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LACARNUM INFLAMARE
Le lit de la chambre d'ami de Byrne était sans conteste bien plus confortable que le vieux fauteuil de son salon. Megan se réveilla en douceur et resta allongée un moment dans la semi-obscurité de la chambre. Elle était arrivée depuis maintenant deux jours à Manchester, et elle n'avait toujours pas trouvé de solution pour Cal qui n'implique pas les membres de l'Ordre du Phénix. Elle commençait à envisager d'envoyer le jeune homme en Albanie dans la famille de feu Bertha Jorkins, auprès de ceux qui s'avéraient être les rares sorciers vivant loin du Royaume-Uni qu'elle connaissait. Il y avait bien Charlie en Roumanie, mais lui aussi était membre de l'Ordre et Megan n'était pas convaincue qu'une réserve pour dragons soit un lieu véritablement sûr, même si Cal aurait été plus que ravi de s'y rendre. Madame Maxime et la famille de Fleur vivaient en France, mais Megan ne leur faisait pas confiance, pas plus qu'à Viktor Krum en Bulgarie, même s'il entretenait toujours des liens épistolaires avec Hermione.
Megan eut une pensée pour sa meilleure amie, dont les parents étaient Moldus. Comment comptait-elle les protéger ? Était-elle résignée à ce qu'ils traversent la guerre sans aucun moyen de défense ? Allait-elle rester à leurs côtés au lieu de rentrer à Poudlard ? Hermione avait beau être proche de sa famille, peu de choses était aussi importantes à ses yeux que son éducation magique, Ronald Weasley et Harry Potter. Voilà d'ailleurs quelqu'un qui n'avait pas de soucis à se faire pour sa famille : les parents de Potter étaient déjà morts, et il détestait sa famille moldue. Il espérait probablement qu'ils ne survivraient pas à guerre.
Redoutant que sa réflexion sur la famille de Potter ne l'amène à penser de nouveau à Sirius, Megan repoussa les draps d'un geste sec et s'empressa de rejoindre la salle de bain pour noyer la douleur naissant en elle sous un flot d'eau brûlante. Lorsqu'elle sortit de la douche, elle avait de nouveau enterré au plus profond d'elle-même toutes les pensées susceptibles de la blesser trop cruellement. Elle descendit à la cuisine, où Mickey s'affairait à préparer le petit-déjeuner.
- Maître Davison est déjà à table, indiqua l'elfe de son insupportable voix fluette tandis que Megan attrapait une pomme sur le plan de travail et croquait dedans à pleines dents.
Sans un regard à Mickey, Megan rejoignit le salon, où Cal lisait le journal.
- Qui est mort, aujourd'hui ? lança-t-elle d'un ton indifférent en tirant une chaise pour s'asseoir face à lui.
- Amelia Bones.
La main tendue vers une pile de toasts, Megan hésita.
- La directrice du Département de la justice magique du ministère ? s'enquit-elle en attrapant finalement une tartine.
- Elle-même. Tu la connaissais ?
- Pas personnellement, non. Elle est – était – membre du Magenmagot.
- Qu'est-ce que c'est que ça ?
- Le tribunal des sorciers. Un rassemblement de vieux croûtons – la moyenne d'âge est de 87 ans, mais il faut dire que cette vieille branche de Dumbledore en fait partie, ça fausse un peu les chiffres. Le frère de Bones était membre de l'Ordre du Phénix pendant la première guerre. Et sa nièce, Susan, est dans la même année que moi à Poudlard.
- Eh bien elle a été tuée cette nuit, révéla Cal, ça fait la une du journal. Regarde ça, ajouta-t-il en lui tendant la Gazette du Sorcier. D'après ce qu'ils disent, ça a été un sacré combat, la maison a été complètement retournée, mais ils ont retrouvé son corps dans une pièce fermée de l'intérieur. Comment c'est possible ?
