Chalut tout le monde !

Mumuse est de retour, je vais essayer de la garder assez longtemps pour finir ce tome

Spéciale dédicace pour Hecate 82 : )

Bonne lecture !

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Jour 1

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Au matin Finch se réveilla la tête lourde d'une nuit d'insomnie. Il bougea et sa main heurta une surface poilue qu'il identifia aussitôt. Bear avait profité de son agitation pour se hisser sur le lit et lui tenir compagnie. Il ne pouvait pas lui reprocher de vouloir l'aider. Le malinois remua et lui lécha la main.

-« Oui, bonjour mon chien. J'espère que ta nuit fut meilleure que la mienne » soupira t-il. Il se leva péniblement, le dos douloureux et quelques sensations annonciatrices d'une migraine. Une douche atténua les douleurs et deux comprimés pris avec son thé lui permirent de stopper la céphalée. Pour ses pensées en revanche il n'avait pas de remède rapide…

Lorsqu'il se sentit mieux il décida de s'habiller et de mettre un peu d'ordre autour de lui. Il contacta la société de location et, par chance, un livreur étant proche ce jour là, il obtint un rendez vous pour 14H. Puis il rangea les vêtements qui trainaient dans la pièce et dans la chambre et débarrassa la table de la cuisine. Ce semblant d'activité lui fit du bien, c'était rassurant. Il s'installa ensuite devant son ordinateur. Bear récupéra le journal du jour mais ne pouvant le donner à son maître il le déposa devant l'informaticien

-« Merci Bear. Je vais le mettre de côté » affirma t-il. Son regard se posait régulièrement sur son portable, mais Megan n'appellerait sans doute pas avant le soir si tout se passait bien. Il commençait à se sentir un peu désœuvré lorsque la machine lui transmis un numéro. Il s'en occupa aussitôt, soulagé de ce dérivatif. Il compila les informations et appela l'inspecteur. Celui-ci s'inquiéta d'abord de son moral mais n'insista pas face à la réserve que lui opposa son interlocuteur. Il nota les indications et se chargea de leur numéro. Finch s'absorba dans ses recherches, s'efforçant de rester concentré, ce qui lui permettait pour un moment d'occulter ses soucis.

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OoooooooooO

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Mégan pénétra silencieusement dans la chambre mais constata que son patient été bien réveillé. Installé dans son lit en position assise, il lui adressa un regard glacial

-« Bonjour John. Bien dormi?»

-« Bonjour Mégan. Vous aviez fait ce qu'il faut pour cela non?» rétorqua l'ex agent

-« J'avoue» concéda la médecin. Elle s'avança pour l'examiner et il se laissa faire docilement. « Comment vous sentez vous? Pas de douleur?»

-« Non»

-« Pas très détendu non plus» jugea la jeune femme. Reese ne répondit pas « Bon je suppose que j'ai un peu mérité cet accueil» estima t-elle « Mais vous savez que vous voir aussi fermé ne va pas me faire bonne impression ?»

-« J'ai accepté de rester ici 48H et de suivre vos prescriptions. J'ignorais que vous exigiez que cela soit fait avec bonne humeur» ironisa John

-« Cela aurait été une preuve que vous avez compris qu'il faut vous détendre pour aller mieux»

-« Alors j'ai dû rater l'information» rétorqua l'ex agent froidement

-« D'accord» soupira Mégan « Je ne peux qu'espérer que vous changerez d'avis»

-« Sinon?» interrogea Reese

-« Sinon rien. Je ne vous retiendrai pas davantage de force. Et je ne vous prescrirai rien de plus. Je n'ai pas l'intention de vous droguer pour vous rendre plus… souple. Ça ne pourra venir que de vous»

-« Tout ce que je veux c'est rentrer chez moi» affirma John en la fixant

-« Je sais» répondit la médecin « Tout est parfait» ajouta-t-elle en reposant le brassard « Je repasserai tout à l'heure» Reese la suivit des yeux, hésitant, puis la rappela :

-« Mégan!» la jeune femme se retourna un instant

-« Oui?»

-« Avez-vous… appelé Harold?»

-« Hier soir. Et j'ai transmis votre message»

-« Merci» murmura John en détournant les yeux « Est-ce que j'ai le droit de me lever?»

-« Oui bien sur. Sauf si c'est dans le but de vous évader»

-« Je tiendrais ma promesse» répliqua l'ex agent d'un ton ferme

-« Dans ce cas vous pouvez vous promener dans les couloirs comme un lutin» suggéra la jeune femme mais la remarque tomba à plat « Vous pouvez aussi profiter du parc si vous vous sentez bien. Il suffira de rentrer au moindre signe de fatigue. Vous avez des vêtements dans le placard mais je préconise pyjama et robe de chambre» précisa la médecin

-« D'accord» concéda l'ex agent même si la tenue ne le tentait pas vraiment

-« A tout à l'heure John» lança Mégan en partant. Reese attendit quelques minutes puis se leva et se dirigea vers le placard. Il saisit les vêtements et s'enferma dans la petite salle d'eau pour faire sa toilette. Le pyjama et surtout la robe de chambre étaient sobres mais élégants. Il songea que cela n'avait rien d'étonnant au regard de celui qui les avait choisi. Une fois prêt il sortit sur le seuil de la chambre. Il se sentait parfaitement bien et songea qu'il serait mieux dans le parc à respirer l'air frais plutôt que dans cette atmosphère aseptisée.

Il fit quelques pas vers la sortie et remarqua une vieille dame qui se tenait au milieu du couloir, appuyée sur une canne, hésitante. Elle semblait indécise sur ce qu'elle devait faire et lorsqu'elle se tourna vers lui il croisa son regard inquiet. Spontanément, il se rapprocha et l'interrogea :

-« Madame? Vous avez besoin d'aide?»

-« Hé bien… Je ne dirais pas non» murmura la vieille femme «Je ne me sens pas très solide ce matin» Reese s'avança

-« Appuyez vous sur moi» proposa t-il en lui donnant son bras

-« Merci monsieur» soupira la femme «Vous êtes plus rassurant que ma canne» affirma t-elle avec un sourire reconnaissant. Reese sentit sa main reposer délicatement sur son bras et cela lui en rappela une autre qu'il s'était juré de toujours soutenir et qui s'abandonnait toujours dans la sienne avec une totale confiance. Il secoua la tête pour chasser son trouble

-« Ou allez-vous?» demanda t-il

-« Dans ma chambre je suppose» soupira la mamie «Je voulais me rendre à la boutique, je n'ai plus rien à lire et les journées sont longues»

-« Je pourrais vous accompagner?» suggéra l'ex agent

-« Vous feriez ça?» s'enthousiasma la vieille dame

-« Cela ne prendra que quelques minutes et je n'ai rien de mieux à faire»

-« Oh merci! Vous êtes un ange» se réjouit la femme. Elle le dévisagea un instant puis fronça les sourcils dans un effort de concentration « Ne nous somme nous pas déjà vu?»

