Comme tout bon rêve parfait, la plage n'était pas loin. Ils auraient pu aller à pied. Aziraphale soupçonnait que Crowley avait juste envie de conduire sa Bentley, même pour 200 mètres. En plus de cela, il avait prétendu qu'ils ramenaient trop de choses à la plage pour y aller sans la voiture. L'ange n'avait pas omis d'objections, c'était le rêve de Crowley, en soit, il pouvait faire ce qu'il voulait.
La plage ne ressemblait pas du tout à ce à quoi s'attendait Aziraphale. Si le cottage paraissait être au milieu de l'Ecosse, la plage semblait être sortie tout droit d'une île pacifique. La mer était d'un bleu clair magnifique, brillante aux lueurs du soleil, le sable blanc était fin et agréable aux touchers et étonnement, pas du tout brulante. Il ne faisait ni chaud, ni froid, il y avait un petit vent agréable, qui venait secouer les cheveux de Crowley.
Ce dernier avait déjà choisi un endroit, laissant la Bentley sur le sentier. Il avait fait signe à Aziraphale de le suivre. Intérieurement, l'ange était conquis par cette endroit qui était un lieu époustouflant car dans le ciel sans nuages, il pouvait apercevoir des étoiles et des nébuleuses, choses qu'il ne verrait jamais sur Terre, dans le monde réel. C'était vraiment un lieu fantasmé par Crowley, une plage parfaite, dans l'imagination du démon, regroupant tout ce qu'il aimait.
Ils s'approchèrent d'un tapis d'herbes, au milieu du sable, surprenant Aziraphale, puis il se rappelait évidemment que ce n'était pas réel. Tout logique avait disparu ici. Crowley avait rapidement installé tout ce qu'il avait emmené en un claquement de doigts, confirmant que la Bentley servait juste d'excuses pour la conduire…et pour conserver un semblant de normalité dans ce rêve.
Le démon avait étalé une nappe en tartan gris et bleu, déposant le panier à pique-nique, des livres, un oreiller, une petit radio, un parasol, un grand sac et un cerf-volant. Il se tourna vers l'ange qui l'observait, le questionnant du regard. Se rendant compte qu'il ne faisait rien, il vint auprès de lui, échappant un rire gêné.
« Je vois que tu avais vraiment tout prévu, lança-t-il conquis.
- Je t'avais dit, je te connais, je savais que ça allait te plaire. »
Il lui tendit des livres de tous genres, ce qui toucha énormément Aziraphale. Malgré le fait que Crowley rêvait, il n'oubliait les petits plaisirs de son partenaire.
« J'ignore si tu les as déjà lu, mais si tu veux, je peux les échanger alors…
- Non, c'est très bien, coupa l'ange rapidement, tu as très bien fait. »
Une douce musique s'éleva alors dans l'air, provenant de la radio que Crowley avait rapporté. C'était du classique, ce qui ravit encore plus Aziraphale, qui sentit des petits papillons s'agiter dans son ventre. Surtout quand Crowley lui adressa un sourire séducteur et fier. Le garnement avait tout pensé pour rendre ce moment agréable pour lui.
IIl aurait pu pleurer si cela était réel, mais Aziraphale devait garder ses émotions, il devait jouer un Aziraphale « parfait » aux yeux du démon. Alors, il plongea dans un des livres qui a été donné. Il n'avait pas lu ce livre, il ne connaissait pas l'auteur, ni bien même le titre, mais les premières pages lui avaient plus, cela parlait de deux humains qui avaient grandis ensemble, puis la guerre les avait séparés. Il aurait pu lire d'une traite ce curieux roman, mais quelque chose se posa sur son épaule. Ce contact brusque et soudain le fit sursauter.
« Qu'est-ce que… souffla-t-il en éloignant brutalement la « gêne » de lui, il regretta alors sa réaction.
