre du sang.

– Attendez ! À quelles fréquences sont espacées les demandes de confirmation ? interrogea la blonde dans un éclair soudain de lucidité.

– J'en ai pas la moindre idée, désolée.

– J'aurais parié, soupira le Docteur en passant une main sur son visage.

Bon, elle devait vite rejoindre la salle de diagnostic car son temps semblait limité, maintenant. À combien, elle l'ignorait, mais elle savait bien qu'elle ne pourrait pas continuer ainsi pendant très longtemps. Car ils n'étaient qu'à quelques jours de Rhésus I et ils voudraient nécessairement se débarrasser du vaisseau bien avant que le Pting soit proche de leur planète.


Graham soupira. Avec le Docteur qui courait partout et son temps passé avec Missy, il n'avait pas pris le temps de se repérer dans le vaisseau hôpital. Et pire que tout, chaque couloir, chaque porte se ressemblaient et il n'y avait aucune indication. Il devait trouver la salle de diagnostic parce que c'était là que se trouvait le Docteur.

Lorsqu'il y arriva au bout de nombreuses minutes qui lui semblèrent être une éternité car il était sûr d'avoir tourné en rond pendant un long moment, il se retrouva face au Docteur qui était sur le point de sortir en trombe, suivi par plusieurs personnes.

– Qu'est-ce qui se passe, Graham ? demande-t-elle.

– Euh… Missy veut vous voir. Elle dit qu'elle a des douleurs plus fortes et voulait que vous…

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que le Docteur s'était déjà mis à courir. Il la suivit avec Yaz et avec grande difficulté. À chaque nouveau tournant, il la voyait disparaître à nouveau, mais au moins, il n'était plus aussi perdu qu'à l'aller. Quand il arrive en sueur avec une respiration difficile, les mains sur les genoux pour reprendre son souffle, il remarque que le Docteur était figée dans la pièce. Il lança un regard au lit.

Il était vide.

– Graham, restez dans la chambre au cas où elle revienne, ordonna le Docteur. Moi, je vais la chercher.


Tout le monde prétendait que mettre un enfant au monde, créer une nouvelle vie était la chose la plus merveilleuse au monde. Missy n'était pas d'accord. Mettre un enfant au monde était un véritable supplice. Les douleurs, la respiration difficile, les jambes tremblantes. Elle glissait sur le sol, appuyée contre le mur, plus qu'elle ne marchait réellement. Quelqu'un sort d'une pièce.

– Mademoiselle, veuillez retourner dans votre chambre. Vous n'êtes pas en état… a commencé Mabli.

Missy leva alors les yeux sur la jeune médecin. Que faisait-elle ici ? N'était-elle pas en salle de diagnostic avec le Docteur ? Si elle ne l'était plus, alors le Docteur non plus. Mais elle sortait d'une chambre, alors peut-être qu'elle avait dû en sortir plus tôt à cause d'un patient.

– J'ai quelque chose choisi à faire, murmura la difficulté Dame du Temps avec.

– Ah, vraiment ?

– Oui, elle a répondu en serrant son mini poignard dans sa main, à l'intérieur d'une de ses poches.

Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait qu'elle pouvait la tuer. Elle était jolie, innocente. Ce serait si facile.

– Vous n'avez à vous préoccuper de rien d'autre que de votre accouchement, répliqua le médecin.

Ce serait si facile. La tuer là, maintenant. Même enceinte et faible, elle savait qu'elle pourrait la tuer si l'envie lui en prenait. Et l'envie était toujours là. Elle se sentait toujours furieuse. Elle ressentait toujours ce besoin pressant de mort.

Mais ce serait si facile. Cette petite a choisi le visage à elle était si fragile. Ça n'avait rien d'amusant. Elle était en colère. Elle ne voulait pas s'amuser. Elle voulait montrer sa rage dans cette mort. Elle ne voulait pas quelque chose de si facile.

Mais elle parait si innocente. Si parfaite. Comme un ballon qu'on explose avec une simple et fine petite aiguille. Quelque chose a choisi de si beau qui fait « boum ». C'était si satisfaisant. Peut-être que ce serait aussi satisfaisant de voir cette stupide créature voler en éclat…

Celle qui s'était faite appelée le Maître pendant des siècles s'approchait et au vu de l'expression de Mabli, elle pouvait dire qu'elle faisait peur. Missy était presque sûre de sentir un sourire se dessiner sur son visage. Un sourire effrayant sans doute.

– Madame, veuillez retourner… dans votre chambre, articulez le médecin d'une petite voix.

Elle n'était plus qu'à un mètre de la jeune femme qui essayait toujours de la raisonner. Elle sort sa main de sa poche, poignard en main. C'était celui qu'elle avait utilisé pour forcer son incarnation précédente à se régénérer. Les yeux de Mabli s'écarquillèrent d'horreur.

C'était si facile. Un égorgement ? Sanglant, mais trop rapide. Être poignardée ? Mort douce et soit trop rapide soit suffisamment lente pour lui donner une chance de survie. Le poignard était sanglant, mais pas assez violent. Peut-être l'étrangler ? Elle pourrait essayer de se débattre ? Ce serait plus cathartique que le poignard.

Une silhouette se dessina derrière Mabli. Ryan. Il la fixe avec horreur.

– Mademoiselle ?! retient une voix sévère, mais pas celle de Ryan.

L'ancienne maîtresse du chaos se retourne et vit le Docteur et Yaz. Sous le coup de la surprise, elle laissa tomber son poignard.


Retourner dans sa chambre avait été encore pire que d'en sortir. Bien qu'elle soit soutenue pendant tout le trajet par le Docteur, les contractions étaient encore plus douloureuses et elle jurerait qu'elles étaient moins espacées. Le silence était oppressant. Le Docteur avait un visage neutre, fermé. Et Yaz se réserve le plus loin possible d'elles, sans doute par peur.

Elles arrivèrent finalement dans la chambre où Graham se jeta sur elle pour aider le Docteur à la remettre au lit.

– Qu'est-ce qui vous a pris de sortir comme ça ? J'étais déjà parti chercher le Docteur, vous auriez dû rester au lit, la sermonna-t-il.

Missy esquissa un faible sourire amusé. Visiblement, il n'avait pas compris qu'elle avait voulu l'éloigner, le protéger d'elle en l'envoyant chercher le Docteur. La confiance qu'il plaçait en elle était adorable. Parfois, exaspérante, mais souvent adorable.

Missy savait qu'elle ne pouvait pas échapper à cette conversation, alors autant l'expédier le plus vite possible. Mais alors qu'elle s'était attendue à la colère et des réprimandes, le Docteur arborait un visage parfaitement neutre. Néanmoins, elle ne la regardait pas le moins du monde, contrairement à ses habitudes.

– Graham, Yaz, sortez, ordonna le Docteur, une fois que Missy fut mise au lit. Je dois parler avec Missy en privé.

– Pourquoi ? interrogea Graham, inquiet.

– Faîtes ce que je vous dis, c'est tout, persista le Docteur d'une voix froide.

Elle ne voulait pas mêler ses compagnons à cette histoire. Yaz l'était déjà suffisamment, alors que c'était entre Missy et elle.

Les deux Humains hochèrent la tête et sortirent, même si Graham était très mécontent de se faire parler comme ça. Une fois dehors, le Docteur posa l'arme qu'elle avait récupérée sur le sol quand Missy l'avait fait tomber. Mais elle ne la regardait toujours pas.

– Vous m'avez rendez-vous ? s'étonna la rousse.

- Pourquoi pas ? Je vous sais capable de faire un vrai massacre ici, même sans cette arme, répondu le Docteur d'un ton égal.

Missy attrapa le poignard et le posa sur ses genoux en l'observant d'un air amusé.

– Pour autant, ça ne vous ressemble pas de me faciliter la tâche, dit-elle.

– Vous voulez vraiment plaisanter à ce sujet ?

– Je suppose que c'est maintenant que vous allez m'abreuver d'un bon discours moralisateur et humaniste. Quand comprendrez-vous qu'il ne sert à rien de faire appel à mon humanité car contrairement à vous, je n'ai aucun gène humain ?

Le Docteur baissa les yeux, mal à l'aise. Jusqu'à présent, elle n'avait connu qu'une seule vie, une seule incarnation qui n'hésitait pas à confier son héritage terrien : le Huitième Docteur. Encore qu'il ne l'eût fait qu'une fois et qu'il était encore sous le choc de la Régénération. Une Régénération particulièrement douloureuse et déroutante grâce à un plan bien conçu du Maître.

Missy ferma les yeux quelques instants en percevant les pensées de son amie d'enfance. Elle n'aimait pas se repenser à cette période. C'était si près de Perfugium.