-« C'est possible» admit Reese qui lui l'avait déjà reconnu

-« Attendez! Vous étiez l'ami d'Alina? Non! Il avait des lunettes et il était plus petit…non plutôt…»

-« Son compagnon» murmura John

-« Ah oui! Vous étiez le patient! Et le docteur Tillman vous soignait…. pour le foie je crois?»

-« C'est exact»

-« Mon dieu, vous avez fait une rechute?» s'inquiéta la vieille dame

-« Non. Je suis là… juste pour un contrôle»

-« Ah j'aime mieux cela!» affirma la femme

-« Et vous êtes une des mamies d'Alina»

-« Oui» gloussa celle-ci «Hortense» ajouta t-elle avec un grand sourire

-« John»

-« Alina parlait souvent de vous et de son ami au chocolat. Petit ange elle me manque, même si elle me téléphone tous les deux jours. Elle vous donne de ses nouvelles aussi ?»

-« Oui. Quotidiennement» répondit l'ex agent, songeant au mail que Finch guettait chaque matin

-« C'est si bien qu'elle soit dans ce centre!»

-« Si nous y allions?» suggéra John pour éviter ce sujet. Hortense affirma sa prise

-« En avant!» lança t-elle joyeusement

Reese cala son pas sur le sien et ils avancèrent jusqu'à l'ascenseur. Puis il l'accompagna jusqu'à la boutique, attendit qu'elle ait fait ses achats et la raccompagna patiemment en portant son sac.

La vieille dame profitait de sa compagnie en bavardant comme une pie et Reese la laissait faire sans vraiment répondre. Pas certain d'ailleurs qu'il aurait pu le faire.

De retour à la chambre il l'aida à s'installer dans son fauteuil

-« Ah merci John vous êtes trop gentil» affirma-t-elle en se calant confortablement avec un soupir soulagé « Grace à vous je ne vais pas m'ennuyer. Vous prendrez bien un gâteau?» ajouta t-elle en sortant une boite de son sachet « Je les ai acheté à la boutique et ceux-là sont très bon!» précisa-t-elle d'un ton de conspiratrice

-« Merci, mais…» commença Reese, elle l'interrompit :

-« Oh juste un! Pour vous remercier de la balade!»

-« D'accord» céda l'ex agent en s'asseyant sur la chaise voisine

-« Je suis gourmande. Trop je crois, mais j'ai un faible pour les gâteaux. Et ici les repas… » John esquissa un sourire devant sa moue dépitée « Et quel plaisir d'avoir un peu de compagnie pour les manger discrètement ! » Se réjouit la vieille dame en mettant un autre gâteau dans la main de son visiteur

-« Le matin c'est tranquille, on échappe aux infirmières » suggéra John

-« Oui ! » s'amusa la femme « Mais votre ami n'est pas avec vous cette fois ? » demanda-t-elle

-« Non » murmura l'ex agent « C'est juste un contrôle. Ça ne durera que 48H, il est mieux à la maison » justifia t-il

-« Je le comprends ! Ce ne sera pas si long. Enfin presque ! » Jugea Hortense « Avec Edward on ne se séparait jamais longtemps » soupira-t-elle. Le silence s'installa quelques minutes puis elle se reprit et sourit « Reprenez un gâteau ! Ça me rendra service, si nous mangeons chacun la moitié de la boite je ne culpabiliserais pas d'avoir tout mangé toute seule ! » gloussa-t-elle

-« C'est juste un petit plaisir » estima John en songeant à son compagnon et à ses protestations feintes les jours où il préparait des beignets au petit déjeuner ou un dessert un peu copieux pour le diner.

-«J'ai interrompu votre promenade tout à l'heure. Vous n'aviez pas d'examen ? »

-« Non. Je voulais juste sortir un peu dans le parc »

-« Ah oui il fait si beau ! Vous avez de la chance de pouvoir y aller ! Moi je ne pourrais pas, ces vieilles jambes n'iraient plus aussi loin »

-« Vous pourriez utiliser un fauteuil ?»

-« Oui mais ils ne sont pas motorisés et je ne suis pas assez musclée. Les infirmières sont dévouées mais elles sont débordées de travail, elles n'ont pas le temps pour les sorties. Avant il y avait un aide-soignant très gentil qui nous emmenait mais il a changé de service et personne ne l'a remplacé »

-« Vous n'avez pas de visiteur ? »

-« Si mon fils. Mais seulement une fois par semaine, il est très occupé par son travail et les quatre enfants de la maison »

-« Je vois » émit Reese. La vieille dame vit son regard se poser sur le cadre qui trônait sur la tablette près du lit. Elle s'en saisit et le lui montra

-« Vous avez remarqué Edward ? C'était mon mari » précisa-t-elle fièrement « N'a-t-il pas fière allure sur cette photo ? » John observa le couple. Un jeune homme en uniforme et une jeune femme dans une modeste robe de mariée ornée de quelques dentelles, un bouquet de violettes à la main, ils se tenaient serrés l'un contre l'autre, l'air timide mais avec un sourire rayonnant.

-« Si. Il est très élégant » approuva l'ex agent « Il était militaire ? »

-« Non. Enfin à l'époque de notre mariage il faisait son service alors le jour de la cérémonie il avait revêtu son uniforme pour faire chic et…. » Elle baissa la voix « c'était aussi parce qu'il n'avait pas de costume » s'amusa t-elle « Moi je portais la robe de ma grand-mère, par chance elle était pile à ma taille ! Je n'aurais pas eu les moyens d'en acheter une »

-« Elle vous allait très bien »

-« Merci ! » murmura Hortense en rougissant « J'avais dix sept ans la première fois que j'ai vu Edward. J'ai été élevé par mon oncle et ma tante et pour aider je servais dans leur petit restaurant. Et un jour il est entré dans la salle avec sa fiancée, dans cet uniforme, je l'ai vu et j'ai su. Ça peut paraitre bizarre mais c'était lui. Plus tard il m'a avoué que cela lui avait fait le même effet. Il est revenu tous les jours, seul. Il me faisait la cour comme on disait à l'époque. Et six mois plus tard, quand il a reçu sa mutation, il m'a demandé de le suivre et j'ai dit oui. J'ignorais que je disais oui pour les soixante trois années à venir ! Mais j'étais confiante. Mon oncle n'était pas très rassuré. Et du côté d'Edward c'était le scandale ! Ses parents lui avaient choisi une fiancée idéale avec un père riche et bien en vue, moi je n'avais pas un sou et même pas de parent, en comparaison je ne faisais pas le poids ! Mais ça n'avait pas d'importance pour nous, on était heureux ensemble c'est tout ! »