- Ça va certainement faire les choux gras des journaux moldus locaux, commenta Megan en parcourant l'article des yeux, mais pour des sorciers ça n'a rien de très difficile. Un combat acharné, a priori. Ça ne m'étonne pas, j'ai entendu dire que c'était une très bonne sorcière. Et regarde, d'après les premières déclarations officielles du ministère, ce serait probablement Voldemort lui-même qui l'aurait tuée de sa main – il ne fait pas cet honneur à tout le monde, précisa-t-elle avec un profond mépris, se rappelant comment il avait ordonné à Wormtail de tuer Cedric – de tuer « l'autre ».
- Ils ont retrouvé son corps dans un sale état, acquiesça Cal avec une grimace.
Megan termina de lire les détails donnés sur le meurtre et se désintéressa de l'article lorsque celui-ci en vint à dresser une biographie de la défunte. Elle vérifia qu'aucune autre nouvelle marquante n'était à tirer du journal, puis s'intéressa de nouveau à ses tartines.
- Tu vois ça ? C'est le début du chaos, affirma-t-elle en étalant une grande quantité de confiture de fruits rouges. Il a tué l'équivalent de votre secrétaire d'État à la Justice moldu. C'est un très gros coup porté au ministère de la magie, et ça ne fait que commencer. Demain il y aura d'autres morts, et un peu plus encore le jour après, et ça ne va faire que continuer. Bordel, il faut vraiment que je te sorte d'ici.
Megan consacra les heures qui suivirent à tourner en rond dans la bibliothèque, faisant les cent pas en marmonnant pour elle-même, passant en revue chaque personne qu'elle avait rencontrée, chaque mention de sorciers vivant à l'étranger ou de lieu sûr où échapper au joug de Voldemort. Cal était assis sur le tapis pourpre et feuilletait tous les livres qu'il avait pourtant déjà lus, sans aucune conviction quant à l'utilité de sa tâche.
- On devrait peut-être contacter Aegidius ? suggéra-t-il après plusieurs heures de recherche infructueuse. Je suis sûr que dans son réseau d'Illuminés il doit avoir quelqu'un susceptible de nous aider.
- Je ne connais pas ces gens, objecta Megan, et s'ils sont aussi fous que Byrne, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée de leur demander de l'aide.
- Écoute, on a fait cent fois le tour de la question, se lamenta Cal, et on en revient toujours à la même chose. Soit je reste ici, soit tu acceptes de parler de moi aux membres de l'Ord –
D'un geste vif de sa baguette, Megan fit taire le jeune homme. Outré, celui-ci la fusilla du regard en agitant les bras, mais elle lui fit signe d'arrêter de gesticuler, le regard tourné vers la porte d'entrée, les sourcils froncés. Cessant de lutter contre le sortilège de Mutisme qu'elle lui avait lancé, Cal tendit l'oreille à son tour. Des voix leur parvinrent, étouffées par la porte d'entrée. Aucune d'elles n'était celle de Byrne.
- Monte à l'étage et enferme-toi dans ta chambre, murmura Megan à toute vitesse. Et ne sors ton arme ridicule sous aucun prétexte. Vite !
Ne cherchant pas à discuter pour une fois, Cal sauta sur ses pieds et s'empressa de gravir les escaliers aussi silencieusement et rapidement que possible. Lorsqu'il atteignit l'étage, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil inquiet à Megan, demeurée au rez-de-chaussée, mais elle était hors de sa vue.
Sa baguette serrée dans la main, la jeune fille s'approcha lentement de la porte de la bibliothèque qui donnait sur le hall d'entrée. Elle regrettait de ne pas avoir avec elle une des Oreilles à rallonge des jumeaux et de ne pouvoir entendre ce que disaient les personnes qui se trouvaient de l'autre côté de la porte. Son cerveau tournait à pleine vitesse. Byrne avait laissé entendre que le portillon constituait une première défense de la maison, or celle-ci avait été franchie. Cependant, elle-même avait pu atteindre la porte d'entrée sans heurt deux jours plus tôt. Comment avait-elle pu être suffisamment bête pour ne pas interroger le vieil homme sur les mécanismes de défense qu'il avait instaurés ?
