« Bonjour ! lança-t-elle sans engouement en entrant dans l'openspace.

- Justement, on vous attendait ! expliqua Marquez. Nathan n'est pas là ?

- Non ! Il est à Montpellier. Je l'ai chargé de fouiller le bureau, le casier et les dossiers d'Émilie. On va commencer sans lui.

- Bien !

- Elle est où Élodie ? s'étonna le commissaire qui précédait Candice.

- Monsieur le commissaire, votre café… Sans sucre, un nuage de lait… C'est bien ça ? lança son adjointe en entrant à son tour l'air mielleux.

- Exactement ! Merci… sourit-il en réceptionnant sa tasse »

Candice fixa son homologue les mâchoires serrées. Pour qui elle se prend ?! s'emporta-t-elle intérieurement. Elle posa ensuite les yeux sur Antoine qui fuyait son regard. Elle hocha la tête, jurant silencieusement contre le petit numéro qui venait de se jouer devant ses yeux et posa son sac sur le bureau de Mehdi avant de tendre l'oreille pour écouter les explications de la commandante.

« Donc plusieurs points à aborder dans cette affaire, annonça-t-elle autoritaire. Ismaël !

- Oui ! Alors, on a eu le compte-rendu de l'IJ. Visiblement, la plupart des hématomes sont des blessures post-mortem, qui s'expliquent par la chute du haut de la corniche. Aucune trace de sévices sexuelles… Par contre, on observe clairement une trace de lacération autour du cou. On suppose donc qu'on a affaire à une conversation houleuse pendant laquelle on a tenté de l'étrangler puis faite basculer sur la plage…

- Une lacération… réfléchit Candice à haute voix. C'est très clair comme geste… On a simplement voulu…

- La faire taire… conclut Antoine en jetant un œil à Candice.

- Ouais…

- Mort estimée entre 00h et 2h du matin.

- Et donc, ça pourrait coller avec ce qu'on a appris hier soir pendant notre soirée en tête-à-tête… plaisanta Élodie.

Candice roula des yeux, exaspérée par le comportement de la commandante.

- On peut aller aux faits ? s'agaça-t-elle.

- Elle était connue de tout le monde là-bas, serveurs, patron, plagistes… C'était une habituée mais personne ne la connaissait vraiment. On a pu interroger un certain Stéphane Bodas avec qui elle a partagé quelques soirées sans ambiguïté…

- Je crois qu'il était là, le soir où on y était… expliqua Candice en s'approchant de sa photo sur le plexiglas. Il a même dansé avec nous !

- C'est lui que t'as ramené chez toi ? demanda Antoine avec amertume sans prendre de pincettes.

Candice le dévisagea sous les regards gênés de l'équipe.

- Non... Même si j'aurais dû ! le provoqua-t-elle avec fierté.

- Euh… D'ailleurs Candice… Est-ce que tu avais pris des photos ce soir-là ? demanda hasardement Mehdi.

- Sûrement quelques-unes oui… Pourquoi ?

- Faudrait que tu puisses me les envoyer… Des fois qu'il y ait un truc…

- Oui puis il faudrait peut-être identifier ces mecs avec qui vous avez passé la soirée… intervint Antoine. Enfin… Ou plus si affinités…

- Bien sûr Mehdi… On regarde à ça après… répondit-elle en ignorant volontairement son ex-compagnon.

- Et ce Stéphane Bodas d'hier soir, vous en avez tiré quoi ? tenta Marquez pour revenir aux fondamentaux.

- Émilie a parlé d'elle mais sous une identité cachée… Elle lui a fait croire qu'elle s'appelait Élie et qu'elle bossait dans une boîte privée sur Montpellier. Quand il l'a rencontré y a quelques mois, elle était mal et en avait marre de quelque chose… Mais… Il a jamais su de quoi elle parlait.

- Bon après… Élie ça pourrait simplement être un surnom qu'elle préfère à son prénom… Comme toi Val… Personne ici t'appelle Valentine !

- Oui mais au boulot, elle a jamais fait mention de ce surnom non ?

- C'est vrai… songea Candice. Après, mentir sur son métier pourquoi pas… Quand tu essayes de faire des rencontres, t'as pas trop envie de clamer sur tous les toits que t'es flic… Non ?

- Ah bah je sais pas… C'est toi la spécialiste hein ! continua Antoine.

Candice souffla contre son ex visiblement bien décidé à la faire payer pour ses agissements passés.

- Sinon… Nous on a retracer l'histoire d'Émilie… tenta Marquez.

- On t'écoute !

