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LES COMBATS DE MEGAN

Face au succès grandissant de la boutique de farces et attrapes, Megan finit par convaincre les jumeaux de se faire aider – par quelqu'un d'autre qu'elle-même, puisqu'elle ne pouvait utiliser la magie. Charlie, qui était curieux de rencontrer les petites amies de ses frères, suggéra de leur proposer un poste de vendeuses pour l'été, mais Fred et George n'avaient aucune envie de mélanger travail et plaisir avec Angelina et Alicia, et reconnurent qu'il était temps pour leur commerce de s'agrandir. Aussi Megan, Charlie et les jumeaux consacrèrent le premier mercredi de juillet à mener des entretiens d'embauche. Tel un jury de concours, ils accueillaient les candidats dans la boutique, exceptionnellement fermée, assis tous les quatre en ligne, et les bombardaient de questions plus saugrenues les unes que les autres.

- Si vous deviez vous débarrasser d'un des cinquante états américains, lequel serait-ce et pourquoi ?

- Quelle est la particularité des Augurey ?

- Êtes-vous forte en calcul mental ?

- Combien de vaches y a-t-il au Canada ?

- Combien de Mornilles faut-il empiler pour atteindre la hauteur de la banque de Gringotts ?

- Imaginons qu'un hippogriffe entre maintenant dans la boutique avec un sombrero sur la tête, que dit-il et que fait-il ici ?

- Quelle chanson décrit le mieux votre éthique professionnelle ?

- Avez-vous déjà volé quelque chose dans un magasin ?

- À quoi servent vraiment les farces et attrapes ?

- Quelle est la fonction exacte d'un canard en caoutchouc ?

- L'entreprise concurrente vous offre dix-huit-mille-deux-cent-quatre-vingt-six Gallions pour la rejoindre, acceptez-vous et pourquoi ?

- Quels sont tous les prénoms de Dumbledore dans l'ordre ?

- Comment faîtes-vous un sandwich au corned beef ?

- Quel ustensile de cuisine seriez-vous ?

- Lequel de ces trois roux-là trouvez-vous le plus séduisant ?

La tâche la plus difficile de leur recrutement fut de ne pas perdre leur sérieux face à l'inventivité débordante des uns et des autres. La plupart des candidats perdirent complètement leurs moyens, et nombre d'eux ne semblaient pas vraiment s'intéresser aux farces et attrapes. Au terme de vingt heures éprouvantes et d'une quantité industrielle de café et de potions revigorantes, ils jetèrent enfin leur dévolu sur une jeune sorcière aux cheveux blonds coupés courts, qui semblait aussi facétieuse que compétente.

Verity Turpin ne commencerait que le lundi suivant, aussi la fin de semaine se révéla éprouvante pour les jumeaux, débordés malgré la main secourable de Megan : la jeune fille, déjà agacée de devoir dissimuler son identité sous une perruque, n'avait absolument aucun sens du contact client et se vit plusieurs fois reprocher d'un air désabusé d'avoir fait pleurer des enfants.

Le samedi matin, Charlie (qui n'avait dormi ni au Terrier ni sur le Chemin de Traverse et avait les cheveux particulièrement désordonnés lorsqu'il passa la porte de l'appartement) leur annonça que Potter était bel et bien le nouveau propriétaire du 12, Square Grimmaurd. Dumbledore était parti le chercher la veille à Privet Drive et avait profité de sa visite pour lui annoncer sa qualité d'héritier et le confronter à Kreacher. Le garçon était désormais arrivé au Terrier, qui commençait à être particulièrement encombré. Outre Bill, Fleur et Potter, Hermione était arrivée jeudi, Tonks était présente la veille au soir, et Remus et Maugrey Fol Œil étaient attendus pour un dîner au cours du week-end. Charlie avait fui les lieux sans regrets, et Megan n'était que moins disposée à les rejoindre.

Elle s'installa dans le canapé du salon pour terminer son petit-déjeuner, attendue avant dix heures à la boutique pour le dernier week-end d'ouverture avant l'arrivée de la nouvelle vendeuse. Charlie entreprit de se préparer un grand bol de café, avec l'air de quelqu'un qui n'avait pas beaucoup dormi, et s'accouda nonchalamment au bar qui séparait la cuisine et le salon.

- Eh, ce n'est pas un de nos hiboux, ça, dit-il dans un bâillement en désignant la fenêtre.

