Crédits : Dance the Night, Dua Lipa
Qu'il était compliqué d'être un homme large d'épaules sur un navire pirate. Heureusement, tous les navires de la Family avaient été construit de manière à ce qu'aucun général n'ait à subir de désagrément en se promenant dans les couloirs.
Pica, armoire à glace taciturne, rejoignait donc sa cabine ce premier soir, lorsqu'une porte s'ouvrit devant lui, l'obligeant à s'arrêter. Normalement, il aurait dû être prioritaire peu importe la personne en face. A part Doffy. Doffy était le maître incontesté de tout. Et puis il était si charism… enfin il s'égarait.
Il baissa donc les yeux, prêt à darder un regard noir sur l'importun, avant de bondir en arrière et de se plaquer au mur.
- Je vous en prie, passez !
Ondine eut un sourire poli en l'observant faire sa cabriole, ses affaires de toilette coincées sous le bras. Elle hocha la tête pour le remercier de l'invitation, avant de s'arrêter à son niveau, perplexe.
- Dites-moi, mon bon monsieur. Vous m'avez couverte, l'autre soir, pas vrai ? Vous ne pouviez pas ne pas savoir où j'étais réellement.
Le général de Piques se fit droit comme un i, regardant droit devant lui, les joues légèrement rougies. Elle l'avait appelé « son bon monsieur ! »
- Il est de mon devoir de veiller à la sécurité du palais. Et vous ne représentiez pas un danger pour le palais.
L'excuse était un peu tirée par les cheveux mais cela sembla lui suffire. Elle lui offrit un vrai sourire sincère avant d'incliner la tête.
- Merci, vous avez été un vrai gentleman !
Puis elle partit, laissant dans son sillage une bonne odeur de savon aromatisé aux agrumes.
- Tu as vu qui dehors ? demanda Shiva lorsqu'Ondine revint dans la cabine.
Elle nota ensuite le nom de Pica et une heure à côté de son nom, avant de regarder sa montre. Il était 22h.
- Kyosa ne va pas tarder, lui confirma Ondine avec un sourire en s'asseyant sur son lit, avant de faire signe à Jora qui se demandait bien ce qu'elles manigançaient.
Mais les deux jeunes filles réussirent parfaitement à détourner son attention en lui demandant l'histoire derrière cette grande fresque murale aux couleurs chatoyantes. Toute entière dévouée à sa présentation, elle sursauta violemment quand un cri la tira de sa transe artistique. Shiva sourit en regardant sa montre.
- 22h10 pétantes. J'avais raison !
- C'est à la fois beau et terrifiant, fit Ondine en essuyant une larme, avant de se diriger vers le couloir où une violente dispute avait éclaté.
- VOUS AVEZ QU'A INSTAURER DES HORAIRES AUSSI ! MERDE A LA FIN !
Shiva plissa les yeux et passa prudemment la tête dans le couloir, imitée par Ondine. Kyosa venait de balancer sa serviette à terre et fusillait du regard le capitaine du navire, qui le lui rendait bien ! Derrière eux, Diamante se décomposait à vue d'œil, ne sachant pas quoi dire ou quoi faire pour désamorcer la situation. Il voyait déjà la jeune fille blonde lancée dans les flots tumultueux de la Mer des Périls et lui, accroché à un cordage, la main tendue en vain pour la rattraper alors qu'une flute traversière en fond exprimait toute l'étendue de son chagrin.
- C'est une bonne idée ça, je vais vous faire un planning précis à suivre et vous n'aurez plus qu'à vous y tenir, grinça le corsaire. D'ailleurs tu vas aller prendre ton quart à la vigie MAINTENANT !
- Parfait ! Comme ça j'aurais plus à voir VOTRE SALE TRONCHE !
Kyosa reprit sa serviette et dans un mouvement dédaigneux, tourna le dos au pirate pour s'éloigner vers la porte la ramenant sur le ponton. Elle balança ses affaires au passage à ses amies, leur faisant un discret signe de la victoire.
Doflamingo la suivit du regard, une veine palpitant sur le front, et eut juste le temps d'apercevoir les compagnons de l'insolente blonde avant qu'elles ne disparaissent de nouveau dans leur cabine. Il eut alors la désagréable sensation qu'il s'était fait avoir en beauté !
- Bien évidemment qu'il pensait qu'en se renseignant sur ses habitudes, on allait tout faire pour l'éviter, fit Shiva en griffonnant de nouvelles notes sur son carnet. Ça nous prouve déjà, dans un premier temps, que ce Diamante ne sait pas fermer sa gueule.
- Et dans un second temps que c'est un sacré pervers pour vouloir te voir en petite tenue dans la salle de bain, grommela Ondine. Il a été bien attrapé, cet abruti !
- Et il n'aura pas non plus pu admirer Kyosa vu qu'elle attendait juste l'heure précise pour sortir et que ça faisait bien longtemps qu'elle avait pris sa douche. Que je suis diabolique !