-« C'est ce qui compte » murmura John un peu mal à l'aise

-« Après son service Edward a créé une entreprise d'importation de mobilier de décoration et j'étais son assistante, ça n'a pas été simple mais nous avons bien réussi et nous sommes restés ensemble toute notre vie avec nos petits rituels. Quoi qu'il arrive, le premier week end de chaque mois nous réservions notre temps. Bon, les premières années c'était plutôt balade dans le parc ou motel premier prix mais cela nous suffisait. Ensuite nous avons pu nous offrir des sorties plus intéressantes mais en vérité la seule chose qui comptait c'était d'être tous les deux et de se retrouver. Quand on travaille beaucoup c'est important ! »

-« C'est un secret de longévité ? » demanda John

-« J'ai toujours pensé que cela y contribuait, il faut savoir se poser de temps en temps avant d'être noyé dans le quotidien vous ne croyez pas ? »

-« Sans doute. Et vous avez un fils »

-« Oui. Une fille et un fils » précisa la vieille dame « Mais ma fille est loin je ne la vois pas souvent et mon fils, il vient quand il peut mais ma belle fille ne m'aime pas beaucoup… Mais cela arrive souvent, on aime rarement sa belle mère ! » ajouta t-elle avec une grimace

-« C'est fréquent» approuva distraitement Reese

-« On s'y habitue. C'est juste un peu plus dur depuis le départ d'Edward. Il n'y avait vraiment que la mort pour nous séparer » soupira Hortense

-« L'êtes-vous vraiment ?» murmura John

La vieille dame l'observa un instant

-« Non pas vraiment » dit-elle finalement avec un sourire doux. Elle reposa le cadre et lui tendit un gâteau « Le dernier ! Et vous devriez aller faire votre promenade, profitez-en ! Moi je vais… profiter de la page de mots croisés cela fera travailler mes méninges ! A mon âge il faut les entretenir» L'ex agent hocha la tête et se leva

-« Je ne suis pas si loin s'il vous en faut d'autre » précisa-t-il en désignant la boite de biscuits vide

-« C'est gentil ! Mais je vais essayer de me modérer » affirma la vieille dame avec un air malicieux qui disait le contraire. Reese quitta la chambre et se dirigea vers la sortie.

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Une fois à l'extérieur, il se sentit déjà moins oppressé, mais l'ambiance des hôpitaux lui semblait toujours pesante, il préférait nettement leurs installations de fortune à la bibliothèque ou à la planque avec Harold pour infirmier.

La pensée de son compagnon le fit soupirer. Le sermon de Mégan tournait dans sa tête. Il avait vraiment accumulé les faux pas ces dernières semaines et elle avait eu raison d'éloigner Harold, il lui faisait du mal et ce n'était pas bon pour sa santé. En fait toute son attitude ces derniers jours était néfaste pour lui. Mais comment en était-il arrivé là alors que son seul but avait toujours était de l'aimer, donc de le préserver? Ca n'avait pas de sens! Il devait remettre un peu d'ordre dans sa vie.

Il songea d'abord qu'il lui fallait absolument accepter les soins, enfin se laisser faire. Pour son bien et celui d'Harold. Il n'avait jamais eu beaucoup de patience envers lui-même. Pas vraiment de considération non plus, habitué depuis longtemps à considérer son corps comme une arme. Sa mémoire lui restitua l'écho d'une discussion qu'il avait eu avec Finch à ce sujet. C'était au début de leur collaboration, après cette grave blessure infligée par ses anciens collègues. Alors qu'il refusait une énième fois l'aménagement proposé par son patron, décidé à adoucir sa convalescence, Harold avait remarqué, agacé, « Pourquoi refusez-vous ce qui pourrait vous aider à vous rétablir ? Vous devez prendre soin de vous » avait-il protesté « Je veux bien que vous considériez votre corps comme une arme mais dans ce cas je vous rappelle le soin minutieux avec lequel vous entretenez vos "outils de travail" ! » A l'époque, le bon sens évident de la remarque l'avait réduit au silence, mais, têtu, il s'était abstenu d'y réfléchir. Il était temps que cela change pour leur bien à tous les deux. Finch était toujours à ses côtés, le soutenant sans faillir. Il devait faire un effort pour récompenser ses attentions, sa patience…

Et changer sa façon de penser aussi … parce que cette patience dont Finch faisait preuve pour le soigner lorsqu'il était blessé il en faisait preuve aussi face à ces doutes qui revenaient régulièrement le perturber. Etait-ce l'instabilité qui avait toujours régné dans sa vie ? C'était plus fort que lui. Toujours cette pensée que rien ne dure qui lui faisait saboter ce qu'il avait avant de le perdre pour moins en souffrir. Une façon de garder le contrôle. Mais ce raisonnement n'était valable que lorsqu'on veut vraiment tourner la page, finir une histoire, et ce n'était pas le cas avec Harold, il ne voulait pas vivre sans lui!

Cette fois c'était diffèrent, il fallait qu'il se mette dans la tête que cela ne finirait pas, qu'il n'allait pas tout perdre brusquement parce qu'Harold n'était pas comme ça, il ne le laisserait pas tomber. Il ne se lasserait pas de lui comme d'un objet démodé ou un agent devenu inutile.

Mégan lui avait dit qu'il ne lui en voulait pas, qu'il était juste déçu de son attitude. S'il changeait il pourrait encore recoller les morceaux. Mais ce serait la dernière chance. Parce qu'un jour Finch, aussi combattif soit-il, finirait bien par en avoir assez de se heurter sans cesse aux mêmes problèmes et s'il était certain qu'il ne l'abandonnerait pas, cela créerait forcement une distance entre eux. Il fallait qu'il change. Prendre de bonnes résolutions et s'y tenir même dans les moments de doutes. Ce qui ne serait pas facile pour lui mais c'était ça ou renoncer et il n'était pas question de renoncer à Harold. Il l'aimait trop.

Et bien sur, il faudrait évoquer son écart avec Tania. Pas vraiment un écart puisqu'il n'avait pas été infidèle. Mais perdu dans ses illusions, il avait eu un comportement qu'avec le recul il jugeait inacceptable parce qu'il avait blessé son compagnon par ses mensonges et son attitude. Finch savait ce qui l'avait poussé a agir ainsi mais ce n'était pas une excuse. Il aurait dû l'écouter et éviter cette fille quand il était encore temps.