D'après ce qu'elle percevait, les intrus étaient un homme et une femme, et ceux-ci semblaient en désaccord sur quelque chose. S'ils passaient la porte, les sortilèges anti-intrusion qu'avait mentionné Byrne se déclencherait, mais elle ne pouvait pas les laisser demeurer devant la maison pour autant. Elle n'était cependant pas sûre que les intrus constituassent une menace. Ils n'étaient peut-être que des Moldus, des démarcheurs venus vendre un contrat de fourniture d'électricité ou des témoins de Jehova désireux de recruter de nouveaux fidèles – mais des Moldus pouvaient-ils passer le portillon ? Avant que Megan ait pu résoudre ce problème, un homme massif au regard oblique et aux traits étrangement de travers, vêtu d'un costume noir, se présenta devant la fenêtre de la bibliothèque, manquant de la faire sursauter. Elle leva sa baguette, prête à l'attaquer, mais l'homme ne semblait pas la voir, bien qu'elle se trouvât à quelques mètres seulement du carreau. De toute évidence, un sort empêchait les personnes se situant à l'extérieur de voir à travers la vitre – Byrne avait fait du bon travail. Profitant de cet avantage, Megan s'approcha pour observer l'homme. Ses traits carrés lui étaient familiers, mais elle ne parvint à l'identifier que lorsqu'une femme vint se placer à côté de lui pour tenter à son tour d'observer ce qui se passait à l'intérieur de la maison. Petite, trapue, les cheveux noirs, elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à son acolyte. Son frère. Megan avait déjà vu dans les journaux les portraits des Carrow, ces Mangemorts qui servaient Voldemort depuis la première guerre des sorciers. L'aîné, Amycus, était dans la même année que Lily, Snape et les Maraudeurs, elle se souvenait avoir entendu Sirius parler de lui un an plus tôt, lorsqu'elle était venue vivre au Square Grimmaurd.
Les souvenirs des mois passés avec Sirius réveillèrent en Megan une colère froide qui altéra tout le reste. Oubliant complètement de recourir à l'illusion que Byrne avait utilisée à son encontre lors de son arrivée, et sans attendre que les Carrow se heurtent aux défenses de la maison et choisissent de quitter les lieux par eux-mêmes, elle pointa sa baguette vers la fenêtre derrière laquelle les Mangemorts se trouvaient toujours et la fit voler en éclats sans avoir à prononcer un mot. Les hurlements de surprise et de douleur des Carrow résonnèrent dans la pièce tandis que Megan bondissait à travers le cadre désormais vide pour se jeter sur ses adversaires. Les Moldus qui passaient dans la rue au même moment ne semblaient pas avoir remarqué ce qu'il se passait devant la maison. Aveuglés par les morceaux de verre venus se loger dans leurs yeux dans l'explosion, Amycus et Alecto se mirent à lancer des sorts au hasard qui forcèrent Megan à battre en retraite derrière un Charme du Bouclier.
- C'est cette petite garce ! s'écria Alecto, qui était parvenue à nettoyer ses yeux des bris de glace mais dont le visage demeurait ensanglanté.
Debout derrière la fenêtre de sa chambre au premier étage, Cal observait le combat les yeux écarquillés. Megan dévia de peu un trait rouge brûlant lancé dans sa direction et répliqua d'une demi-douzaine de sorts que les deux Mangemorts peinèrent à bloquer. Reculant sous l'assaut furieux de la jeune fille, les Carrow ne s'aperçurent pas qu'ils avaient atteint l'extrémité du perron et dévalèrent les trois marches de celui-ci dans un nouveau cri de surprise et de douleur. Megan en profita pour stupefixier Alecto, qui s'affaissa au milieu des graviers de l'allée.