Megan leva les yeux de ses céréales. Une magnifique chouette hulotte venait de se percher sur le rebord et dardait sur elle de grands yeux ambrés. Elle portait une grande enveloppe carrée.

- C'est une chouette de Poudlard, indiqua la jeune fille en fronçant les sourcils. L'année dernière ils nous ont envoyé nos listes de fourniture à la fin de l'été, maintenant c'est début juillet ? Cette école est vraiment dirigée n'importe comment.

Elle posa son mug sur la table basse et ouvrit la fenêtre. La chouette s'y engouffra et atterrit à côté du petit-déjeuner, où Megan craignit de retrouver des plumes après le départ de l'oiseau. Elle leva la patte droite. La jeune fille dénoua prestement la ficelle. Avec un ululement de salutations, la chouette repartit par la fenêtre laissée ouverte.

- C'est très solennel pour une liste de courses, s'amusa Charlie. Ça me rappelle le jour où on m'a envoyé mes résultats d'ASPIC.

- Tu en as eu comb… oh ! J'ai réussi à oublier les BUSE ! Ce sont mes BUSE !

Megan secoua la tête, les yeux ronds. Un mois plus tôt, elle avait passé les épreuves du Brevet universel de sorcellerie élémentaire, supposé être son premier examen magique d'importance, pourtant il lui semblait que des années s'étaient écoulées depuis lors, et l'imminence des résultats lui était parfaitement sortie de l'esprit.

- Oh, super, rit Charlie. D'après ce que j'ai compris, tu es du genre à avoir obtenu des Optimal à toutes tes matières, non ?

- Ça m'étonnerait.

Les circonstances de ses examens avaient été quelque peu chaotiques, entre l'agression de Hagrid et McGonagall au cours de l'épreuve d'astrologie ou la crise d'angoisse de Potter pendant celle d'Histoire de la magie. D'un geste sûr, elle ouvrit l'enveloppe et déplia le parchemin qu'elle contenait.

BREVET UNIVERSEL DE SORCELLERIE ÉLÉMENTAIRE

Le candidat est admis s'il obtient l'une des notes suivantes :

Optimal (O)

Effort exceptionnel (E)

Acceptable (A)

Le candidat est recalé s'il obtient l'une des notes suivantes :

Piètre (P)

Désolant (D)

Troll (T)

MEGANNA DEMI BUCKLEY A OBTENU :

Astronomie : A

Soins aux créatures magiques : O

Sortilèges : O

Défense contre les forces du Mal : O

Divination : T

Botanique : O

Histoire de la magie : E

Potions : O

Métamorphose : O

Runes anciennes : O

Megan n'eut aucune surprise. Elle n'avait jamais été douée pour la pratique de l'Astronomie et n'avait rempli sa carte du ciel qu'aux trois-quarts, trop occupée à observer avec horreur et colère l'attaque menée par Umbridge à l'encontre de deux de ses collègues. Les épreuves de Soins aux créatures magiques avaient été ridiculement aisées même pour elle qui ne témoignait pas grand intérêt à cette matière, et elle avait toujours été singulièrement douée pour les Sortilèges et la Défense contre les forces du mal, tout en accomplissant dignement toutes les Potions, Métamorphoses et traductions de runes qui lui avaient été demandées. Son seul véritable échec était l'épreuve de divination, qu'elle avait consciencieusement ratée en appliquant les méthodes du professeur Trelawney : inventer un destin épouvantable à son examinatrice en affirmant voir une tempête de sauterelles dans la boule de cristal, le Sinistros dans les feuilles de thé et une rupture amoureuse sanglante dans les lignes de sa main. Sa note de botanique était peut-être la plus étonnante : elle n'était pas particulièrement compétente en la matière, mais son camarade Neville Longbottom, passionné, lui avait fourni de précieux conseils.

- Wow, commenta Charlie, qui était venu lire ses résultats par-dessus son épaule. Neuf BUSE, c'est sacrément solide comme résultat.

- Je suis sûre que Hermione en a eu dix, répondit Megan en haussant les épaules. Et Percy en a eu douze.

- Percy est un crétin, et il n'a certainement pas eu autant d'Optimal, répliqua Charlie.

- Il s'est excusé auprès de tes parents ? s'enquit la jeune fille en fourrant le parchemin dans sa poche.

- Tu parles, il est beaucoup trop fier pour ça. Mais il va finir par se calmer. Après tout, maintenant il a la preuve qu'ils avaient raison depuis le début au sujet de Tu-Sais-Qui.