Satisfaite de sa victoire, la tacticienne passa quelques pages avant d'énoncer à voix haute sa stratégie du lendemain. Ondine hocha la tête en l'écoutant, se frottant les mains avec un ricanement qui aurait pu faire peur à Dellinger, s'il n'était toujours pas évanoui. Elles se glissèrent ensuite dans leurs couchettes et s'endormirent l'esprit tranquille, pendant que Kyosa profitait de son côté d'une sieste méritée à l'air libre.
Avez-vous déjà vécu un moment si étrange, si irréaliste, à peine tiré du lit, que vous vous êtes persuadé d'être encore bien endormi ? Ce fut l'expérience désagréable que vécut Diamante, le lendemain matin, lorsqu'il découvrit le couloir décoré de ballons roses, de serpentins roses, de paillettes roses et de roses en papier jaune.
Sortant sur le pont, il découvrit que le grand mat, le bastingage, les parois accessibles, avaient subi le même sort. Il monta à la proue, puis à la poupe, et observa, perplexe, l'estrade couverte de paillettes qui s'y dressait.
- Magnifique, n'est-ce pas ! s'exclama Jora en tournoyant à ses côtés. Il a fallu utiliser toutes mes fournitures mais le résultat en vaut la peine !
- Euh ?
Diamante pointa la scène sans comprendre, avant de se faire pousser par Pica qui installait des spots de lumière, sous les indications d'Ondine.
- C'est parfait, monsieur le général ! Oh Jora, quel travail fantastique ! Mais je ne doutais pas de la plus belle femme qui ait jamais foulé ces terres. Nous ne vous méritons pas.
- OHOHOH !
Interloqué, Diamante saisit son collègue par l'épaule pour l'entraîner à l'écart de l'agitation. Tout l'équipage semblait en proie à cette folie qu'il ne s'expliquait pas !
- Mais qu'est-ce que tu fous ? C'est quoi tout ce remue-ménage ! On est un bateau pirate, que diable, ce n'est pas la foire ici !
- Je ne fais qu'obéir à la demande du jeune maître ! protesta Pica de sa voix fluette.
- Comment ça la demande du jeune maître ?! Quand est-ce qu'il a ordonné ça ?! Je ne suis au courant de rien et pourtant, il me met toujours au courant de tout !
- Voyez-vous, c'est quelque chose qu'il m'a demandé à moi, intervint Shiva en surgissant entre les deux hommes, leur provoquant un sursaut.
Elle eut un sourire humble, la main posée sur le cœur, alors que le général de Diamant la dévisageait avec suspicion.
- Doffy t'a demandé de décorer le navire ?
- Non, il m'a demandé de prouver l'étendue de mes talents.
Cela ne rendait pas la situation plus claire, pour Diamante, qui commençait à doucement s'énerver.
- Et quel rapport avec tout ça !
- Le rapport ? La danse, mon bon monsieur ! La DANSE !
Et dans un rire sardonique, la jeune femme s'éloigna en pas chassé, avant d'effectuer un élégant arabesque et de rejoindre la scène d'un bond. Diamante l'observa un instant, avant de se précipiter à l'intérieur du navire pour aller chercher son boss.
Doflamingo n'était pas forcément pas un lève-tard, puisqu'il ne dormait de toute façon pas beaucoup par nuit, mais il lui arrivait de travailler à peine levé, sa cabine abritant un bureau sur-mesure. Être le souverain de Dressrosa ainsi que « Joker » n'allait pas sans la dose de paperasses avec. Il ratifia un certain nombre de contrats, ordonna deux mises à mort, trois grosses ventes de Smiles, avant d'enfin s'accorder une pause et d'ouvrir le hublot pour respirer un peu d'air frais. Du pont semblait monter une certaine effervescence, et il s'en interrogeait sur la raison jusqu'à ce que Diamante débarque, l'air catastrophé.
- Les filles sont devenues folles !
Sur ces paroles bien mystérieuses, il entraîna le maître des lieux à sa suite, qui put donc constater, surpris, l'état de son navire. Et noter qu'elles avaient étrangement respecté son code couleur principal. Sauf avec ces fleurs de papier. Pourquoi est-ce qu'elles étaient jaunes ?
Ils arrivèrent devant la scène, vide, et les hommes qui n'étaient pas assignés à la bonne tenue de la navigation assis sagement devant. Il ne manquait pas un de ses lieutenants et pas même Pica, assis vers le fond, les bras croisés et l'air impassible. Et alors que le silence se faisait, une musique entraînante s'éleva dans les airs et la scène se remplit d'une fumée blanche.
Baby, you can find me under the lights
Diamonds under my eyes
Turn the rhythm up, don't you wanna just
Come along for the ride?
