VORACITY I - New World
Arc 4 : L'Écuyer Contrefait
Chapitre 15
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Minuit était passé depuis déjà quelques heures.
Au pied du mur de feu, la tension était énorme. Même s'il avait été établi que le traverser était sans danger, les prêtres envoyés en soutien par le Temple avaient appliqué des Sorts de protection contre la chaleur aux Aventuriers. Certains prirent même une grande respiration avant de passer. C'était ridicule, mais au final, Lakyus ne leur jetait pas la pierre. Après tout, s'il était si inoffensif, à quoi pouvait-il bien servir ?
De l'autre côté, elle s'était attendue avec fatalité à retrouver des monceaux de cadavres. Les Démons n'étaient pas connus pour leur clémence. Pourtant, il n'y avait rien. Rien du tout. Pas même les habitants. En voyant les portes défoncées, elle en avait conclu qu'ils avaient été capturés. Pour quelle raison ? Encore une fois, c'était une question sans réponse.
Les Aventuriers s'étaient divisés en 4 groupes équilibrés avec chacune une équipe de Rang Orichalque à leur tête. Chacune avait été positionnée à un endroit stratégique pour passer la muraille et avancer à l'intérieur de la zone. Lakyus, elle, avait choisi l'un de ces groupes pour se joindre à eux. Comme elle l'avait prévu, les troupes avaient été galvanisées par sa présence.
Les rues ressemblaient à une version infernale de la Capitale. Elle ne savait pas si c'était à cause des flammes, mais tout autour d'eux était teintée d'une couleur rouge sang. La lumière écarlate rendait encore plus impressionnant le délabrement autour d'eux. Portes défoncées, marques de griffes sur les murs, débris divers éparpillés sur le sol. Il y en avait tellement que les Aventuriers devaient faire attention où ils mettaient les pieds. L'un d'eux ramassa quelque chose sur le pavé boueux. C'était une poupée qu'une petite fille avait dû perdre lors de l'assaut. Le cœur brisé, il la déposa dans l'une de ses sacoches avec le mince espoir de pouvoir la lui rendre quand ce cauchemar serait fini.
Le silence qui régnait dans cette vision d'Apocalypse était presque assourdissant. Mais soudain, un aboiement de chien se fit entendre dans le lointain. L'un des Mages émit l'hypothèse qu'il devait s'agir de Molosses Infernaux, des Monstres de Niveau de Difficulté de 15. Le fracas qui suivit leur permit de comprendre que le combat s'était engagé pour l'un des groupes. Ils surent à ce moment-là qu'ils ne seraient pas bien tranquilles plus longtemps.
Il ne fallut que quelques minutes pour, à leur tour, entendre des bruits de pattes sur le sol ainsi que le grognement des chiens. Une quinzaine de Molosses arrivaient sur eux. Lakyus brandit alors Kilineiram dont la lame, semblable à un ciel nocturne, semblait aspirer la lumière rouge. Dans son dos, ses Épées Aériennes, 6 épées dorées qui flottaient habituellement à la verticale, se déployèrent, prêtes à défendre la femme.
Alors que plusieurs des chiens se jetaient sur elle, les autres la dépassèrent pour se diriger vers les Aventuriers juste derrière. Tout ce qu'elle pouvait faire pour eux était de leur faire confiance pour s'en occuper. Cette nuit fatale ne se terminerait sans doute pas sans morts. Elle ne pourrait pas l'empêcher. Tout ce qu'elle pouvait faire était d'avancer.
Elle adressa une prière au Dieu de l'Eau afin de recevoir sa bénédiction contre des créatures de flammes et fit un moulinet de sa lame contre celui qui avait bondi pour lui sauter à la gorge. La bête tomba sur le sol, proprement tranché en deux. Ses Épées Aériennes en repoussèrent un second du côté de son flanc alors qu'elle donnait un coup de pied à un troisième qui tentait de lui mordre la jambe au travers de ses bottes en métal.
Rapidement, elle se débarrassa des Monstres qui l'assaillaient avant de se tourner vers les autres. Eux aussi avaient terminé. Leur travail d'équipe leur avait donné l'avantage nécessaire pour les vaincre. Elle avait eu raison de leur faire confiance. Toutefois, elle savait qu'ils ne sortiraient pas indemnes à chaque fois. Les Molosses n'étaient que de Niveau 15. Mais des adversaires plus puissants feraient sans aucun doute leur apparition plus tard. Des Monstres de Niveau 30… 50 peut-être. Face à eux, elle était certaine que les moins aguerries périraient.
Et ça, c'était seulement s'ils avaient de la chance. Que feraient-ils si jamais ils rencontraient à nouveau la servante arachnide ? Evileye avait émis l'hypothèse que leurs forces devaient être à peu près égales. C'est-à-dire avec un niveau de difficulté de 150. Lakyus elle-même ne s'évaluait qu'à 90. Seul, sans son équipe complète, il lui serait impossible de la battre. Et Jaldabaoth n'en parlons même pas. Il avait été estimé à 200.
Si le Seigneur Momon pouvait vraiment lui tenir tête comme l'avait dit Evileye, alors il devait être d'une puissance incommensurable. Pourtant, encore une fois, cette évaluation n'était que cela, une estimation de la force des combattants. En vérité, personne ne connaissait leur véritable potentiel.
Et c'était sans doute cela que Lakyus craignait le plus…
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Alors que les combats s'étaient engagés un peu partout, quatre silhouettes se glissaient dans des ruelles sombres et étroites et surtout, vides de Démons.
À leur plus grande surprise, Climb, Aliz et Brain avaient été rejoints par Lockmeier juste avant de pénétrer l'enceinte de feu. Normalement, les Aventuriers au service du Marquis de Raeven patrouillaient en ville avec le Prince Zanac pour empêcher toute incursion des ennemis et protéger les citoyens. Toutefois, le Voleur avait fait la requête auprès de son maître de pouvoir accompagner le trio et notamment Climb à qui il devait encore une dette. En effet, quand celui-ci avait amorti sa chute après l'attaque de Zero, plus tôt dans la journée, il ne lui avait rien de moins que sauvé la vie.
L'ajout de l'homme à leur équipe n'en avait rendu l'expédition que plus aisée. Celui-ci parvenait toujours à choisir le meilleur itinéraire si bien que, depuis le début, ils n'avaient croisé aucun ennemi. C'était une chance, car les probabilités que les Monstres qui pourraient les attaquer soient des utilisateurs de Magie ou disposent de capacités spéciales étaient importantes et aucun des quatre compagnons n'était vraiment après à se défendre contre eux. C'était tous des Guerriers. Ils auraient donc du mal à contrer quelque chose qui n'était pas physique.
Petit à petit, les bâtiments autour d'eux se firent plus grands et moins habitables. Ils approchaient de l'une des zones contenant des entrepôts au sein du quartier. C'était là que Climb avait demandé à Lockmeier de les conduire. Selon Renner, si jamais les citoyens avaient été capturés au lieu d'être tué, ils devaient être dans des endroits vastes et qui pouvaient être fermés. Comme des hangars.
Alors que Lockmeier partait en reconnaissance, pour leur trouver un trajet sûr, les trois autres se cachaient à l'intérieur d'une boutique saccagée. Aliz faisait le guet et Brain, lui, observait Climb. Il était surpris de voir à quel point le garçon était concentré alors que sa Princesse bien-aimée l'avait envoyée à la mort. Parce que c'était cela en fait. Ils avaient eu de la chance pour le moment, mais celle-ci pouvait parfaitement tourner. Elle le faisait toujours.
Si Jaldabaoth avait enlevé et séquestré les habitants au lieu de simplement les massacrer, c'est qu'il devait avoir un projet pour eux. Or, s'il en avait besoin, cela voulait dire que les entrepôts seraient potentiellement gardés. Le Démon était capable de tuer un Aventurier de Rang Adamantite d'une seule attaque. Il était impensable que ses subordonnées soient suffisamment faibles pour se faire battre par quatre personnes à peine. Sans compter repartir avec les prisonniers libérés.
Pourtant, Climb ne ressemblait pas à quelqu'un qui savait qu'il allait probablement mourir. Son expression était déterminée et le seul signe d'une possible nervosité provenait des légers mouvements de l'une de ses mains sur l'autre. Sauf que Brain savait que ce n'était pas de la nervosité. Il savait que ce que le jeune homme caressait distraitement était l'anneau passé à son index à l'intérieur de son gantelet.
C'était un présent que lui avait fait Gazef avant qu'ils ne partent. Il s'agissait d'un artefact rare créé par une ancienne et mystérieuse magie. Enfin, c'était ce que la Capitaine avait dit à son cadet. Et il le tenait lui-même de la personne qui le lui avait remis des années auparavant, une personne que Brain connaissait bien.
Rigrit Bers Caurau.
Rien que le souvenir de ce nom le mettait mal à l'aise. Dans l'histoire des combats mémorables de Brain Ungleus, celui contre cette Nécromancienne avait été l'un des plus humiliants. Bien sûr, à l'époque, il n'était pas encore l'homme capable de tenir (presque) tête au Capitaine Stronoff, mais elle avait crevé son orgueil comme un abcès et amené pour la première fois aux portes du désespoir. Peut-être que sans Rigrit, il n'aurait jamais eu la force de se hisser au rang de Gazef, mais il conservait tout de même de leur rencontre un souvenir amer.
En même temps, en la défiant, il l'avait bien cherché. Elle avait beau être Humaine, la femme était connue pour avoir fait partie des Treize Héros plus de 200 ans auparavant et être toujours en vie pour le raconter. Elle avait également été l'un des membres des Roses Bleues avant d'être remplacé par Evileye… ou plutôt, après l'avoir vaincu lors d'un épique combat pour la forcer à la remplacer. Depuis lors, personne ne l'avait vraiment revue.