– Je vois pas ce que je pourrais vous faire comme discours humaniste, reprenez le Docteur avec calme. Après tout, c'est ma faute. Vous êtes fragile. Vous vous êtes montrée particulièrement sensible pendant la fin de votre grossesse, mais j'aurais dû comprendre que c'était juste un contrecoup. J'ai oublié pendant quelques temps que vous avez retenu été le Maître parce que vous n'avez réalisé que de bonnes actions et…

– Je vous remercie pour votre soutien, cassa Missy. Je dois bien reconnaître que ma grossesse m'a rendu plus sensible à certaines choses, mais j'ose espérer que si je n'avais pas été enceinte, je me serais quand-même abstenu de massacrer tout le monde.

– C'est pas ce que je voulais dire.

– Mais c'est ce que vous avez dit. Vous avez oublié que j'étais le Maître et maintenant que je vais accoucher, vous vous en souvenez et vous serez encore plus justicier, c'est ce que ça sous-entend, n'est-ce pas ?

– Je vais pas m'excuser d'être plus justicier à l'avenir, protesta le Docteur. Mais je vous traiterais pas non plus comme un monstre que je dois garder attaché à tout instant. Maintenant, je vous fais assez confiance pour savoir que vous ne ferez rien de mal.

– Je crois que vous avez une pierre mémoire étant donné ce que vous m'avez vu essayer de faire, remarqua la rousse, le regard hautain.

– Je sais ce que j'ai vu et je l'ai pas oublié. C'est juste que je suis pas assez stupide pour penser que ça n'a rien à voir avec votre accouchement imminent.

– Donc vous avez tout compris ? Vous avez toutes les réponses ?

Un faible sourire étira les lèvres du Docteur, alors qu'elle répondait quelque chose qu'elle avait déjà répondu à Bill en 1814 :

– Je ne connais pas les réponses. Seuls les idiots connaissent les réponses. Alors vous voulez m'expliquer plus précisément ?

– Je ne vois pas ce qu'il y a de plus à dire, rétorqua Missy en haussant les épaules. Vous avez déjà compris le principal. C'est en rapport avec mon accouchement imminent.

– Parce que vous… êtes en colère ou que vous avez peur ? interrogea la blonde, indécise.

– Je suis en colère et inquiet en ce moment. Et lorsque je suis en colère, c'est le moment où la Chose arrive à s'accrocher le mieux à moi donc j'ai envie de ressentir un peu de paix, mais après je suis encore plus frustrée parce que je dois faire ça pour me sentir mieux, mais comme je ne sais pas comment faire pour m'apaiser en dehors de ça, j'ai encore plus envie de tuer. Et ça devient un cercle vicieux. Est-ce que vous comprenez ?

Le Treizième Docteur hésita. Savait-elle ce que cela faisait ? Elle avait déjà tué, même sous le coup de la colère, mais ses compagnons avaient toujours su la retenir, l'empêcher d'aller plus loin. Elle ne tombait dans aucun cercle vicieux, même s'il lui arrivait de culpabiliser.

– Je crois pas avoir jamais vécu ça, avoua-t-elle.

– Vous m'étonnez, ironise Missy.

Elle savait très bien que le Docteur ne pourrait pas comprendre tout ce qu'elle ressentait. Elle était capable de comprendre bien des choses sur son amie d'enfance, mais certainement pas les meurtres. Le Docteur ne fonctionnait pas ainsi lorsqu'il était en colère. Alors comment fonctionnait-il ? Comment arrive-t-il à faire partir la colère ?

– Comment faîtes-vous pour apaiser la colère et l'inquiétude sans tuer ? questionna-t-elle.

Le Docteur soupira en détail approfondi.

– Je sais pas. C'est sûr que j'ai souvent été tenté de tuer, ça je peux pas le nier. Mais en général, je dirais que quand j'arrive à me retenir, à me ressaisir, c'est soit, grâce à mes compagnons, soit, grâce à mes valeurs, celles dont je vous ai parlé sur le fait que c'était ce qui me définissait et que c'était pour elles que je tomberai.

Missy se rappelle ce moment et une remarque acerbe lui vint. Sur le coup, en tant que Missy, elle avait été touchée, un peu blessée, mais touchée par le discours du Douzième Docteur. Mais en tant que Maître, elle avait juste ressenti de la tristesse et de la colère. Le Docteur avait visiblement oublié le nombre de fois où il était mort et à chaque fois, cela n'était que pour deux choses : le protéger ou le faire souffrir. C'était pour le Docteur qu'il tombera, pas pour autre chose et cela avait été horrible de réaliser que le Docteur ne l'avait pas encore compris.

– Tant mieux pour vous. Moi, je n'ai aucune valeur de ce genre, ni aucun compagnon.

– Vous vous entendez bien avec Graham.

– Il m'est juste reconnaissant d'avoir sauvé son épouse.

– C'est pas vrai, il vous affectionne beaucoup et je suis sûr qu'il pourra vous retenir quand vous en aurez besoin.

« Si ce n'est pas moi qui dois le retenir pour Tzim-Sha », songea Missy.

Mais le Docteur n'entend rien. Son amie d'enfance avait trop intériorisé.

– J'en doute… murmura-t-elle.

– Vous ne savez pas faire autrement ?

– Pourquoi aurais-je fait autrement ? Je suis le Maître. Tout le monde s'est toujours attendu à ce que je fais d'horribles choses.

La pensée d'Aila s'impose, mais elle la repousse le plus loin possible.

Passant à côté de la dernière remarque de Missy car son esprit s'était de nouveau concentré sur Bill, le Docteur se racla la gorge et commença :

– Je suppose que c'est aussi pour ça que…

Mais elle stoppa sa phrase en plein milieu.

– Que quoi ? demanda Missy dont la curiosité venait d'être piquée.

– Je me suis toujours demandé… Que s'est-il passé entre le moment où je vous ai débarrassé des tambours et Mondas ?

– Pourquoi vous voulez revenir sur cette malheureuse histoire ?

– Je ne veux pas vous accabler. Pas du tout même. Mais… quand je vous ai débarrassé des tambours, quand vous vous en êtes pris à Rassilon pour me protéger, vous sembliez si… J'ai eu l'impression à ce moment-là que je pourrais vraiment vous atteindre comme vous ne me le permettiez plus depuis longtemps.

- Oh…

Missy se raidit. Sa mâchoire se crispa. Elle n'aimait pas se souvenir de cette période. Parce qu'elle avait été soulagée pendant quelques heures de ne plus avoir les tambours dans sa tête, mais que cela était bien vite devenu un enfer. À ce moment-là, elle avait compris qu'elle ne supportait pas les tambours, mais qu'elle ne supportait pas non plus ce nouveau et douloureux silence. Elle avait toujours eu ce son dans la tête. Et ne plus l'avoir d'un coup, si violemment… C'était comme si on lui avait arraché une partie d'elle-même. Elle n'arrivait plus vraiment à se reconnaître sans ce bruit. Ça avait commencé à la rendre folle. Ce silence assourdissant.

Alors elle avait décidé de voler un TARDIS et de sortir de cet univers de poche. Elle avait réussi à passer au travers avec un certain nombre de dégâts. Elle était restée inconsciente plusieurs jours, le temps qu'elle-même et le nouveau TARDIS qu'elle avait volé se réparent. Puis elle avait essayé de retrouver le Docteur, en vain. Il bougeait toujours tellement partout et à toutes les époques. Elle n'avait jamais réussi à le retrouver.

Mais elle avait désespérément eu besoin de pouvoir se raccrocher à quelque chose. Alors elle avait fait la seule choisi qu'elle offrait possible sans le Docteur. Elle s'était remise à faire des horreurs. Après tout, c'était la seule chose dont elle était sûre à cette époque.

– Mademoiselle ?

– J'ai essayé de vous retrouver.

– Quoi ?

– Mais vous bougiez tout le temps, alors je n'y suis pas arrivée. Au bout d'un certain temps, j'ai arrêté de m'acharner. J'ai choisi la solution de la facilité.

– Comment ça, vous avez choisi la solution de la facilité ?

Les yeux de Missy étaient dans le vague, regardaient un point inconnu, invisible.

– Nous nous ressemblons. Nous sommes similaires en beaucoup de points, c'est certain, approuva Missy. Mais il y a quelque chose que vous ne comprenez pas, que vous n'avez jamais compris et que vous ne comprenez jamais.

La bouche du Docteur s'assécha. Elle avait peur que le sujet revienne sur la Mort.

- Qu'est-ce que c'est ? s'inquiéta-t-elle.

Missy plongea son regard clair dans celui plus foncé de son amie d'enfance et dit :

– La folie. Vous n'avez jamais compris ce qu'était la folie, Docteur. Pour vous, les tambours étaient une preuve de ma folie, alors que pendant toute ma vie, j'étais certain qu'ils avaient un sens, un but, qu'ils n'étaient pas là juste parce que j'étais fou parce que je sentais que c'étaient eux qui me rendaient fou. Mais vous, vous n'avez jamais compris ça et vous ne pourrez jamais comprendre.

