Bonjour à tous ! Après une longue journée en famille étendue, voici la suite de ma traduction. En espérant qu'elle vous plaise :) Et toujours un immense merci aux lecteurs qui me laissent un mot d'encouragement. Ils sont très appréciés !


Chapitre 12 – Doux rêves

Vector était troublée. En fait, elle était un peu plus que troublée. Peut-être à mi-chemin entre troublée et effrayée. Ou peut-être qu'elle devait oublier tous les états intermédiaires et sauter directement à apeurée. Elle contempla de nouveau sa grande équation, de là où elle était assise. Apeurée était le bon mot. Elle pouvait faire avec apeurée.

- Miranda ? Que faites-vous assise par terre, mon enfant ?

Miranda se releva tant bien que mal et épousseta sa robe de la saleté et la poussière de craie qui la maculaient. Elle se tourna vers le directeur. Flûte ! Elle avait espéré être présentable à l'arrivée du directeur. Il avait le chic pour arriver à chaque fois qu'elle était dans une situation embarrassante. Elle répondit à sa question.

- Les chaises encombrent l'espace. Quand je m'assieds sur le sol, je vois mieux les choses.

Albus eut un sourire indulgent.

- Bien sûr, ma chère, dit-il avant d'en arriver au cœur du sujet.

Miranda avait remarqué qu'il faisait ça de plus en plus, ces derniers temps. Son personnage de vieil homme un peu fou laissait de plus en plus souvent place à Albus Dumbledore, l'un des sorciers contemporains les plus puissants.

- Vous m'avez dit que vous aviez du nouveau, Miranda. Je ne pense pas que vous m'ayez appelé pour me donner de bonnes nouvelles, dit-il avec un regard bleu sérieux et préoccupé. Dites-moi ce qui vous trouble.

- J'ai ajouté une nouvelle équation à l'ensemble. Ça m'a pris un peu de temps, mais j'ai finalement réussi à la stabiliser au regard de toute la matrice.

Vector pointa le doigt vers un tableau noir, parmi plusieurs autres.

- Au départ, j'ai cru qu'elle n'était d'une partie d'un groupe d'équations, mais après… Disons juste qu'après l'avoir vu sous un nouveau jour, un soir, j'ai décidé qu'elle méritait peut-être une équation à part entière. Et j'avais raison.

Albus claqua la langue.

- Vous sautez de nouveau directement à la conclusion, Miranda. Mais qui avez-vous ajouté ?

Elle plissa le nez. Elle avait toujours préféré commencer par la fin et remonter petit à petit, plutôt que commencer au début et avancer comme elle pouvait.

- Excusez-moi, Albus. J'ai ajouté Hermione Granger.

Le directeur haussa un sourcil et Miranda fit juste un geste impuissant de la main.

- Je sais, je sais. Ça m'a surprise aussi. Monsieur Potter a sa propre équation, je suis d'accord avec vous sur ce point. Je suis également d'accord pour l'équation qui le montre avec ses amis. Maintenant que j'ai séparé Miss Granger pour lui donner sa propre équation, je commence à penser que monsieur Weasley mériterait la sienne également.

Albus sembla sceptique.

- L'ajout de Miss Granger a-t-elle réellement altéré l'équation globale à ce point ?

Vector agita la main vers l'ensemble de lignes colorées qui filaient paresseusement dans l'air.

- Voyez vous-même.

Albus étudia les lignes de force et les possibilités puis se tourna vers la sorcière.

- Miss Granger est la ligne violette, n'est-ce pas ?

Vector hocha de la tête et émit un petit bruit de confirmation.

Après avoir étudié le diagramme quelques minutes, Albus se tourna vers Vector. Son expression habituellement sereine était marquée par des rides profondes.

- Vous avez vérifié vos équations ? Vous êtes sûre du résultat ?

Les craintes de Vector se transformèrent instantanément pour laisser place aux premiers signes de peur. Albus était inquiet. Si Albus était inquiet, alors le reste du monde était dans les ennuis jusqu'au cou.

- J'ai contrôlé et recontrôlé, répondit-elle finalement.

- Miranda, cet ajout a modifié tout l'équilibre. La date de confrontation avec Tom a été avancée…

- De plusieurs mois, oui, confirma Vector. Je sais. Ce que je ne sais pas, c'est comment ou pourquoi. Qu'une seule personne puisse avoir un effet aussi significatif sur les dates… Ça semble impossible et pourtant, mes équations ne mentent pas, dit-elle en haussant légèrement les épaules.

Ils restèrent silencieux quelques instants, avant que Vector ne pointe la carte de lignes multicolores de la baguette. Plus précisément, là où la ligne violette croisait la ligne grise.

- Quel que soit ce qu'elle fait, ça arrive à cet endroit. Elle interagit avec votre espion à ce moment-là, puis avec deux ou peut-être trois membres de l'Ordre ici, là et là, dit-elle en désignant plusieurs autres intersections. Ensuite, à partir d'ici, tout s'accélère. Et ce qui devait être une possibilité dans plusieurs années arrive dans peut-être un an ou un an et demi maximum.

- Harry n'est pas prêt pour la confrontation.

Vector joua nerveusement avec un morceau de craie dans sa poche. Elle détestait vraiment ces conversations avec Albus.

- Alors je vous suggère de le préparer. Ça arrive, Albus. Et ça arrive bientôt. Sans compter que, quel que soit ce que fait Hermione Granger, ça réduit significativement les pertes prévues de notre côté. Il ne faut pas laisser échapper cette opportunité.

Albus suivit la ligne grise qui représentait son espion. Comme auparavant, la ligne continuait de clignoter, d'apparaître et disparaître sans fin. Puis son regard fut attiré par la ligne argentée que Vector lui avait indiquée la dernière fois.

- La ligne aberrante est toujours là, constata-t-il.