Il allait rentrer. Ils auraient une discussion sérieuse. C'est ce qui fonctionnait le mieux pour eux. Finch lui avaient dit qu'ils avaient besoin de parler, de faire une mise au point et il avait raison. Son hospitalisation lui donnait 48H pour affuter ses arguments.

Sentant la fatigue le rattraper, il s'assied sur un banc et se mit à réfléchir tout en observant le monde autour de lui. Toutes sortes de personnes allait et venait dans les allées, patients se rendant à un rendez-vous, visiteurs, simples promeneurs profitant du parc. Une jeune femme s'efforçait de faire avancer son petit garçon, définitivement rétif à son autorité. Un vieux couple passa devant lui, un dossier sous le bras de l'homme désignait une visite programmée. Un joggeur les frôla et l'homme le suivit des yeux visiblement nostalgique de l'époque où, plus jeune, il pouvait se permettre ce genre d'activité. Un groupe de jeune gens fit irruption du côté du bâtiment principal et s'installa dans un carré de pelouse à l'ombre d'un grand chêne, sortant des livres de leurs sacs, ils se mirent à réviser, allongés dans l'herbe, émettant de temps à autre un commentaire sur leur lecture. Il entendit les sons d'une ambulance au lointain. L'entrée des urgences se trouvait de l'autre côté du bâtiment de droite mais les sons stridents étaient perceptibles à cette distance. D'autres vies en suspend qui devaient à cet instant mobiliser médecins et infirmiers. Et des familles ou des amis inquiets. Ce que Finch avait dû vivre quelques semaines plus tôt songea t-il. La vie déroulait autour de lui les destins de ces inconnus et il les observait comme un entomologiste, par habitude. Il voyait en chacun bien plus qu'ils ne montraient en surface. Derrière l'exaspération de la jeune mère il voyait sa crainte d'échouer dans son rôle. Derrière l'implication du joggeur il devinait son besoin de performance. L'attitude sereine du vieux couple masquait leur inquiétude qu'il devinait à une certaine retenue dans leur langage corporel. Et l'attitude studieuse des jeunes étudiants laisser paraitre leur envie de réussir pour certains et dissimulait une certaine lassitude pour deux d'entre eux chez qui il décelait une perte de motivation. Il savait lire tous ces signes, tous ces détails à priori insignifiants, on lui avait bien appris à décrypter les humains. Alors pourquoi avait-il tant de mal à lire en lui-même pour se raisonner et trouver sa place ?

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Reese revint lentement sur ses pas. Il était presque midi et la chaleur devenait difficilement supportable. Il pénétra dans le bâtiment principal et la fraicheur de la climatisation lui fit du bien. Tandis qu'il patientait devant l'ascenseur, il observa un petit groupe de patients et leur visiteurs et une idée lui vint. Il remonta à sa chambre et croisa Beth dans le couloir

-« Tout va bien M Randall ? »

-« Oui merci Beth »

-« Vous êtes juste à l'heure pour le déjeuner »

-« En effet » approuva l'ex agent « Beth, j'ai un service à vous demander »

-« Si je peux vous aider M Randall, mais… »

-« Ce n'est pas une tentative d'évasion » affirma John. La jeune femme sourit

-« Que puis-je faire pour vous ? » demanda-t-elle

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OoooooooooO

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La petite pendule sonna 13H. Assied bien droit sur le seuil de la pièce, Bear observait son maître qui pianotait rapidement sur son clavier. Finch était resté devant son ordinateur, collectant les preuves, ne cessant ses recherches que pour lui accorder quelques caresses. Il se décida à le solliciter pour la troisième fois en une heure et cette fois il était bien décidé à obtenir gain de cause. Il commença par quelques coups de museau dans le genou et lorsque l'informaticien tendit la main pour le caresser il saisit délicatement sa manche entre ses dents et tira doucement.

-« Bear ! Que fais-tu ? » Interrogea l'informaticien surprit. Le malinois jappa et lui donna un nouveau coup puis il se tourna et se dirigea vers la porte, se tournant pour vérifier qu'il le suivait « Je dois te suivre ? » demanda Finch en se levant enfin de son siège. Bear vint se frotter contre sa jambe puis fila vers la cuisine avec un jappement impatient. « Ah je vois, tu as faim » constata l'informaticien en le rejoignant. Mais il trouva le chien trépignant devant le réfrigérateur et compris que ce n'était pas son repas qu'il réclamait mais celui de son maître « D'accord, tu me surveilles, j'aurais dû deviner » jugea t-il « Je suppose que si je te dis que je n'ai pas faim tu n'accepteras pas de te satisfaire de cette réponse ? » Bear jappa et vint le frôler « Très bien. Je devrais trouver quelque chose de léger pour te plaire » émit-il en ouvrant la porte du réfrigérateur. Il réfléchit un instant puis sélectionna quelques ingrédients et se prépara une salade selon la recette que son compagnon lui avait apprise. Il partagea quelques morceaux de poulets et de fromage avec son ange gardien qui affichait la mine satisfaite de l'agent ayant accompli avec succès sa mission.

L'informaticien finissait de débarrasser lorsque les livreurs s'annoncèrent. Il ne leur fallut pas plus de dix minutes pour récupérer le lit médicalisé et ils se chargèrent même de replacer le mobilier. Finch observa la manœuvre sans trop savoir quoi penser. Il se réjouissait pourtant de se débarrasser d'un meuble qui lui rappelait la blessure de John, mais cela ne voulait pas dire que tout était arrangé pour autant. Il décida de retourner à son poste pour assister l'inspecteur et rester occupé. Bear vint s'installer à ses pieds, pour assurer sa propre surveillance et avant sa prochaine mission : le repas du soir !

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OoooooooooO

Hortense somnolait dans son fauteuil. Son magazine avait glissé sur ses genoux et son stylo sur le sol. Trois coups contre la porte la firent sursauter, elle se redressa et rajusta ses lunettes

-« Oui ? »

John passa la tête par l'entrebâillement

-« Je vous dérange ? »

-« Ah John ! Non, je commençais une petite sieste digestive ! »

-« Je me suis dit que peut être vous auriez envie de m'accompagner au parc ? » Suggéra l'ex agent en poussant la porte, dévoilant le fauteuil que Beth lui avait fourni. La vieille dame écarquilla les yeux

-« Oh ! »

-« Ça vous intéresse ? »

-« Ce n'est pas le genre de proposition qui se refuse » s'exclama la mamie. John avança, il l'aida à se lever et à enfiler sa robe de chambre puis à s'installer dans le fauteuil.