– Maintenant, je sais que c'est la cause de votre folie et que Rassilon en est responsable, l'interrompt la blonde en repoussant une vague de colère à la mention de leur créateur.

Missy a coupé un sourire sans joie.

– Mais vous ne comprenez pas les conséquences. Pendant si longtemps, il n'y avait que ce son dans ma tête. D'abord, faible, puis de plus en plus fort. Ils étaient là et ne cessaient de se faire plus présents dans mon esprit, plus fort au point que le monde autour de moi commençait à perdre de sa force. À la fin de la Guerre du Temps, je n'entendais plus les cris, plus les pleurs, je n'entendais que les tambours à quatre temps et je combattais en rythme avec eux. Il n'y a eu que la Bataille du Cruciforme, vraiment horrible pour me ramener à la réalité. Mais les tambours avaient toujours été là. J'avais tant besoin de comprendre. J'ai passé tant de siècles à essayer de comprendre. Quand vous passez des siècles sur un simple objectif et qu'ensuite, vous comprenez et que la raison de votre folie disparait, ce n'est pas du soulagement que vous ressentez. Enfin, pas uniquement. Parce que même si ce son me rendait fou, il était là depuis toujours, j'y étais habitué. Alors quand je me suis retrouvé dans ce silence oppressant, j'avais l'impression de retomber à nouveau dans la folie. J'étais seul, sans rien. Et même si les tambours n'étaient plus là, je continuais de porter leurs fantômes en moi parce que je n'arrivais pas à supporter ce silence.

Missy réalisa qu'une larme avait coulé sur sa joue, mais elle s'en fichait, elle était uniquement devant le Docteur. Elle avait déjà pleuré devant le Docteur.

– Je suis désolée, reprit cette dernière. Mais quand vous avez disparu avec Rassilon, je pensais que vous avez reparti mourir dans la Guerre du Temps. Sinon, je vous aurais cherché.

Missy a coupé un rire jaune et ferma momentanément les yeux.

– Vous n'auriez jamais fait une chose pareille, Docteur.

– Bien sûr que si !

– Quand je vous ai dit que vous m'aviez sauvé, vous m'avez corrigé en disant : « J'ai sauvé Gallifrey ». Il est clair que vous n'auriez jamais fait le moindre pas vers moi, vu la façon dont vous vous êtes comporté lorsque nous nous sommes retrouvés en Douzième Docteur et Missy.

– Je devais être dur ! Vous projetez un plan démoniaque ! se défendit la blonde.

– Non, je vous ai dit que je voulais que nous redevenions amis. Pendant des siècles, c'est ce que je vous ai dit et vous m'avez repoussé. Après, vous vous étonnez que je ne veille pas de votre amitié quand vous daignez enfin vous souvenir que nous étions amis dans notre jeunesse ?

– Je vous ai toujours protégé des humains lorsque je déjouais vos plans. Je prenais votre défense auprès de UNIT

– Le fait est, Docteur, que vous ne m'auriez pas cherché. Jamais. Parce que je sais comment vous fonctionnez. Vous courrez. Vous fuiez. Vous êtes lâche.

Missy aurait pu frapper en plein visage, les choses n'auraient pas été pires.

– Et vous vous étonnez que je sois réticente à poursuivre une amitié dans laquelle je me faisais insulter parce que j'étais lâche et égoïste !

– Le fait est, que c'était le caAAAH !

Missy se tordit, mettant les mains sur son ventre. La douleur avait été encore pire que toutes les autres. Ça avait été comme un déchirement intérieur. Elle respirait difficilement et maintenant le Docteur était auprès d'elle, caressant sa main, un air de pure inquiétude sur le visage.

– Nous ne devons pas nous disputer. Ce genre de choses ne fait qu'accélérer le travail et c'est vraiment pas ce qu'il vous faut, décréta le Docteur.

Missy hocha la tête à contre cœur. Elle avait encore tant de choses à dire. Et elle ne voulait pas mourir une autre fois avant d'éclaircir certains points avec le Docteur parce qu'elle ne se sentait toujours pas en sécurité auprès de son amie, avec son amie. Mais elle ne pouvait pas risquer un peu plus sa vie et celle de leur fille. C'était toujours trop tard…

Incapable de parler, la gorge serrée, les yeux embués de larmes, le Docteur hocha négativement la tête et perçu les derniers mots dans la pensée de Missy, juste les derniers mots : « Toujours trop tard. ». Elle n'avait pas capté le reste, juste les derniers mots.

« Vous voulez voir ma ville, Docteur ?! Vous voulez voir ce qui se passe quand vous arrivez en retard pour sauver votre amie ?! Et tous les autres ! Vous voulez voir ?! Regardez ! »

Les paroles du Maître sur Mondas tournaient en boucle dans sa tête. Sur le coup avec la colère et la pression, elle n'y avait pas fait attention.

– Je suis désolée de ne pas arriver à tout comprendre, à tout savoir ou à être parfois trop lâche en ce qui concerne ma vie privée, murmura finalement le Docteur. Mais j'ai besoin de savoir autre chose.

Missy haussa un sourcil, surprise. N'avaient-elles pas déjà assez parlé ? Le Docteur ne lui avait-elle pas dit qu'elles ne devaient plus se disputer ?

– J'aimerai savoir ce que ça veut dire quand vous dîtes que j'arrive trop tard, que j'arrive en retard, à chaque fois.

Missy se mordit la langue. Son amie ne voulait vraiment pas la laisser se reposer en paix…

– Je suppose que ça veut dire que vous arrivez en retard ? propose-t-elle d'une voix égale, la plus désinvolte possible.

– En retard par rapport à quoi ?

– Je ne sais pas, soupira la rousse, agacée.

– Moi, j'ai pourtant l'impression que vous le savez très bien.

Missy se tortilla dans son lit. Elle n'aurait pas dû faire ça car cela lui provoqua de nouvelles douleurs au bas des rênes. Elle pourrait vraiment tuer quelqu'un, là, maintenant !

– Quand je suis… Quand… Je…

Mais Missy ne parvenait pas à trouver les mots justes. Entre sa position inconfortable, les douleurs et le sujet compliqué, elle ignorait complètement ce qu'elle pourrait fournir comme explication au Docteur. C'était son amie d'enfance. Des amies d'enfance devaient tout partager. Alors pourquoi elles, ne pouvaient rien partager ?

– S'il y autre a choisi que vous avez besoin de me confier, c'est le moment, tenta le Docteur. Je ne tiens pas à avoir mille révélations éparpillées sur des mois. Et je vous promets que je ne mettrais pas en colère. Nous ne nous disputerons pas.

– Il m'est arrivé d'être gentille, avança prudemment Missy. Par exemple, avant Mondas. Je n'avais fait de mal à personne et je suppose qu'à force de sentir que je devais faire quelque chose de mal pour vous retrouver, je me suis mis en colère parce que vous ne pouviez jamais voir ce que je faisais de bien et que nous ne pouvions jamais nous retrouver en paix. C'est pour cette raison que j'ai converti Bill. J'étais furieux de voir que vous pouviez avoir des amis et continuer pendant que je restais fixé sur vous et qu'en restant fixé sur vous, j'étais obligé de faire des choses horribles. J'étais en colère contre vous pour m'abaisser à ce niveau pour vous avoir à moi.

– M'avoir à vous ? répéta le Docteur, la bouche sèche. Je comprends pas.

– Pendant des siècles avant que vous ne vous décidiez enfin à combattre dans la Guerre du Temps, la seule manière que j'avais d'obtenir votre attention, c'était d'essayer d'envahir la Terre ou de la détruire. Pourquoi croire-vous que je ne cessais de vous rire au nez quand vous me harceliez pour que nous redevenions amis après la destruction de Gallifrey ? Vous n'aviez pas voulu à l'époque où j'en avais besoin.

Le Docteur se souvint d'une phrase que le Maître avait prononcé un soir où personne ne les entendait : « Ça marche pas comme ça, Docteur. C'est pas uniquement quand vous, vous avez besoin de moi. »

C'était le même sujet qui les avait fait se queureller tout à l'heure.

– Je suis désolé que…

Missy ne pouvait pas entendre à nouveau les excuses du Docteur. Elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas avoir de réponses, bien qu'elle le voulût désespérément. Elle avait mal à la tête. C'était trop compliqué. Elle ne pouvait pas se permettre de repenser à cela maintenant. Elle était déjà suffisamment inquiète et en colère.

Douleur ! Fils abdomen. Fils dos.

– Je suis désolée que… recommande le Docteur.

– AAAAH !

Missy se plia violemment en deux, les larmes aux yeux, interrompant la phrase de son amie d'enfance. Son ventre. Elle avait mal. C'était… horrible. Elle sentit le Docteur se placer derrière elle et l'enlacer en caressant ses bras lavés serrer contre son ventre.

– Respirez, Missy. Respirez, ordonna Dottie avec douceur.