Toujours était-il que la bague était la sienne au départ et que Gazef l'avait ensuite transmise à Brain. Enfin, pas totalement. Il lui avait fait promettre de revenir en vie pour la lui rendre et Climb avait accepté. Connaissant le garçon, c'était sans doute l'une des méthodes les plus sûrs de s'assurer qu'il survive (l'autre étant un ordre direct de sa Princesse). En lui confiant le précieux bijou, Gazef n'avait montré ni colère, ni tristesse, ni pitié. Tout comme Climb, il était parfaitement au fait du sacrifice qu'exigeait de servir autrui. Il ne pouvait donc pas empêcher Climb de partir. Tout ce qu'il pouvait faire était de lui donner les moyens de (peut-être) revenir sain et sauf.
« Lockmeier nous fait signe de venir » dit soudain Aliz en se tournant vers eux.
Les deux hommes acquiescèrent et suivirent leur camarade en dehors de la boutique. Ils rejoignirent leur quatrième compagnon qui les guida au travers du dédale des hangars. Apparemment, la plupart étaient vides. Pourtant, les prisonniers devaient bien être quelque part…
Tout à coup, Lockmeier se figea et força les trois autres à se dissimuler dans l'ombre. Il leur fit signe de se taire puis leva le doigt vers le tout de l'un des entrepôts proches. Là, debout sur l'une des corniches, se trouvait une jeune fille.
En la voyant, Brain sentit son souffle se bloquer dans sa gorge.
De petite taille, elle avait une silhouette longiligne accentuée par les volumes gracieux de sa robe blanche brodée d'argent. Celle-ci semblait extrêmement coûteuse, mais sans doute pas autant que ses chaussures dont on pouvait apercevoir les talons en cristal ou ses bijoux scintillants sur sa parure. Ses cheveux, d'un blond clair, accrochaient la lumière pourpre et la lueur des flammes, leur donnant des reflets ardents. Sa beauté féerique n'était même pas amoindrie par le masque albâtre qui couvrait son visage.
Sa tenue, sa chevelure, sa silhouette, ses vêtements… tout était différent et pourtant, Brain en était sûr. Cette jeune fille ne pouvait être que Shalltear Bloodfallen.
Elle ne semblait pas les avoir remarqués ce qui amena Lockmeier à tenter d'essayer de passer discrètement en dessous d'elle. Mais alors qu'il esquissait un geste, Brain lui posa la main sur l'épaule pour le retenir. Il mit à son tour son doigt sur ses lèvres pour intimer le silence. Face à son visage blême, ses trois camarades obéirent et attendirent qu'il leur donne d'autres instructions.
Sauf que Brain ne savait pas quoi faire. En fait, il était paniqué par la présence de la Vampire en ces lieux. Est-ce qu'elle le cherchait ? Était-elle une alliée de Jaldabaoth ou profitait-elle seulement du chaos ? Et puis aussi, comment lui échapper ? Cette fois, Brain n'avait pas de passage secret par lequel s'enfuir. Si jamais elle venait à les apercevoir, elle les tuerait en quelques instants. Fuir maintenant était également trop risqué avec ses sens surdéveloppés. C'était déjà étrange qu'elle ne les ait pas entendus. Il n'y avait donc aucun moyen pour qu'ils s'en sortent… ou peut-être que si.
Brain eut un rictus désespéré avant de se tourner vers les autres.
« Je vais faire diversion » dit-il. « Vous, vous continuez. »
Il allait se séparer d'eux quand il sentit quelque chose saisir sa manche. Il se retourna et vit que c'était Aliz. Elle avait des yeux inquiets. C'était comme si elle le suppliait muettement de ne pas y aller.
« Je vous rejoindrai bientôt » chuchota-t-il.
Si je le peux, pensa-t-il. Après tout, il n'était pas certain de survivre à ce combat. Il tira sa manche pour la récupérer puis avança rapidement et aussi silencieusement qu'il le pouvait vers l'entrepôt dont il entreprit d'escalader la façade. Il n'était pas spécialisé en grimpette, mais il pouvait compter sur sa force brute pour hisser son corps jusqu'en haut.
Shalltear était toujours là, au même endroit, les yeux toujours dans le vide. Sa proximité emplie Brain de terreur. Les images de cette nuit-là lui revenaient en tête. Les cris, le sang, la peur… le désir. Il se secoua et avança.
« Que me veux-tu ? » Demanda la jeune femme sans même bouger alors qu'il la rejoignait.
Sa voix était étouffée par le masque, mais Brain la reconnaissait parfaitement. Il reconnaissait ce timbre aristocratique et glacial, ce ton doucereux et le rythme fluide de ses mots. Cette simple petite phrase suffit à le ramener tous ces mois auparavant et il se mit à bander. Se maudissant intérieurement, il réussit néanmoins à contrôler son expression.
« J'ai aperçu une fille louche sur un toit et je me suis dit que je devais aller voir » dit-il d'une voix faussement nonchalante.
La jeune femme se tourna alors enfin vers lui et le dévisagea.
« Que fais-tu à la capitale ? » Demanda Brain sur un accent déjà plus dur.
« Pourquoi devrais-je répondre à un simple humain ? » Dit-elle d'un ton à la fois glacial et las.
Un frisson de colère traversa le corps de Brain. Est-ce qu'elle faisait semblant ou est-ce qu'elle ne le reconnaissait vraiment pas ?
« Et pour commencer, que fais-tu là, toi ? Ne me dis pas que tu es venu seul, sans personne. »
Le cœur battant la chamade, Brain se retint de vérifier si les autres étaient déjà suffisamment loin. Il ne fallait pas que la jeune femme se doute de leur présence sinon, ils étaient morts.
« Je pensais que tu me cherchais » dit-il. « J'ai tort ? »
« Pourquoi est-ce que je te chercherais ? » Demanda-t-elle.
Il y avait de la moquerie dans sa voix. Comme s'il avait dit une blague particulièrement drôle et absurde. L'exaspération (et aussi l'excitation) revint aussitôt, faisant trembler son corps de colère et de désir.
« Sans doute parce que c'est déjà notre deuxième rencontre » cracha-t-il.
La jeune fille pencha la tête sur le côté, comme si elle réfléchissait.
« Tu dois te méprendre » dit-elle.
La fureur bouillonnait à présent en Brain. Ainsi, elle ne mentait pas. Elle ne le reconnaissait pas. Et il ne pouvait même pas totalement lui en vouloir. Pour quelqu'un comme elle, il ne devait être, au fond, qu'une vulgaire fourmi.
« Peut-être… peut-être que je me suis trompé après tout » dit-il finalement.
C'était faux. S'il y avait bien une personne au monde qu'il pouvait identifier à coup sûr, c'était bien Shalltear Bloodfallen.
« Vraiment ? C'est bien si tu le reconnais » dit-elle. « Toutefois, je me demande… veux-tu mourir ou bien vivre ? Si tu t'agenouilles et que tu lèches mes chaussures, cela me mettrait peut-être suffisamment de bonne humeur pour t'épargner. »
« Navré, mais je n'en ai pas l'intention » dit Brain en se mettant en position de combat.
« En es-tu bien sûr ? » Demanda la Vampire. « Pourtant je sens ton vil désir jusqu'ici. »
À son ton, on devinait qu'elle fronçait le nez de dégoût sous le masque.
« Je ressens ton désir pour moi » reprit-elle. « Tu rêves de ravager mon intimité avec ce membre répugnant qui durcit entre tes jambes. Mon corps appartient déjà à M… à une autre. Mais si tu te soumets, je pourrais te permettre certaines privautés. »
Brain serra les dents. Shalltear Bloodfallen avait raison. Il la désirait. Mais il la détestait tout autant. Presque même plus. C'est pour cela qu'il ne bougea pas. Le dos droit, les genoux pliés et la main au-dessus de la poignée de sa lame, il était prêt à se battre. Il avait déployé son [Domaine] autour de lui-même s'il savait que contre elle, c'était inutile. Dans un sens, cela le rassurait.
« C'est vraiment désolant » soupira alors Shalltear. « Tu ignores tout de l'écart de force entre nous »
Oh s'il le connaissait. Il le connaissait même très bien. Il le connaissait tellement que la terreur lui donnait la nausée. Mais pourtant…
Pourtant, son cœur, lui, était apaisé. Son cerveau lui disait de s'enfuir, mais son cœur était paisible comme un lac sans la moindre ride. C'était donc calmement qu'il regardait la jeune fille avancer vers lui avec la même démarche que la première fois, une démarche ni assurée, ni arrogante, ni même conquérante, juste celle de quelqu'un qui ne voit absolument aucun obstacle devant lui.
Il allait l'attaquer même s'il savait que c'était inutile. Comme la dernière fois, elle allait simplement déjouer ses coups sans le moindre effort et réduire sa confiance à néant. Et pourtant même cette pensée ne le troublait pas. Il n'était pas suicidaire, il ne cherchait pas vraiment à mourir et néanmoins cette envie de fuir qui l'avait poursuivi depuis cette nuit fatidique s'était envolée.
Une image s'imposa à son esprit. Une image qui le fit sourire. Celle d'un garçon, plus faible que lui, mais dont il ne pouvait voir que le dos alors qu'il résistait vaillamment à une pression qui l'avait mise lui-même à genoux. Il était pourtant bien plus puissant que lui. Un duel contre lui aurait été aussi expéditif que son propre combat contre Shalltear. Et toutefois, son cœur était plus fort. Sa volonté était plus forte. Si forte que Brain ne rêvait que d'une chose : lui ressembler.