-« En avant !» lança-t-elle joyeusement lorsqu'elle fut bien calée. John ne put s'empêcher de sourire devant son enthousiasme. Il fit tourner le fauteuil et commença à le pousser jusqu'à l'ascenseur, puis, une fois en bas, ils traversèrent le hall jusqu'à la sortie. Il s'engagea dans une allée de côté parce qu'elle était plus ombragée et choisit un endroit tranquille sous un grand platane aux branches basses

-« Je pense qu'ici vous serez bien »

-« C'est parfait John ! » la vieille dame ferma les yeux et inspira profondément « C'est si bon l'air frais ! » murmura-t-elle « Et sentir le soleil ! » Elle profita quelques minutes de l'environnement puis repris la parole « Chez moi j'ai une petite terrasse et un petit bout de jardin. Edward avait choisi la maison pour cela, il voulait un jardin avec des roses ! Ce n'est pas si simple en ville »

-« Non pas vraiment » approuva Reese

-« Il aimait les roses rouges, très foncées celles qui ressemble à du velours. Michaël, notre petit fils adore les blanches et moi c'est les jaunes. Il se moquait toujours de moi à cause de cela ! » Gloussa-t-elle « Vous savez pourquoi ? »

-« Non » avoua l'ex agent

-« Vous ne connaissez pas le langage des fleurs ?»

-« Pas vraiment non »

-« Ce serait plutôt un domaine pour votre ami je parie ? » s'amusa la mamie

-« Oui » concéda John « Il est plus savant que moi pour ce genre de chose »

-Vous êtes complémentaires » trancha Hortense « les roses jaunes sont symbole de jalousie ou d'infidélité. Ce qui est injuste puisqu'elles sont magnifiques ! »

-« Vous avez raison »

-« Edward passait beaucoup de temps sur ces rosiers, rouge, jaune, blanc et abricot ! Depuis son départ j'emploie un jardinier spécialiste, j'y tiens beaucoup ! L'été j'adore profiter de la fraicheur du soir avec le parfum des roses » expliqua la vieille dame avec un sourire

-« Allez-vous bientôt rentrer chez vous ? »

-« En septembre »

-« Ce n'est plus si loin »

-« Non » Hortense hésita puis ajouta « En vérité j'aurais fini mon traitement à la fin du mois mais le docteur Tillman a réussi à me trouver une place discrète dans un service de rééducation, je finance alors elle a pu trouver cette solution pour l'été. Mais il ne faut pas que cela s'ébruite »

-« Si vous en aviez besoin… »

-« Pas vraiment en réalité. Mais … En fait il n'est plus recommandé que je vive seule. Alors si je rentre à la fin du mois je devrais embaucher une ou deux personnes, c'est compliqué de trouver des personnes sérieuses et ce serait toute une organisation. Et je sais bien que ma belle-fille attends que je fasse un faux pas » remarqua-t-elle « Alors qu'en septembre mon petit-fils emménage avec moi. Il a obtenu son diplôme de pédiatre ! » Affirma-t-elle et Reese vit la fierté dans son regard. « Il termine son stage cet été et ensuite il rentre pour s'installer avec moi. Je ne voulais pas qu'il s'encombre d'une vieille dame mais il est terriblement têtu ! »

-« Il vous aime » Jugea Reese

-« Oui. Je m'installerai au rez de chaussée, il aura tout l'étage, j'ai une femme de ménage et une cuisinière, ça va être parfait ! Et personne n'aura à redire ! »

-« Surtout pas votre belle fille ? »

-« Non ! Elle rêve de me voir en maison de retraite mais moi j'y serai trop mal » marmonna la vieille dame

-« Elle a peut-être quelques projets immobilier ? » remarqua John qui avait déjà rencontré ces motivations plusieurs fois au cours de leur missions

- «Non. Ce n'est même pas pour la maison, juste parce qu'elle m'en veut pour une bêtise que j'ai dite il y a longtemps et elle est très rancunière »

-« Elle va en vouloir à son fils aussi » suggéra John

-« Michael n'est pas son fils et elle le déteste alors ça ne changera pas beaucoup ! » s'amusa Hortense « C'est une longue histoire… » Elle observa son interlocuteur

-« Nous avons du temps » remarqua celui-ci. Et le bavardage de la mamie avait le don de le distraire de ses pensées déprimantes

-« Ah si vous me tendez la perche ! » gloussa la vieille dame. John lui sourit alors elle continua :

-« Avec Edward on avait jamais vraiment discuté d'être parent et pendant plusieurs années la question ne s'est pas posée, on finissait d'ailleurs par se demander si tout allait bien. Oh nous savions comment faire je vous rassure ! » Gloussa Hortense avec un clin d'œil complice « Puis un jour j'ai consulté pour des maux d'estomac et le docteur m'a dit vous n'êtes pas malade vous êtes enceinte ! Ça nous avait laissé muet tous les deux mais bien content tout de même ! Et notre fille est née. Je dois bien avouer que je ne me sentais pas du tout la vocation de mère au foyer alors j'ai continué à travailler avec Edward. La journée nous avions une nurse très qualifiée et tout notre temps libre était pour la petite. Sauf le premier week end du mois. Et ça fonctionnait plutôt bien. Et quatre ans après Mike est né et nous avons continué de la même façon. En grandissant nous avons eu une fille avec un très mauvais caractère et un garçon très doux et très studieux, le jour et la nuit en fait ! Mike était très proche de son père et il lui a dit très tôt qu'il reprendrait l'entreprise, il voulait juste avoir une autre expérience avant pour tester. Il est allé à l'université et il en est revenu avec une fiancée charmante, Cindy. Cette fille était un vrai rayon de soleil, vive, jolie, toujours enjouée et tellement gentille ! Quand ils se sont mariés ça a été une superbe fête ! Puis Mike a trouvé un travail dans une grosse société et Cindy a ouvert une petite boutique de mode »

-« Et là vous aimiez votre belle fille » remarqua Reese

-« Ah oui je l'adorais ! Et c'était réciproque. Mais parfois il y avait des tensions parce que Mike a toujours était un garçon sérieux, un peu trop rigide, et Cindy c'était la bonne humeur incarnée, la fantaisie»