L'ancienne maîtresse du chaos tente de reprendre une respiration plus calme. C'était tout ce qu'elle pouvait faire de toute façon. Au bout de quelques minutes, elle se détend un peu et se laissa aller dans les bras de son premier amour.

– Bien, murmura cette dernière en caressant ses cheveux. Nous reprendrons cette conversation plus tard.

– Vous savez aussi bien que moi qu'on ne pourra pas faire ça…

– Laissez-moi trouver un moyen de vous sauver, répondu le Docteur, plus comme une supplique adressée à l'Univers qu'à la mère de son enfant.


– Missy n'a pas réussi ! persista Graham, alors que Yaz venait de lui expliquer ce qui s'est passé.

– Elle utilisait un poignard, elle était très près de Mabli et tu aurais vu la panique sur son visage. Et le sourire de Missy. Même s'il s'est effacé quand elle nous a vu, j'ai eu le temps de voir son sourire. Et son respect ! Comme un prédateur jouant avec sa proie avant d'en faire son dîner.

– Bon, d'accord, on sait que Missy a des antécédents, mais le Docteur a dit que c'est terminé. Elle a dit que Missy ne présentait plus aucun danger. Et puis, Missy nous a sauvés, elle a sauvé Grace, alors qu'elle la connaissait à peine. Pour moi, c'est pas le comportement d'une psychopathe. Peut-être que sur le coup, elle était en colère ou paniquée et qu'elle a eu envie de commettre un meurtre, un peu comme l'expression : « Je crois que je vais commettre un meurtre ». Mais sur aucune preuve qu'elle serait allée au bout.

– Parce qu'avec le Docteur, on est arrivées à temps.

– Je suis sûr qu'elle aurait réussi à s'arrêter toute seule, ni l'ancien chauffeur de bus.

– C'est très mignon, la confiance que tu lui portes, Graham, mais je crois que t'es un peu aveugle en ce qui la concerne. C'est pas parce qu'elle a sauvé Grace que maintenant, elle est plus un danger pour personne.

– Elle n'a pas le comportement d'une psychopathe !

Le Docteur les interrompt en sortant de la chambre de Missy.

– Alors ? demanda Graham, inquiet.

– Elle a de nouvelles contractions, répondit Dottie d'une voix monotone.

Puis elle passe une main sur son visage. Elle commençait vraiment à se sentir très mal. Elle était perdue. Elle ne savait même plus par où commencer.

– Et… pour le reste ? osa enfin demander Yaz.

– Le reste ? Ah oui. Elle va essayer de contrôler ses instincts meurtriers. Mais j'aurais besoin que quelqu'un reste en permanence avec elle. En ce moment, elle a des pensées sombres et va bientôt accoucher. L'un de vous reste toujours avec elle.

– C'est pas dangereux ? Yaz s'inquiéta.

– Non, Yaz, répondu-elle avec une certaine froideur.

– Je m'en occupe, se propose Graham avec assurance.

– Merci. Je sais pas pourquoi, mais elle est moins à cran avec vous. Elle se sent plus apaisée quand elle est avec vous.

– C'est gentil, sourit le vieil homme.

– C'est surtout vrai. Par contre, une dernière a choisi.

– Oui ? dit-il.

– Tout à l'heure, elle vous a fait partir parce qu'elle avait des envies de meurtres et qu'elle ne voulait pas vous faire de mal. Ne vous y trompez pas. Si elle reste trop silencieuse et vous fixe en même temps d'un air pensif, il faut venir me voir.

– Pourquoi ?

– Vous vous inquiétez pas, je suis sûr qu'elle vous fera aucun mal. Elle vous adore.

Et elle le laissa planter là, dans la plus grande confusion. Yaz partit à sa poursuite.


– Docteur, appela Yaz dans un murmure, alors qu'elle l'avait rattrapé et qu'elles marchaient toutes les deux dans un couloir.

La blonde hocha la tête, signifiant à l'agent de police qu'elle pouvait continuer.

– C'est au sujet de Missy. Je suis inquiet, révélant-t-elle.

– À quel sujet ? Parce qu'elle a failli tuer quelqu'un, ou parce qu'elle risque de mourir en mettant le bébé au monde ?

– Les deux.

Le Docteur se mordit la lèvre inférieure. Elle manifeste l'inquiétude vis-à-vis de la dangerosité de Missy. Elle manifeste l'inquiétude vis-à-vis de sa mort prochaine. Mais elle ne se sentait pas capable d'expliquer ou de réconforter Yaz, alors qu'elle-même se sentait perdue, comme noyée dans un océan d'incertitudes et d'angoisses. Comment était-elle censée rassurer Yaz dans un état pareil ?

– Docteur… Qu'est-ce qui s'est passé ? Et qu'est-ce qui va se passer ?

– C'est… compliqué.

– essayer quand-même de m'expliquer, persister la jeune femme.

– Missy a passé la plus grande partie de sa vie à faire du mal. Des siècles entiers. Quand elle était en colère, avant… elle était habituée à passer ses nerfs sur quelqu'un. Et en ce moment, elle est en colère. Elle est en colère comme elle ne l'avait plus été depuis que je l'ai rencontrée sous l'apparence de Missy.

– Donc si je comprends bien, elle a voulu faire ce qu'elle avait l'habitude de faire pour se calmer ?

– C'est ça.

– Et c'est… est-ce qu'elle est vraiment dangereuse ?

– Je ne pense pas. En tous cas, pas pour vous. Elle vous connaît et vous affectionne un peu.

Là, le Docteur extrapolait. Elle savait que Missy pouvait se retenir pour Graham, pour une raison qui la dépassait totalement, mais elle n'avait aucune idée de l'attitude qu'elle pouvait adopter vis-à-vis de Yaz et Ryan.

– Alors pourquoi vous avez dit à Graham qu'il fallait la laisser seule si…

– Je devais être prudente. Je ne pense pas qu'elle s'en prendrait à vous, mais je sais aussi ce que la colère peut faire à quelqu'un.

– Comment pouvez-vous lui faire confiance tout en nous disant de nous méfier ? lança Yaz avec incompréhension.

– Non, je vous ai dit qu'il était probable qu'elle réagisse de cette manière et que, dans une telle situation, Graham devait venir me voir. Je prends en compte toutes les possibilités, ça ne veut pas dire que je sais que Missy essaiera de vous tuer dans quelques minutes.

– Mais vous avez dit qu'elle n'était pas stable.

– Parce qu'elle n'est pas stable, approuvée le Docteur.

– Alors comment vous pouvez être sûr qu'elle ne nous fera aucun mal si elle est instable et donc qu'on ne peut pas anticiper ses prochaines actions ?

– J'ai foi.

– En Missy ?

– En son bon côté.

– Mais vous pensez que son bon côté saura contrebalancer son côté sombre ?

La Dame du Temps baissa les yeux. Elle ne pouvait que l'espérer. Elle ne connaissait pas exactement les dommages d'une vie entière dédiée au chaos, mais elle était sûre que cette vie lui laisserait des cicatrices qui ne disparaîtraient jamais. Et la Mort… Si la Mort ne laissait jamais non plus, alors cela voulait dire que l'obscurité avait toutes les chances de s'opposer à son bon côté. Mais la volonté de Missy et ses derniers actes n'étaient-ils pas déjà un signe en soi que son bon côté ne pourrait jamais disparaître complètement au profit des ténèbres ?

– Vous ne répondez pas ? Est-ce que ça veut dire non ?

– Je réfléchissais…

– Et quelles conclusions en avez-vous tirées ?

– Que son bon côté contrebalance déjà son mauvais côté. Elle n'a failli s'en prendre qu'à une seule personne depuis plus de soixante ans. Ça reste une excellente évolution, un excellent parcours pour le Maître… pour un monstre qui a même été jugé comme criminel et ignoble par des abominations, par le mal.

– Des abominations ?

Yaz fronça les sourcils. « Abominables » ? « Le mal » ? Elle était sûre de connaître à quelle espèce ces termes étaient rattachés. Elle était sûre que Missy et le Docteur avaient déjà utilisé ces termes pour décrire une espèce.

– C'est… les Daleks ? tenta-t-elle, gênée.

– C'est ça. Et pour que même des Daleks se mettent à faire un procès à quelqu'un pour ses crimes à l'encontre de l'Univers, je vous laisse imaginer… Enfin non, vous ne connaissez pas les Daleks. Vous ne pouvez pas vraiment cerner l'ampleur de la chose.

– D'après ce que j'ai compris, d'autres monstres vraiment ignobles ont jugé le Maître sur des crimes qui selon eux étaient déjà abjectes. C'est déjà suffisant pour que je m'inquiète.

– Mais Missy n'est plus comme ça.

– J'espère que vous dîtes vrai.

– Vous sembliez pourtant vous entendez avec elle, remarqua Dottie.

– Oui, ça s'est bien passé entre nous, mais je… après l'avoir vu sur le point de tuer quelqu'un, ça m'a fait… Disons qu'elle m'a fait peur. Surtout avec ce sourire et ce regard.