Mais il savait que c'était impossible. Il ne se voyait pas combattre pour une Princesse comme lui, ou un roi comme Gazef. Il était trop égoïste pour ça. Il ne se voyait même pas se battre pour la jeune Écuyère qui occupait ses pensées depuis peu et dont l'image l'avait aidé à résister aux avances de la Vampire. Lui n'avait toujours vécu que pour lui-même alors si cette existence vide pouvait servir à sauver quelqu'un comme Climb, il l'acceptait.
Shalltear marchait vers lui. Son pas s'était fait plus lent. Était-ce sa concentration qui lui faisait imaginer cela ou bien avait-elle délibérément fait cela pour jouer avec lui ? Son petit doigt était levé, ce si terrible et arrogant petit doigt capable, seul, de le défaire.
Plus que deux pas et ce serait la fin.
Mais était-ce si mal ? Il avait vécu par l'épée et le combat. Il lui semblait donc normal de mourir l'arme à la main et lors d'un affrontement.
« Ma vie consiste… à manier le sabre » murmura-t-il pour lui-même.
À ce mot, sa tête se vida. Il ne pouvait gâcher sa concentration pour des choses comme la peur ou l'envie de fuir. S'il devait être tué alors, il devait faire en sorte que son dernier combat soit mémorable. Prêt à porter son coup, son ultime coup, il activa [Éclat Divin], une attaque si rapide qu'elle en devenait invisible. Mais même avec cela, il n'espérait pas parvenir à ne serait-ce que la toucher. Il lui fallait autre chose.
Le visage de Gazef s'imposant à son esprit le fit sourire. Après sa défaite, il serait durement entraîné. Il avait développé son [Domaine], mais il avait également tenté de s'approprier la technique qui lui avait valu de perdre son duel contre lui.
[Sextuples Éclats Tranchants]. Son attaque signature. Six coups simultanés plus rapides que l'éclair.
Malgré cela, le taux de réussite était mince si bien que Gazef réservait son utilisation pour les fois où il était entouré d'ennemis. C'était à cette seule condition qu'il pouvait être certain qu'elle soit efficace. Toutefois, l'attaque créée par Brain était différente. Il n'était pas parvenu à égaler la célérité de son ancien adversaire et ne pouvait envoyer que 4 coups en simultanés. Mais comme le nombre de ces coups rapides était restreint, les chances de toucher la cible étaient décuplées. De plus, Brain possédait quelque chose que Gazef n'avait pas. Son [Domaine] qui augmentait le taux de réussite de ses attaques à l'intérieur de son périmètre.
Avec celui-ci pour la précision et [Éclat Divin] pour la vitesse, il activa son [Quadruple Éclat Étincelant] et se lança à l'assaut. Avec un cri bestial, il abattit son épée en direction de la Vampire, les quatre taillades simultanées dirigées droit sur elle.
Shalltear ricana. Malgré la vitesse, Brain avait pour elle la célérité d'une tortue. Se déplaçant plus rapidement encore que la lame, elle avança son petit doigt à quatre reprises, parant l'un après l'autre chacun des quatre coups portés par son adversaire. Elle s'apprêta à riposter quand elle aperçut le visage de l'humain.
Elle vit le choc, bien sûr. Elle s'y attendait. Toutefois, il y avait quelque chose d'autre dans son regard. Une flamme. Celle de la victoire. Voyant qu'il ne la regardait pas elle, mais sa main lève, elle tourna son masque dans cette direction et écarquilla les yeux.
À la surprise totale de Brain, un miracle s'était produit. L'ongle de la Vampire, celle dont elle s'était servie pour parer chacune des attaques avait été coupée. Net.
« C'est ce que tu visais ? » Demanda la jeune femme, incrédule.
Mais Brain ne répondit pas. À la place, il explosa d'un rire triomphal.
Shalltear le regarda comme s'il était devenu fou. Certes, que son ongle ait été abimé était surprenant, mais un ongle, ça repoussait, ce n'était pas la mer à boire. Un peu de temps où un sort de soin et il serait de nouveau là et prêt à déchirer. Après tout, ses ongles ainsi que ses crocs étaient des armes comme les autres.
« Intéressant coupe-ongles » dit-elle simplement.
Elle comptait le rabaisser, mais son visage ne se fit que plus heureux.
« Ravi du compliment » dit-il d'une voix enjouée. « Grâce à ça, je sais que ma vie n'aura pas été vaine. C'est comme grimper un peu plus près des plus hauts sommets. »
Dégoûtée par son manque de réactivité, Shalltear se décida à le tuer. Toutefois, une petite sonnerie détourna son attention. En regardant son CrysTel, elle s'aperçut que le message venait de Démiurge. La véritable attaque allait commencer. Cela voulait dire que leur Maître était arrivé. Elle ne ressentait rien, mais ce n'était pas anormal. Leur Seigneur possédait un anneau qui dissimulait totalement sa puissance. Quel dommage ! Elle aurait tant aimé l'admirer en train de se battre !
Se tournant encore une fois vers Brain, elle se rendit alors compte que celui-ci serait enfui. Elle allait le poursuivre quand sa vision supérieure lui permit de voir qu'il rejoignait d'autres personnes. Elle reconnut l'une d'elles comme étant l'une des cibles défendues définies par Démiurge. Elle décida donc, la mort dans l'âme, de laisser tomber. Hors de question de faire une erreur à nouveau.
Brain, de son côté, se sentait pousser des ailes. L'euphorie le rendait léger. Il avait profité d'un moment d'inattention de son adversaire pour s'échapper. S'apercevant qu'elle ne le poursuivait pas, il avança dans la direction dans laquelle il le sait qu'étaient partis les trois autres et finit par les rattraper.
Cependant, en les voyant son sourire se figea et il blêmit. Il manquait quelqu'un.
« Où est Aliz ? » Demanda-t-il alors d'une voix paniquée.
Le regard des deux hommes lui donna immédiatement la réponse. La jeune femme avait disparu.
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« Ne vous repliez pas ! Continuez de faire pression ! » S'exclama Lakyus en lançant des Sorts de Soutien aux Aventuriers autour d'elle.
Il était heureux que sa seule présence galvanise suffisamment les troupes pour qu'elle puisse les supporter depuis l'arrière, sans plus avoir à se battre. Sans son équipe, sa place n'était vraiment pas sur le champ de bataille. Son pouvoir de Résurrection était bien trop précieux pour qu'elle se mette en danger et elle le savait.
Quelque temps plus tôt, ils avaient rencontré le Guerrier Noir Momon. Elle devait avouer qu'il était véritablement impressionnant. Sans même s'arrêter, il tranchait les ennemis sur son passage avec de puissants coups de ses deux grandes épées. Derrière lui, Evileye et Nabe la Resplendissante sécurisaient les lieux à l'aide de leur magie.
Quand elles s'étaient croisées, les deux Roses Bleues s'étaient fait un signe de reconnaissance sans échanger un mot. Ce n'était pas nécessaire. Lakyus les avait laissé passer sans les suivre. Ce n'était pas son rôle. À la place, elle et les autres Aventuriers avaient pris une rue parallèle pour rejoindre l'une des barricades. Mais tout ce qui les attendait là-bas était un ignoble massacre. Le sol et les murs étaient recouverts de sang qui ruisselait. Il n'y avait cependant pas de corps. Ou si peu. Des fragments. Apparemment et à la plus grande horreur des Humains, les Démons avaient fait bombance.
C'est à ce moment-là que ceux-ci, sûrement embusqués, les avaient attaqués par le flanc. Au début, les Aventuriers, en Combattants aguerris, étaient parvenus à garder l'avantage. Toutefois, leurs adversaires, toujours plus nombreux, avaient fini par renverser la vapeur.
La bataille s'annonçait pénible. Voire même dangereuse. Pourtant, aucun des Aventuriers ne songeait à abandonner. Ils savaient qu'ils étaient nécessaires pour le plan de la Princesse. Tout comme Evileye qui se trouvait à ses côtés, leur tâche était de faire en sorte qu'aucun Démon ne puisse gêner le Guerrier Noir Momon dans son combat, sans nul doute titanesque avec Jaldabaoth. C'était le seul moyen pour eux d'obtenir la victoire.
Il n'empêchait que les nouvelles n'étaient pas bonnes. Pas bonnes du tout. La puissance des Monstres ne faisait qu'augmenter au fur et à mesure qu'ils en tuaient.
De son côté, Lakyus commençait à avoir des doutes. Les Démons étaient-ils invoqués sans fin ? Se replieraient-ils vraiment si Jaldabaoth était défait ? Est-ce que la capitale pourrait retrouver la paix ? Ou bien est-ce qu'ils devaient se battre encore et toujours contre ces Monstres jusqu'à mourir d'épuisement ?
« Non ! » S'écria-t-elle soudain pour elle-même afin de se reprendre. « C'est n'importe quoi ! »
Cela ne servait à rien de penser à ça maintenant. Rien n'était perdu tant qu'ils n'avaient pas essayé. Ils avaient un plan et elle devait le suivre. L'une de ses Épées Aériennes s'élança alors et transperça la gueule d'un Molosse Infernal. Elle se mit à regarder autour d'elle et vit avec fureur que les créatures commençaient à les contourner. Depuis déjà quelques minutes, leur avancée était au point mort. Cette nouvelle tactique de leur adversaire était dangereuse. Ils ne pouvaient pas les laisser les encercler de cette façon sinon… ils étaient perdus.
Le seul moyen de s'en sortir était de se replier. Ils devaient s'éloigner des lignes ennemies pour se reposer et rassembler leur force avant de revenir à l'assaut… en espérant qu'ils ne les poursuivent pas. Mais même s'ils le faisaient, ils n'avaient de toute façon pas le choix.
Mais alors qu'elle allait sonner la retraite, un rugissement puissant s'éleva par-dessus les bruits de combats. Les Monstres du front s'écartèrent de part et d'autre pour laisser passer l'un de leurs congénères.
Lakyus blêmit à sa vue.