-« Son grain de folie » murmura John, mal à l'aise

-« Oui c'est ça. Mais ils s'entendaient bien quand même. Jusqu'à l'arrivée du bébé, notre petit Michael. En devenant papa Mike est devenu encore plus sérieux, tout devait être parfait parce qu'il voulait réussir pour son fils, il n'y avait plus de place pour l'improvisation et Cindy a fini par étouffer » Hortense observait son vis-à-vis du coin de l'œil et devina que ces paroles le perturbait. Elle se promit d'essayer de comprendre pourquoi « Nous avons fêté les un an du petit et puis quelques jours plus tard Cindy nous a déposé le bébé avec un mot et nous ne l'avons plus jamais revu ! Elle n'arrivait plus à supporter cette vie, elle voulait recommencer alors elle est partie. Elle ne s'est même pas montrée pour signer les papiers du divorce. » Soupira la mamie « Mike l'a mal pris, surtout qu'Edward n'a pas pu s'empêcher de lui faire remarquer que nous avions essayé de le prévenir, de lui dire qu'il fallait laisser Cindy s'exprimer aussi, garder son espace ils avaient déjà discuté du sujet mais Mike ne voulait pas écouter, c'est bien dommage ! » Jugea Hortense « Mais il fallait continuer, alors il s'est installé à proximité avec son fils et nous l'avons aidé en le gardant régulièrement. Et pendant cinq ans ça s'est très bien passé. Jusqu'à ce qu'il reprenne l'entreprise familiale et qu'il rencontre Lana »

-« Votre "ennemie" » suggéra Reese

-« Exactement. On peut bien l'appeler comme ça puisque c'est vrai. Elle l'a embobiné sans mal, elle savait s'y prendre, et elle l'a poussé au mariage. Edward et moi nous avons compris dès sa première visite chez nous qu'elle était mauvaise mais nous n'avons rien dit puisque Mike l'aimait. Simplement un jour j'ai dit à Edward que je regrettais Cindy, si lumineuse et si gentille. Lana n'était pas censée le savoir mais elle m'a entendu, elle avait l'habitude de nous épier sans doute parce qu'elle avait deviné que nous étions méfiant envers elle et elle a entendu la conversation. Ce jour là elle nous a regardés méchamment mais elle n'a rien dit. Mais le jour du mariage elle m'a dit « maintenant vous aurez des raisons de regretter votre Cindy ! » et je peux vous dire que c'était vrai ! Mais s'il n'y avait eu que nous ça n'aurait pas été important mais il y avait Michael. Elle ne l'a jamais aimé, c'était le fils d'une autre. Au début elle a fait semblant. Mais dès la naissance de son premier fils il est devenu le souffre-douleur. Encore plus après le second. Mike voyait bien qu'il y avait un problème mais il était coincé, d'un côté son fils et de l'autre sa femme et deux autres fils, pas facile ! Alors le petit est venu de plus en plus souvent chez nous. Parfois avec ses frères quand Mike l'imposait. Et cela a duré jusqu'à ce que Michael termine son parcours scolaire, avec d'excellentes notes et qu'il soit question de son entrée à l'université. Il savait qu'il voulait devenir pédiatre mais ce genre d'études c'est couteux et Mike avait commencé à calculer comment tout concilier dans son budget. Un dimanche nous nous sommes réunis chez eux pour en discuter. Edward voulait aider, il fallait tout planifier. Et c'est pile à ce moment que Lana a annoncé une nouvelle grossesse avec le grand sourire de celle qui sait qu'elle vient de saborder l'avenir d'un gamin qu'elle déteste ! » Je m'en souviendrai toujours ! Il y a eu un blanc, un grand moment d'incrédulité. Tout le monde réalisait ce que ça impliquait, un bébé coute cher, et quand elle a insisté en annonçant qu'elle attendait des jumeaux, Michael s'est pris la tête entre les mains et s'est sauvé dans le jardin. Il était évident qu'elle l'avait fait exprès. Et en plus la nature lui donnait un coup de pouce ! »

-« Je comprends mieux votre ressentiment. Elle avait la rancune tenace» jugea Reese

-« Ce jour là la réunion de famille a fini en dispute parce qu'Edward, incapable de se contenir, a lancé ses quatre vérités à Lana, disant tout haut ce que tous pensaient tout bas. Et Mike n'a pas vraiment osé l'arrêter. Puis finalement nous sommes partis en emmenant Michael. Il est venu vivre chez nous et c'est nous qui avons financé ses études. Cette peste a échoué ! Et après ça, même s'ils sont toujours ensemble, le couple a été ébranlé. Mike s'impose un peu plus, ça lui a ouvert les yeux. Le plus drôle c'est que Lana a tout fait pour que ces deux premiers fils détestent leur demi-frère mais les deux gamins l'adore et le voit en cachette ! Il n'y a que les deux derniers qui soient bien les fils de leur mère »

-« Mike vous doit beaucoup » remarqua John

-« Il le méritait. C'est un gamin adorable, lumineux comme sa mère et si patient. Il fera des merveilles avec les enfants. J'aurais aimé qu'Edward soit là pour le voir dans son premier poste à la rentrée ! » Remarqua Hortense avec mélancolie. Reese se pencha vers l'arrière du fauteuil et lui tendit une boite

-« Un gâteau ? » La mamie retrouva instantanément le sourire

-« Oh ! Mes préférés ! Ce n'est pas raisonnable »

-« Juste une petite exception ? » » Suggéra l'ex agent. Elle saisit la boite et s'empressa de l'ouvrir

-« Une petite ! » gloussa-t-elle « Nous aurons le temps d'être raisonnable un autre jour ! » s'amusa t-elle en tendant un biscuit à son compagnon. Elle mordit dans le sien et affirma joyeusement : « Sortie, gâteau, c'est un vrai jour de fête ! » Ils continuèrent à manger en observant les visiteurs dans les allées

-« Un peu d'eau ? » demanda Reese « Ou un jus de fruit ? »

-« Vous avez pensé à tout ! » elle observa les petites bouteilles « Pomme et… abricot ? »

-« Un réflexe » marmonna John. Hortense l'interrogea du regard « C'est le préféré d'Harold »

-« Oh je vois ! Alors vous avez le réflexe de choisir celui-là ! » Affirma la mamie en prenant le jus de pomme « Vous êtes aux petits soins ! »

-« Oui » admit l'ex agent

-« C'est normal » approuva la vieille dame « Dites-moi, comment avez-vous connu Harold ? Pas dans un salon de thé au moins ?» l'ex agent esquissa un sourire

-« Non. Même s'il adore le thé. Nous nous sommes rencontrés… sous un pont » Hortense lui adressa un regard perplexe

-« Voilà qui est original ! »

-« Harold cherchait un nouvel employé et je correspondais au profil »

-« Et coup de foudre sous le pont ! » affirma Hortense en riant

-« Pas exactement » répondit John sans pouvoir s'empêcher de sourire « Je n'étais pas tellement à mon avantage ce jour-là. Et c'était un entretien professionnel »

-« C'est original comme lieu pour un entretien de ce genre ! Mais bien sérieux alors ? »

-« Oui. Et ensuite, ils nous a fallu un peu de temps pour nous apprivoiser »

-« Parce que vous avez des caractères bien différents n'est-ce pas ?»