- Oui. J'ai cru un temps que ce pouvait être Miss Granger, mais si ça avait été le cas, mon ajout de son équation aurait dû faire disparaître cette ligne. Je ne parviens toujours pas à comprendre comment mes chiffres ont entraîné son apparition, mais quelque chose dans mes équations provoque son existence.

- Est-elle toujours dirigée vers mon espion.

- Oui. Bizarrement, sa course est la seule chose qui n'a pas bougé après l'ajout de Miss Granger. Sa vitesse est erratique, cependant. Elle fait des bonds en avant, puis s'arrête pendant quelques temps, puis elle reprend finalement sa course. Il y a deux ou trois jours, le mouvement était constant, puis il s'est complétement stoppé. Cela dit, même avec ces arrêts et ces redémarrages, elle continue sa route.

Albus resta silencieux, à contempler les lignes mouvantes. Il caressa sa longue barbe dans un mouvement pensif, ses doigts dénouant distraitement les quelques nœuds qu'ils rencontraient parfois. Il pensa, pesa le pour et le contre, évalua ses options et l'importance de toutes les pièces de son jeu. Puis il s'interrompit en se souvenant que ces lignes étaient les représentations de personnes réelles, pas de simples pions dans un jeu d'échec entre Tom et lui-même.

Il fallait qu'Harry soit prêt.

- Pas un mot à qui que ce soit, Miranda, dit-il finalement d'une voix terriblement lasse.

- Bien sûr que non, Albus.

En se redressant, Albus adressa un sourire à la jeune sorcière, avant de se diriger vers la porte. Alors qu'il allait sortir, il se tourna une dernière fois.

- Ajoutez une équation spécifique pour Ronald Weasley également, Miranda. Gardez celle qui les rassemble tous les trois, mais séparez-les également.


Hermione fit glisser ses mains sur les tissus, éprouvant l'effet râpeux du matériau du bout de ses doigts sensibles. Elle avait une bonne idée de ce qu'elle voulait et aucun des lourds morceaux de coton adouci ne remplissait ses critères. Chaque pan de tissu avait jusqu'ici eu un défaut subtil : trop fin, trop épais, trop rêche. La liste des problèmes ne cessait de s'allonger, jusqu'à ce qu'elle décide de s'arrêter pour cette fois, avec un petit grognement de frustration.

Peut-être qu'elle trouverait son bonheur du côté Moldu. Sans compter que Ron et Harry l'attendaient aux Trois Balais et qu'elle allait bientôt être en retard. Elle aimait autant ne pas avoir à expliquer pourquoi elle était dans un magasin de tissu plutôt que chez le libraire…

La vieille sorcière, derrière le comptoir, sourit à Hermione en la voyant remonter l'allée.

- Vous avez trouvez ce que vous cherchiez, très chère ? demanda-t-elle.

- Malheureusement, non, répondit Hermione avec une expression déçue. Je n'ai pas trouvé le bon tissu pour ce que je veux faire.

La sorcière eut un nouveau sourire amical, les rides au coin de ses yeux se plissèrent un peu plus.

- Laissez-moi deviner, vous cherchez une étoffe pour vous faire une nouvelle robe capable d'attirer l'attention d'un jeune sorcier particulier ?

- Oh, non, répondit-elle avec hâte, les joues d'un rouge profond. Plutôt un tissu pour coudre des draps.

La femme eut l'air confus et Hermione précisa son besoin.

- Les coudre à l'ancienne.

La confusion dans son regard se mua en étincelles joyeuses.

- Ah ! Des draps ! s'exclama-t-elle. Félicitation, très chère, dit-elle en s'avançant vers elle et en tapotant gentiment le ventre d'Hermione de sa main ridée. Vous devez l'avoir appris il y a peu de temps.

Hermione se figea, trop surprise par les gestes de la sorcière pour réagir. Pourquoi tout le monde était-il si déterminé à la croire enceinte ? Elle rassembla ses esprits et tenta de protester.

- Non, madame, vous…

Elle ne put jamais finir sa phrase. Son interlocutrice marmonnait joyeusement, sans remarquer qu'Hermione était toujours en état de choc.

- Quelle bénédiction d'avoir pensé aux anciennes coutumes, disait-elle. Je dois dire que peu de sorcières de notre époque moderne s'inquiètent suffisamment pour faire cet effort. C'est vraiment une honte. J'ai moi-même fait les draps de mes enfants, quand ils étaient petits. Je suis persuadée que ça les a rendus plus forts, en meilleure santé et plus équilibrés. Aujourd'hui, tout va trop vite. Transfigurons ci, transfigurons ça. La magie ne consiste pas simplement en des mouvements de baguette idiots, vous savez.

Hermione se mordit l'intérieur des joues pour ne pas éclater de rire en entendant ça.

- Oui, madame. Je suis complètement d'accord, parvint-elle à prononcer avec autant de sérieux que possible. En fait, je connais même une autre personne qui serait totalement d'accord avec vous.

La sorcière tapota de nouveau Hermione gentiment, sur le bras. Sa main ridée avait le même toucher qu'un parchemin doux.

- Suivez-moi, très chère, l'invita-t-elle avec un air conspirateur. Je garde les bons tissus dans mon arrière-boutique.

Hermione suivit la vieille femme, qui s'était présentée comme étant Agatha. Elle l'emmena dans une petite pièce de stockage, qui se révéla finalement être une construction magique, beaucoup plus grande à l'intérieur qu'elle ne l'était à première vue. Ils longèrent ce qui semblait être une centaine de rouleaux de tissus, de toutes les couleurs et de tous les motifs imaginables. En se frayant un chemin au milieu de ses rouleaux, Agatha les conduisit profondément à l'intérieur de ce labyrinthe de tissus.