- Émilie est née à Nice en 1987. Mais elle a pas eu une vie facile… Ses parents sont morts dans un accident de voiture quand elle avait 15 ans… Elle a été vivre avec sa petite sœur chez sa tante à Nice. Elle a eu le bac mais elle a arrêté ses études et vivait de petits boulots en petits boulots avant d'intégrer la polic ans. Et… y a 7 ans elle a perdu sa petite sœur. Elle s'est suicidée.

- Y a 7 ans… réfléchit Candice. On en sait davantage sur la sœur ?

- Euh… Elle s'appelait Camille. Elles avaient six ans d'écart donc elle est décédée à l'âge de 23 ans.

- Camille… Mais c'est ça ! L'agenda… Sur la première page… « Mimille »… C'est le surnom de sa sœur ! Pour moi, y a clairement un lien entre le suicide de sa sœur et son entrée dans la police…

- Non mais d'accord ! Mais quel est le lien entre notre enquête et tout ça ? demanda Antoine. Je te signale que tout ça s'est passé à Nice. On l'a retrouvé à Sète…

- Vous avez contacté la tante de Nice ?

- Euh non… Elle est décédée y a deux ans… Cancer…

- Merde !

- Émilie a hérité de son appartement mais elle l'a revendu. C'était un peu… La seule restante de la famille…

- Et ses comptes en banque sont loin d'être dans le rouge… ajouta Ismaël. Donc on peut écarter la piste d'un règlement de compte ou d'un trafic… »

De retour de Montpellier les bras chargés, Nathan débarqua dans l'openspace, le visage à moitié dissimulé par une pile de dossiers.

« Ouh là ! s'exclama Candice en accourant aider son adjoint. Ah oui t'as tout ramené donc…

- Juste ce qui me paraissait le plus important…

- Alors dis-nous ! s'impatienta Candice.

- Son casier était vide… Le bureau pareil… J'ai juste trouvé un post-it avec un numéro dessus et une date. J'ai cherché le numéro et ça correspond à un thérapeute à Sète. Un certain Bertrand Froissart. »

Candice s'immobilisa, ne s'attendant visiblement pas à devoir intégrer cet homme dans cette enquête. Blême, elle finit par acquiescer avant de lui demander s'il l'avait contacté.

« Non… J'ai pas eu le temps… Je me suis penchée sur les dernières affaires d'Émilie… expliqua-t-il en montrant les dossiers.

- Ok… Je me charge de le contacter, je le connais. Vous vous répartissez les dossiers… On sait jamais au cas où y aurait quelque chose… J'attends le dossier sur sa sœur.

- Sa sœur ? s'étonna Nathan.

- Elle avait une petite sœur. Une certaine Camille décédé ans des suites d'un suicide…

- Mais elle m'a toujours dit qu'elle était fille unique…

- Elle est rentrée dans la police au même moment… J'pense qu'il y a un lien entre les deux…

- Ok… balbutia-t-il encore choqué de cet aveu.

- Bien ! Au boulot ! Moi je me charge de faire un compte-rendu à Perrin et je vous récupère le dossier sur le suicide de sa sœur. ordonna le commissaire. »

Candice l'observa partir mutique. Les quelques piques qu'il lui avait lancées avaient nettement refroidi l'atmosphère. En même temps… elle le comprenait… se convainquant qu'elle aurait probablement réagi pareil si la situation avait été inversée. Mais sa rancœur traduisait inévitablement de la jalousie… pourtant c'était lui, qui avait choisi de la quitter… Candice bouillonnait de l'intérieur partagée entre vouloir un règlement de comptes et continuer l'ignorance, lorsque Mehdi la ramena à l'enquête.

« Moi je vais me charger d'étudier les photos de Candice… lança Mehdi.

- Ah oui ! se rappela la commandante en s'emparant de son téléphone. Alors… J'en ai une quinzaine et quelques vidéos aussi… Émilie m'avait piqué mon portable et s'était amusée à pourrir ma galerie photos… expliqua-t-elle en souriant doucement.

- Si seulement pouvait y avoir un petit truc… espéra-t-il à voix basse.

- Voilà ! J'ai tout mis dans l'album et je te l'ai envoyé !

- Merci… répondit-il en dirigeant l'icône de sa souris sur sa boîte mail. »

Soudain, Candice vit Mehdi perdre son sourire et ravaler sa salive, signe flagrant de la gêne envahissant le brigadier. Perplexe, la blonde fronça ses sourcils.

« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'étonna-t-elle en contournant le bureau pour voir l'écran.

- Je… J'crois que tu t'es trompée d'album… bredouilla-t-il. »

La commandante sentit ses joues s'empourprer. Comme une débutante, elle venait de lui faire parvenir le mauvais dossier photos… Au lieu d'observer des clichés d'une soirée entre collègues, Mehdi se heurtait aux clichés de ses anciens chefs à la plage, d'eux deux enlacés dans leur lit, d'Antoine endormi sur un transat… Candice paniqua, gênée d'exhiber sa vie privée à son collègue.