– Je comprends. Missy une tendance à faire peur aux gens. Je me souviens de Nardole qui était sur le point de pleurer à chaque fois que je lui demandais d'aller donner à manger à Missy, tant il était terrorisé. Il a même perdu plusieurs boulons avant et après la tâche exécutée.

– Ok, j'ai pas tout compris. Qui est Nardole ? Et quel rapport avec des boulons ?

– Nardole était un cyborg… et un ami. Maintenant, il est…

Dottie se retint de justesse de se frapper le front. Nardole était toujours sur le vaisseau avec toutes ces personnes et avec encore une armée de Cybermen dont elle n'avait réussi qu'à se débarrasser d'une partie. Il y avait encore des centaines, des milliers de Cybermen se faisant convertir en bas du vaisseau. Quelle idiote ! Pourquoi n'était-elle pas revenue voir Nardole pour évacuer le vaisseau ? Pourquoi n'était-elle pas allée sauver Nardole ?

Non, plus tard, se força-t-elle. Elle devait d'abord survivre à tout ça. Elle devait commencer par faire partir le Pting et empêcher la détonation préventive qui détruirait le vaisseau. Eve allait les faire arriver plus vite sur Rhésus I et ils allaient emprunter un téléporteur pour retourner sur Cephilon XXVII, dans le TARDIS et emmener Missy le plus vite possible sur Gallifrey avant qu'elle n'accouche réellement. Et seulement après ça, elle irait voir Nardole. C'était la meilleure chose à faire. C'était même la seule chose à faire.

– Bon, je suppose que vous ne répondez jamais à cette question, soupira Yaz.

Une question ? Quelle question ? Pourquoi ne l'avait-elle pas entendue ? Encore sa fichue inattention !

– Désolée, je… je pensais à Nardole et à… tout ça… toute cette situation, s'excuse le Docteur. Que disiez-vous ?

– Oh… Je voulais savoir où était ce Nardole.

– En danger, justement. Je vais devoir m'occuper de lui après tout ça.

– Qu'est-ce qui s'est passé ?

– J'étais en train de mourir, puis je me suis régénérée, mais comme j'ai vu Nardole avec les avatars de verre, qu'il m'a fait ses adieux et qu'il savait tout ce qui s'était passé même après sa décapitation, alors j'ai pensé qu'il devait être mort plus récemment. Mais c'est peut-être pas le cas. Maintenant que j'y pense, Bill était là et elle est morte deux fois avant Heather et c'est seulement après Heather qu'elle ne parvenait plus à se souvenir. Mais je sais pas exactement comment ça marche ces trucs-là. Comment c'est censé marcher quand des gens meurent, mais qu'ils continuent de vivre ?

Yaz fixa le Docteur avec de grands yeux écarquillés. Mais qu'est-ce que son alien d'amie avait bien pu faire au cours de ses deux mille ans d'existence ? Car la seule a choisi que l'Humaine avait compris et retenu, c'était bien qu'elle n'avait justement rien compris aux propos du Docteur.

– Vous avez vraiment une vie… a commencé-t-elle.

– Intéressante ? propose la blonde.

– J'aurais plutôt dit étrange, mais si vous voulez.

– Parfois l'Univers est compliqué et même incohérent, assure le Docteur comme pour tenter de le rassurer.

– J'suis pas sûr que ça me rassure.

– Docteur, appela Mabli en sortant d'une chambre. Je peux vous parler en privé ?

– J'vous rattrape, les prévint le Docteur en se dirigeant vers le médecin. Allez-y.

Yaz aurait préféré continuer sa conversation avec le Docteur. Elle n'avait malheureusement pas parlé de tout ce qui la tracassait. Et elle n'avait pas non plus réussi à cerner les sentiments du Docteur sur toute cette situation. La seule chose qu'elle pouvait dire était que sa nouvelle amie se sentait incontestablement perdue entre toutes les choses qu'elle avait à faire. Elle grimaça en partant à la suite de la Générale, son frère et son androïde.

– Il s'agit de l'état de santé d'Eve Cicéron, annoncé Mabli, une fois tout le monde parti.

– Elle a quoi, Ève ?

– Je suis tenue au secret médical. Je ne peux rien vous dire là-dessus. Mais vous êtes docteur, vous devriez l'examiner. J'dois y aller, ajouta-t-elle en voyant les portes de la chambre s'ouvrir à nouveau.

Le Docteur baissa la tête, de plus en plus inquiet. Non seulement elle avait déjà une longue liste de choses auxquelles penser, mais elle devait aussi s'occuper de la Générale… et avec urgence, visiblement.

– Ok, c'est tout ce dont vous vouliez me parler ?

- Non…

Mabli hésita et le Docteur lui fit un geste pour la pousser à continuer.

– Je ne pourrais pas m'occuper de l'accouchement de votre amie. Je ne pourrais pas avoir tous mes moyens. Elle me paralyse de terreur. Elle m'inquiète plus que le Pting.

La Dame du Temps hocha la tête. C'était évident. Maintenant, il ne restait plus qu'à prier pour que le bébé attende encore un peu avant de choisir de descendre.


Graham était passé à ce qu'il avait appelé les charades. Un jeu auquel Missy excellait un peu trop et auquel Graham n'arrivait à rien. Les références de la Dame du Temps le dépassaient complètement. Alors il lui avait demandé de jouer à un autre jeu qui consistait à penser à un personnage célèbre terrien – et Graham avait bien appuyé sur cet adjectif – et l'autre devait poser des questions et deviner de qui il s'agissait. Missy n'incluait qu'à des personnages historiques, ce qui limitait les questions de Graham, mais c'était le meilleur jeu auquel ils avaient réussi à jouer jusque-là.

– Est-ce qu'il ou elle a été souveraine ? demanda-t-il, ayant compris que la plupart des noms supposés elle se résumaient à ceux de membres de la royauté, peu importait le pays.

- Non.

– Est-ce qu'il ou elle fait partie d'une famille royale ou impériale ?

Missy réfléchit quelques secondes.

- Non.

– Est-ce qu'il ou elle est noble ?

– Oui.

– Est-ce que c'est un noble britannique ?

– Oui.

– Est-ce que c'est un homme ou une femme ?

– Un homme.

– À quelle époque il vivait ?

– Le titre a été créé pour lui en 1397.

– Heureusement que j'ai un carnet dans lequel j'ai répertorié tous les titres de noblesse britanniques par ordre chronologique depuis leur création, ironise Graham.

– C'est le premier Duc de Norfolk, a répondu Missy d'un ton sec en punition pour le sarcasme. Et il vous faudra plus qu'un petit carnet.

– Il restait encore de nombreuses questions avant de réussir à trouver, soupira le vieil homme.

Missy s'installe plus confortablement dans son lit et se masse les tempes. Les nombreuses contractions commençaient à lui donner mal à la tête.

– Vous voulez boire quelque chose ou bien vous reposer ? enchaina Graham.

– Juste me reposer, merci.

Ils restèrent un long moment dans un silence total. Graham repense aux paroles du Docteur. Venir la chercher dès que Missy restait trop silencieuse. Mais elle ne le regardait pas, ce qui signifiait qu'elle ne souhaitait pas lui faire du mal. Elle gardait les yeux fermés, même si elle ne dormait pas. Elle ne voulait pas lui faire du mal.

– Mademoiselle ? appela-t-il, enfin.

– Oui ? murmura-t-elle sans ouvrir les yeux.

– Vous…Vous avez vraiment failli tuer Mabli ?

Missy ouvrit brusquement les yeux et observe Graham, la bouche entre-ouverte. Il commença à s'agiter et demanda :

– Est-ce que je dois partir chercher le Docteur ou vous n'essaierez pas de me tuer ?

Voilà au moins une bonne raison de redevenir diabolique. Parce que, au moins, quand elle entendait ce « pourquoi ? » si caractéristique, elle pouvait se permettre de l'ignorer, de le railler ou de répondre un simple : « mais parce que c'est amusant. » Là, elle ne savait déjà plus quoi répondre à toutes ces personnes qui lui demandaient des comptes. Et elle pouvait se délecter de l'inquiétude dans leur voix ou de leur peur sur leur visage. Là, elle n'aimait pas le doute qui venait d'assaillir Graham.

Réalisant qu'il attendait toujours une réponse malgré le lourd silence qui s'était installé, elle a répondu un faible :

– Oui.

– Pourquoi ?

Encore cette fiche question. Une question qu'elle avait toujours appréciée. Mais une question qui, aujourd'hui, était un supplice.

– Parce que c'est amusant, se contenta-t-elle de répondre.


– Pourquoi vous êtes sur ce vaisseau ? interrogea le Docteur en plaçant Eve Ciceron à l'écart de son frère, c'est-à-dire dans le couloir.

– Parce que j'ai une fièvre de Corton tenace que j'ai contractée lors de ma dernière mission, a répondu tranquillement le neuropilote avant de remarquer que le Docteur sortait un stéthoscope pour l'ausculter. Qu'est-ce que vous faites ?

