Bonjour à toutes et à tous !
Alors que les deux chapitres précédents étaient calmes, voici venir un peu plus de... chaos.
Bonne lecture !
Où un vieil ennemi pointe le bout de ses têtes
Chapitre 7 : troisième partie
Certes, Loki était soupe au lait, colérique, impatiente, jalouse, méprisante, hautaine, mais elle était aussi curieuse, travailleuse, et très, très intelligente. C'est pourquoi, une fois revenue à Asgard, elle ne chercha pas du tout à s'enfuir.
Sa participation dans le combat contre le Maudit lui avait valu un assouplissement de sa peine des plus appréciables. Plutôt que d'être enfermée dans une cellule avec la plèbe, Loki était assignée à résidence dans ses quartiers. Elle pouvait y recevoir de la visite plus librement qu'en prison, et demander qu'on lui apportât tout ce qu'elle souhaitait. Elle se mit donc au travail.
Loki réclama qu'on lui livrât certains des rouleaux et codex les plus anciens issus de la bibliothèque royale. Le Grand Bibliothécaire était presque un ami, et lui confiait sans sourciller les textes les plus rares et les plus fragiles sans la moindre hésitation. En effet, Loki aurait préféré s'arracher elle-même les yeux plutôt que d'abîmer la moindre fibre de parchemin.
Enfin, quand elle n'eut pas trouvé ce qu'elle cherchait, elle se décida à s'évader, surprenant tout le monde. Après tout, elle avait consenti à rester un mois entier dans ses appartements avec une sécurité réduite. Odin pesta, Thor se rembrunit, fâché de n'avoir toujours pas le droit de retourner sur Midgard, et Frigga sourit en assurant que Loki n'était pas une menace pour le moment. La Reine avait le don de Perception et conseillait le trône en fonction de ses pressentiments. Odin choisit de suivre son conseil et ne donna pas la chasse à sa fille adoptive.
Loki se laissa glisser le long des branches d'Yggdrasil jusqu'à Alfheim. Le Royaume printanier ne lui reprochait rien et elle savait qu'elle pourrait y circuler librement. Elle avait encore des amis parmi les lettrés et la noblesse, des amitiés qu'elle mit à profit pour ses recherches.
Elle ne mit pas longtemps à trouver les documents qu'elle cherchait. Les alfes avaient une culture de l'archivage beaucoup plus ancienne que les Asgardiens et Loki trouvait plus facile de s'orienter dans leurs bibliothèques. En quelques jours, ses doutes furent confirmés et elle put préparer la dernière partie de ses recherches sur Midgard.
L'ironie des circonstances ne lui échappa pas. Thor se languissait de ce Royaume dans les ors du palais d'Asgard alors qu'il y était attendu, tandis qu'elle, considérée comme indésirable dans la moitié d'Yggdrasil, allait où bon lui semblait.
Elle s'introduisit dans le vénérable château de pierres grises aux multiples tours pointant vers le ciel, sans que personne ne la vît. Les couloirs étaient froids, mais décorés, et Loki se souvint que les civilisations de ce Royaume aimaient célébrer des dates importantes liées au temps qui passe. Les saisons étaient un concept presque inconnu à Asgard, Royaume de l'éternel été. Il avait bien une sorte de saison des pluies, mais c'était un temps très court et rien qui valût qu'on le fêtât.
Loki hésita un moment. Le château n'était pas vide, mais il n'y avait que peu d'occupants. Peut-être était-il dans son intérêt de saluer le maître des lieux. Elle préférait rester discrète et rejoindre immédiatement la bibliothèque, mais elle avait l'intuition que ce qu'elle cherchait ne serait pas facile d'accès.
Elle chercha donc le bureau du maître des lieux et se concentra sur ses perceptions.
Loki s'aperçut aussitôt que le bâtiment, aussi magique que ses occupants, ne la laisserait pas analyser les flux et reflux dans ses pierres. Elle dut donc trouver un plan de secours et se trouva soudainement dans la situation la plus singulière.
Les tableaux aux murs parlaient.
Loki avait visité de nombreux mondes avec des civilisations très éloignées de ce qu'on trouvait au sein de l'Yggdrasil. Des êtres aussi différents qu'une pierre est différente d'une fleur. Elle avait vu de nombreuses manifestations magiques étranges, magnifiques ou bizarres, mais rarement elle n'avait croisé la route d'un objet à la fois aussi familier et aussi insolite.