Elles passèrent à côté de bocaux d'aiguilles à tricoter, de boîtes de fils colorés entassées jusqu'au plafond, de caisses de morceaux de tissus et de tours penchées faites de rouleaux de matériaux divers. Hermione était certaine que toutes ces piles ne pouvaient tenir que grâce à une sorte de sort de stase. Elle était si occupée à observer tout autour d'elle qu'elle fut surprise quand Agatha s'arrêta.

- Nous y sommes.

Devant elle, huit rouleaux de tissus étaient installés sur une étagère de bois basse. Elle pouvait voir un éclat subtil sur ces tissus, à la lueur vacillante de la bougie, même au travers de la fine couche de poussière qui les recouvrait. Elle fit courir une main le long d'un des rouleaux et laissa échapper un murmure satisfait, alors que ses doigts glissaient sur la soie douce.

- Agatha, c'est parfait !

La vendeuse se rengorgea quelque peu, en entendant l'approbation évidente dans la voix d'Hermione.

- C'est de la soie d'araignée magique du Népal, tissée dans une base de coton, expliqua la sorcière. C'est évidemment beaucoup plus cher, mais c'est solide, durable, et aucun autre tissu ne pourra égaler sa douceur et son confort.

Hermione fit de nouveau courir sa main sur le rouleau.

- Je le prends.


Confortablement installée dans sa chaise moelleuse préférée, dans la salle commune de Gryffondor, Hermione jeta un nouveau coup d'œil sur son livre de Runes anciennes, repéra la section sur les runes viking, puis reporta son attention sur la taie d'oreiller, sur ses genoux.

A chaque point, elle récitait le sens et le contresens de chaque rune viking dans son esprit, vérifiant de temps à autre une définition dans le texte.

Les examens approchant, elle avait besoin d'étudier. Mais en même temps, elle tenait à ce que le professeur Snape puisse dormir comme un bébé – littéralement – avant les vacances d'été. Cela signifiait qu'elle devait partager son temps entre ses révisions et ses activités du SNORT. Ce n'était pas la situation idéale, mais elle était déterminée. Et pour réussir au mieux, elle devait s'entrainer aux travaux d'aiguilles.

Agatha avait insisté sur l'importance de s'entrainer, car elle devrait broder des motifs vraiment compliqués, pour atteindre le résultat qu'elle souhaitait. Il valait mieux faire quelques essais avant de s'attaquer au vrai travail. Et dans la mesure où Agatha avait imprégné de magie les draps de ses cinq enfants en les brodant, Hermione était plus que prête à suivre les conseils de la sorcière.

C'est ce qui l'avait conduite à pratiquer ses travaux d'aiguille, tout en étudiant. Cependant, Hermione étant Hermione, elle s'était rapidement ennuyée à ne faire que les mêmes points, encore et encore. Pour ne pas tomber dans la monotonie d'un travail répétitif sans attention, elle avait décidé de faire quelque chose d'utile. Elle espérait juste que Rink n'allait pas hyperventiler avant qu'elle ait réussi à lui expliquer qu'elle n'essayait pas de lui donner des vêtements.

- Qu'est-ce que tu fais, Hermione ?

- Je révise, répondit-elle d'une voix distraite et un peu étouffée.

Son attitude ne laissait aucun doute quant à l'évidence de la réponse à cette question. En levant la tête, Hermione fixa son regard sur le plateau d'échecs, installé entre Ron et Harry.

- Il ne nous reste que sept semaines avant la fin de l'année. Certains d'entre nous ne devraient pas attendre la dernière semaine pour essayer de faire entrer une année entière d'informations dans leurs têtes.

Ron regarda Harry en fronçant les sourcils, renfrogné, alors que deux pions sur le plateau ricanèrent à la remarque.

- Hermione, tu révises depuis le premier jour de classe et je sais à quoi tu ressembles quand tu révises. Ce que je voulais demander, c'est qu'est-ce que tu fais avec ça, expliqua-t-il en pointant le paquet de tissus blanc posé sur ses genoux.

- Je ne me souviens pas t'avoir déjà vue coudre et réviser en même temps, dit soudain Ron en la regardant d'un air suspicieux. Tu n'es pas en train de recréer la SALE, n'est-ce pas ? Les elfes de maison ont à peine recommencé à venir dans la tour. Toi et tes fichus chapeaux vont juste tout gâcher à nouveau.

Hermione souffla, agacée.

- Premièrement, Ronald, je ne suis PAS en train de coudre. Je suis en train de pratiquer des points de broderie. Deuxièmement, je n'ai pas relancé la S.A.L.E. Troisièmement, sept semaines, c'est très court. En fait, c'est même extrêmement court, en particulier quand on a beaucoup de révisions à faire.

Elle jeta un œil à sa montre et commença à rassembler ses affaires. Elle fourra dans son sac le tissu, le fil, les aiguilles et ses livres.

- Je vous verrai plus tard, dit-elle. Je dois me rendre à mon groupe d'étude, maintenant. Ensuite, quand je reviendrai, nous allons nous asseoir autour d'une table et vérifier votre planning de révision pour les Sortilèges et la Métamorphose.

Elle ignora l'air horrifié de Ron et celui, résigné, d'Harry. Elle regarda sa montre une nouvelle fois.

- Il vous reste une heure pour me présenter un plan digne de ce nom.

Puis elle enfila son sac sur son épaule et quitta la Tour Gryffondor pour rejoindre la Salle sur Demande.

Alors que le portrait se refermait derrière elle, Harry coucha son roi, signalant qu'il abandonnait la partie. Ce n'était pas un échec complet, il n'avait pas perdu après tout. Ron grogna et rangea le jeu.

- Tu sais mon pote, chaque année je me jure de ne pas céder à son autoritarisme en matière de révisions. Mais chaque année, je me retrouve finalement avec un plan de révisions et des emplois du temps qui respectent un code couleur…

Harry gloussa.