- Avada Kedavra ! répliqua furieusement Amycus, qui tira sa sœur par le col de sa veste noire pour la traîner avec lui tandis qu'il battait en retraite vers le portillon, bloquant avec peine tous les sorts que Megan faisait pleuvoir sur eux.
- Tu penses vraiment pouvoir me tuer ? rugit la jeune fille en esquivant le trait vert mortel. Tu crois être à la hauteur, enfoiré ?
Amycus et sa sœur ne s'attendaient visiblement pas à affronter Megan lorsqu'ils étaient arrivés devant la maison de Byrne, et le frère aîné semblait conscient qu'il ne parviendrait pas à triompher de la puissante jeune femme. Il traînait du plus vite qu'il le pouvait le corps massif de sa sœur inconsciente, jetant par-dessus son épaule des coups d'œil angoissés au portillon vers lequel il se dirigeait, ne pouvant essuyer le sang qui lui coulait dans les yeux. Megan comprit rapidement qu'il espérait transplaner dès lors qu'il aurait quitté le périmètre de la maison que Byrne avait protégé, et refusait de les laisser s'enfuir.
- Impedimenta !
L'un de ses sorts parvint à passer sous la garde d'Amycus et le frappa dans les côtes. Coupé dans son élan, il s'effondra à quelques mètres du portillon. Megan, qu'aucun sort n'était encore parvenu à atteindre, allait lui porter le coup de grâce lorsqu'un coup de feu retentit. À quelques centimètres du Mangemort, il y eut bruit sourd aussitôt suivi d'une pluie de morceaux de graviers. Les regards des deux adversaires se levèrent vers le premier étage de la maison.
- Cal, espèce de crétin ! jura Megan haut et fort à l'attention du jeune homme qui se tenait derrière la fenêtre désormais ouverte de la chambre, l'air horrifié. Je t'avais dit de ne pas t'en servir !
Amycus, lassé de ne pas parvenir à blesser son redoutable adversaire, profita de cet effet de surprise pour changer de cible. Il pointa sa baguette vers la maison en hurlant :
- Lacarnum Inflamare !
- NON !
Megan vit avec horreur des flammes brûlantes surgir au milieu du hall d'entrée et commencer à lécher les murs et le plafond.
- CAL !
- Dis au revoir à ton Moldu de compagnie, grinça Amycus, qui rampait désormais vers le portillon, le col de la veste de sa sœur toujours en main.
Bouillonnante de rage, Megan fendit l'air de sa baguette et un horrible craquement sonore retentit, suivi d'un hurlement de douleur tandis qu'Amycus s'effondrait, ses deux jambes formant un angle pas naturel. Sans prendre le temps de s'assurer que sa vengeance avait suffi à immobiliser le Mangemort, Megan se rua à l'intérieur de la maison. Le feu avait gagné la quasi-totalité du rez-de-chaussée et se dirigeait désormais vers l'escalier. La chaleur était déjà étouffante et la fumée emplit les poumons de Megan, qui se mit à tousser et cracher, incapable de garder ouverts ses yeux désormais brûlants.
- CAL ! hurla-t-elle à nouveau.
- Megan ! lui répondit la voix du garçon à l'étage. Megan, il y a le feu !
Il y eut un grand SPLASH suivi d'un sifflement. Cal tentait visiblement d'éteindre l'incendie à grand coup de seaux d'eau balancés depuis le premier étage. Megan percevait le bruit de l'eau qui coulait à grands bouillons dans la salle de bain au-dessus d'elle. Ils vivaient dans une maison de sorcier, il n'y avait pas d'extincteur à disposition : la magie permettait de se protéger du feu, mais elle ne pouvait protéger les Moldus.
- RECULE ESPÈCE DE CRÉTIN, METS-TOI À L'ABRI ! rugit Megan en se faisant violence pour ouvrir les yeux malgré la fumée étouffante qui l'entourait.