C'était Crowley, qui dans une habitude prise dans ses rêves, avait posé sa tête par-dessus son épaule. Il bascula sur le côté, se rattrapant avec un bras, l'expression choqué.
L'ange était au courant de ce rapprochement physique, il l'avait vu plusieurs fois, mais jamais il n'avait vécu ça. C'était tout nouveau.
Le démon cligna des yeux, perturbé par ce rejet – qui n'en était pas un. Son ange n'avait jamais réagi de la sorte auparavant, pourtant il était persuadé que c'était de sa faute.
- Je…ne voulais pas…t'interrompre dans ta lecture, balbutie-t-il l'air coupable.
- Non, non, tu…je suis désolé, j'étais tellement concentré dans ma lecture que j'ai oublié…que je ne faisais plus attention, tenta-t-il de rattraper.
- Il n'y a pas de problèmes, mon ange. J'aurai du faire plus attention. »
Cependant, l'expression de son petit ami contredisait ses dires. Il avait l'air abattu, il avait pris cette habitude, sans demander l'avis de l'ange, car cela lui semblait naturel. Aziraphale craignait que Crowley ne découvre que quelque chose cloche chez lui, alors il se dépêcha de corriger sa bourde.
- Crowley, je…tu m'as surpris, je suis désolé, viens là. »
Le cœur battant, il ouvrit ses bras, essayant de les garder stable, cachant ses tremblements. Il n'avait jamais fait ça. Il n'avait jamais pris quelqu'un dans ses bras de cette manière. Encore moins Crowley. Cela sera sa première fois. Son premier…Son premier câlin ? Dis comme ça, c'était ridicule. Mais pour Aziraphale qui n'avait jamais eu besoin de montrer des affections physiques, c'était comme voler pour la première fois.
Crowley était inconscient de la bataille mentale qui se déroulait dans l'esprit de l'ange et sans attendre, il se faufila dans ses bras, qui se referma sur lui, le cajolant. Pendant un instant, il avait cru que ce rêve deviendrait un cauchemar, que son ange allait le rejeter, lui rappelant la dure réalité. Puis, ce câlin effaça toutes ses craintes. Non, il était bien là, avec son…petit ami. Il n'était pas abandonné, il était aimé.
« Je suis désolé, murmura Aziraphale, je te promets que je ne voulais pas te blesser de la sorte. »
Des doigts glissèrent dans ses cheveux, les caressant affectueusement. Crowley ronronna alors se penchant un peu plus.
L'archange crut que son cœur allait s'arrêter. Son adorable mignon petit serpent démoniaque était dans ses bras, appréciant ce câlin. Quand il parcourut de ses doigts les cheveux soyeux du démon, il crut que sa tête allait exploser tellement c'était trop d'émotions. Que les Saints et Dieu le pardonnent, il n'avait jamais éprouvé une telle sensation de joie. Cela l'acheva quand il entendit Crowley gémir d'allégresses.
Oh mon Dieu, comment cela se fait-il que je n'ai jamais fait cela avant ? Comment peut-il être aussi adorable, aussi mignon ? Je fonds, il est tellement mignon, je veux faire ça tout ma vie. Mon cœur ne va pas tenir…
Pensa-t-il intérieurement.
« Mon ange ? »
Cela le sortit de sa torpeur. Crowley s'était redressé et le regardait dans les yeux, l'air inquiet. Qu'avait-il fait encore de suspicieux ?
« Tu es rouge, mon ange, continua-t-il, tu as chaud ? »
Evidemment qu'il avait chaud, toutes ses émotions qu'il détenait en lui le rendait totalement fous et il pourrait presque perdre contrôle. Il réajusta sa chemise et son nœud de papillon, inspirant fortement, lançant un sourire rassurant au démon.
Crowley tendit la main, effleurant son front, puis soupira soulagé qu'il ne brûlait pas. Le cœur d'Aziraphale bondit à nouveau face à ce toucher inattendu.