Ce Démon était différent des autres. Faisant près de trois mètres de haut, il possédait un corps musclé recouvert d'écailles, une queue de serpent qui s'agitait dans son dos, une tête de bouc et des orbites blafardes. Il avait une énorme masse à la main et des ailes de chauve-souris qui s'étendirent en claquant quand il arriva à proximité de ses ennemis. L'aura qu'il émettait plongea les Aventuriers dans le désespoir. Seul Lakyus, que ses pouvoirs de Paladin protégeaient, parvint à lui résister. Toutefois, il était évident pour elle que ce Démon était fort. Bien plus fort que les précédents.
« On est mal, là… » souffla-t-elle en disant à grosses gouttes.
Comme elle regrettait ses compagnes à cet instant. Les connaissances abyssales et la puissante magie d'Evileye, la force et la technique de Gagaran et puis la vélocité et l'adresse de Tia et Tina qui les avait déjà soutenus maintes fois. Si elles étaient toutes ensemble, Lakyus savait qu'elles pouvaient affronter ce Monstre. Mais avec seulement Tina, c'était impossible. Elles étaient isolées et surtout, épuisées… Toutefois, elles pouvaient encore se battre.
« Nous allons le retirer ! » S'écria alors la Paladine en brandissant son épée noire. « Fuyez ! »
Mais, comme si ses mots charriaient avec eux le pouvoir des Divinités qui la protégeait, ils parvinrent à sortir les Aventuriers de leur État de Panique.
« Tant que tu es vivante, tu peux nous ressusciter » dit l'un d'eux. « Voilà pourquoi tu dois rentrer. Même seule. »
Beaucoup hochèrent la tête à ces mots et s'avancèrent nonchalamment vers le Monstre. Ils se sentaient immortels et, dans une certaine mesure, ils l'étaient. Mais ce n'était en fait qu'une manière de se voiler la face. Il était impossible pour Lakyus de ramener autant de monde à la vie. Surtout si leurs cops finissaient déchiquetés par les Démons. Toutefois, si penser cela, même s'ils savaient parfaitement que c'était faux, leur donnait la force, Lakyus ne les empêcherait pas de combattre.
« Faites une percée ! » S'écria-t-elle alors. « Utilisez juste assez de forges pour pouvoir courir ensuite ! »
Confiante, elle tourna donc le dos au gigantesque Démon et se précipita vers ceux qui bloquaient leur retraite. Elle ne se souciait même plus de se défendre, ne dépendant plus que de son armure et de sa magie. Se jetant corps et âme dans le combat, elle commença à ouvrir une voie ensanglantée. Les attaques de ses adversaires déchirèrent sa chair, mais elle serra les dents et continua à avancer. Elle évaluait son endurance et utilisait précautionneusement ses Sorts de Soins. Son but était de rentrer en vie. Alors même si elle ne pourrait pas sauver tout le monde, elle aurait la force d'en ramener quelques-uns. Toutefois, si elle oubliait de préserver son énergie, elle serait submergée.
Progressant toujours plus, elle poussa un cri de rage puis projeta une grande partie du Mana qui lui restait vers Kilineiram. Les étoiles qui parsemaient le métal noir se mirent alors à scintiller plus fort et celle-ci sembla devenir plus longue qu'elle ne l'était.
« Super Technique ! [Méga Impact de la Lame des Ténèbres] ! »
Cette attaque, créée par personne d'autre que Lakyus puisque jamais Harddyn n'aurait pu inventer même avec son manque de discernement en ce qui concernait les noms tellement c'était ringard, lui permit de projeter une vague d'énergie nébuleuse sur les ennemis face à elle. Il y eut une explosion. Cependant quand la poussière soulevée par le choc se dissipa, elle se rendit compte que cela avait été vain.
Beaucoup de Monstres étaient morts, mais encore plus étaient toujours en vie. Face à elle, ils formaient comme un mur infranchissable.
De son inquiétude naquit alors de l'irritation, une irritation qu'elle utilisa comme moteur pour se décider à user à nouveau de son arme. Mais à ce moment-là, elle aperçut un éclat de métal derrière les Démons ainsi qu'une voix d'homme.
« [Sextuples Éclats Tranchants] ! » Rugit-elle.
Six traits lumineux surgirent alors et frappèrent chacun plusieurs Démons qui s'effondrèrent. Un second rugissement en invoqua six autres pour le même résultat. Gazef Stronoff émergea de derrière le mur, brandissant une longue épée à la poignée d'or et dont la lame semblait faite de cristal étincelant. Il s'agissait ni plus ni moins que de L'âme de Rasoir, l'un des cinq trésors du Royaume.
« Écrasez-les ! » Commanda-t-il alors en tendant le bras vers les Démons qui restaient encore.
Derrière lui, la troupe de ses Combattants s'élança, suivie par des Gardes, la lance pointée en avant. Des acclamations surgirent du côté des Aventuriers épuisés. Toutefois, une question demeurait. Que faisait le grand Héros ici ? En tant que Capitaine des Guerriers, son devoir était de protéger la famille royale.
La réponse arriva à ce moment-là, juchée sur un cheval, en armure complète et entourée par quatre prêtres et quatre mages Arcaniques.
Le Roi Ramposa III
À cette vue, Lakyus écarquilla les yeux. L'inquiétude s'empara également de son être. Même en armure et ainsi protégée, le Souverain n'était qu'un simple Humain, un Humain fragile et vieux. Le moindre coup d'un Démon pourrait le tuer et son corps n'était pas en suffisamment bon état pour que son sort de Résurrection fonctionne. La dépense en énergie vitale serait trop forte et il pourrait à nouveau sous l'épuisement.
Mais Gazef s'avança alors pour prendre la parole.
« Sa Majesté nous a demandé une chose ! » Cria-t-il. « Il nous a demandé si c'était le Château que nous devions protéger ou lui-même. Il n'y avait qu'une seule réponse. Notre devoir est de nous tenir à ses côtés, que ce soit là-bas ou ici ! Ce mieux est donc notre champ de bataille ! En avant ! »
L'homme repéra immédiatement l'ennemi le plus puissant et se dirigea alors droit dans sa direction. Autour de lui, ses troupes ainsi que les Aventuriers, dont les forces semblaient revenues, lui ouvraient le passage.
« Hey, Lakyus ! » S'écria soudain une voix qu'elle connaissait bien. « Tu n'aurais pas besoin de l'aide d'une ancienne super Guerrière par hasard ? »
« Et d'une Ninja à l'avenir prometteur ? »
« Gagaran ! Tia ! » S'écria la jeune femme en voyant ses camarades émerger des troupes fraichement arrivées pour se diriger vers elle.
« C'est nous » dit la Guerrière imposante avec un grand rire. « On avait peur de rouiller alors on a demandé à Stronoff de nous déposer. »
« On peut se battre ! » Décréta la Ninja en frappant la main de sa jumelle.
Lakyus savait que participer à une bataille juste après une résurrection n'était absolument pas recommandé. Et pourtant, elle sentait son cœur gonfler de joie alors que la fatigue semblait la quitter. Elle était à nouveau prête. Prête à combattre de toutes ses forces dans l'espoir que le Guerrier Noir Momon ressorte vainqueur de son duel contre le Démon Jaldabaoth.
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« Attention, Messire Momon ! » Cria Evileye.
Le Guerrier Noir avait tracé sa route à coup d'épées depuis qu'il avait pénétré la muraille de feu. Aucun ennemi n'avait résisté au tranchant de ses lourdes lames. Elle et Nabe le couvraient et éliminaient ceux qui se trouvaient hors d'atteinte. Les yeux braqués vers le ciel, l'Aventurière ne dut qu'à son instinct de remarquer la pointe de flèche dépassant de derrière une lucarne.
Elle envoya une salve de cristaux, mais celle-ci ne put traverser la couche de brique, de bois et de chaux qui constituait l'avancée. L'ennemi, quel qu'il soit, s'était remis totalement à couvert au moment de l'attaque, mais il n'allait pas tarder à viser à nouveau son bien-aimé. Toutefois, au moment où elle préparait un Sort plus puissant, on entendit un cri étranglé dans la direction de l'assaillant. Le corps de celui-ci fut alors violemment projeté en avant. Il roula sur le toit jusqu'au bord et tomba sur le sol.
C'était un démon à faciès de cochon et pieds de boucs. Elle ne connaissait pas cette espèce. Une arbalète chargée était tombée en même temps que lui. Du sang s'écoulait d'une blessure sur sa poitrine. À en juger par ce qui commençait déjà à faire une flaque en dessous de lui, ce qui l'avait tué devait être une lame fine qui l'avait transpercé de part en part, probablement en traversant son cœur. Un coup unique, précis et mortel.
« Tout va bien en dessous ? » Demanda alors une voix claire de femme.
Evileye leva la tête et reconnut la silhouette androgyne et les cheveux roux courts et follets d'Aliz Jouvelon. Celle-ci se tenait debout sur la pente du toit, l'une de ses mains se retenant au mur percé d'impacts de la lucarne derrière laquelle s'était précédemment dissimulé le Démon. Dans son autre main, elle tenait sa rapière dont la lame était pleine de sang.
« Qu'est-ce que vous faites là, Jouvelon ? » Demanda la Magicienne sur un ton glacial. « Vous étiez affecté au groupe du gamin, d'Ungleus et du Voleur de Raeven. »
« On a été séparé » dit Aliz en lâchant la lucarne et en se mettant à avancer prudemment sur les tuiles brunes. « Nous sommes tombés sur un ennemi qui était, apparemment, trop fort pour nous. »
Arrivée au bord, elle se baissa puis se laissa choir dans le vide en se retenant par sa seule main libre. Elle se laissa ensuite tomber et se réceptionna sur ses pieds avec agilité. Heureusement, la bâtisse n'était pas haute, à peine un étage.