De tous les membres de la famille Weasley, Charlie semblait être le seul à être capable de prononcer le prénom de Percy sans haine, mépris ou sanglots. S'il n'approuvait certainement pas le comportement de son frère, il semblait prêt à lui pardonner ses torts. Charlie avait beau ne pas aimer les réunions de famille et être étouffé par l'amour de sa mère, il était sincèrement et résolument attaché à chacun des Weasley.

- Qu'est-ce que tu vas prendre comme matière alors, l'année prochaine ? demanda-t-il tranquillement en faisant la vaisselle d'un coup de baguette magique.

- Aucune idée.

Megan n'y avait plus pensé depuis longtemps. Plus les jours passaient, plus les gens mourraient et plus elle remettait en question son retour à Poudlard. Le choix de ses matières était le cadet de ses soucis.

- Tu as réfléchi au métier que tu veux faire après Poudlard ?

- Briseuse de sort, répondit Megan d'une voix blanche.

Une fois encore, elle trouvait ridicule de réfléchir à un projet de carrière alors qu'elle n'était même pas sûre de survivre à la guerre et de finir sa scolarité.

- Oh, comme Bill. J'imagine qu'il t'a déjà donné pas mal de conseils ?

- Oui, on en a parlé… Il faut que je rejoigne les jumeaux. Bon courage pour ta journée, te fais pas tuer.

Charlie observa en fronçant les sourcils la jeune fille ramasser ses affaires et quitter l'appartement, le regard vide. Travailler à la boutique ne suffit pas à lui changer les idées. Elle avait lu la veille un article sur les mesures de sécurité prises par les services du ministère pour protéger Poudlard et n'en avait déduit qu'une chose : Potter n'aurait pas besoin d'elle pour survivre à l'année qui venait. Ses propres résultats du jour démontraient qu'elle n'avait plus rien à apprendre de ses professeurs, et elle se fichait bien de passer ses ASPIC pour attester de ses compétences comme aspirante Briseuse de sort. Y aurait-il encore des structures cherchant à embaucher lorsque Voldemort aura été défait ? Combien de temps allait durer la guerre ? Serait-elle toujours en vie dans deux ans ? Il était futile de retourner à Poudlard et prétendre se soucier de ses résultats scolaires, elle ne voulait pas faire l'autruche et être tenue à distance de la résistance. Elle voulait se battre, elle voulait se rendre utile, et elle voulait le faire tout de suite. Après tout, elle était orpheline et les Boyd étaient mal placés pour prendre des décisions à sa place sur sa vie scolaire : rien ne la forçait à retourner à Poudlard en septembre.

Comme elle s'y attendait, Hermione avait obtenu ses dix BUSE, comme elle le lui indiqua dans un hibou qui lui parvint en fin de matinée. Elle l'informait également que Ron et Potter en avaient tous deux obtenu sept. Elle lui demandait ses propres résultats et les matières qu'elle envisageait de poursuivre l'année suivante, maintenant qu'ils avaient le choix. Par retour de hibou, Megan lui communiqua sans émoi son relevé de notes et se contenta d'indiquer qu'elle y réfléchissait encore. Hermione ne soutiendrait jamais son projet d'abandonner l'école, elle était bien trop attachée au système scolaire. Fred et George seraient une oreille bien plus attentive, ayant eux-mêmes quitté Poudlard avant de passer leurs ASPIC pour ouvrir leur commerce florissant.

Elle n'eut cependant pas l'opportunité d'en discuter avec les jumeaux : lorsque leur dernière journée de travail de la semaine arriva enfin à son terme, Alicia et Angelina leur firent la surprise de se présenter devant leur porte avec l'intention de rester tout le week-end.

Megan ne se rappelait pas avoir vécu un moment plus gênant que l'heure pendant laquelle elle et Charlie s'efforcèrent de jouer le plus naturellement du monde aux échecs version sorcier dans le salon tandis que des éclats de voix très suggestifs leur parvenaient depuis les chambres.

- Alors, quelles nouvelles est-ce que tu nous ramènes, aujourd'hui ? demanda la jeune fille avec toute la légèreté dont elle était capable.

Les petites amies de Fred et George avaient en effet été tellement bavardes au cours du dîner que Charlie et Megan n'avaient pas réussi à placer un seul mot. Elles venaient de recevoir leurs résultats d'ASPIC et avaient disserté toute la soirée sur les épreuves et leurs projets d'avenir. Alicia envisageait une carrière de journaliste et avait envoyé dès la réception de ses notes des candidatures à tous les journaux populaires du Royaume-Uni. Pour sa part, Angelina avait été contactée par plusieurs équipes de Quidditch locales et espérait de tout cœur rejoindre un jour les Harpies de Holyhead puis l'équipe nationale. Elle avait envoyé une lettre pleine d'enthousiasme à l'ancien capitaine de Gryffondor, Oliver Wood, pour lui demander conseil.