« Supprime ! ordonna-t-elle à voix basse pour ne pas attirer les soupçons des autres membres de l'équipe.

- Attends mais c'est quoi ça ?! s'exprima-t-il hilare en agrandissant une photo d'Antoine torse nu avec une cape de superman.

- Arrête ! Mehdi ! protesta-t-elle autoritaire alors que tous les autres relevaient la tête vers eux. Supprime j'ai dit… chuchota-t-elle à nouveau.

- Mon héros ? lut-il en haut de la photo… Vraiment… ?

- Oui… Bon !

- Ça vaaaaaa…

- Voilà ! Maintenant tu l'as, le bon dossier. Lâcha-t-elle agacée avant de rejoindre son bureau où les dossiers rapportés de son adjoint l'attendaient. »

Une heure plus tard, trois dossiers avaient déjà été traités. Candice soufflait, leurs recherches ne donnaient rien et elle attendait désespérément le dossier d'enquête sur la sœur d'Émilie. Résignée, Candice releva la tête de son labeur et clama l'envie d'une pause.

« J'vais déposer ça dans le bureau d'Antoine… annonça Candice en s'emparant des dossiers déjà étudiés.

- J'peux m'en charger si vous voulez… proposa gentiment Élodie. Toute façon on doit se voir donc…

Candice ravala sa salive et la fixa durement.

- J'crois que je suis capable de m'en sortir toute seule, merci.

- Je disais ça pour aider… bredouilla-t-elle.

- Ah oui d'ailleurs… Pour son café, sans sucre, un nuage de lait… C'est bien... Mais vous n'oublierez pas, court et serré…

- Je le savais déjà…

- Ah oui ?! Non mais c'est bien… Comme ça vous faites une bonne secrétaire…

Candice quitta l'openspace, furieuse.

- Tiens ! déclara-t-elle vivement en posant la pile sur le bureau d'Antoine. Je savais pas si je devais passer par toi ou ta secrétaire alors…

- Ma secrétaire ? demanda-t-il perplexe

- Laisse-tomber… souffla-t-elle avant de tourner les talons. Ah oui ! s'interrompit-elle avant de revenir devant le bureau. Si tu pouvais arrêter avec tes réflexions à tout bout de champ aussi… Ça va… C'est bon… J'ai compris que j'avais fait n'importe quoi… Pas besoin de me le rappeler ! conclut-elle en quittant le bureau.

- Candice attend ! s'emporta-t-il à son tour. »

Candice avait besoin de souffler. La commandante avait probablement moins de 3h de sommeil au compteur… Une haine viscérale envers son homologue voire envers son ex quand il se comportait de cette manière… Et une haine envers elle-même de n'avoir rien vu et de ne rien trouver de probant. Elle usurpa une cigarette à un officier devant la bâtisse et traversa jusqu'aux quais. Elle ferma les yeux, profitant de la douceur de la journée lorsqu'elle entendit des pas arriver vers elle. Elle se retourna brusquement et aperçut Antoine à quelques mètres. L'urgence était maintenant de dissimuler son petit bâtonnet blanc derrière son dos…

« C'est pas la peine de la cacher… Je l'ai vu hein…

- Ça va… souffla-t-elle.

- Le cardiologue t'a dit que c'était mauvais !

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?! fulmina-t-elle en se tournant dos à lui.

- Oh Candice ça va !

- Qu'est-ce que tu voulais ?

- Savoir si t'avais réussi à contacter ton thérapeute… lança-t-il hasardement.

Surprise, Candice fit volte-face.

- Mon thérapeute ?

- Froissart… Le numéro sur le post-it que Nathan a trouvé…

- Ah ! réalisa-t-elle. Répondeur… J'ai laissé un message.

- Ok… acquiesça-t-il. Et… Tu le connais comment ? »

Candice le fixa, étonnée de cette question. La commandante se trouvait tiraillée entre mensonge et vérité… Que faire… Avouer qu'elle était suivie pour ses soucis ou mentir ?

« Je l'ai déjà croisé sur une enquête… » expliqua-t-elle en détournant le regard.

Candice avait choisi… et deux yeux verts la fixaient désormais. Mais Antoine la connaissait et son ex-compagne ne pouvait plus le berner… Pourtant, il se contenta de cette fausse explication et glissa ses mains dans ses poches.

« Sinon… J'ai récupéré le dossier que tu voulais sur sa sœur… Je l'ai déposé sur ton bureau…

- Merci… se contenta-t-elle de répondre en rebroussant chemin vers le commissariat. »