L'euphorie s'empara de la foule quand, le trio le plus connu de Dressrosa ces dernières semaines apparut derrière la fumée. A leur tête, Shiva, en débardeur court et pantalon évasé, donnait le rythme de la chorégraphie. Ondine et Kyosa avec un t-shirt à une seule manche et dans un jean qui ne jurait étrangement pas avec la tenue de leur amie, claquaient des talons à sa suite, tournoyaient et la portaient à bout de bras avant que les trois, dans un ensemble parfait, frappent dans leurs mains. Alors le premier rang se leva et rejoignit la scène, s'intégrant parfaitement à la danse. Et il fallut l'avouer, Doflamingo en resta bouche bée.
Les dernières notes résonnèrent dans l'air mais furent loin de faire retomber l'ambiance. De nouvelles chansons s'enchaînèrent, de nouvelles personnes se trouvèrent des talents insoupçonnés de danseurs de ballet, de rappeurs de rue, de stars de hip-hop. Même Jora, à son vénérable âge, se retrouva soudainement à faire le grand écart sans que cela ne semble la choquer ! Puis Shiva finit par claquer des doigts et enfin la musique se tût pour de bon, et son public sortit de sa transe. Elle sourit à Ondine qui lui tendit une serviette pour s'essuyer le visage, avant d'affronter le regard du Corsaire, visiblement satisfaite de son petit tour.
- Alors ? J'ai pas tenu parole, peut-être ?
Il se couvrit le bas du visage de la main, mais le sourire cruel qui se dessinait sur ses lèvres n'échappa à personne.
- C'était… à la fois pas du tout ce que j'attendais de toi, et au-delà de mes espérances.
Car finalement, la prestation le laissait avec plus de questions que de réponses. Et pourtant il avait le sentiment que la jeune femme l'avait fait exprès. Ce n'était pas une simple danse, qu'elle lui avait montré, mais un don bien particulier, qui portait le nom de « Soumission ». Il le savait, il avait déjà lu des récits d'aventuriers sur ce genre de don. Mais c'était la première fois qu'il y assistait. Et, comme c'était le cas de son fluide Royal, on ne pouvait pas l'apprendre, que naître avec.
Il existait de nombreux moyens de soumettre une personne via les pouvoirs du fruit du démon, et sa version Parasite en était un bon exemple. Mais la Soumission était différent, et s'apparentait bien plus à une forme… d'hypnose de groupe. Il nécessitait un média – en l'occurrence, la danse et la musique – ainsi qu'un esprit plus faible que le porteur du don en face. Mais même lorsqu'on n'était pas sensible à l'hypnose, il était impossible d'assister à un tel spectacle sans ressortir une sorte… de fascination. D'attirance, même. Doflamingo croyait là obtenir enfin la raison qui l'avait poussé à s'intéresser à une femme aussi banale d'apparence, et une possibilité de se débarrasser de ce sentiment encombrant. Car après tout…
- … Oh merde.
Il haussa un sourcil, surpris par l'injonction de la jeune femme. Avant qu'il n'ait le temps de se tourner, un choc fit tanguer le navire, une sensation qu'il connaissait bien pour avoir écumé les mers durant des années avant de s'installer en tant que souverain légitime du pays de ses ancêtres. Un abordage.
Assise dans son infirmerie, Sae savourait une tasse de thé, tournée vers la fenêtre. Le jardin, habituellement si vivant, était désert depuis le départ du maître des lieux, de la plupart de ses hommes et de ses amies. Elle eut un soupir, avant de se tourner vers Trebol qui souriait niaisement, une tasse à la main.
- Qu'est-ce que je peux vous détester.
Son dégoût pour cette abomination de la nature n'était un secret pour personne. Heureusement, le général semblait aimer se faire insulter, vu qu'il rit de nouveau. Elle soupira et ouvrit un parapluie face à elle pour se protéger d'éventuelles éclats de morve.
- Le jeune Maître est persuadé que vous mentez sur vos pouvoirs et m'a chargé de tout découvrir en son absence ! Alors attendez-vous à me voir souvent, ma jolie !
- Vous m'en direz tant !
Sae jeta un regard derrière sa protection, observant l'homme boire une nouvelle gorgée de thé. Elle masqua un sourire, avant de lui demander, mine de rien.
- Et donc vous avez des escargophones longue portée, planqués quelque part ?
- Bien évidemment ! On en a toute une réserve, avec aussi des noirs et des blancs ! s'exclama l'homme-mucus en se frappant le torse avec fierté. Ils sont au deuxième étage, dans la réserve nord !
Décidément, ce sérum de vérité était bien efficace ! La jeune médecin se promit d'en détruire la recette dès que possible.
Un ronflement face à elle lui apprit que son invité indésirable avait enfin piqué du nez. Elle eut un nouveau sourire et se redressa pour lui prendre sa tasse, la vider dans l'évier, la désinfecter à la javel puis la jeter dans la poubelle. Elle ne voulait prendre aucun risque.