-« Vous avez deviné »

-« Je vous ai vu réagir tout à l'heure. Et Harold a l'air si sérieux dans ses beaux costumes ! »

-« Mégan… le docteur Tillman, a l'habitude de dire qu'Harold est la voie de la raison et que je suis son grain de folie »

-« Elle a surement raison puisqu'elle vous connait bien. C'était aussi l'avis d'Alina. Cela prouve qu'avoir des caractères opposés n'est pas incompatible ! Mais mon fils a toujours était trop rigide, s'il avait seulement fait un petit effort ! »

-« Ce n'est pas si facile »remarqua John

-« Mais Harold l'a fait non ? »

-« Oui. Il l'a fait, il continue de le faire au quotidien »

-« Depuis longtemps ? »

-« Nous sommes en couple depuis trois ans. Enfin trois ans dans quelques jours »

-« Vous pourrez lui faire des crêpes ! »Gloussa Hortense

-« Des crêpes ? » répéta John surpris

-« Trois ans : noces de froment ! » Reese sourit à la plaisanterie

-« Nous ne sommes pas mariés »

-« C'est tout comme ! » affirma la vieille dame « Et vous travaillez toujours ensemble ? »

-« Oui »

-« C'est pratique mais il faut quand même garder une barrière entre le travail et la vie privée. Et se ménager des moments à deux ! C'est important croyez en mon expérience»

-« Et en appliquant cette méthode nous atteindrons les noces de… ? »

-« Lilas» compléta Hortense « C'est tout ce que je vous souhaite ! »

-« Je crois que nous ne nous sommes pas rencontré assez tôt »

-« Admettons, alors il faut en profiter le plus longtemps possible. Vous pourrez lui dire quand vous l'appellerez ce soir ! »

-« Sans doute » éluda John en se levant pour jeter la boite de biscuit dans la poubelle « Vous n'avez pas trop chaud ?

-« Non ça va, nous sommes à l'ombre ici. J'espère que le docteur ne va pas nous chercher ? »

-« J'ai prévenu l'infirmière »

-« C'est bien. Elle aussi est gentille » Hortense continua à parler de chose et d'autre, elle semblait ne jamais manqué de sujet de conversation. Reese l'écoutait, émettant un commentaire de temps en temps pour garder son esprit occupé par autre chose que ses soucis, il savait que ses pensées reviendraient l'assaillir dès qu'il serait seul…

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Finch écoutait le rapport d'une oreille distraite. A l'écran son collaborateur s'efforçait de déchiffrer ses notes. Ayant maladroitement laissé tomber ses fiches quelques minutes plus tôt, il ne parvenait pas à les remettre dans l'ordre et peinait à retrouver le fil de la discussion, et le graphique affiché dans son dos devenait plus difficilement lisible sans ces fameuses notes. Il tenta de contacter un collègue, sans succès

-« Les connections semblent défaillantes» soupira-t-il, stressé, «Mais je vais les faire vérifier pour demain. Celle de la salle de signature sera certainement plus performante » risqua-t-il en s'épongeant le front.

-« N'aviez-vous pas fait intervenir le service technique?» remarqua Finch

-« Si mais ce serait à cause des travaux dans l'immeuble voisin» expliqua le jeune homme. Il tenta à nouveau un appel mais sans plus de résultat «Ne vous inquiétez pas Monsieur Wren, je vais vous transmettre les éléments par mail» dit-il finalement, visiblement stressé, «Et je vérifierai les connexions pour demain moi-même, nous serons prêt et…» tout en parlant il continuait de remuer ses fiches et la moitié glissa au sol. Il leur adressa un regard désespéré. Son collègue apparu à cet instant «C'est un mauvais jour» souffla t-il oubliant qu'il était entendu

-« Je le crains» commenta Finch impassible

-« Nous allons tout revoir M Wren et tout sera prêt pour le bilan du second trimestre »

-« Du moins tout le monde sera là» précisa le second employé

-« Avec ces travaux les visio deviennent compliqués»

-« Ils seront terminés vendredi» affirma le collègue

-« Seulement» souffla Victor, perturbé

-« Et bien dans ce cas il serait préférable que j'assiste aux réunions» affirma Finch. Il n'aurait su dire qu'elle impulsion l'avait poussé à dire cela, les mots semblaient être sortis d'eux même faisant fi de sa volonté

-« Certainement M Wren» approuva Victor, puis il réalisa en croisant le regard stupéfait de son collègue «Heu… assister?» bredouilla-t-il

-« Vous souhaitez assister aux réunions M Wren?» répéta le second

-« Physiquement?» insista Victor

-« Pourquoi pas? Il s'agit bien de mon entreprise» ironisa l'informaticien, amusé de leur effarement

-« Mais bien sur M Wren» approuva aussitôt le jeune homme

-« Ce sera un plaisir de vous voir» renchérit son collègue

Finch n'assistait pratiquement jamais aux réunions physiquement et il ne suivait en visio que les rendez-vous les plus importants, tel que les bilans aux termes de chaque trimestres

-« Je ferai préparer votre bureau»

-« C'est inutile» répliqua l'informaticien. La salle de conférence sera plus adaptée »

-« Entendu M Wren»

-« En attendant faite intervenir à nouveau les techniciens Victor, les connections doivent être rétablies au plus vite»

-« Bien Monsieur»

-« Et les dossiers papiers devront être reliés convenablement» ajouta Finch, jugeant utile de le préciser devant le fiasco des fiches volantes de son collaborateur

-« Entendu M Wren, tout sera prêt»

-« Allez-vous assister à toutes les séances M Wren?» interrogea le second. L'informaticien hésita

-« Oui» annonça-t-il finalement. Autant aller au bout de son idée, même si ces réunions étaient prévues pour durer au moins trois jours. John allait rentrer. Il devrait lui expliquer cette démarche inhabituelle. Et peut-être devrait-il se l'expliquer à lui-même d'abord ! Il salua brièvement ses collaborateurs et ferma la cession. Se laissant aller contre le dossier de son fauteuil, il caressa Bear venu lui réclamer une caresse

-« J'ai peur d'avoir fait une bêtise Bear» murmura-t-il. Le malinois lui lécha la main et s'installa à ses pieds comme s'il cherchait à le rassurer de sa présence. «Tant pis, je vais l'assumer» soupira-t-il. Restait à imaginer comment…

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Appuyée contre le mur, près de la porte du bureau des infirmières, Mégan lisait attentivement les résultats que Beth venait de lui remettre. Celle-ci patientait sur le seuil en attendant les instructions