« Brain… Messire Ungleus s'est proposé pour faire diversion et nous permettre d'avancer, mais je… je pense que j'ai pris un mauvais embranchement et je me suis retrouvé séparée des autres. »
« Un ennemi plus fort que vous ? » Interrogea Momon.
« Shalltear » soupira Aliz. « Apparemment, elle imaginait que se déguiser pourrait suffire à respecter l'ordre de Demiurge. »
Le visage de la jeune femme ne bougea pas, mais le Guerrier la sentit très bien rouler des yeux dans sa tête.
« J'aurais dû la renvoyer directement à Nazarick » grogna Momon. « Mais pourquoi est-ce que cet homme, Ungleus, s'est-il pris en tête de l'attaquer ? C'est ridicule ! »
« C'est simple, il l'a reconnu. »
« Reconnu ? Shalltear l'avait déjà rencontré ? »
« Je ne te l'ai pas dit ? » Demanda Aliz avec l'équivalent mental d'un froncement de sourcils. « C'est le survivant de son massacre dans la grotte des bandits l'été dernier. Il la reconnut malgré le déguisement. »
« Voilà qui est fâcheux. J'imagine qu'il est mort à présent puisqu'il ne faisait pas partie de notre liste. »
« Il est vivant. Je suis resté assez longtemps pour le voir s'enfuir. Il était assez heureux d'avoir réussi à couper l'un des ongles de Shalltear. »
« Un ongle ? » Demanda Momon, incrédule.
« La dernière fois, il n'avait rien pu faire contre elle. À cause de ça, il avait quelques doutes sur ses capacités. En voyant qu'il avait progressé, il a retrouvé espoir. »
« Un espoir assez… mince non ? Ce n'est pas comme s'il allait égaler le pouvoir Shalltear un jour. Et à leur prochaine rencontre, elle risque de ne pas le rater. »
« Que veux-tu ? L'homme peut-être détruit, mais ne peut être vaincu. »
« C'est profond. »
« Ce n'est pas de moi. Cela vient d'un livre de littérature classique écrit il y a près de 200 ans. "Le Vieil Homme et la Mer" d'Ernest Hemingway. »
« J'avoue ne pas connaître. »
« Je suis donc monté sur un toit pour essayer de les retrouver et je suis tombé sur ce Démon en embuscade » reprit Aliz.
L'avantage avec les conversations mentales, c'est qu'elles sont bien plus rapides qu'en utilisant la parole. Il s'était donc passé très peu de temps entre la fin de sa phrase précédente et celle-ci.
« Tu as vraiment trouvé un Démon en embuscade ? » Demanda Momon.
« Bien sûr que non. Il me fallait un prétexte pour vous rejoindre. J'ai donc révélé ma présence au premier qui croisait ma route et je l'ai amené ici. Je comptais que sa chute du toit vous alerte, mais finalement, Evileye m'a devancée. Le résultat reste de toute façon le même. »
« Puisque j'ai perdu mon groupe, cela vous dérange-t-il que je vienne avec vous, Messire Momon ? » Ajouta-t-elle à voix haute en direction du Guerrier Noir.
« On a pas le temps de faire du babysitting » grinça Evileye.
« Je sais me défendre » prétexta Aliz.
« Nos adversaires sont bien plus puissants que ce que vous pouvez imaginer. »
« Je suis au courant. Je vous rappelle que j'étais là pour le briefing. Je sais également que Jaldabaoth n'est pas un adverse qu'aucun de nous à part Messire Momon peut battre. Votre tâche est donc d'assurer ses arrières pour qu'il ait les coudées franches et ça, je peux le faire aussi. Dans un cas comme le nôtre, la force est dans le nombre. »
« Encore faut-il que ce nombre soit suffisamment puissant pour survivre » lâcha Evileye, acide.
« Je ne pense pas que ce soit le moment de se disputer » intervint alors Momon.
Les deux jeunes femmes tournèrent la tête vers lui. S'apercevant qu'il pointait quelque chose du doigt, elles suivirent la direction des yeux. Là, au milieu d'une vaste place en ruine se tenait un être humanoïde pourvu d'un masque bleu et or au sourire grimaçant. Voyant qu'il avait enfin l'attention du groupe, il fit un signe qui se voulait amical.
« J'imagine qu'il s'agit de Jaldabaoth » dit nerveusement (en apparence) Aliz.
« Cela ressemble à un piège… » remarqua Evileye. « Que faisons-nous Messire Momon ? »
« Ça ne sert à rien d'attendre » dit sobrement le Guerrier Noir. « Nous n'avons pas d'autre choix que de mordre à l'hameçon. »
« C'est bien vrai » dit Evileye sur un ton peut-être un peu plus familier qu'elle en avait l'habitude.
Derrière eux, le vacarme des combats se faisait plus fort.
« Ils ont commencé, comme prévu » remarqua Momon.
Jusque-là, on pouvait dire que la bataille s'était exclusivement composée de petites escarmouches sans importances. À présent, les véritables affrontements débutaient. C'était l'assaut désespéré de personnes qui étaient parfaitement conscientes qu'ils n'avaient qu'une seule et unique chance de sauver la capitale : que Momon des Ténèbres tue Jaldabaoth. C'est pourquoi ils s'employaient à éliminer le plus de Démons qu'ils le pouvaient afin que le noble Héros ait les coudées les plus franches possibles.
« Nabe et moi… et Jouvelon nous occuperons des renforts, Messire Momon. Vous pouvez vous battre sans crainte. »
« Entendu » dit celui-ci en opinant du casque. « Tu m'as accompagné jusqu'ici, alors j'espère que tu seras toujours avec moi lorsque je reviendrai triomphant de ce combat. Nabe, coopère avec elle. Mademoiselle Jouvelon… »
« Aliz » dit celle-ci. « Aliz Jouvelon, Écuyère.
« Je ne connais ni votre valeur ni votre caractère donc, je vous prie d'être prudente et de ne pas surestimer vos forces. Sachez que je souhaite que nous puissions rentrer tous les quatre. »
« Compris, Messire Momon ! » s'exclama Evileye en retour avec empressement.
Alors qu'ils avançaient, une silhouette émergea de l'une des maisons abandonnées. Evileye reconnut immédiatement le masque hiératique de la soubrette-araignée. Celui-ci n'exprimait toujours aucune émotion, mais la Magicienne pouvait ressentir la haine qu'elle lui portait ainsi que le regard noir fixé sur elle. Elle l'observa se poster devant le Démon et attendit. Elle ne pouvait pas être seule cette fois. Au vu des résultats de leur précédent combat, Jaldabaoth devait lui avoir adjoint quelques renforts pour leur faire face.
C'est à ce moment-là que les autres silhouettes émergèrent à leur tour et rejoignirent la première. Le souffle d'Evileye (même si, en fait, elle ne respirait pas vraiment) se bloqua dans sa gorge à cette vision. Quatre. Quatre alliés supplémentaires vêtus elles aussi de tenues de soubrettes, mais portant des masques semblables à celui de leur maître. Il y avait donc en tout face à eux cinq adversaires dont la force égalait la sienne.
La première fois, elle était parvenue à vaincre sa rivale grâce à ses camarades et parce qu'elle possédait une parade efficace. Sauf que cette fois, elle ne connaissait rien de leurs ennemis. À son avis, elle pouvait en prendre une. Nabe, qu'elle estimait presque aussi puissante qu'elle, le pouvait probablement également. Mais il serait impossible à une vulgaire Écuyère, même douée, puisse atteindre un résultat similaire.
Les Écuyers étaient des apprentis Chevalier, ils savaient à peine se battre et ils n'avaient certainement pas l'expérience du combat suffisante pour s'en sortir dans le monde réel. Certes, cette Aliz Jouvelon semblait s'en être tirée à merveille contre les Huit Doigts, mais cela restait de simples bandits. Cela n'avait rien à voir avec des Démons de la trempe de ces ennemies-ci.
Avec l'apparition de ces nouveaux adversaires, un fossé de puissance venait de se créer. À cause de cela, leurs chances de survie approchaient à présent le 0.
« Bon sang ! » Siffla-t-elle. « Nous avons sous-estimé les effectifs de Jaldabaoth. »
Avec ce renfort, elle avait la sensation que le combat contre la soubrette allait se répéter… mais en sens inverse.
« Bon, je vous confie ces cinq-là » dit calmement Momon en avançant à nouveau.
D'un pas assuré, il se dirigea vers Jaldabaoth. Arrivées devant les cinq jeunes femmes masquées, celles-ci s'écartèrent sans un mot pour le laisser passer. Elles resserrèrent ensuite les rangs pour faire de nouveau face à leurs trois adversaires.
En voyant son héros marcher si sereinement vers son destin, Evileye se gourmanda. Elle ne pouvait pas se montrer aussi défaitiste. Elle était venue là en sachant parfaitement qu'il y avait des chances qu'elle meurt. C'était le cas de tout le monde ici présent. Momon comprit. Elle se reprit donc et se prépara au combat. Après tout, l'assurance du Guerrier signifiait bien qu'il leur faisait pleinement confiance pour retenir l'ennemi jusqu'à sa victoire.
À cette pensée, un brasier s'alluma dans son cœur.
« Bien, allons-y De… Démon » dit Momon qui venait d'arriver à la hauteur de son adversaire et qui abattait l'une de ses lourdes lames sur lui.
Le combat qui s'ensuivit était violent. Peut-être plus que ce qu'Evileye n'avait jamais vu. Elle remarqua cependant que les assauts du Guerrier faisaient reculer de plus en plus son ennemi. Elle comprit alors que le but de son héros était d'éloigner le duel le plus possible afin de les préserver. La chaleur dans son cœur redoubla.
« Je me charge de trois d'entre elles et vous de deux, ça vous va ? » Déclara simplement Nabe de sa voix froide et claire.