- Tu ne veux pas réussir les Sortilèges ?

Ron grimaça et eut un rire à son tour.

- Bien sûr que si. C'est juste qu'une fois, j'aimerais réussir sans avoir à vider mes encres multicolores.

Une fois le jeu d'échecs rangé, Ron monta dans la chambre pour récupérer ses livres et des parchemins.

- Tu sais quoi, Harry ? remarqua-t-il à son retour. Elle n'a jamais dit ce qu'elle brodait ni pourquoi…


La porte de la Salle sur Demande s'ouvrit avec le fracas du bois et du métal cognant contre la pierre. C'était étrangement satisfaisant. Hermione sourit brièvement en voyant le sursaut prévisible de Colin et Neville.

C'était petit et mesquin, mais aussi particulièrement gratifiant de pouvoir ouvrir cette porte brusquement. Elle n'avait jamais réalisé à quel point c'était amusant, jusqu'à ce qu'elle le fasse plusieurs fois. C'était libérateur et diminuait son stress.

- Profess…

- Silence ! tempêta-t-elle.

Colin et Neville furent au garde-à-vous en un instant, le dos droit et le regard fixé devant eux. Hermione fut fière de Neville : bien qu'encore assis de façon rigide sur son tabouret, il n'avait plus l'air craintif. Elle s'avança vers le tableau à grand pas et jeta un regard noir à ses deux « étudiants ».

- Rangez vos affaires et ne gardez qu'un rouleau de parchemin, une plume et de l'encre.

Alors que Colin s'exécutait un peu trop lentement, Hermione s'écria :

- Cinq points de moins, monsieur Creevey, pour me faire perdre mon temps. Rangez votre bureau, maintenant !

Colin s'exécuta sensiblement plus vite et bientôt, les deux élèves attendirent la suite. Hermione se força à faire une grimace sensiblement similaire à celle de Snape, même si elle avait juste envie d'éclater de rire. Ses amis avaient l'air tellement sérieux ! Hermione continua de les regarder méchamment, jusqu'à ce que Colin commence à s'agiter nerveusement.

Elle commença enfin à parler, la voix presque aussi basse qu'un murmure sifflant, ce qui obligea Neville et Colin à l'écouter avec attention.

- Le temps de votre examen final est venu.

- Final ? couina Colin.

- Final. Oui, cet examen pour lequel vous avez travaillé tout au long de l'année. Cet examen qui prouve que vous avez finalement retenu des informations dignes d'intérêt durant mes leçons, que vous n'avez pas perdu votre temps et – plus important – que vous ne m'avez pas fait perdre le mien. Cet examen final, prononça Hermione avec dédain.

Elle ignora le petit rire qui provenait de la direction de Neville.

- Ce sera, bien évidemment, votre examen écrit. Votre examen pratique aura lieu durant notre prochain cours.

Elle donna à chacun d'eux une copie d'examen qu'elle avait imaginée, puis s'installa derrière le bureau qui était une réplique de celui du professeur Snape. Elle ouvrit de nouveau son livre de Runes et sa taie d'oreiller, puis recommença à coudre et réviser, en vérifiant de temps à autre la progression de ses élèves.

Après une demi-heure, elle prit une pause pour marcher vivement autour de ses étudiants et les regarder d'un air menaçant. Elle tenait à conserver le facteur intimidant qu'était Snape.

C'est pendant son second tour de la pièce qu'elle remarqua que Neville se tenait étrangement. Il écrivait d'une main et l'autre était enfouie dans les replis de sa robe de sorcier, pliée à côté de lui. Après quelques instants d'observation, elle déduisit que Neville agrippait quelque chose. Et si les mouvements de son bras étaient une indication, il tenait l'objet mystérieux particulièrement fort.

Maintenant qu'elle y pensait, elle avait vu Neville fouiller dans son sac, un peu plus tôt, quand elle leur avait demandé de ranger leurs bureaux.

Désormais curieuse, elle s'éloigna de Neville de quelques pas, afin de ne plus être dans son espace personnel. Puis elle resta immobile, consciente que Neville était tellement concentré qu'il oublierait rapidement sa présence. C'était l'une des tactiques favorites de Snape. Comme prévu, Neville se détendit quelques minutes plus tard, mais sa prise sur l'objet caché ne se relâcha pas.

C'est à cet instant qu'Hermione frappa et saisit le poignet de Neville. Il laissa échapper un cri de surprise, mais il ne résista pas quand elle libéra sa main du tissu de la robe. Il agrippait un petit paquet de tissu recouvert de tissu. Un petit paquet familier, habillé de petits vêtements.

Consciente que Colin était assis non loin de là, Hermione se pencha et murmura à l'oreille de Neville.

- Est-ce la poupée de Snape ?

Le visage de Neville se couvrit d'une intéressante couleur rouge. Il jeta un coup d'œil vers Colin avant de murmurer en retour.

- C'est juste Mini Sev.

- Petit…

Hermione laissa échapper un son étranglé, incapable de prononcer le surnom.

- Neville !

Neville haussa les épaules et cacha de nouveau Mini Sev dans sa robe de sorcier.

- Je me sens mieux quand je l'ai près de moi. Il m'aide à réfléchir.

- Il t'aide…

Hermione s'interrompit. Elle ne pouvait pas vraiment gronder Neville, étant donné que c'était elle qui lui avait donné la poupée en premier lieu. Elle avait cependant totalement oublié la poupée. Et elle n'avait jamais imaginé que Neville continuerait de s'en servir dans sa thérapie pour soigner sa peur de Snape.

Elle roula des yeux, se redressa et réarrangea sa robe de professeur autour d'elle. Elle s'aperçut que Colin les regardait maintenant avec curiosité.

- Retournez à votre travail, monsieur Creevey, claqua-t-elle.