- Fred et George auraient été contents de l'apprendre s'ils s'étaient souvenus de notre existence, sourit Charlie, mais papa a eu une promotion, il m'a envoyé un Patronus cet après-midi pour me l'annoncer.

- Oh, super, se réjouit sincèrement Megan.

- Oui, il est très content. Il dirige maintenant le Bureau de détection et de confiscation des faux sortilèges de défense et objets de protection. Maman est très fière de raconter à tout le monde qu'il a dix personnes sous ses ordres.

- Il y a de quoi être content. Mais ce n'est plus lié aux Moldus, si ?

- Non effectivement, c'est dans un autre service du Département de la justice magique. Les trucs des Moldus vont manquer à papa, mais il a un travail plus « utile », maintenant : il y a une vraie prolifération des arnaques avec l'état d'angoisse ambiant. Tu as vu le type devant Fleury et Bott qui vend des amulettes contre les loups-garous, les Détraqueurs et les Inferi ? Il refile des médailles et des chaînes en argent qui doivent être aussi efficaces que l'ail contre les vampires… Beaucoup de pauvres types comme lui jouent avec les peurs des gens.

- Je suis contente pour Arthur. Il va enfin être reconnu à sa juste valeur. Fudge ne faisait que le rabaisser, je pense que Scrimgeour sera moins porté sur le favoritisme, il va vraiment utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour lutter contre Voldemort tout en continuant à diriger le pays. Et il va vite voir que Arthur est un très bon élément.

Charlie lui adressa un sourire chaleureux qui aurait fait fondre toutes les glaces de Florean Fortescue.

- Et du côté de l'Ordre, rien de neuf ? reprit Megan en baissant les yeux sur l'échiquier pour ne pas se laisser distraire par son charme.

- Ah oui, je ne pouvais rien dire devant les filles de toute façon, mais un secrétaire d'Etat moldu, Herbert Chorley, a été soumis à l'Imperium. Bon, rien de grave : il s'est mis à imiter un canard en public, je crois que ça faisait juste marrer les Mangemorts de l'humilier, mais ce qui m'inquiète c'est qu'ils ont réussi à atteindre un des membres du gouvernement moldu. Kingsley est dans tous ses états !

- Il n'a tué personne, ça aurait pu être beaucoup plus grave, fit observer Megan tout en ordonnant à sa reine d'abattre le fou de Charlie.

- Oui, c'est ce que tout le monde lui a dit. Mais Chorley a été transporté à Ste Mangouste et il a essayé d'étrangler trois guérisseurs. Ils vont le garder à l'œil.

Un cri particulièrement aigu en provenance des chambres les fit ricaner et ils se consacrèrent de nouveau à leur partie d'échecs, Megan recourant à toute sa concentration pour ne pas jeter des regards inspirés à Charlie. Le lendemain, elle écrirait à Kevan.


Il s'était écoulé presqu'une semaine depuis que Megan avait adressé au directeur de la Gazette du Sorcier son article sur Sirius, et elle commençait à croire que Cuffe avait ignoré sa demande. Pourtant, le lundi matin, alors qu'Angelina et Alicia venaient de repartir et que Verity commençait son premier jour à la boutique, elle eut le plaisir de trouver en première page du quotidien national un portrait flatteur de son ami regretté.

- Est-ce que je rêve ou est-ce que la Gazette du Sorcier vient de publier un hommage à Sirius Black ? lança Charlie, qui prenait comme chaque matin son petit-déjeuner en lisant la presse.

- Fais-moi voir ça, s'exclama Megan en lui soustrayant le journal juste à temps pour éviter que de la confiture ne goutte de la tartine de Charlie dans les cheveux de Sirius.

- D'ailleurs, il y avait une lettre pour toi avec le journal, ce matin, indiqua le jeune homme en poussant vers elle l'enveloppe. Tu as oublié de payer ton abonnement ou quoi ?