-« Meg tu ne serais pas mieux assise derrière ton bureau ? » remarqua-t-elle

-« Pas le temps Beth, il faut que je retourne au premier je suis juste montée vérifier ce dossier »

-« J'espère que tu feras une pause ensuite ? »

-« T'inquiète » répliqua la médecin avec un sourire « Après la consultation j'aurai fini, je te promets de souffler cinq minutes » Beth hocha la tête moyennement convaincu « Bon, je pense qu'on va garder le même dosage et… » Elle s'interrompit devant la scène qui s'offrait à elle lorsqu'elle leva les yeux. La porte de l'ascenseur venait de s'ouvrir et Hortense en émergea, dans son fauteuil, conseillant joyeusement son chauffeur sur sa conduite et riant de sa plaisanterie tandis que Reese s'appliquait à la pousser jusqu'à sa chambre, ne pouvant s'empêcher de sourire. Mégan tourna la tête vers sa collègue « Mais ? C'était John ?! »

-« Oui. Il m'avait demandé de lui prêter un fauteuil pour emmener une amie en promenade »

-« Et bien… Il s'est trouvé une occupation » constata Megan, perplexe

-« Je crois que, plus que d'occupation, M Randall a besoin de se sentir utile » jugea Beth. La médecin observa son amie un instant puis hocha la tête

-« Tu l'as parfaitement cerné Beth » approuva t-elle

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Hortense se cala dans son fauteuil avec un soupir bienheureux

-« J'ai passé un des meilleurs après-midi de ma vie ! » affirma t-elle « Merci John » ajouta-t-elle en lui prenant la main « Merci beaucoup »

-« Ça me fait plaisir » murmura l'ex agent « Je suis encore là demain » remarqua-t-il avec un clin d'œil complice

-« Oh ! Quel tentateur ! » Gloussa la mamie « Je ne sais pas si je vais savoir résister ! »

-« Le meilleur moyen de se délivrer d'une tentation c'est d'y céder » murmura John

-« Voilà un bon argument ! »

-« C'est… C'est Harold qui m'a dit cela un jour et je l'ai retenu parce que j'aime lui répéter lorsqu'il hésite devant le dessert que je lui ai préparé »

-« Ah ! C'est un gourmand ? »

-« Gourmet et gourmand oui. J'aime cuisiner pour lui. Parfois avec lui » confessa John

-« Parfois ? Il n'aime pas ça ? »

-« Harold n'est pas doué en cuisine. Mais avec moi il apprécie ».

-« C'est toujours plus agréable avec la personne qu'on aime ! » affirma Hortense « Toutes les petites choses du quotidien prennent plus de valeur quand on est deux pour les faire »

-« C'est vrai » murmura Reese

-« Saluez-le de ma part quand vous l'appellerez ce soir ! » lança la mamie avec un sourire. John se tendit imperceptiblement, son regard se figea « Vous n'allez pas l'appeler ? »

-« Si. Si bien sur »répondit Reese pour ne pas attirer l'attention. Hortense resta perplexe. « Je crois que le diner arrive » remarqua-t-il pour changer de sujet

-« Ça tombe bien ! Le grand air ça creuse et cette nuit je sens que je vais bien dormir ! »

-« Bonne soirée » murmura l'ex agent

-« Bonne soirée » répondit la vieille dame « John » appela-t-elle comme il allait sortir. Il stoppa et se tourna vers elle

-« Oui ? »

-« Le meilleur moyen d'obtenir un sourire c'est d'en offrir un » affirma Hortense « C'est tout simple d'être heureux» John la fixa un instant puis hocha la tête

-« Vous avez raison. Je vais y penser » La vieille dame approuva d'un sourire et il sortit pour regagner sa chambre

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Un coup discret et Megan se glissa dans la chambre, cherchant à deviner l'humeur de son patient

-« Bonsoir John, comment vous sentez vous ce soir ? »

-« Bien » affirma Reese. Son visage parfaitement impassible ne la renseigna pas davantage que sa réponse et la jeune femme retint un soupir. Elle l'examina rapidement

-« Pas de douleurs ? Rien à signaler de particulier ? » insista-t-elle

-« Non. Tout va bien »

-« D'accord » approuva la médecin en retirant le brassard « La tension est correcte, tout me semble parfait » jugea-t-elle en lui adressant un regard encourageant. Reese se contenta de hocher la tête. « En tout cas, je connais une vieille dame qui, elle, a passé une excellente journée. Il y a longtemps que je ne l'avais pas vu aussi joyeuse » annonça Megan « Grace à vous » ajouta-t-elle en rivant son regard dans celui de son patient «Mais c'est logique »

-« Logique ? » répéta John étonné

-« Oui. Ca fait partie de vos réflexes rendre service, protéger, aider… » Reese resta décontenancé un instant. Mégan sourit « Il vous reste juste un petit effort à faire pour accepter la réciproque et tout deviendra idéal » affirma t-elle en serrant un instant sa main. « A demain John, tachez de vous reposer et appelez en cas de besoin ! »

-« A demain » murmura machinalement l'ex agent. Il se rallongea et laissa dériver ses pensées quelques temps. Finalement il ferma les yeux. S'il se forçait à dormir les heures passeraient plus vite.

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L'enquête, pourtant assez simple, dura jusqu'à 20H où enfin Fusco pu arrêter l'apprenti escroc du jour. Il prévint son complice pour que l'affaire soit classée et qu'il puisse prendre un peu de repos. Finch raccrocha le téléphone après que l'inspecteur lui ai annoncé la fin de la mission et rappelé trois fois de l'appeler en cas de besoin, qu'elle que soit l'heure, « Les soirées c'est long parfois » avait-il insinué et l'informaticien avait compris qu'il s'inquiétait de le savoir seul avec ses pensées. Megan ne l'avait pas encore contacté et il commençait à s'inquiéter de son silence. Il se sentit donc soulagé lorsque son portable vibra quelques minutes plus tard affichant son numéro. L'appel fut assez bref, Megan le rassura sur l'état physique de son compagnon mais ne fut pas très loquace sur son état psychologique. Connaissant son agent il n'en fut pas surpris. Il y avait de grandes chances qu'il ait choisi de s'isoler, gardant pour lui ses véritables sentiments, comme il le faisait toujours, sauf avec lui. Il décida de se raccrocher aux nouvelles positives, pour le reste il verrait plus tard.

Finch se coucha tôt mais compris vite que la nuit qui s'annonçait serait aussi longue que la précédente. Baer en profita et il n'eut pas le cœur de le repousser. Il se contenta de laisser passer les heures entre demi sommeil, réflexions et souvenirs.