« Tu n'arrêtes pas de me faire peur, mon ange, sourit le démon en baissant la main, est ce que quelque chose te perturbe ? »
Avalant difficilement sa salive, Aziraphale dut se contenir pour ne pas exprimer toute sa pensée, qui se résumait à :
C'est toi qui me perturbe. Toi, toi, toi et toi. Pourquoi fallait-il que tu sois aussi attachant dans ce rêve ? Pourquoi fallait-il que tu sois ainsi ? Pourquoi ne m'as-tu jamais montré ce côté-là de toi ?
« Le vin, lâcha-t-il plutôt, le vin, est ce que tu as pensé au vin ?
- Au vin ? Pour qui tu me prends ? s'exclama Crowley vexé.
- Alors je veux du vin.
- Quoi, maintenant ? Mais…
- Maintenant, oui.
- Ok, ok, attend une minute. »
Tandis que le démon fut occupé à chercher le vin, Aziraphale put reprendre ses esprits. Il ignorait si c'était la panique, l'excitation ou bien la confusion qui le rendaient ainsi. La relation qu'il avait eu avant avec Crowley n'était plus la même, du moins, elle avait passé une étape. Crowley était toujours le même, un démon qui avait envie de faire ce qu'il voulait, libre et impulsif.
Après qu'il se soit calmé, un verre de vin lui fut présenté. Il remercia son démon et porta rapidement à ses lèvres le nectar demandé. Il avait beau être dans un rêve, le goût des aliments était le même que dans leurs souvenirs.
« Quel est ce vin ? interrogea-t-il curieux.
- Un de tes préférés, le Châteauneuf-du-Pape.
- C'est appréciable de ta part d'avoir pensé à mes gouts, mais toi…que veux-tu ? »
Visiblement, ce n'était pas une question que Crowley était préparé à répondre. Il afficha sa surprise, puis renifla, buvant en même temps, tout en évitant son regard.
« Être avec toi me suffit amplement, mon ange, finit-il par dire en regardant au loin.
Aziraphale suivit son regard, se souvenant alors des paroles du démon avant qu'ils ne se séparent.
Partir en ensemble.
Cela aurait pu être « nous ».
Le désir le plus profond de Crowley était qu'ils soient tous les deux, loin des ennuis, loin du Paradis et loin des Enfers. Loin de ce qui les avait fait souffrir. Non. Loin de ce qui avait souffrir Crowley. Il avait pris du temps à comprendre pourquoi il refusait obstinément de le rejoindre, puis à travers ses visites dans les rêves, il avait compris que le Paradis était loin d'être l'endroit rêvé que Crowley aspirait.
- Je suis désolé, murmura Aziraphale en s'approchant de lui.
Son petit ami arqua un sourcils, confus de ses excuses soudains.
- Je n'ai pas compris, continua l'ange, je n'ai pas compris ce que tu voulais vraiment et j'ai voulu te forcer, sans te demander…Ce n'était pas ton choix, c'était le mien.
- Mon…ange ?
- Oh mon cher Crowley, me pardonnes-tu ?
- Je ne peux pas te pardonner, mon ange, soupira-t-il nerveusement, tu as oublié, le Pardon, ce n'est pas pour les démons. Je n'ai pas de Pardon à donner.
- Qu'as-tu à me donner dans ce cas-là ? »
Les mains de Crowley serrèrent celle d'Aziraphale et il en porta une contre son cœur. Cœur qu'il pouvait sentir ici battre contre sa paume, comme une mélodie répétitive et rassurante.
« Je te donne mon cœur, mon ange. Il est à toi et il le sera pour toujours. Où que tu sois, ce cœur là, ce cœur démoniaque, si impur soit-il, il est à toi, il t'appartient. »
Les papillons revinrent bouleverser l'esprit d'Aziraphale. Ses lèvres tremblèrent, il était incapable de répondre quoique ce soit face à ces paroles emplis d'un amour si sincère qu'il aurait pu pleurer. Crowley n'avait jamais dit ce genre de choses à son faux jumeau, ce qui était compréhensible car celui-ci n'avait jamais posé de telle question.