Contrairement à Midgard, Asgard n'accordait que peu d'importance aux images et encore moins aux images instantanées. Un ase préférerait toujours un portrait peint, même de piètre qualité, à une photographie, peu importe sa technique. Asgard valorisait le geste de l'artiste et le temps passé à travailler. Pour un peuple qui pouvait vivre des millénaires, l'instantané était une hérésie. La plupart des jeunes gens se faisaient tirer le portrait arrivé à l'âge adulte et chaque village se devait de posséder un portrait de la famille royale. Les Odinson mettaient donc un point d'honneur à se faire portraiturer tous les quelques siècles.
Néanmoins, jamais personne n'avait eu l'idée d'infuser de la Magie dans la peinture ou dans les images.
Ici, non seulement les images bougeaient, mais elles parlaient aussi et se rendaient visite de tableau en tableau. Les implications d'un tel sortilège, sa conception, l'ingénierie derrière le tissu magique faisaient tourner la tête de Loki.
« Je ne crois pas que nous ayons été introduits, Mademoiselle, l'aborda un homme peint. »
Représenté en majesté, il était habillé d'une manière tout à fait différente de ce que Loki avait observé sur Midgard, même chez les Sorciers. Il portait un pantalon fin qui définissait presque parfaitement toutes les courbes de ses jambes, mais des couches et des couches de tissus divers sur les épaules, accumulées pour donner un effet impressionnant d'armure de tissu. À ses pieds, un chien se tenait assis, le dos bien droit.
« Je suis la Princesse Loki d'Asgard, se présenta Loki aimablement.
— Cela faisait bien longtemps que ces murs n'avaient accueilli de membres d'une famille royale. Bienvenue à Poudlard ! Je suis Sir Giffard Abbott, patriarche de la Maison Abbott, membre du Magenmagot et Grand Protecteur du Statut du Secret. Que puis-je faire pour vous, Princesse ?
— Je crois que je me suis égarée, je cherche le bureau du Directeur.
— C'est très facile. Le bureau directorial se trouve au deuxième étage. Il est gardé par une gargouille. Pour y accéder, il faut prendre cet escalier. Avec un peu de chance, il tournera au bon moment. Sinon, il faudra prendre un deuxième escalier qui vous mènera dans l'aile Est du troisième étage, sauf s'il décide de bouger et dans ce cas, vous arriverez dans l'aile ouest. Dans tous les cas, il vous faudra rejoindre un autre couloir…
— Ou je peux apparaître directement devant la gargouille du deuxième étage.
— Oh, non, répondit la peinture en secouant la tête d'un air désolé. On ne peut pas transplaner à Poudlard. »
Loki cilla. Elle avait parfaitement compris ce que voulait dire Sir Giffard Abbott, ce n'était pas le problème. Le Directeur avait expliqué ce dont il s'agissait à Thor après la bataille contre le Maudit.
« Comment pensez-vous que je sois arrivée ? demanda-t-elle.
— Eh bien, par la Grande Porte, comme tout le monde ! »
Loki se contenta de lever les yeux au ciel et se téléporta.
La gargouille fut parfaitement civile, ne dit pas un mot et se contenta d'ouvrir le passage quand Loki annonça son nom et son rang. Le bureau du Directeur Dumbledore ressemblait un peu à celui d'un mage Vane. Rempli à en avoir la nausée de gadgets magiques tintinnabulant et vaporeux, il était à la fois chaleureux et étouffant. Le Directeur lui-même exhalait cette sensation poisseuse de bienvenue sirupeuse et asphyxiante.
Les banalités d'usage terminées — ce qui prenait un temps considérable à cause de la bienveillance faussement obséquieuse de Dumbledore et de la politesse exagérément parfaite de Loki — le Directeur invoqua du thé et des petites collations.
« Mangeons et parlons, dit-il sans perdre le pétillement de ses yeux. Que me vaut le plaisir de votre visite ? »
Loki prit le temps de rompre un morceau de ce pain brioché britannique, et selon l'usage, d'étaler un peu de confiture dessus, puis d'avaler une gorgée de thé avant de répondre.
« Je suis curieuse, dit-elle malicieusement. J'ai donc pris la liberté de faire quelque recherche sur l'enfant. »
La réaction de Dumbledore ne se fit pas attendre. Le pétillement se fit moins intense et la pression sur son esprit, typique de cette capacité particulière à percevoir les pensées des autres, se fit plus pressante.
« J'ignorais qu'un enfant humain, même démontrant quelque habilité magique particulière, pouvait susciter la curiosité d'une magicienne telle que vous, Princesse.