« Tu es sûr ? Je peux en prendre trois, tu sais. »
À ce moment-là, Evileye crut entendre un léger bruit en provenance de l'autre Magicienne. Comme un ricanement.
« Vous en prendrez deux chacune et moi, une » trancha alors Aliz.
Narberal voulut répliquer. Son Maître n'avait pas à s'impliquer de cette façon. Toutefois, le regard que lui lança celui-ci suffit à la faire taire.
« Très bien » dit-elle. « Deux pour moi, deux pour vous et une pour le M… la jeune fille. »
« Vous êtes toutes les deux assez bornées » remarqua Evileye. « D'accord. Je m'occupe des miennes puis j'irais prêter main-forte à Jouvelon avant de venir t'aider. Essayez de ne pas mourir en les retenant et… »
Elle ne termina pas sa phrase, car alors qu'elle prononçait ces mots, elle se rendit compte que toutes les personnes présentes (soubrettes incluses) la fixaient. Un frisson funeste traversa son corps sans qu'elle en comprenne vraiment la raison.
« Quoi ? » Demanda-t-elle alors abruptement.
« Rien » dit simplement Nabe en se détournant.
Aliz ne répondit rien, mais roula des yeux quand elle fut sûre que l'Aventurière ne la regardait pas.
« Choisissez deux d'entre vous pour m'affronter » dit Nabe en s'avançant. « Peu importe lesquels. »
La soubrette-araignée et une autre avec les cheveux blonds bouclés se détachèrent alors du groupe.
« Puis-je vous désigner comme mon adversaire ? » Demanda Aliz en pointant sa lame sur une troisième soubrette.
Celle-ci avait une longue tresse d'un rouge carmin. Elle fit une légère révérence puis s'écarta à son tour. Ne restait plus devant Evileye que deux femmes. L'une avec un chignon d'un noir d'encre et la seconde dont la chevelure rose orangé pendait librement dans son dos.
« Je m'appelle Alpha » dit alors celle aux cheveux noirs. « Et voici Delta. Nous allons vous affronter. »
« Je vois. Merci pour les présentations, je me nomme Evileye et je suis celle qui va vous vaincre. »
Elle n'avait pas le temps de se perdre en tactiques complexes ou se laisser prendre par le rythme de ses adversaires. Elle devait donner le maximum dès le début. C'était le seul moyen pour terminer rapidement ce combat. Elle activa alors l'un de ses atouts, une Compétence spéciale qui lui permettait de faire exploser l'énergie Négative qui voulait en elle pour causer des Altérations d'État à ses ennemis quand elle leur jetait des sorts.
« Me voilà ! » Cria-t-elle alors.
Et elle invoqua sa magie.
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Le Empress Ancelda's Revenge était une immense frégate en bois sombre et aux voiles noires et déchirées ce qui je l'empêchais pas de fendre rapidement les flots ténébreux.
Les bateaux de ce type étaient généralement divisés en classes en fonction de son tonnelage, c'est-à-dire son volume intérieur, ainsi que son nombre de canons. Les plus grands, ceux de 1re Classe, faisaient près de 1400 tonneaux (plus de 4000 m3) et possédaient plus de 80 canons. Toutefois, le Empress Ancelda's Revenge avait des proportions 10 fois plus importantes.
Fruit de prodigieuses capacités d'ingénierie et d'une puissance magique incommensurable, la nef avait une longueur de près de 400 m pour 150 de large. Elle était plantée de pas moins de 6 mâts et d'une vingtaine de voiles différentes, d'un noir de jais et tendues le long des vergues. Parmi les premiers il y avait 1 grand-mat principal dont la hauteur équivalait au moins à la longueur du vaisseau, 2 grand-mâts secondaires à peine plus petits, au moins 300 m, situés à l'avant et à l'arrière de ce dernier, un artimon à l'arrière de près de 200 m, un mât de misaine de 150 et quasi à sa perpendiculaire, penchée le long du gaillard d'avant, un beaupré d'une centaine de mètres, acérés comme une lame.
Il surmontait une figure de proue en ébène durcie ayant la forme d'une femme à la beauté stupéfiante malgré ses traits déformés par un cri muet et éternel. Le haut de son corps nu était sculpté de rainures taillées emplies d'or pur formant des motifs complexes sur sa peau. Ses yeux, eux, étaient deux diamants noirs qui luisaient d'un éclat verdâtre. Un voile fait du même bois recouvrait le bas de ses reins et ses jambes plaquées contre la quille. Ses bras, eux, enserraient chacun des flancs du navire.
Ces derniers étaient extrêmement élevés, plus d'une cinquantaine de mètres environ, de la ligne de flottaison jusqu'au niveau du tillac. La coque était percée de 30 rangées de 150 trappes sur toute la hauteur desquels sortaient des canons dont la gueule faisait un peu moins d'un mètre de diamètre, et ce, de chaque côté. Cela faisait donc un total de pas moins de 9000 pièces d'artillerie.
Le tillac, c'est-à-dire le pont central, était encadré à l'avant et à l'arrière par deux énormes gaillards. Si celui de la proue, au sommet duquel s'appuyait le beaupré, ne faisait qu'une vingtaine de mètres de hauteur, celui de la poupe culminant à près de 50. Cela ne faisait que 25 de moins que les flancs. Environs. À cause de cela, le terme de « château » (jargon maritime officiel pour ces superstructures) pouvait être considéré comme amplement justifié.
Bien entendu, ses dimensions, aussi remarquable soit-elle, n'étaient pas les seules choses impressionnantes sur ce navire. En effet, la coque, en particulier les deux gaillards, était ornementée à la perfection, riche sans être surchargé, flamboyant sans être ostentatoire. Bastingage, rampes et montant de portes étaient agrémentés de volutes délicates, les parois, de parements mélangeant les essences de bois pour former des tableaux, et chacun des niveaux, de corniches sculptées. À de nombreux endroits étaient suspendues de lourdes lanternes de bronze décorées de feuilles de cuivres ciselées et diffusant une lueur pâle.
Mais tous les fastes des ornements extérieurs n'étaient rien par rapport à ceux intérieurs. Chaque niveau de la coque, que ce soit sous le pont ou dans les châteaux, faisait près de 2 m de haut et était composé de larges coursives ainsi que de vastes pièces, cabines et cales. Même les quartiers d'équipage (qui, pour manœuvrer cette immense structure, devait être important) étaient décorés et pourvus d'un confort qui faisait défaut même à certains bourgeois aisés. Ils disposaient ainsi de salles de toilettes et de bains communes, de dortoirs, de réfectoires avec coquerie, salles de pause et même une arène.
Bien entendu, c'était les accommodations des deux gaillards, avant et arrière, qui étaient les plus richement pourvues. En plus de cabines, ceux-ci comptaient de nombreuses pièces à vivre comme une bibliothèque, quelques salons, salles à manger et des cuisines privées. Les sols étaient recouverts de couteaux tapis, les murs de portraits encadrés d'or et les meubles de divers bibelots plus ou moins décoratifs.
Les vaisseaux avaient donc des allures de ville flottante et les immenses cales dont il disposait et qui permettaient d'entasser vivres, marchandises et richesses n'étaient pas pour démentir cette idée.
En effet, le Empress Ancelda's Revenge était une ville. Ou plutôt une arche, le dernier bastion d'une nation en ruine.
Pendant des siècles, l'Empire Magique de Wvalack avait dominé le supercontinent de Lhótir. Mais peu à peu, comme toutes les sociétés dont la prospérité et l'hégémonie demeuraient incontestées depuis longtemps, ils avaient succombé à la décadence. Leur orgueil démesuré les avait aveuglés si bien qu'ils n'avaient pas remarqué quand leurs voisins s'étaient alliés aux états qu'ils avaient conquis afin de retourner leur puissance contre eux. La chute avait été rude pour les Wvalakites et la riposte avait tardé à venir. À cause de cela, l'ennemi avait eu pleine opportunité de se rassembler et de se coordonner. C'était à ce moment-là une force invisible, surtout contre un pays affaibli par un nombre considérable d'années de relâchement. La seule solution aux yeux de l'Impératrice Ancelda était alors l'exil.
Malgré son état, l'Empire demeurait une nation à la pointe de l'ingénierie magique et, alors qu'une partie des Mages qui composaient la majorité des habitants avait été chargée de maintenir les protections pour empêcher les belligérants de pénétrer dans la capitale, le reste s'était attelé à l'ultime projet de leur souveraine : la construction d'une arche destinée à accueillir toute la population, déjà bien diminuée, de l'Empire.
Malheureusement, à la veille de l'embarquement, le pire s'était produit. Une odieuse trahison. Le Grand Maître Abhelard, qui dirigeait les Mages au front, avait vendu son pays contre une avantageuse position auprès des vainqueurs. À cause de cela, la capitale avait été investie par les troupes ennemies, causant un massacre sans précédent. Plus de la moitié des citoyens, toutes classes confondues, avaient trouvé la mort. Le reste, cependant, était parvenu à embarquer à bord du bateau qui avait largué les amarres.
À sa tête se trouvait le Prince Consort Drashan, l'époux de l'Impératrice Ancelda. Il avait assisté, impuissant, au meurtre de sa bien-aimée alors que celle-ci lui avait ordonné de vivre pour protéger leur peuple. Elle avait succombé sous les coups des ennemis alors qu'elle utilisait sa Magie pour les retenir et permettre à l'arche de prendre la mer en toute sécurité.
Drashan était alors devenu Capitaine du navire qui portait à présent le nom de son épouse et ses occupants étaient devenus son équipage. Afin d'assouvir leur vengeance, celle de leurs enfants, de leurs parents, de leurs conjoints, frères et sœurs ou amis ainsi que celle de leur Impératrice, ils étaient devenus pirates, rançonnant les bateaux marchands et pillant les villes côtières.