Une émotion, un sentiment, quelque chose à l'intérieur de lui, grandit tout à coup. C'était là, c'était toujours là, mais maintenant, elle prenait une place beaucoup plus grande qu'avant.
Son Amour.
Son Amour pour Crowley.
Elle était là. Débordante et éclatante.
Aziraphale crut qu'il allait devenir fou s'il ne faisait rien. Alors sans prévenir, il prit le visage en coupe de Crowley dans ses mains et l'embrassa fougueusement. Inconsciemment, il voulait rendre le baiser qu'il lui avait donné avant leur adieu. Contrairement au démon, son baiser était loin d'être un baiser angélique. Non. Aziraphale était un ange doux, gentil et affectueux, mais il avait cette particularité de conserver beaucoup trop de frustrations. Et cette frustration se libéra ici. Il avait gardé ce secret profondément caché au fond de lui.
Son Amour pour Crowley était si immense à ce moment, que son corps en devint possessif.
Crowley ne s'attendait pas à une telle attaque venant de son ange et il n'allait pas s'y opposer. Cependant, il avait sous-estimé la force de l'ange, car il fut emmené au sol soudainement.
Dans son élan, ils s'allongèrent tous les deux au le sol, l'ange le dominant dans le baiser, les empêchant de respirer - Ils n'avaient pas besoin de respirer à proprement parler. Deux mains se posèrent sur ses épaules, mais ne le repoussèrent pas, cherchant surtout une stabilité. Mais c'était le cadet des soucis d'Aziraphale. Après avoir ravagé la bouche de Crowley, il reprit peu à peu conscience de son acte et le relâcha. La vision qui se présenta à lui était loin de ce qu'il aurait pu imaginer.
Son démon – divinement adorable – haletait fortement, les lèvres rouges et enflés entrouvertes. Ses yeux de serpent étaient humides et flous. Ses cheveux rouges autrefois bien coiffés étaient en batailles, mettant en avant ses bouclettes qui lui retombaient sur son front.
« Oh, par toutes les étoiles, regarde-toi, tu es magnifique…souffla Aziraphale en évitant un blasphème.
- Angel…je… »
Il ne laissa pas le temps de Crowley de former des mots, car de nouveau, il s'empara de ses lèvres, le dévorant. C'était addictif, énivrant et un bon moyen de décompresser. Aziraphale ne connaissait pas cette partie de lui, mais il l'appréciait. Il jeta aux oubliettes ses manières angéliques pour enfin se libérer et montrer à Crowley tout son amour pour lui. Ils étaient dans un rêve, il pouvait faire ce qu'il voulait. Personne ne pourra les juger.
Crowley avait vu les yeux bleus de son ange se transformer. Ce n'était plus des yeux innocents qui l'observaient mais des yeux totalement fous d'amour pour lui. Il ne savait pas comment le prendre, c'était la première fois que ça arrivait, habituellement, c'était lui qui ne cessait de montrer à quel point il aimait Aziraphale. Ce dernier, en miroir, lui répondait toujours. Pourtant, là, c'était différent.
Comme si cela faisait longtemps qu'il gardait cela en lui.
Comme si c'était plus réel.
Comme si …
« Crowley, regarde-moi. »
Ses lèvres furent libérés du baiser possessif et son ange se redressa au-dessus de lui. Il fit ce qu'il demandait, préférant ne pas poser de questions. Les mains de son ange caressèrent sa joue, il nota alors qu'elles frissonnèrent quand il se pencha contre son toucher. Puis, à nouveau, son ange l'embrassa, prenant possession de sa bouche. Au départ, il n'était pas certain de ce que pouvait apporter un baiser entre eux, étant réservé aux humains, puis maintenant, il ne regrettait pas.