Quand son autre élève fut retourné à son parchemin, elle se pencha de nouveau vers Neville.

- Nous en discuterons plus tard, Neville.

Elle se massa l'arête du nez et retourna à son bureau. Pas étonnant que Snape les déteste tous autant.

Quand l'heure fut terminée, elle ramassa les copies des deux étudiants, qui avaient l'air épuisés.

- Je pense que c'était plus difficile que les examens habituels du vrai Snape – excuse-moi, du vrai professeur Snape.

Colin avait perdu beaucoup trop de points pour manque de respect envers un professeur, dans cette salle, en compagnie d'Hermione. Neville, avachi sur sa chaise, avait la tête lourdement posée sur ses mains. Il approuva :

- Six usages des pierres de lune dans les potions, Hermione ? Je ne suis même pas sûr que le professeur Snape ait passé plus de cinq minutes à nous parler des pierres de lune en classe.

Hermione rit de bon cœur.

- Exact, répondit-elle. C'est pour cette raison qu'elles seront probablement au programme du véritable examen. Je parie que ce sera une question pour gagner des points bonus.

- Alors, professeur Granger-Snape, puisque c'était notre examen écrit final, est-ce que cela signifie que nos leçons seront terminées, une fois que nous aurons fait l'examen pratique ?

- En effet, confirma-t-elle. Vous avez fait du bon travail, les garçons. Et vous avez beaucoup appris. Neville, tu as beaucoup plus confiance en toi et en tes capacités, je suis vraiment impressionnée. J'ai toujours su que tu en étais capable.

Puis elle lui lança un regard plus dur.

- Nous aurons quand même une discussion, cependant.

Neville hocha la tête et Hermione se tourna vers Colin.

- Toi aussi, tu as fait un travail remarquable, lui dit-elle en souriant. En particulier depuis que le professeur Snape a lancé le sort Vere Veneficus. Donc, même si vous êtes des Gryffondors, je vais vous attribuer pour ce travail exceptionnel… cinq points chacun.

Elle avait parfaitement calculé son timing. Neville et Colin éclatèrent de rire devant le chiffre dérisoire. Quand ils furent plus calmes, elle poursuivit.

- Il y a seulement sept semaines avant la fin de l'année. Je pense que terminer nos cours maintenant vous permettra de vous concentrer sur vos révisions dans les autres matières. Je continuerai à utiliser la Salle sur Demande aux mêmes heures pour réviser, donc si vous voulez venir réviser ici aussi, vous êtes les bienvenus. La salle commune peut être un peu trop distayante, parfois.

Hermione saisit sa baguette et se tapota la tête, les yeux et la poitrine, pour défaire le sortilège qui la changeait en Snape. Elle leva les mains et fit face aux deux garçons.

- Plus de professeur Granger-Snape ! Je suis redeviens cette bonne vieille Hermione à partir de maintenant.

Quelques instants plus tard, alors qu'ils retournaient à la Tour Gryffondor, la porte de la Salle sur Demande s'effaça dans le mur. Neville se tourna vers Hermione.

- Qu'en est-il de l'année prochaine, alors, professeur ? lui demanda-t-il en souriant.


Quelques nuits plus tard, Rink apparut dans les quartiers du professeur Snape dans un pop. Il posa le plateau d'argent et la cafetière pleine sur la table basse, s'inclina et se prépara à sortir.

- Stop, ordonna Severus, assez fort pour être entendu, mais pas trop fort pour ne pas alarmer l'elfe.

Rink se tourna vers l'humain qu'il servait.

- Le Maître a-t-il besoin de quelque chose de Rink ?

Severus glissa l'un de ses longs doigts sur le livre, pour marquer l'emplacement où il était arrivé. Puis il accorda toute son attention à Rink. Il remarqua que l'elfe ne portait plus le torchon miteux qui lui servait habituellement de vêtements. A la place, il portait une taie d'oreiller blanche qui avait été coupée aux endroits appropriés pour laisser passer sa tête et ses bras maigres. D'après son expérience, les elfes changeaient rarement leur façon de s'habiller.

- Je n'ai besoin de rien d'autre ce soir, mais je voudrais quelques renseignement sur l'habit que tu portes.

Rink baissa les yeux sur la taie d'oreiller, avant de redresser fièrement le torse.

- Hermy l'a fait spécialement pour Rink.

En voyant que l'humain qu'il avait choisi de servir était toujours curieux, il s'approcha du fauteuil du professeur de Potions et se mit sur la pointe des pieds, pour qu'il puisse mieux voir le motif brodé, à la lueur de la bougie. Il montra fièrement les lignes brodées sur son torse, à gauche.

- Hermy a mis le nom de Rink et celui du Maître des Potions, pour que tout le monde sache qui Rink sert.

Severus fut un peu décontenancé par l'attitude fière de Rink. Il passa le bout de son doigt calleux sur les points un peu maladroits. Sur le dessus, dans un vert Serpentard, était brodé Rink. En dessous, en lettres plus petites et argentées, on pouvait lire « Severus Snape, Maître en Potions ».

Rink sourit de plaisir.

- Hermy dit que c'est parce que le Maître guide les Serpentards et Rink sert le Maître, donc Rink peut avoir les couleurs de Serpentard. Est-ce que Rink peut porter les couleurs du Maître ? demanda-t-il soudain après s'être remis sur ses pieds, une ligne inquiète fronçant son front. Si le Maître n'est pas d'accord, Rink va immédiatement retirer son habit et se punir très sévèrement.

Severus fut saisi. L'elfe voulait lui être associé ? Il voulait porter les couleurs de Serpentard ? Personne en dehors des Serpentards ne voulait porter les couleurs de Serpentard. Sa surprise fut de courte durée cependant, alors qu'il observait son elfe personnel.