Mais bientôt, leurs alliés avaient réagi et rassemblé une armada pour les détruire. Dans le feu de la bataille, se voyant une nouvelle fois acculés, les Wvalakites, avec l'énergie du désespoir, en avaient appelé aux forces des ténèbres pour que leur vengeance leur survive. Le Empress Ancelda's Revenge avait coulé. Toutefois, de temps en temps, il réapparaissait sur les flots autour de continent de Lóthir pour semer la mort et la désolation au nom d'un ressentiment à présent millénaire… Du moins, c'était ce que racontait le Lore d'YGGDRASIL.
En effet, à l'époque du jeu, le Empress Ancelda's Revenge n'était rien de moins qu'un important Donjon de Raid qui revenait périodiquement. Le navire surgissait de l'une des mers du Monde de Vanaheim (où se trouvait le continent de Lóthir) et attaquait des bateaux et des villes portuaires. Afin d'effectuer ce raid, les Joueurs devaient embarquer sur les navires de la flotte créés pour mettre fin aux carnages ou sur les leurs. S'ensuivait une bataille navale pendant laquelle ils devaient se battre pour protéger les embarcations des assauts de Monstres volants et nageant. Par la suite, une fois que le Empress Ancelda's Revenge n'avait plus de munitions, ils devaient s'infiltrer à l'intérieur afin de tuer les deux Boss : le Capitaine Drashan ainsi que, après lui, le Spectre de sa bien-aimée, l'Impératrice Ancelda elle-même.
Jidoja se tenait debout sur le gaillard d'avant, à proximité de l'endroit où émergeait la masse volumineuse du beaupré. Pensive, les bras croisés, elle scrutait l'horizon. Celui-ci était totalement noir et il aurait été difficile de faire la différence entre les eaux et les cieux si ces derniers n'étaient pas remplis d'étoiles. Le vent nocturne faisait flotter ses longs cheveux platine et rose derrière elle et la lumière de la seule lanterne présente à cet endroit se reflétait dans les facettes cristallines de sa queue de renard.
Un petit bruit fit s'agiter ses oreilles animales. Elle ne bougea toutefois pas. Elle savait qui venait de pénétrer dans la lumière derrière elle. Faisant à peine plus que la moitié de sa taille, la nouvelle arrivante était une fillette fluette, presque éthérée. Sa tête ronde paraissait cependant disproportionnée par rapport à ses bras maigres et son cou fin.
Sa carnation avait la pâleur de l'ivoire, un teint encore jauni par la lueur de la lanterne et son visage était hâve. Des cernes sombres entouraient ses grands yeux bleus enfoncés dans son crâne et ses pommettes hautes jetaient des ombres sur ses joues creuses. Elle ne semblait pas malade, non. Elle rappelait plutôt une de ces magnifiques poupées de porcelaine victoriennes. Ses petites lèvres fines, ses longs cils ainsi que ses courts cheveux blond pâle bouclés parachevaient cette ressemblance.
Elle portait une chemise de serge blanche à manche longue et bouffante fermée au col par une lavallière et par-dessus un gilet de soie brodé noir cintré à ses hanches. Une jupe noire, plissée et de laquelle dépassait la dentelle de ses jupons recouvrait ses jambes jusqu'à mi-cuisses et ses pieds étaient chaussés de bottines à boucles argentées. Elle portait enfin, autour de la taille, plusieurs tissus colorés et brodés de perles en ceinture. Passés dedans, se trouvaient deux pistolets à silex en bois sombre décorés de laiton et de nacre.
« Merci encore de nous transporter, Aude-Lise » dit Jidoja sans même se retourner.
« Vous aviez besoin d'un transport » dit la jeune fille en haussant les épaules. « Maître Harddyn et Maître Ainz ont donné un ordre. J'ai obéi. »
L'arrivée de la navette spatiale quelques heures plus tôt avait pris la Femme-Renard et ses coéquipières par surprise. D'après les informations que Nazarick possédait sur ce monde, un tel niveau technologique était incongru. Certes, leurs connaissances ne s'étendaient que sur une certaine partie du continent. Il était donc possible qu'une civilisation plus avancée existe. C'était la raison pour laquelle ordre leur avait été donné par Maître Ainz de découvrir d'où pouvait provenir ce vaisseau. Toujours en demeurant discrètes bien entendu.
Hao avait alors utilisé ses ailes synthétiques, qui lui servaient autant à se déplacer qu'à attaquer, pour fixer un traceur sur l'objet volant. Les quatre jeunes femmes s'étaient ensuite rapidement mises en route pour rejoindre leur voiture toute affaire cessante. La surveillance n'était plus nécessaire puisque la navette, en plus d'être une incongruité, avait permis de répondre à l'énigme qui les avait conduites ici, à savoir la cause de la présence des Puazis et les incohérences entre leur environnement et leur contenu stomacal.
En effet, alors que Jidoja communiquait avec Nazarick pour faire son rapport et demander des consignes supplémentaires, Hae, Eodunn et Yong avaient pu observer ce qui s'était passé après l'atterrissage de l'aéronef. Elles avaient vu les Puazis se rassembler et faire fête au petit vaisseau. La raison en apparut dès que le hayon arrière s'était ouvert. Plusieurs silhouettes très semblables à celles déjà présentes avaient émergé de l'intérieur de la navette et avaient été joyeusement reçues à grand renfort de rires, de cris et d'embrassades parfois poussés. Les individus, environ une vingtaine étaient de tous les âges, jeunes, vieux, adultes, et même des nourrissons.
Il était donc à présent clair que cette incohérence qu'avaient constatée Sarin et Clematia au sujet de l'alimentation de certains spécimens Puazis collectés par Gluttony venait du fait qu'ils étaient probablement de nouveaux arrivants et que, donc, leur estomac contenait encore des restes de repas qu'ils avaient fait dans leur habitat d'origine. L'important dorénavant était donc de savoir où était ce fameux habitat.
Une fois à même de se lancer à la poursuite de la mystérieuse navette, les quatre jeunes femmes s'étaient rendu compte que celle-ci filait en direction de l'ouest. Compte tenu de la nature assez infranchissable des terres désolées où elles se trouvaient pour les peuples du Nord, elles avaient au départ pensé que l'aéronef inconnu provenait d'une société située au Sud. Mais tout ce qu'il y avait dans cette direction c'était… l'océan.
Décidées à remplir leur mission, elles s'étaient donc mises en route guidée par Hae. Puisqu'il s'agissait de sa Compétence, c'était elle qui pouvait donner la direction à ses camarades. Elle pouvait également donner la distance entre elles et la cible ce qui leur permit de s'apercevoir, à un moment, que la navette avait stoppé sa course. Comparant la vitesse de leur voiture à l'intervalle avec cette dernière, elles en avaient déduit que les deux possédaient une vitesse de pointe à peu près équivalente. Quand l'écart s'était soudain réduit plus rapidement, la seule hypothèque plausible était que l'appareil était à l'arrêt. Toutefois, à peine un quart d'heure après, il serait remis en mouvement, mais sa vitesse était bien plus importante. Tellement importante… que le signal avait été perdu.
Face à cette situation, les chasseuses avaient fait halte pour faire le point avec Nazarick. Perdre l'aéronef était frustrant. Cependant, Hae avait précisé que même si la portée était insuffisante, son traceur était toujours actif. Si elles continuaient la piste, elles pourraient sans doute le capter à nouveau. Le problème était que, si l'appareil avait bien conservé le même cap, cela voulait dire qu'il avait entrepris de traverser l'océan. Ou plutôt le vaisseau dans lequel elle avait été embarquée. En effet, l'hypothèse avait été avancée pour expliquer cette brusque prise de vitesse était que l'aéronef ne possédait pas les ressources nécessaires pour un tel voyage et donc qu'elle était à présent à bord d'un appareil plus gros et plus puissant. D'où l'arrêt de ¼ d'heure qu'elle avait fait. C'était probablement le temps qu'il avait fallu pour embarquer.
Cette question était réglée, le problème demeurait. Jidoja et les autres n'avaient pas, elles non plus, la capacité de faire cette traversée par elles-mêmes. Toutefois, il leur avait été répondu que leurs Maîtres s'en occuperaient. Tout ce qu'elles avaient à faire était de continuer leur trajet dans la même direction jusqu'à la côte.
Les quatre femmes avaient obéi et avaient roulé jusqu'à parvenir sur une plage. À ce moment-là, le soleil s'était déjà couché et le ciel commençait à perdre ses teintes pourpres et or pour devenir d'un bleu sombre. C'est dans cette atmosphère qu'elles avaient vu apparaître le Empress Ancelda's Revenge, émergeant de la mer dans de puissantes gerbes d'eau, mais sans qu'aucune vague ne vienne frapper la grève.
Après un moment, Aude-Lise les avait rejoints, debout à la proue d'une barque qui naviguait toute seule. Derrière se trouvait un large radeau sur lequel Eodunn put faire avancer leur voiture. Arrivé à proximité de l'immense bateau, il avait été fixé à un palan qui avait soulevé la plateforme pour la faire ensuite descendre dans les cales grâce à la trappe recouverte d'une grille en bois au centre du tillac.
Parés à appareiller, ils avaient mis le cap dans la direction que leur avait donné Hae. Cela faisait déjà plusieurs heures. L'Empress était rapide, plus qu'un navire ordinaire, surtout de cette taille. Il dépassait même la célérité des embarcations à moteur modernes du monde d'Harddyn et Ainz qui pouvaient tout de même atteindre les près de 200 km/h.
Alors que Jidoja regardait toujours droit devant elle, Aude-Lise s'avança et se plaça à côté d'elle.