Sans lui répondre, Megan contempla avec une satisfaction intense mêlée de soulagement la chronique qu'elle avait rédigée s'étaler à la une du média le plus lu par la communauté magique du Royaume-Uni. Cuffe avait préservé son anonymat, il n'avait pas modifié la moindre tournure de phrase, se contentant de remplacer « Voldemort » par « Vous-Savez-Qui », et la photo qu'il avait choisie faisait honneur à Sirius. Elle avait réussi. Elle avait obtenu pour lui la reconnaissance et le pardon qu'il méritait.

- C'est parfait, murmura-t-elle en reposant la Gazette devant Charlie pour se saisir de la lettre à son nom.

Meganna,

Je n'ai pas à me justifier de mes choix éditoriaux, encore moins auprès d'une adolescente. Tu étais visiblement attachée à Black, je ne sais ni pourquoi ni comment, et je suis désolé que tu aies perdu un ami, mais personne n'avait jamais apporté de preuve de son innocence. Ton récit fournit cependant les pièces manquantes au gigantesque puzzle dont il était le héros, et mes chroniqueurs ont été subjugués. Peter Pettigrew serait toujours vivant et servirait Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ! La bataille du ministère concernait bien la légendaire salle des Prophéties et Harry Potter ! Tous ces détails… depuis le temps qu'on harcèle les sorciers de presse du ministère pour en savoir plus sur ce qu'il s'est passé en juin, je ne pouvais pas résister à autant d'informations. J'aurais dû penser plus tôt à vous interviewer, toi et tes amis qui étaient sur place. Accepterais-tu de témoigner ? Le monde veut en savoir plus !

B. Cuffe

Directeur de la Gazette du Sorcier

L'homme évitait consciencieusement d'aborder le sujet de sa soumission au pouvoir exécutif, et Megan n'allait certainement pas accepter de lui accorder une interview au sujet de la bataille du ministère. Elle avait obtenu ce qu'elle voulait, et ne comptait pas répondre à la lettre.

- Bordel, tu as vu tous les détails qu'il y a dans cet article ? jura Charlie, qui s'était plongé dans la lecture de l'article. Sur la salle des prophéties, sur le piège de Tu-Sais-Qui… Mais comment ils ont eu toutes ces infos ?

- C'est moi qui ai écrit la chronique, répondit tranquillement Megan. Ils n'auraient jamais accepté de publier juste pour mes beaux yeux, je les ai appâtés avec toutes ces infos. Peu importe qu'ils sachent tout ça, ça ne change rien pour nous. C'est plutôt le ministère qui va faire la gueule, et ça on s'en fiche pas mal, finalement. Je voulais juste que les gens sachent qui était vraiment Sirius.

Charlie hocha lentement la tête en parcourant à nouveau l'article des yeux. Il reconnut visiblement que Megan n'avaient pas mis la résistance en danger en révélant toutes ces informations jusqu'alors confidentielles.

- Tu l'aimais beaucoup, hein ? s'enquit-il.

- C'était ma famille, répondit froidement Megan avant d'aller s'enfermer dans sa chambre pour éviter d'autres questions.

Les jours passèrent les récits de disparition, d'accidents bizarres et de meurtres continuèrent à paraître quotidiennement dans les médias. Megan avait cependant été revigorée par la publication de l'article sur Sirius. Elle qui se sentait prisonnière des murs du 93, Chemin de Traverse, avait enfin le sentiment de s'être rendue utile. Maintenant que la ligne de Défense contre les forces du mal des jumeaux était produite, qu'elle avait contrôlé l'efficacité de tous leurs produits et leur avait soumis toutes ses idées sur d'autres farces et attrapes, et que Verity les assistait dans la vente, elle n'était plus d'une grande utilité à la boutique. Elle ne pouvait accompagner Charlie dans ses tournées à travers le pays pour sa propre sécurité, aussi il était temps qu'elle trouve un nouveau combat à mener, en attendant d'annoncer à l'Ordre du Phénix qu'elle comptait abandonner l'école pour les rejoindre.

Monsieur le Premier Ministre,

Vous devez savoir que Madame Dolores Jane Umbridge a été envoyée l'année passée enseigner à Poudlard la Défense contre les forces du mal. Nul n'ignore qu'elle n'était en réalité qu'un pion placé par le ministre Fudge pour surveiller Dumbledore et la direction de Poudlard, et véhiculer la position aveugle du ministère sur le retour de Voldemort. Non contente de ne pas enseigner le moindre sortilège de défense à ses élèves et de contribuer à les exposer aux dangers dont nous sommes tous conscients aujourd'hui, elle a en réalité instauré une dangereuse dictature au sein du collège, grâce au titre de Grande Inquisitrice qui lui a été décerné par son cher et tendre supérieur.