Rink était jeune, d'après les standards des elfes, et il avait rejoint Severus dès le premier jour où il avait intégré l'équipe enseignante. Il avait toujours pensé que l'elfe lui avait été attribué comme une sorte de punition, pour quelque erreur qu'il aurait commise auparavant. Il s'était mis d'accord avec l'elfe depuis longtemps sur ce qu'il avait le droit et pas le droit de toucher, dans ses quartiers et son bureau.

Au départ, il y avait eu des drames autour de ce qui était une punition valable chez lui, par rapport aux punitions habituelles des elfes. Et aussi autour des erreurs qui méritaient ou non des punitions. Finalement, son entêtement l'avait emporté sur les tendances profondément enracinées de l'elfe. Rink ne se blessait plus et Severus lui donnait peu d'ordres, sa propre situation avec le Seigneur des Ténèbres ayant instillé en lui une profonde horreur de la servitude des êtres vivants. De temps en temps, cependant, il devait lui rappeler les règles sur l'interdiction de se punir pour rien.

Severus se pencha sur son fauteuil, pour se rapprocher de la hauteur de Rink. Cela lui rappela leurs anciens échanges.

- Tu ne dois pas te punir. Nous en avons déjà parlé. Si une punition est nécessaire, c'est moi qui te l'indiquerai. T'ai-je demandé une punition ?

- Non, répondit Rink en secouant la tête.

- Alors on ne parle plus de punition. Tu as l'air très bien dans ton nouvel uniforme, Rink, ajouta-t-il finalement en se sentant un peu idiot. Si tu souhaites porter mon nom et les couleurs de ma maison, tu es le bienvenu.

Severus fut récompensé par un immense sourire de Rink, qui allait de l'une de ses oreilles en aile de chauve-souris à l'autre.

Mince. Il devenait trop gentil. Ou peut-être qu'il s'était cogné la tête. Merci Merlin, les elfes de maison ne parlaient qu'aux autres elfes de maison et personne ne faisait attention à eux. Il restait cependant une information à creuser, dans les propos de l'elfe.

- Qui est Hermy ? demanda-t-il.

- Hermy est nouvelle chez les elfes de Poudlard. Hermy a demandé si elle pouvait servir le Maître des Potions avec Rink.

Severus regarda la broderie, le plaisir évident de l'elfe en mentionnant Hermy, puis il fit une supposition.

- Hermy est… une femelle ?

Rink approuva de la tête.

- Et cette Hermy veut t'aider à me servir ?

Rink approuva une nouvelle fois.

- Hermy est venue voir Lonny pour demander à parler à Rink. Elle a demandé à Rink et Lonny si elle pouvait servir le Maître des Potions. Lonny l'a autorisée. Rink est très heureux. Hermy est intelligente et elle va m'aider à prendre soin du Maître.

Severus retint un grognement. En voyant l'enthousiasme de Rink pour cette Hermy, il supposait qu'il allait entendre le son des petits pas d'elfe très bientôt. Il arbora son air le plus sévère, ou en tout cas l'air le plus sévère qu'il pouvait prendre avec les elfes de maison.

- Tu entraineras Hermy comme je t'ai enseigné. Je ne tolérerai pas de punitions à la manière des elfes. Elle ne bougera, changera et nettoiera rien de ce qui est hors limites dans la classe, ma chambre ou mon bureau. Je te tiens responsable de son entrainement. Est-ce bien compris ?

Rink hocha la tête avec enthousiasme.

- Rink comprend. Rink va s'assurer qu'Hermy est une bonne elfe pour le Maître.

Severus adoucit son regard et fit un faible sourire.

- Bien. Tu peux te retirer. Je n'ai plus besoin de tes services ce soir.

Rink s'inclina et disparut.


Hermione se sentait prête, après s'être entrainée à la broderie sur les nouveaux vêtements de Rink, à base de taies d'oreillers. Elle ferma les rideaux de son lit autour d'elle, plaça des barrières et un sort de silence, sortit son livre de Sortilèges de sommeil pour bébé, puis entama son travail.

Deux heures plus tard, on pouvait dire que le résultat de son travail sur le fin tissu soyeux et blanc qu'elle avait acheté à Agatha était un échec complet.

La nuit suivante, elle se sentit mieux préparée après son échec de la veille. Elle recommença son rituel, puis entama ses travaux d'aiguille. Cependant, elle découvrit qu'elle était incapable de faire passer sa magie dans les aiguilles délicates. Son deuxième effort eut pour résultat un enchevêtrement de fils, qu'il fallut couper avec une paire de ciseaux aiguisés et qui entraina un mal de tête massif, induit par un contrecoup magique. Il lui fallut se rendre chez madame Pomfresh.

Après son deuxième échec assez grave, Hermione décida d'attendre un jour de plus avant de retenter l'expérience de la broderie magique. Elle parvint alors à broder la moitié du motif magique, avant que sa magie ne lui fasse défaut au moment où elle perdit un peu sa concentration. Imprégner le tissu de sa propre magie en cousant était tellement drainant qu'elle fut presque incapable de lancer un sort dans le cours de Sortilèges de Flitwick, le lendemain.

Finalement, alors qu'elle était sur le point d'essayer une quatrième fois, elle se demanda si ça en valait vraiment la peine. Elle avait des crampes dans les doigts, à force de tenir l'aiguille d'argent, son dos était douloureux à cause de tout le temps passé, penchée sur son ouvrage. Et ses yeux piquaient, à force d'essayer de distinguer les minuscules points, à la lumière vacillante de sa baguette et des bougies.

C'était plus difficile qu'elle ne l'avait imaginé au départ.