« Même si c'est un ordre, je ne suis pas fâchée de prendre la mer » dit-elle en s'étirant et en respirant l'air marin avec délectation. « J'en avais assez de naviguer pour de faux dans une vulgaire baignoire… même si j'aurais préféré que ce soit avec mon propre bâtiment. »
« Le Percutant aurait pourtant suffi à nous transporter, non ? » Demanda Jidoja au sujet du navire de sa camarade.
« Maîtres Ainz et Harddyn préféraient augmenter notre force de frappe. Au cas où. »
Et il n'y avait sans doute pas grand-chose de plus puissant que le Empress Ancelda's Revenge sur les mers, qu'elles soient de ce monde ou d'YGGDRASIL. Sans compter que c'était grâce à sa capacité à apparaître de nulle part qu'ils avaient ou rejoindre Jidoja et les autres aussi rapidement.
« Heureusement, mon propre équipage s'est bien intégré à celui-ci » repris la Pirate. « Les officiers sont seulement frustrés de devoir être relégués aux rangs subalternes. »
« Et le Capitaine Drashan ? »
Aude-Lise grimaça.
« Je ne suis pas vraiment à l'aise de remplacer le Capitaine légitime d'un navire de cette façon. C'est contre toute morale, je trouve. »
En effet, pour invoquer le vaisseau, il avait été nécessaire de faire d'abord apparaître son Capitaine. Le système créé par Harddyn voulait que l'existence d'un Donjon (même mobile comme le Empress Ancelda's Revenge) soit liée à son Boss. Ainsi, dans le jeu, une fois le Boss vaincu, le Donjon s'effondrait. Du moins jusqu'à sa prochaine régénération. À l'inverse, il était également possible pour le Boss, une fois invoqué grâce à la collection particulière d'Harddyn, d'invoquer son Donjon. En faisant apparaître le Capitaine Drashan, il avait été possible de lui demander d'amener son navire dans la réalité afin qu'Aude-Lise puisse en prendre les commandes.
« Le connaissant, il est étonnant qu'il ait laissé sa place aussi volontiers » remarqua Jidoja. « D'ailleurs où est-il ? »
« Pour ce qui est de sa place. Il n'a pas vraiment eu le choix. Je suis la Reine après tout. Quant à savoir où il se trouve, la dernière fois que je l'ai vu, il était dans l'une des salles de bal » répondit Aude-Lise avec un mouvement de tête en direction du gaillard d'arrière. « Il dansait avec sa bien-aimée. »
« Le Spectre de l'Impératrice Ancelda a été invoqué ? » Demanda la Femme Renard avec circonspection.
« On ne peut pas vraiment invoquer le navire sans les deux. Ils sont liés l'un à l'autre. »
En effet, le combat de boss final du Donjon Le Empress Ancelda's Revenge était en deux temps. D'abord, on défaisait le Capitaine Drashan et ensuite le Spectre de l'Impératrice Ancelda apparaissait pour venger son bien aimé. On pouvait donc dire que le Donjon possédait deux Boss finaux. Après tout, c'était un Raid. Il fallait bien compliquer un peu le travail des Joueurs.
« Et puis… le fait que ces deux-là puissent être ensemble, ce n'est pas plus mal, tu ne trouves pas ? » Demanda Aude-Lise dont la voix s'était faite plus douce.
« Sans doute… » répondit Jidoja.
Son regard était toujours absorbé par l'horizon. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Ses yeux bleus étincelants étaient fixés sur cette ligne à peine définie. Elle était mal à l'aise. Son esprit lui criait quelque chose, mais elle ignorait ce que c'était. Elle se sentait à fleur de peau et des frissons parcouraient tout son corps.
« Toi aussi tu le ressens ? » Demanda Aude-Lise avec un léger rictus.
« Ressentir quoi ? »
« On va essuyer un grain. Et un gros, je pense »
« Un grain ? Tu parles d'une tempête ? »
« Ouep ! » Dit la Pirate en se mettant à avancer en direction du bord intérieur du gaillard d'avant.
Elle s'approcha de la balustrade et s'y appuya.
« Attention tout le monde ! Préparez-vous ! Nous allons essuyer un grain ! » Cria-t-elle à la cantonade. « , donnez les ordres ! Miss Bonny, faites passer le mot ! Ça va secouer ! »
« Bien Capitaine ! » S'écrièrent les deux Pirates avant de se mettre en action.
« À tout l'équipage, branle-bas de combat ! » Hurla Miss Bonny en parcourant le tillac.
« Ferlez les voiles ! » Reprit ensuite M. Teach sur le même ton. « Je ne veux plus en voir une seule ! Préparez les lignes de sauvetage ! Que chacun s'y amarre ! On se dépêche ! On se dépêche ! »
« Le vaisseau va résister ? » Demanda Jidoja, inquiète, en rejoignant sa camarade.
« Ouais, ne te bile pas pour ça. Il n'y a pas de tempête assez forte pour couler cette barcasse. Je te rappelle que c'est un vaisseau maudit. »
« Combien de temps est-ce qu'on a ? »
« Probablement pas plus d'une ou deux heures » estima la navigatrice. « Tu devrais aller te mettre à l'abri avec les autres. »
« Hae refuse de quitter la vigie et Eodunn est avec la voiture. Elle doit craindre qu'elle se prenne une rayure. »
« Je ferais la même chose avec le Percutant » ricana Aude-Lise. « Mais si elle reste dans les cales, ça devrait aller. »
« Très bien. Dans ce cas, je vais prévenir Yong. »
Cette dernière se tenait dans les haubans, fascinée par l'altitude. Cependant, comme elle n'était pas formée à la manipulation des voiles et que sa présence risquait de gêner les marins, elle en descendit rapidement pour suivre Jidoja jusqu'au gaillard d'arrière, là où se trouvait la cabine qui leur avait été attribuée, juste sous la dunette.
Comme Aude-Lise l'avait prévu, après une heure, le ciel était déjà couvert et le vent s'était fait plus violent. Par la fenêtre, Jidoja pouvait voir la mer devenir grosse et très agitée. Pourtant, tout autour d'elle, rien ne bougeait. La magie du vaisseau maudit faisait que l'intérieur était à l'abri du roulis. À ce moment-là, la pluie se mit à tomber et des éclairs commencèrent à illuminer le firmament. Les vagues autour d'eux se faisaient de plus en plus hautes, mais le navire géant les crevait tout simplement. Cela ne l'empêchait pas d'être ballotté par la puissance de la tempête et des vents.
« Qu'est-ce que c'est ? » Interrogea Yong au bout d'un moment.
Cela faisait déjà plusieurs heures que les éléments se déchainent.
« Qu'est-ce que c'est "quoi" ? » Demanda Jidoja à sa cadette.
« Il y'a… comme un rugissement au-dehors… » dit la Femme-Tigre en tendant l'oreille.
Jidoja fronça les sourcils et fit de même, mais tout était couvert par le bruit du tonnerre.
« Tu es sûr que ce n'est pas le vent ? ».
« Non » dit sa cadette en secouant la tête. « Je suis certaine que… »
Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, car la cabine autour d'elle trembla brusquement et elles furent toutes les deux jetées à terre.
« Que… qu'est-ce qui se passe ? » Balbutia Jidoja en se redressant.
« On a heurté quelque chose ! » S'écria Yong.
Cela ne pouvait pas être seulement la tempête pour avoir réussi à court-circuiter la magie qui stabilisait l'intérieur du navire.
« Ce n'est pas normal » souffla la Femme-Renard.
Elle se précipita alors vers la porte de la cabine sa cadette sur les talons. Rapidement, elles sortirent dans le couloir et se dirigèrent au travers du dédale de pièges et de coursives du gaillard d'arrière. Elles descendirent jusqu'au premier niveau et émergèrent finalement au-dehors.
N'étant plus protégées par la magie du vaisseau, elles prirent le roulis de plein fouet. Trébuchant sur le balcon, elles parvinrent à se rattraper à la rambarde et s'y cramponnèrent de toute leur force afin de rester debout. Il ne fallut que quelques secondes pour que les deux se retrouvent complètement trempés par l'épais rideau de pluie. Poussée par le vent, l'eau du ciel leur fouettait le visage. Malgré cela, elles réussirent à apercevoir quelque chose, probablement ce qui les avait heurtées plus tôt. En comprenant ce que c'était, les deux femmes écarquillèrent les yeux.
Au début, elles n'avaient discerné qu'une forme noire, verticale, comme une titanesque colonne émergeant des flots sur le flanc tribord du navire. Mais c'était absurde, complètement insensé. Et puis une salve d'éclairs avait projeté une lumière blafarde sur l'étrange chose et c'est là que Jidoja et Yong avaient compris.
Elles avaient vu le long cou recouvert d'écailles sombres. C'était cela qu'elles avaient pris pour une colonne, ce cou immense sur lequel était plantée une tête. Une tête tout aussi immense, reptilienne et pourvue d'une gueule tout aussi démesurée et béante, emplie de crocs massifs et pointus.
Ce qu'ils avaient heurté ou plutôt ce qui les avait heurtés n'était rien de moins… qu'un serpent de mer.
À suivre…
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Et voilà ! J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu. Le suivant sera très axé sur le combat. Il y aura celui de Jidoja et des autres contre le serpent de mer et puis aussi ceux dans le Royaume. Je pense que je vais faire alterner entre les deux pour conserver le suspens.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais j'ai glissé une petite référence à Mulan. C'est la poupée que l'Aventurier ramasse dans l'espoir de pouvoir la rendre. C'est très dark mais j'avoue que ça mfanfa bien plus.
Je pense que ce ne sera pas le dernier cependant. Plus l'avant-dernier. Et puis il y aura l'épilogue.
En tout cas, j'espère que ce chapitre vous a plu. N'hésitez pas à m'envoyer vos commentaires et je vous dis à la prochaine fois !