Son cri lui fit avaler une bouffée d'air gris et elle se mit de nouveau à tousser tandis que les flammes grandissantes s'approchaient dangereusement d'elle. Tâchant de reprendre ses esprits, elle se jeta un sortilège de Têtenbulle pour se débarrasser de la menace de la fumée puis concentra toutes ses forces magiques jusqu'à étendre l'influence du sort à l'intégralité de son corps. Il existait probablement des solutions magiques plus adaptées à cette problématique, mais elle n'avait pas le temps d'y réfléchir. Ainsi protégée, elle se jeta à travers le rideau de flammes en direction des escaliers. Le sortilège protégeait sa peau mais la chaleur intense la pénétra jusqu'au plus profond de son être comme l'eau brûlante sous laquelle elle noyait toute la souffrance attachée à la perte de Sirius. Sans se laisser submerger, elle gravit deux à deux les marches et se précipita dans la salle de bain où Cal s'était retranché. La fumée commençait à envahir l'étage. Lorsqu'elle entra dans la pièce, elle découvrit que le jeune homme avait placé une serviette humide sous la porte et s'était protégé le visage avec un chiffon passé sous l'eau – probablement des stratégies moldues pour lutter contre le feu. En voyant Megan surgir dans la salle de bain, ses traits étrangement floutés par l'application du sortilège Têtenbulle, il ne put s'empêcher de sursauter.
- Megan ! s'écria-t-il en bondissant sur ses pieds. Tu es blessée ? Comment tu es arrivée jusqu'ici ? Oh mon Dieu, pourquoi est-ce que tes yeux sont tout noirs ?
- Viens !
Sans prendre le temps de lui répondre, elle l'attrapa par le poignet. Le garçon frissonna à son contact étrange mais la suivit hors de la salle de bain sans discuter. Ils s'immobilisèrent cependant en haut des marches : le feu avait désormais atteint l'escalier.
- On ne peut pas passer par là ! s'écria Cal pour couvrir le bruit des flammes ronflantes.
Megan allait répliquer qu'un simple « Aguamenti » devrait suffire à leur ouvrir la voie lorsqu'il y eut un vacarme assourdissant indiquant qu'une partie du hall d'entrée venait de s'effondrer. Elle ne pourrait repousser les flammes loin de Cal suffisamment longtemps pour qu'ils traversent les décombres.
- On va trouver une autre sortie, viens !
Elle l'entraîna dans l'autre sens, vers les chambres.
- Megan, attends ! protesta Cal en résistant pour l'empêcher de le traîner derrière elle. Tu peux traverser les flammes avec ton… ta protection magique. Alors vas-y, sors d'ici !
- Crétin de Moldu ! jura Megan en raffermissant sa prise sur le bras du jeune homme pour le forcer à la suivre.
Elle ouvrit la porte de la chambre qu'elle occupait et le poussa à l'intérieur, ramassa sa besace qui traînait au pied du lit, la passa en bandoulière puis ouvrit la fenêtre. En passant la tête à l'extérieur, elle vit un étage plus bas qu'Amycus était parvenu à réanimer sa sœur, laquelle tentait tant bien que mal de traîner son corps brisé vers le portillon.
- Bombarda ! lança furieusement Megan en direction des deux Mangemorts.
Ébranlée par la menace qui pesait sur la vie de Cal, elle n'avait pas visé avec suffisamment de précision, et l'explosion n'atteignit pas Alecto elle-même mais son souffle suffit à l'envoyer loin de son frère. Sa tête heurta le muret de pierre qui encerclait la propriété, la laissant inanimée. Megan se retourna vers Cal, qui observait avec inquiétude la fumée qui se glissait sous la porte de la chambre et le reflet rouge et dansant sur le parquet qui annonçait l'arrivée imminente des flammes.
- Saute par la fenêtre ! lui ordonna la jeune fille.
- Tu plaisantes ? répliqua-t-il. Il y a au moins six mètres !
- Saute, j'amortirai ta chute !
Le jeune homme n'avait cependant pas encore atteint un niveau de peur suffisant pour souhaiter se défenestrer, et refusa de s'approcher de l'ouverture.