La blonde prit également son pouls, mais fronça bien vite les sourcils en réalisant que le pouls était un peu trop lent, lui rappelant désagréablement les battements de cœurs de Missy, bien que ses pouls à elle aient le problème inverse. Elle secoua la tête et examina les pupilles de la Générale.

– Pourquoi prenez-vous des adrénobloquants pour soigner une fièvre de Corton ?

– Comment êtes-vous au courant de ça ?

– Votre pouls est faible et j'ai une bonne oreille. Vous en avez réclamé à Ronan. Vous ne souffrez pas de la fièvre de Corton. C'est la pylocardite ?

Eve a coupé l'impression d'arrêter de respirer en entendant le nom de sa maladie dans la bouche du Docteur, comme lorsqu'on lui avait donné. À vrai dire, elle s'était largement à ne plus prononcer ce mot ni même à l'entendre.

– Désolée, Eve. Mais si nous voulons survivre à tout ça, il va falloir être honnête avec moi.

La Générale hocha la tête, visiblement d'accord avec la déclaration de la Dame du Temps. Mais elle se retourne et s'éloigna un peu. Elle ne voulait pas voir. Elle ne voulait voir personne. Et par-dessus tout, elle ne voulait pas que l'on puisse lire la détresse sur son visage.

Mais le Docteur ne semblait pas être de son avis. Elle s'était déplacée dans le but de se remettre face à elle.

– J'ai commencé comme pulsopilote. Je suis devenue commandante de la neuroflotte plus vite que personne dans l'Histoire de Qiban. Je suis également la Générale la plus décorée. Je suis un modèle. Je ne peux pas souffrir de pylocardite. Je ne peux pas donner une telle image aux autres.

– Mais vous en souffrez et vous passez votre vie à abuser d'adrénobloquants pour pouvoir tenir.

– J'essaye de maîtriser… les poussées d'adrénaline dans ma poitrine. Un pic d'adrénaline pourrait me tuer.

– Durkas est-il au courant ?

– Je ne veux pas m'inquiéter.

– Mais il l'apprendra tôt ou tard.

– C'est déjà fait, les interrompent une voix derrière la Générale.

Elle se retourne et vit avec douleur son frère s'approcher et continuer :

– Je ne suis pas surpris, je suis… simplement déçu.

– Durkas…

– C'est pas le moment. J'ai bricole une dérivation de pilotage primitif en associant pilotage pulso et neuro.

– J'm'en charge, a répondu correctement le Docteur.

– Vous l'avez déjà fait ? s'inquiète la neuropilote.

- Non. Mais vous allez m'apprendre.

– Il faut une douzaine d'années d'entraînement.

– Rooh ! Il faut vraiment que je passe plus de temps au 67e siècle ! gémit la blonde.

– Je pilote depuis longtemps… alors je vais piloter. Et tout le monde survivra, y compris moi, assura Eve en se dirigeant vers la salle de commande.


– Je comprends pas, murmura Graham en regardant le visage sérieux et fatigué de Missy.

– C'est pourtant simple… répondu cette dernière.

– Comment faire du mal peut être amusant ?

– Vous vous souvenez que vous m'aviez destiné à vouloir tuer Tzim-Sha ?

Le vieil homme hocha la tête. Bien sûr qu'il se souvenait de ce jour à l'hôpital, dans la chambre de Grace. Il se souvenait toujours de cette colère qui ne le quittait que rarement. Même alors qu'il voyageait, qu'il voyait des merveilles depuis un certain temps, maintenant, il ne parvenait pas à se détacher de cette colère qui refaisait la surface dès qu'il se retrouvait seul le soir dans sa chambre. Il avait toujours envie de tuer ce Stenza.

– Au début, ça va vous soulager… un petit peu. Parce que cette colère que vous ressentez, vous êtes parvenu à la cristalliser en une personne faite de chaise et de sang. Et d'un coup, vous brisez ce cristal en un million d'éclats. Ce cristal dans lequel vous avez enfermé toute votre colère. Alors cette colère n'existe plus. Pendant quelques minutes, pendant quelques instants, vous êtes libre. Vous êtes soulagé.

– Mais… c'est pas de l'amusement, ça, protesta Graham.

– Pas encore, en effet. Mais ça finira par le devenir. Parce que c'est comme ça que ça marche. Se venger par la mort apporte du soulagement et un tel plaisir d'avoir vu celui qui nous a fait mal souffrir à son tour… C'est quelque chose que vous pouvez tout de même rapprocher de l'amusement.

– Je pourrais devenir comme ça ? s'inquiéta l'ancien conducteur de bus.

L'ancienne maîtresse du chaos soupira. Elle ne savait pas. Graham n'avait aucune caractéristique d'un meurtrier et elle était même surprise qu'il veuille tuer quelqu'un, même pour la femme qu'il aimait. Après tout, il lui semblait tellement doux et se mettait si peu en colère d'ordinaire. Alors comment pouvait-elle… Attendez ! D'ordinaire ? Oh non, pas encore… Elle détestait avoir ces certitudes. Parce qu'elle savait que c'était Grace qui les lui communiquait. Mais elle ne se sentait pas à l'aise. C'était étrange parce qu'elle était télépathique et qu'elle n'avait jamais répugné à user de ses talents sur des Humains, mais là… Là, c'est différent. Là, elle n'avait encore de contrôle sur rien. La, elle se contentait de recevoir des informations de Grace qu'elle assimilait comme l'une de ses vérités à elle et d'en fournir à Grace, elle le savait. Et elle détestait avoir autant de mal à faire cette distinction entre son propre ressenti et celui de Grace.

– Je ne sais pas. Vous n'avez encore rien fait. Peut-être que vous n'y arriverez même pas, si tant est qu'un jour vous vous retrouviez devant Tzim-Sha. Il se peut qu'une fois devant le fait accompli, ça ne soit pas naturel pour vous.

– Je le tuerai, affirme Graham.

– Même si Grace ne le voulait pas ?

– Mais Grace n'est pas là.

– Et si elle se réveillait avant que vous ne le retrouviez ?

– Je suppose que je n'aurais plus de raison de lui en vouloir autant si je peux retrouver ma femme, avoua-t-il.

– Et si vous pouviez déjà être sûr de ce qu'elle vous dirait ?

– Je ne peux pas le savoir. Elle est dans le coma.

– Mais qu'est-ce qu'elle vous dirait ?

– Elle me dirait qu'on a déjà eu trois merveilleuses années et qu'il n'y a pas de quoi se plaindre, sourit-il.

– Et ?

– Je crois qu'elle ne voudrait pas que je fasse ça. Je crois qu'elle me dirait que ce n'est pas mon genre.

– Peut-être que c'est vrai ? Peut-être que vous êtes furieux en ce moment, mais que vous…

– Je le tuerai, persista Graham.

– Mais Grace ne veut pas que vous le tuiez, opposée à Missy.

Une vive douleur se nicha dans son abdomen et dans le bas de son dos, mais elle se retint de crier, se concentrant toute son attention sur Graham.

– Comment vous le savez ?

La Dame du Temps passe une main sur son visage. Peut-être qu'elle devrait lui dire maintenant ? Après tout, ses jours étaient comptés. Il méritait peut-être de savoir. Et si par miracle, un jour, Grace se réveillait, alors elle ne voulait pas que leur relation puisse être entachée par une quelconque vengeance. Elle voulait absolument que Graham y renonce.

– Je lui ai parlé… récemment.

Mais une secousse violente empêche Graham de répondre immédiatement.


– Pting ! Bombe ! Non, ça vient pas ! râla le Docteur en courant à travers les couloirs du vaisseau.

Une nouvelle petite sécousse. Elle glissa contre une paroi, lui rappelant violemment sa douleur aux côtes.

– Raaah ! J'ai encore mal ! se plaignit-elle. Oui. En fait, non. Peut-être… Oui, peut-être…

Elle finit rapidement sa course jusque dans la salle du réacteur d'antimatière dans laquelle Yaz et Ronan l'attendaient en pointant chacun un teaser sur elle.

– C'est moi, se défendit-elle. J'suis pas le Pting.

– Il était là, lance Yaz. J'm'en suis débarrassé. Mais il peut revenir n'importe quand.

– Quelle est la situation, au juste ? demanda l'androïde.

– Eve pilote le vaisseau et Durkas surveille le bon fonctionnement des commandes. Vous, vous surveillez l'accélérateur de particules. Mabli et Ryan sont sûrement en train d'aider Yoss à accoucher. Graham surveille Missy. Et… euh… la bombe va bientôt exploser. Alors je vais l'éloigner de cette pièce. Vous pouvez m'aider ?

– Ouais ! répondit Yaz, sans pour autant bouger.

Le Docteur sort son sonique et scanne le dispositif. Au moins, cette fois, Missy ne pouvait pas lui reprocher d'avoir trop utilisé le sonique.