— C'est là que vous vous trompez, Directeur, rétorqua Loki en savourant chaque mot comme s'ils étaient tartinés de confiture de fraise. L'enfant n'est pas humain. Pas complètement. »
La tasse en porcelaine heurta sa soucoupe avec un tintement sonore. Quelques gouttes s'éparpillèrent sur le bureau tachant des parchemins déjà jaunis.
« Je vous demande pardon ? balbutia le vieil homme.
— C'est un peu un hasard, et vraiment, il est aussi humain que possible, mais en remontant dans sa généalogie, je suis certain de trouver quelques irrégularités. Je n'en ai pas encore la preuve ceci dit. »
Loki expliqua sa théorie à Dumbledore, qui l'écouta avec attention. Si le vieux midgardien avait d'abord prévu de remettre la fugitive aux autorités, en définitive il n'en fit rien et accepta même de laisser Loki accéder à la bibliothèque de Poudlard — seulement en période de vacances des élèves pour ne pas attiser leur curiosité ou démarrer des rumeurs. Les vacances de Noël n'étaient pas tout à fait adéquates, puisque certains élèves stressés restaient étudier jusque tard, même pendant les semaines chômées. Le Directeur l'invita donc à revenir pendant la période estivale, quelques mois plus tard.
En attendant de mener les recherches qu'elle brûlait de débuter, Loki décida de prendre la question par un autre angle. Elle trouva un charmant petit pavillon dans la banlieue de New York, qu'elle décora avec goût. Ses longues heures à entretenir son jardin lui permirent de sympathiser avec sa voisine, une dame âgée très gentille, prénommée Eulalie.
Eulalie était enseignante à la retraite, mais il lui arrivait de donner des cours de soutien à de jeunes enfants. Elle était ce que les midgardiens appelaient une Mamie biscuit — ou quelque chose d'approchant. Elle accueillait ses élèves avec le sourire et une friandise, puis organisait des petits jeux ludiques, à l'intérieur ou à l'extérieur en fonction de la météo.
Le quartier était semi-sorcier et d'épais sortilèges protégeaient les maisons abritant les familles magiques, sans les isoler les unes des autres. Loki et Eulalie discutaient souvent par-dessus la haie. La vieille dame apprit à sa voisine à entretenir certaines plantes magiques capricieuses pendant les mois d'hiver — une saison que la princesse ne connaissait pas ou très peu.
Loki put ainsi apercevoir le jeune Harry Potter quand celui-ci commença à prendre des leçons chez Eulalie. Le petit garçon arrivait en voiture, accompagné d'un homme chauve en costume, aux grandes lunettes à monture en fil de fer, et le même homme revenait le chercher une heure plus tard. Elle échangea quelques mots avec l'homme, le garde du corps si elle avait bien compris, polie comme à son habitude, et elle ne fut pas reconnue ce qui la satisfît grandement.
La Princesse en exil prit donc l'habitude de passer déposer des biscuits faits maison pour remercier Eulalie de ses précieux conseils de jardinage, et aussi pour ses charmants bambins qu'elle tuteurait. La vieille dame appréciait le geste et les gâteaux presque autant que les enfants qu'elle recevait. Loki s'arrangeait pour déposer ses gâteaux à un rythme irrégulier, pas toujours lorsqu'un enfant s'y trouvait. Si Eulalie était seule, elles prenaient parfois le thé ensemble — même si la vieille dame préférait un bon café-crème ou une boisson américaine très sucrée appelée milkshake.
C'était donc presque une coïncidence si Loki se trouvait chez Eulalie lorsque tout partit en vrille. Alors qu'elle proposait un cookie aux amandes et au chocolat au lait à un petit Harry Potter trop heureux de pouvoir goûter, l'homme chauve en costume débarqua dans la maison bien trop tôt par rapport aux heures habituelles.
« Désirez-vous prendre un biscuit avec nous, Monsieur ? demanda Loki sans se départir de ses manières parfaites.
— Navré, pas le temps. Harry, il faut partir.
— Quelque chose est arrivé ? s'inquiéta immédiatement Eulalie.
— Captain America et Black Widow sont recherchés pour haute trahison, lâcha l'homme chauve. Je n'en sais pas plus. Harry prend tes affaires. »
Le petit garçon n'eut pas le temps d'atteindre son sac. Plusieurs hommes armés entrèrent dans la petite maison, causant un grand désordre. Loki était loin, très loin, d'être ravie.
Nous sommes d'accord, cela ne peut pas bien finir.
Pas bien du tout.
Héhéhé