- Tout le quartier a dû voir l'incendie, des pompiers vont arriver ! s'écria-t-il, paniqué.
- La maison est protégée par des charmes, les Moldus ne voient pas ce qui se passe, personne ne va venir nous aider ! répliqua furieusement Megan. Alors SAUTE PAR LA FENÊTRE !
Cal secoua frénétiquement la tête, planté sur place. Megan, dont l'inquiétude pour la vie du garçon grandissait à chaque seconde, se rua sur lui et le secoua par les épaules.
- Fais-moi confiance, bordel ! Je vais amortir ta chute, mais je ne peux pas te jeter par-dessus bord et jeter le sort en même temps alors fais ce que je te dis si tu ne veux pas me faire une Jeanne d'Arc. Saute, maintenant !
Le bois de la porte craqua tandis que les flammes se rapprochaient. Le sort que Megan avait lancé aux Mangemorts avait mis un terme au sortilège Têtenbulle qui la protégeait. La chaleur et la fumée rendaient l'air presque irrespirable. Contraint d'accepter que la proposition de la jeune fille fût la seule issue, Cal se dirigea enfin vers la fenêtre et enjamba le rebord.
- Si je m'écrase en bas je reviendrai te hanter jusqu'à la fin de tes jours, lui promit-il.
- Les Moldus ne peuvent pas devenir des fantômes, répliqua Megan au moment où le jeune homme se laissait tomber dans le vide. Aresto Momentum !
À l'instant où Cal, dans un long hurlement terrifié, allait heurter le sol de plein fouet, il fut comme retenu par un élastique qui aurait atteint son étirement maximal, puis tomba mollement dans l'allée de la maison de Byrne. Sans attendre qu'il se réjouisse de n'être pas mort écrasé, Megan bondit à son tour par la fenêtre et amortit sa propre chute à l'aide d'un sortilège de Coussinage, atterrissant souplement sur ses deux pieds. Elle attrapa Cal par le poignet pour le remettre sur ses pieds et le tira sans ménagement à l'écart de la maison ravagée par l'incendie.
Alecto était toujours inconsciente au milieu des buissons mal entretenus, mais Amycus n'avait pas renoncé à fuir, abandonnant finalement sa sœur : il venait de réussir à franchir le portillon resté ouvert, traînant ses jambes brisées derrière lui.
- Tu ne vas pas t'en sortir, rugit Megan se précipitant derrière lui.
Il était évident que les effets du charme qui dissimulait la maison au regard des Moldus cessaient lorsque la limite de la propriété était franchie puisque les passants qui se trouvaient alors dans la rue se mirent à crier de surprise et de peur lorsque le Mangemort leur apparut se traînant au sol, le visage couvert de sang et ses vêtements tailladés et parsemés d'éclats de verre, suivi de près par Megan, dont le visage était couvert de suie et les yeux flamboyaient sombrement de haine.
- Avada K-
- Non !
Le ton sec et autoritaire d'Aegidius Byrne, qui venait de se matérialiser au milieu de la rue dans un craquement sonore sous les cris terrifiés des Moldus présents, interrompit le sortilège impardonnable de Megan.
- Stupefix.
D'un geste de sa baguette, Byrne mit un terme aux tentatives désespérées d'Amycus pour s'enfuir, puis il leva vers Megan un regard perçant.
- Quoi qu'il arrive, ne t'abaisse jamais au niveau des Mangemorts, ne prends jamais une vie si ce n'est pas strictement nécessaire pour sauver la tienne, lui ordonna-t-il d'un ton sans appel.
Puis il se retourna vers sa maison en flammes.
- Je savais bien que tu allais nous attirer des ennuis à force de répéter ce nom maudit ! jura-t-il. Mais tu ne devrais pas rester ici, des Aurors et des Oubliators ne vont pas tarder à arriver, ajouta-t-il en désignant les Moldus terrifiés qui fuyaient la scène ou avaient sortis leurs téléphones pour filmer ce qui se déroulait sous leurs yeux effarés. Il ne faut pas qu'on sache que tu étais ici, je leur dirai que c'est moi qu'ils ont voulu tuer. Emmène Arzel avec toi, je vais m'occuper du reste.