– Il y a une bombe dans cette pièce ?

– Oui, juste là. Mabli a dit que Rhésus I détruirait le vaisseau s'ils apprenaient qu'il ya un Pting à bord. Ils feraient un commentaire ? On est trop loin pour qu'ils envoient un missile. Ça doit être la même procédure pour tous les vaisseaux.

– Un dispositif intégré ? Une autodestruction ?

– Bingo ! Dix points pour Yasmin Khan. Et oui, je compte les points. Oui oui. Ronan, il va falloir se réveiller. Je plaisante. Alors…

Elle se pencha vers la colonne et appuya sur un des pans au hasard et bingo ! Elle trouva immédiatement la bombe tant recherchée, enfin si on pouvait l'exprimer ainsi, étant donné que la recherche n'avait pris qu'une minute, deux au grand maximum. La bombe tant désirée, alors ?

– Vous allez toucher à cette bombe ? interrogea Ronan d'une voix neutre.

– Oui, a répondu le Docteur.

– Est-ce qu'elle va exploser ? poursuivit-il.

– Oui…

– Vous allez faire quoi ?

– Accélérer le processus… pour sauver nos vies.

Ronan tourna la tête vers Yaz et lui demanda :

– Souffrez-vous, vous aussi, d'une déficience de la compréhension ?

– Oh… Depuis un moment, tous les jours, assura-t-elle.

Le Docteur se saisit de la bombe avec délicatesse.

– Il faudra être prudent. Ce tout petit dispositif pourrait nous faire sauter. Je vais le faire exploser, explique-t-elle. Ronan, montez la garde. Yaz… Venez.


Graham fixa Missy incertaine. Que voulait-elle dire par : « je lui ai parlé récemment » ?

– Je comprends pas, répondu-il.

– C'est simple, je… j'ai remarqué, la dernière fois que je suis allée voir Grace à l'hôpital, que nous avions établis un lien psychique. En théorie, je devrais dire que nous avons ouvert un champ télépathique, mais le problème est qu'il persiste. Et dans ce cas, nous devons parler de lien psychique. Mais je réalise que ça doit vous être totalement égal de connaître la différence entre les deux.

– Pourquoi vous m'avez pas dit plus tôt ?

– Je tenais à être sûre. Je ne voulais pas vous donner de faux espoirs. Je voulais comprendre ce qu'il s'était passé. Ai-je eu tort ?

– Je… Je sais pas. J'aurais aimé pouvoir lui parler, même si c'était par votre intermédiaire. Au moins une dernière conversation, avoua-t-il, perdu.

Missy se mordit la lèvre inférieure. Peut-être n'avait-elle pas bien fait de lui avouer la vérité… Peut-être aurait-elle dû continuer à se taire ? Après tout, si elle mourait et que Grace ne se réveillait jamais, il aurait perdu la seule chose qui aurait pu servir de lien avec son épouse. Et c'était quelque chose de très douloureux à vivre. Missy en savait quelque chose. Non, elle aurait mieux fait de se taire.

– Je suis désolée, je n'aurais peut-être jamais dû vous en parler…

– Alors pourquoi le faire dans ce cas ? s'agaça l'ancien chauffeur de bus.

– Parce que je vais mourir et que je voulais que vous sachiez ce qu'elle m'avait dit. Je voulais qu'au moins elle, elle puisse vous faire changer d'avis quand moi, je ne le pourrai plus.

– Pourquoi vous voulez tant me faire changer d'avis ?

– Parce que ça va vous détruire. Ça détruira nécessairement une partie de vous. Une partie de vous qui ne reviendra jamais.

– Je suis déjà vieux, je peux me passer de cette partie de moi pour le peu qui me reste à vivre, affirme Graham.

Ce n'est qu'à ce moment-là que Missy fut frappée par la vieillesse de ce nouvel ami qu'elle s'était fait. Bien sûr, elle avait vu sa vieillesse. Elle l'avait bien liée à son physique et à lui. Mais il semblait encore pouvoir tenir aussi bien que Ryan ou Yaz qu'elle en avait presque oublié qu'il ne lui restait plus longtemps à vivre, à lui aussi. Le Docteur se mettrait-elle à d'éteindre sur elle par ses confusions ?

– Vous… avez quel âge ?

Elle parlait un peu difficilement car elle venait de sentir une nouvelle contraction. Elles étaient de plus en plus proches.

– J'ai 59 ans, et vous ?

– On ne vous a jamais dit que c'était impoli de demander son âge à une dame ?

– Si j'ai tout compris, le Docteur à 2000 ans et vous êtes des amies d'enfance, donc vous devriez avoir à peu près le même âge, non ?

– Je suis plus jeune. Le Docteur fait des bêtises avec le temps. Elle ne suit plus la chronologie linéaire depuis longtemps. En fait, j'ai même appris l'an dernier qu'elle ne savait même plus de quelle époque dans l'Univers elle était issue, tant elle voyageait.

– Ça doit faire bizarre.

– Ça lui donne un sentiment de toute-puissance, d'après ce que j'ai vu avec le Onzième Docteur qui se vantait que le temps n'avait aucun effet sur lui.

– Le Onzième Docteur ?

– Nous avons déjà parlé de la régénération, me semble-t-il ?

– Oui, c'est vrai, se remémora Graham.

Après un court silence, il relève la tête vers Missy. Il la vit silencieusement, l'observant méticuleusement. Les paroles du Docteur lui reviennent alors en tête. Instinctivement, il s'éloigna un peu, mais sans se relever. La Dame du Temps fronça les sourcils.

– Je vous fais peur ?

– Le Docteur a dit que si vous vous comportiez comme ça à un moment, je devais courir la chercher.

– Je ne réfléchis pas à un moyen de vous tuer, si c'est cela qui vous inquiète, coupa-t-elle, un peu déçue de sentir une telle méfiance venant de Graham.

– Alors quoi ?

– Je calcule votre espérance de vie.

– Oh, bien sûr. C'est ce que je recherche en priorité chez mes amis. Je veux qu'ils soient capables de calculer mon espérance de vie et de me la communiquer.

– Vous ne voulez pas savoir ?

– Non, sans façon, assure Graham. Je préfère parler d'autre chose que de ma mort prochaine avec mes amis en général, ajoutera-t-il en offrant cette fois sur le mot « amis » comme pour essayer de lui faire comprendre comment il la voit.

Mais elle ne réagit toujours pas, se contente de l'observer et, visiblement, de poursuivre ses calculs sur son espérance de vie.

– Vous avez entendu ce que je vous ai dit ou bien vous faites exprès de m'ignorer ?

Missy s'inspire profondément.

– J'ai entendu, avoua-t-elle. Mais… je n'étais pas sûr de… d'avoir le droit de relever cela.

– Pourquoi ?

– Je suis un monstre. Personne ne m'a plus jamais donné son amitié en dehors du Docteur depuis… Depuis bien trop longtemps.

– Si c'est vraiment la fin pour vous… alors je voulais que vous le sachiez, assura le vieil homme, les yeux brillants, sous le regard surpris de Missy.

Elle voulut sourire, mais à la place, ses mains se crispèrent sur son ventre et elle poussa un petit cri qu'elle ne put plus retenir.


– Rhésus I en vue. On reprendra l'itinéraire à ce niveau-là. Ils se douteront pas qu'on a pris une déviation, expliqua Durkas en longeant l'itinéraire sur la carte de son doigt. Ça va, Eve ?

– Durant toutes ces années… j'ai toujours cru que je mourais au combat… que tu apprendrais la nouvelle… par une simple dépêche. Ça me faisait de la peine. Mais maintenant… je suis heureuse que tu sois là.

Durkas baissa la tête. Il n'était pas habituel d'entendre ce genre de proposition dans la bouche de sa sœur. Mais il ne met pas s'attarder dessus car il ressent une violente secousse. Sa sœur vacilla et manqua de tomber en arrière. Il l'attrape par les bras. Il ne voulait pas la lâcher. Il ne voulait plus la lâcher, même s'il savait déjà à quoi s'attendre.


– Docteur ? appela l'agent de police.

– Oui, Yaz ?

– Je voulais vous poser une autre question.

– Vous pensez que c'est bien le moment ?

– Ben… Si ton plan space marche pas, alors c'est le meilleur moment.

– D'accord. Qu'est-ce qu'il ya ? C'est encore Missy qui vous effraie ?

– Non, c'est pas ça.

– Alors quoi ?

Yaz pressa ses lèvres ensemble avant d'expliquer :

– On parle souvent. Vous parlez souvent. Vous avez même tendance à ne pas vous arrêter et à ne pas supporter le silence.

– Oui et ?

– On a parlé de Missy, de la bombe, du Pting, mais… il ya une chose dont on n'a pas parlé…

– Yaz, vous devriez accélérer, parce qu'à l'heure actuelle, mon plan comporte quelques imprévus.