Hermione n'avait jamais réalisé à quel point sa baguette l'aidait et augmentait son pouvoir magique. Elle appréciait sous un nouvel angle les efforts nécessaires pour parvenir à réaliser de simples sorts sans baguette, comme le professeur Dumbledore semblait le faire sans effort. Elle était impressionnée en s'apercevant qu'il devait avoir un profond pouvoir. Un pouvoir qu'il cachait sous des airs de vieux monsieur un peu fou.

Un pouvoir qu'elle-même ne possédait visiblement pas.

Elle lâcha le tissu soyeux et se laissa tomber au milieu des coussins de son lit, avec un grognement de frustration.

Pattenrond, à la manière des demi-Fléreurs, décida que c'était le signal pour une distraction bienvenue. Il lui donna deux coups de tête et Hermione céda à l'irrésistible attrait du chat. Elle commença à le gratter doucement derrière son oreille rousse et touffue.

- Très bien, Pattenrond, tu as gagné.

En s'apercevant qu'elle avait un auditoire captif et intéressé, et rassurée par le sortilège de Silence qu'elle avait jeté sur les rideaux de son lit, Hermione déversa toute sa frustration.

- Ca ne devrait pas être aussi difficile, Pattenrond. J'ai lu les livres. Les sorts sont plutôt simples. Et je ne chante pas faux non plus, donc cette partie du sort devrait fonctionner aussi. Ca ne peut pas être parce que je manque de pouvoir. Des sorcières ordinaires ont été capables de tisser ces sorts tous les jours, pour rassurer ou protéger leurs familles. Ils n'étaient pas utilisés uniquement par des sorcières supérieures. Pourquoi je n'y arrive pas ?

Pattenrond ne lui offrit cependant aucun conseil sage.

Elle soupira exagérément et décida d'essayer une toute dernière fois, avant de se coucher. Elle éloigna Pattenrond, qui protesta, et s'assit en rassemblant autour d'elle, une fois encore, ses tissus, ses fils et ses aiguilles.

Elle passa doucement ses doigts dans les fils multicolores, pour les séparer les uns des autres, et tenta de comprendre ce qu'elle faisait de mal. Elle connaissait le sort à chanter, avait pratiqué les points de croix et elle savait que le motif qu'elle avait dessiné était bon. Elle avait choisi les couleurs de ses fils et ses symboles avec soin, en préparant l'image magique qu'elle voulait broder. Elle avait même évité le symbole plus qu'évident du serpent, même si elle pensait qu'il était plutôt intéressant pour son objectif, pour son parallèle avec la connaissance et la renaissance.

A la place, elle avait choisi une feuille de chêne, pour la force et l'endurance, qu'elle allait broder dans un noir intense, une couleur de protection. Elle avait ensuite prévu d'entourer la feuille d'un cercle d'étoiles bleues. Le bleu était une couleur de protection, de paix et de calme retrouvé. Et l'étoile était un motif qui renforçait encore la protection, tout en étant un symbole d'espoir et d'harmonie.

Ça devait fonctionner.

Elle attrapa son livre « Elever un enfant magique » et relut la section qui concernait les sortilèges de sommeil. Elle espérait y repérer son erreur. Avait-elle mal compris un passage ?

Il fallait faire attention avec les sorts de sommeil. Un mauvais usage pouvait causer des torts.

« La sorcière s'essayant aux draps de sommeils doit se souvenir qu'elle fait cadeau de sa magie aux draps. En créant son symbole magique, son sceau, la tisseuse doit y injecter à la fois sa propre magie et les sentiments personnels que ce symbole évoque. Il n'y a pas de baguette intermédiaire. C'est de la magie brute et elle doit être traitée avec le respect qu'elle mérite. La sorcière ne doit ni la contrôler, ni la forcer, mais simplement devenir l'agent intermédiaire entre cette magie et son œuvre.

Choisissez votre sceau et vos couleurs avec soin. Pensez à l'enfant, à tous les rêves et les espoirs que vous nourrissez pour lui. Il est indispensable de croire en ce que vous pensez. D'avoir un but pur. Chanter et coudre n'est jamais simplement suffisant. La sorcière tisseuse doit donner un peu d'elle-même au sort. »

Hermione lissa doucement le tissu posé sur ses genoux. La croyance, l'intention, le don de soi… Elle pouvait le faire. Elle prit plusieurs inspirations profondes, se calma, puis atteignit la magie en elle, s'imaginant qu'elle brillait à travers ses points de chakra. Elle imagina sa magie circuler dans son corps, puis à travers eux, et attrapa son aiguille d'argent.

Elle s'assura que tous ses fils étaient lisses et séparés les uns des autres, puis elle commença à chanter d'une voix douce.

Dors, mon enfant, et que la paix te garde, toute la nuit.

Hermione sentit sa magie onduler et monter à son appel, alors qu'elle avait l'image du professeur Snape fermement ancrée dans son esprit. Elle prit soin de ne pas forcer la magie éveillée, mais elle envoya en douceur un filament de magie de ses doigts vers l'aiguille d'argent.

Dieu t'a envoyé des anges gardiens, toute la nuit.

Elle repensa à l'agitation du professeur durant la nuit, à toutes ces fois où elle l'avait observé faire des rondes sans fin à travers tout le château. Un voile blanc troubla la vision d'Hermione, mais elle se sentait en sécurité, entourée de sa propre magie, et elle ne s'inquiéta pas. Elle poursuivit son chant.

Les heures somnolentes rampant doucement,

Elle repensa aux épaules que le professeur Snape, fatigué, laissait retomber lorsqu'il se pensait seul et à l'abri des regards. Perdue dans sa magie, Hermione ne réalisa jamais qu'elle avait perdu tout contrôle sur la magie qui vrombissait en elle et tout autour d'elle.

Colline et vallée dormant paisiblement,

Elle pensa à quel point elle voulait qu'il dorme paisiblement.

Moi, montant ma garde aimante, toute la nuit.

Apaisé par une nuit calme et sereine.