- Aegidius ! s'exclama Cal en rejoignant les deux autres, les cheveux en bataille, le visage noir de suie et de sueur, exhalant une forte odeur de fumée. Aegidius, je suis tellement désolé, votre maison…
- … n'est qu'un bien matériel, ce qui compte, c'est que vous soyez vivants tous les deux. Maintenant fichez le champ et ne revenez jamais ici, ce n'est plus un endroit sûr !
- Mickey…
- … s'est empressée de venir me chercher dès qu'elle a découvert qu'il y avait deux Mangemorts devant ma porte, compléta Byrne.
- Je pensais qu'elle était morte dans l'incendie, commenta Megan, qui n'avait pas eu une seule pensée pour l'elfe.
- Merlin merci, elle va bien – seul un elfe de maison peut transplaner dans l'enceinte de la maison, comme c'est le cas à Poudlard. Aller, je ne veux plus vous voir ! les pressa Byrne.
Sans se faire prier une nouvelle fois, Cal et Megan partirent en courant sans se retourner. Ils devaient rapidement mettre de la distance entre eux, la maison en flammes et les témoins de leur fuite, d'autant que Megan ne pouvait désormais plus faire usage de la magie, au risque de s'attirer les foudres du ministère à cause de la Trace. Tous deux ne connaissaient cependant pas la ville et courraient sans savoir où ils allaient.
Lorsqu'ils furent suffisamment éloignés et qu'ils n'eurent plus assez de souffle pour continuer à courir, ils avaient atteint un quartier modeste où les passants leur jetaient des regards intrigués sans pour autant s'arrêter. Tous deux étaient en effet couverts de suie et dégoulinants de sueur, et dégageaient une forte odeur de fumée.
- Il faut qu'on se fonde dans la masse, affirma Cal, qui retrouvait petit à petit ses esprits. Viens.
Plus à l'aise que Megan dans les rues moldues, il entraîna la jeune fille jusque dans une boutique de prêt-à-porter où ils ne seraient probablement jamais entrés en temps normal. La seule vendeuse, une femme d'âge mûr aux cheveux ridiculement colorés et trop lourdement maquillée, se leva d'un bond en les voyant arriver.
- Bonjour, je peux vous aider ? lança-t-elle avec une politesse exagérée.
- Non, on va juste regarder, merci, répondit Cal. Va voir au rayon femme, ajouta-t-il à l'adresse de Megan.
« Rayon » était un bien grand mot pour désigner les trois portants qui proposaient quelques pantalons, t-shirts et pulls. C'était cependant tout ce dont les deux fuyards auraient besoin. Sous le regard insistant de la vendeuse, Megan attrapa un débardeur et un pantalon fluide couleur kaki tandis que Cal, à l'autre bout de la petite boutique, se saisissait d'un t-shirt et d'un jean.
- Vous avez de quoi payer ? lança la vendeuse en les voyant revenir vers elle, l'air soupçonneux.
- Évidemment, vous nous prenez pour quoi ? répliqua Cal avec agacement. Des sans-abris qui font du shopping basket ?
Leur allure avait cependant de quoi interroger. Haussant les épaules, la vendeuse scanna les étiquettes des quatre articles, leur réclama son dû puis les laissa quitter la boutique sans les lâcher des yeux.
- Quelle horrible bonne femme, grinça Megan.
- Il faut trouver un endroit où se changer, maintenant, dit Cal sans l'écouter, balayant la rue des yeux. Il doit bien y avoir des… Ah, voilà.
D'un air bien trop satisfait pour quelqu'un qui vient de trouver des toilettes publiques, il poussa la porte couverte de graffitis et entraîna Megan à l'intérieur.