– Je voulais savoir… Comment vous vivez tout ça, vous ? Comment allez-vous ?

Le Docteur arrête sa course, surprise. Et dire qu'elle s'était presque habituée à ce que ses derniers compagnons ne lui transmettaient pas de questions personnelles comme un « ça va ? » … Elle sentit Yaz se heurter à elle. Alors elle se retourne pour lui faire face.

– Y a-t-il un problème ? s'inquiéta la jeune femme en fixant la bombe.

– Non, c'est pas ça. C'est juste que…

– Que quoi ? Vous pensiez que vous pourriez vous soustraire à toutes nos potentielles questions personnelles ?

– En fait… oui.

– Pourquoi ?

– Je sais pas. Je crois que je… Je pense que vous n'avez aucune raison d'avoir à supporter mes états d'âme. C'est moi qui vous emmène dans des lieux dangereux, inconnus. C'est vous qui êtes extérieurs à cette manière de fonctionner. C'est à moi d'être forte et de m'occuper de vous, je suppose. Oui, je n'ai pas à vous imposer mes tourments.

– Docteur… sourit Yaz. Écoutez-moi bien parce que c'est probablement la seule fois que je vais vous dire ça mais… Vous êtes idiote.

– Oh, merci…

– Si on est tous amis, on doit pouvoir se confier les uns aux autres. Sinon ça sert à quoi ?

– Et vous ? Vous me communiquez tous vos états d'âme ? s'enquit le Docteur.

- Non. Vous m'avez proposé de venir avec vous et je… je veux vous montrer que je suis capable.

– Oh Yaz, je le sais déjà ! Sinon je ne vous aurais pas demandé de venir ! sourit l'extraterrestre. Je n'embarque pas toutes les personnes que je rencontre, malgré ce que vous croyez peut-être en sachant que j'ai eu un certain nombre de compagnon avant vous.

– En fait, si on remplace ce nombre dans le contexte de votre âge et qu'on sait combien de temps vos compagnons ont voyagé avec vous… ça montre que vous avez passé la plupart de votre vie seule.

– Comment pouvez-vous connaître tous ces nombres ? s'intéresse à la blonde.

– Missy, répondit Yaz, gênée.

– Oui, elle ne s'est jamais privée pour étaler ma vie devant mes compagnons. Je suppose qu'elle trouve ça amusant.

– Non, on parlait normalement et la conversation a fini par dériver sur vous.

– J'en ai de la chance.

La bombe perd un nouveau segment rouge, ce qui augmente l'inquiétude du Docteur. Elle fronça les sourcils et ajouta :

– On repart, suivez-moi.

Elles se remirent à courir, mais cela ne découragea pas Yaz pour la suite de la conversation.

– Et du coup, comment vous gérez tout ça ? reprit-elle.

– Et vous ?

– Là, tout de suite, j'suis terrifiée ! J'ai peur de Missy. J'ai peur pour Missy. J'ai peur pour Ryan et Graham. J'ai peur pour vous. Et j'ai aussi peur pour ma vie et celle de tous ceux à bord, même si je ne les connais pas. Et vous ?

- Moi aussi. J'ai peur tout le temps et pour tout le monde. Je suis toujours terrifiée. Parce que même si je parviens à sauver tout le monde, j'ai peur que Missy ne s'en sorte pas. Parce que je pourrais à nouveau la perdre, avouer le Docteur, les yeux fixés sur la bombe.

Ce fut par une nouvelle secousse qu'elles furent distraites de cette conversation qui semblait traîner le Docteur dans les profondeurs de l'Enfer. En tous cas, c'était comme ça que la blonde le voyait.

– C'est drôle. D'habitude, je désamorce toujours les bombes, lance le Docteur dans le mais de diffuse l'atmosphère.

– Vous pouvez pas vous en empêcher ?

- Non !

Elle arrive devant un petit sas fermé. Elle sort son tournevis sonique et ouvrit la porte. Elle dépose délicatement la bombe sur le sol et s'éloigna tout aussi précautionneusement. Elle se heurta à Yaz qui l'attrapa par les bras.

– Choisissez un nombre entre un et cent, ordonna la Dame du Temps.

– Cinquante-et-un.

– Oh, un nombre pentagonal, intéressant, se réjouit la blonde.

– En quoi ?

Mais le Docteur n'a pas répondu que par un :

– Allons dans le coin.

Elle poussa Yaz dans ledit coin, se plaçant devant elle au cas où il y aurait un signe de danger, enfin plus direct que maintenant.

– C'est quoi ce nombre ?

– Le nombre de secondes avant que la bombe n'explose. J'ai un peu avancé la détonation.

– Vous avez quoi ?! Si j'avais su j'aurais dit plus !

C'était bien la première fois que Yaz se sentait en colère contre le Docteur et ne parvenait vraiment pas à comprendre ce qu'elle était en train de faire.

– Cinquante-et-un, c'est très bien ! assure la blonde. Nom atomique de l'antimoine. Nombre d'articles du Fédéraliste , recueil écrit par Alexander Hamilton. Quel spectacle, j'ai vu les versions neuf cents !

– Euh… J'ai confiance en vous, mais pour ce qui est de la bombe, j'avoue que j'y comprends rien.

– Voyez le Pting comme une souris et la bombe comme un morceau de fromage.

– Un énorme morceau de fromage sur le point d'exploser et de nous faire sauter avec !

– L'analogie n'était pas parfaite, je l'admets, mais vous, vous auriez pu choisir un nombre plus grand ! reproche au Docteur.

– Oh, alors le nombre pentagonal ne vous convient plus, Docteur ?

– Ne retournez pas mes paroles contre moi, ordonna la blonde.

– Vous n'avez pas besoin de moi pour être incohérente.

– Vous avez pris des cours avec Missy ?

Le Docteur se mit à nouveau en plein milieu du couloir pour vérifier si le Pting s'approche. Mais elle ne voit rien d'autre qu'un couloir vide.

– Où est-il ? Allez, viens ! s'agaça-t-elle. Plus l'explosion approche, plus l'énergie s'accumule. Et c'est par ce phénomène que le Pting devrait être fourni, expliquéa-t-elle en se retournant pour regarder la bombe dont le compteur continuera de décroître. C'est obligé. C'est en moi basant là-dessus que j'ai bossé mon plan. Oh pitié, fautes que j'ai pas tort. J'serais tellement gênée.

– Et morte ! lui rappela Yaz, toujours profondément agacée par la décision qu'avait prise le Docteur.

Elle tourna la tête vers le couloir et vit avec stupéfaction le Pting s'avancer. Elle tapota le dos courbé du Docteur pour attirer son attention vers la petite créature.

– C'est pas mal, avouez-le ! Je ne suis pas trompée ! se réjouit Dottie. Tout est dans la précision.

Elle revient dans le coin pour laisser le champ libre au petit alien. Mais il avançait lentement, trop lentement au goût de la Dame du Temps.

– Quand tu veux, mon grand.

Le Pting semble enfin remarquer la bombe dont le compte à rebours s'écoulait de plus en plus vite. Mais il avança précautionneusement. C'était bien la première fois qu'il prenait autant son temps et le Docteur commençait réellement à se demander s'il ne le faisait pas exprès. Pourquoi était-il silencieux ? La panique saisie à nouveau la blonde à la gorge. Elle plaqua Yaz contre le mur et se plaça devant elle comme pour faire barrage.

– Allez, vas-y. On s'active, allez.

Le Pting entra alors dans le sas et saisit de la bombe. Il l'observe quelques secondes et l'avale.

– Il l'a avalé, se réjouit Yaz.

– C'est pas fini, respecte toujours le Docteur.

Bien qu'elle se sentait déjà un peu plus soulagée, elle savait qu'il manquait une dernière chose. Elle se saisit une dernière fois de son tournevis sonique et enferma le Pting dans le sas. Il n'eut pas le temps de réagir que la bombe qu'il avait avalée explosée dans son ventre, le faisant rayonner d'une lueur rouge. Mais son corps resta intact comme s'il avait absorbé l'énergie de l'explosion. Il ferma les yeux et le Docteur aurait pu jurer avoir vu l'ombre d'un sourire passer sur son visage.

– Il a alimenté jusqu'au dernier soupçon d'énergie. Il a eu une dose pantagruélique. Adieu, Pting. Intrus éjecté, dit-elle en baissant le petit levier.

La porte s'ouvre derrière le Pting, le relâchant dans l'espace intersidéral. C'était presque fini.

– Mais c'est trop tard, s'élève une voix derrière elle.

Elle se retourne pour se retrouver nez-à-nez avec un Graham essoufflé.

– Missy, souffla-t-il. Elle a envoyé le bébé qui va sortir.


Alors ? La semaine prochaine, le bébé sera enfin venu au monde ! Vous devez l'attendre depuis longtemps puisque ça fait 22 chapitres que Missy est enceinte :D

Une review ?

À dimanche prochain ! ^^