Tes anges gardiens t'entourent, toute la nuit.

Protégé, en sécurité. A l'abri de ceux qui lui veulent du mal.

Le sommeil de minuit t'enveloppe, toute la nuit,

Des rêves apaisés.

Les heures somnolentes rampant doucement,

Les cauchemars bloqués derrières des barrières infranchissables,

Colline et vallée dormant paisiblement, Moi, montant ma garde aimante, toute la nuit.

Elle chantait, encore et encore, les couplets et le refrain se répétant inlassablement. Ses mots étaient infusés de toute sa confiance, son inquiétude pour sa sécurité, son désir de l'aider et le protéger, jusqu'à ce que – soudain – le fil, le chant et la magie se stoppèrent avec un léger claquement.

Confuse, Hermione cligna des yeux. Elle vacilla en avant et se retint d'une main, de justesse. Elle avait l'impression d'avoir été renversée par un camion à pleine vitesse. Elle tremblait de fatigue et haletait sous l'effort qu'elle venait de fournir. Elle déplia ses doigts et grimaça quand les muscles et les tendons de ses doigts reprirent leur place dans un pop.

Avait-elle réussi ?

Elle se frotta les yeux : ils étaient secs et comme granuleux. Elle lutta contre le besoin urgent de dormir, se concentra et parvint à lever le tissu jusqu'à ses yeux brumeux. Elle les écarquilla soudain sous l'effet de la surprise. Ce n'était pas le sceau qu'elle avait créé.

Bien sûr, elle avait lu que la magie pouvait prendre le contrôle et forcer des modifications. Mais ce n'était pas juste des modifications. C'était un tout nouveau motif.

Elle passa une main tremblante sur la soie et remarqua que les points étaient petits et serrés. C'était magnifique, complexe et complétement au delà de ses capacités.

Dans un fil de soie brillant, une lionne était assise, les pattes étendues devant elle. Sa fourrure brillait de brun et d'or : ces couleurs représentaient l'amitié, la force et la santé. Sa tête et ses oreilles étaient dressées, vigilantes. Ses muscles saillaient sous la fourrure de laine. Entre ses pattes dormait un serpent d'un noir et d'un bleu profonds. Son corps enroulé semblait lourd et puissant.

La lionne veillait pendant que le serpent dormait.

Hermione n'était pas complètement certaine de ce qui venait de se produire et elle essaya de focaliser son attention pour comprendre. Son corps et son esprit ne voulaient cependant pas coopérer. Elle était encore assise, mais ses yeux se fermèrent. Un instant plus tard, elle s'effondra, enroulant son corps dans les draps emmêlés.

Un peu plus tard, Rink apparut dans le lit, avec un petit pop. Il s'attendait à voir l'elfe de maison humaine penchée sur un livre ou sur son ouvrage de couture. Il fut donc surpris de voir Hermy encore toute habillée et profondément endormie au dessus de ses couvertures.

- Hermy ? l'appela-t-il d'une petite voix.

Quand il fut clair qu'elle ne répondrait pas, il bannit le plateau de sandwiches qu'il avait amené et s'agenouilla à côté de la jeune fille. Il tapota son épaule avec douceur et fut encore plus surprise de ne pas la voir se réveiller. Il la poussa un peu. Quand elle n'eut aucune réaction, il s'assit sur ses talons et s'interrogea. Que devait-il faire ?

Il avait déjà vu ce type de coma plusieurs fois chez Maître Snape. Généralement, à cause d'un sévère épuisement magique. Rink savait que le Maître préparait chaque mois une potion qui drainait énormément son énergie, mais Hermy ne l'avait pas prévenu que son travail actuel pouvait drainer sa magie de cette façon. Les humains… Ils se faisaient sans cesse du mal, alors que ce n'était pas nécessaire.

Rink était absolument certain que sans les elfes de maison, l'avenir des humains serait sans espoir. C'était une bonne chose que Rink ait décidé de servir la jeune Maîtresse en plus du Maître des potions. Elle était sous sa responsabilité.

Son devoir enfin clair, Rink fit ce qu'il faisait d'habitude en pareil cas. Il agita la main, retirant magiquement l'uniforme d'Hermy, puis lui enfila magiquement la chemise de nuit qu'elle gardait sous son oreiller. Même s'il s'appliquait à être aussi doux que possible, Rink était inquiet de constater que la jeune femme ne s'était toujours pas réveillée. Généralement, le Maître se réveillait à ce moment-là et le grondait pour être un elfe interférant.

Ce n'est qu'une fois le corps d'Hermy allongé correctement que Rink trouva le drap terminé. Le motif tissé attrapait la lumière des bougies qui flottaient au-dessus du lit et semblait vivant. Les yeux de Rink s'illuminèrent de joie et il bondit d'excitation sur le lit, avant de se souvenir qu'il devait se retreindre.

- Hermy a réussi, dit-il avec un immense sourire.

Il comprenait, maintenant. Le fait que la sorcière ait drainé autant de sa magie en disait énormément sur son investissement dans la magie protectrice. Il chantonna pour la jeune femme inconsciente et se mit au travail. D'un mouvement de poignet, il la glissa dans ses couvertures. Puis un autre mouvement lui permis de rassembler les livres et les parchemins éparpillés sur le lit. Il replia ensuite manuellement le drap tissé, avec révérence, et le glissa sous l'oreiller d'Hermy.

Satisfait de son travail, il retira le sort de Silence, la barrière autour du lit et souffla les bougies. Puis, il se pencha sur la sorcière et tapota légèrement l'un des bras d'Hermy.

- Dors-bien, maintenant, murmura-t-il avant de disparaître.


Et voici ! J'espère que ce nouveau chapitre vous aura plu :) Je l'aime beaucoup de mon côté.

A la semaine pour la suite et n'hésitez pas à me laisser un petit mot en partant ^^