- C'est répugnant, fit observer la jeune fille avant de s'enfermer dans l'une des cabines.
- Tu as une autre suggestion ? répliqua Cal depuis la cabine voisine.
Quelques minutes plus tard, ils étaient tous les deux débarrassés de leurs vêtements sales et puants et se rinçaient dans les lavabos en pinçant le nez.
- Qu'est-ce qu'on fait de nos fringues, on les laisse ici ? s'enquit Cal lorsqu'ils furent enfin propres et présentables.
- Je ne veux pas qu'on laisse de trace, répondit Megan. Donne-les-moi.
Ravie d'avoir sauvé sa besace des flammes, elle y enfourna les vêtements sous le regard impressionné de Cal.
- Tu peux mettre quelle quantité de trucs là-dedans ?
- À peu près tout ce que tu veux. Garde ça pour toi, c'est illégal. Viens, il faut qu'on trouve un endroit calme et discret.
Il leur fallut une quinzaine de minutes pour jeter leur dévolu sur un pub moldu suffisamment rempli pour éviter d'attirer l'attention. Ils commandèrent deux sodas et s'installèrent à une table à l'écart des autres clients.
- Tu vas m'expliquer ce qu'il s'est passé ? demanda Cal après avoir siroté en silence la moitié de son verre tandis que Megan faisait tourbillonner un parapluie en papier dans le sien en en fixant le fond les sourcils froncés.
- C'étaient des Mangemorts, Amycus et Alecto Carrow, répondit la jeune fille à voix basse. Ils étaient venus pour toi.
Cal sourcilla et prit de longues secondes pour répondre :
- Des Mangemorts sont venus jusqu'à Manchester pour me tuer ? murmura-t-il enfin.
- Te tuer ou t'emmener avec eux pour être interrogé par Voldemort à mon sujet, j'en sais rien. Je ne sais pas non plus comment ils ont su où tu étais, mais heureusement que j'étais là. J'avais raison de penser que tu n'étais plus en sécurité chez Byrne.
- Qu'est-ce qu'il va lui arriver, à Aegidius ?
- Oh, rien. Il va dire que des Mangemorts l'ont attaqué et ont mis le feu à sa maison, et qu'il s'est défendu. Les Oubliators font effacer la mémoire des Moldus qui ont vu la scène, et confisquer leurs téléphones, et les Aurors vont embarquer les Carrow. Mais ça ne servira à rien de toute façon, Azkaban ne va plus être un endroit sûr, les Détraqueurs vont déserter, ils sont à la botte de Voldemort, maintenant. Byrne aurait dû me laisser les tuer.
- Donc ils vont revenir ? s'enquit Cal, qui tâchait visiblement de dissimuler toute l'inquiétude qu'il ressentait vraiment.
- Eux et d'autres Mangemorts. Ils ne s'attendaient pas à ce que je sois là, ils seraient venus plus nombreux, sinon, ou Voldemort serait venu lui-même. Mais ce n'est pas nouveau, tu sais depuis longtemps que tu es en danger.
- Oui…, murmura Cal. Mais ça n'avait jamais été aussi… réel.
- Ça n'était pas réel quand tu es allé acheter ce putain de jouet moldu ? répliqua durement Megan.
- Je suis désolé, répondit Cal, embarrassé. Je sais que tu m'avais dit de ne pas m'en servir, mais je vous voyais vous battre et c'était vraiment inquiétant, alors j'espérais que j'allais réussir à le tuer… Mais tu avais raison, je ne sais pas viser.
- Et ça aurait pu se retourner contre toi, gronda Megan. De toute façon, tu n'es pas prêt à tuer quelqu'un. Ce n'est pas aussi facile que vos films vous le font croire.
- Comme si tu en savais quelque chose, s'agaça Cal.
La jeune fille ne répondit pas. Inutile qu'il apprenne trop de vérités difficiles à entendre.
- Bon, et nous ? reprit le jeune homme. Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ?
- On va te confier à l'Ordre du Phénix.