Le 2 août dernier, elle a délibérément ordonné à des Détraqueurs d'attaquer l'élève Harry Potter, afin de faire taire ses déclarations sur le retour (désormais avéré !) de Voldemort. S'il n'existe probablement aucune trace de cette entorse au protocole, elle l'a fièrement confessé devant une demi-douzaine d'élèves de l'école, qui pourront sans peine en témoigner.

En tant que professeur, elle a choisi de recourir à des méthodes de retenue peu orthodoxes, consistant à faire copier pendant plusieurs heures des lignes à ses élèves avec leur propre sang en guise d'encre, conduisant à des dommages corporels.

Le 20 avril, fraîchement nommée directrice de Poudlard après le départ forcé de Dumbledore, elle a mis en place une « Brigade Inquisitoriale » uniquement composée d'élèves sympathisants de la maison Serpentard, plus proche des jeunesses hitlériennes que d'un groupe de délégués. Les membres de cette brigade ont été autorisés, voire incités, à attaquer leurs camarades.

Le même jour, elle a tenté de faire ingurgiter du Veritaserum à Harry Potter à son insu afin de lui faire avouer ce qu'il savait sur la cachette d'un opposant politique.

Le 16 juin, accompagnée d'une demi-douzaine d'Aurors dont John Dawlish, elle a attaqué deux de ses collègues. Elle a en effet tenté de renvoyer Rubeus Hagrid, professeur de Soins aux créatures magiques, du fait de son ascendance hybride et de sa loyauté envers Albus Dumbledore. Cet acte raciste et politiquement intéressé a attiré sur les lieux le professeur Minerva McGonagall (ancienne membre du Département de la justice magique) qui a reçu quatre éclairs de Stupéfixion simultanés sans la moindre sommation, nécessitant une hospitalisation d'urgence (je me permets de vous rappeler qu'elle est âgée de 61 ans). Cette agression a eu lieu sous les yeux de nombreux élèves, ainsi que des examinateurs Marchbanks et Tofty.

Le lendemain, elle a fait arrêter un groupe d'élèves par la Brigade Inquisitoriale susmentionnée et a menacé de recourir au sortilège Doloris à leur encontre.

Voici une liste non-exhaustive des agissements de votre employée dans le cadre de ses fonctions au sein du collège Poudlard. Je suis bien sûr disposée à vous communiquer de plus amples détails sur son comportement déviant, et pourrai vous mettre en contact avec autant de témoins que nécessaires.

Il va de soi qu'il n'est pas envisageable qu'un tel comportement, qui dépasse de loin la simple faute professionnelle mais relève du champ de la justice magique, ne soit pas sanctionné.

Je compte sur votre action prompte et efficace.

Bien cordialement,

Meganna Buckley

Le soir de son envoi, Megan reçut un hibou automatique du ministère l'informant que sa correspondance avait bien été reçue et qu'elle recevrait une réponse dans les meilleurs délais, mais rien ne vint dans les jours suivants. Le lundi, elle leur adressa un nouveau courrier menaçant le ministre de tout révéler à la presse s'il n'agissait pas. Elle savait cependant que cette menace n'avait aucun poids : la Gazette du Sorcier était toujours à la botte du ministère, Cuffe n'avait rien à tirer de ces informations trop éloignées de la guerre, et rien de ce qu'elle avait à dire ne serait pris au sérieux dans un autre journal. Elle se résolut donc à adresser, chaque jour, un nouveau hibou au ministère, convaincue que son harcèlement finirait par payer.

Tandis qu'elle se battait contre les moulins à vent de l'administration de son pays, les mauvaises nouvelles continuaient d'affluer. Le dernier lundi de juillet, la boutique de Florean Fortescue, le glacier du Chemin de Traverse, fut retrouvée sans dessus-dessous.

- D'après les infos du ministère, il a été emmené de force, indiqua Charlie.

- Qu'est-ce que les Mangemorts peuvent bien avoir à faire d'un glacier ? s'étonna Megan.

- Peu importe pourquoi ils s'en sont pris à lui, ça veut dire que le Chemin de Traverse n'est vraiment plus sûr.

Les regards des trois frères se tournèrent vers Megan, qui croisa les bras sur la poitrine et les toisa avec un air de défi.

- Je ne vais nulle part, affirma-t-elle d'un ton sans appel. Dumbledore a sécurisé l'immeuble lui-même, je ne risque rien. Et puis je suis là depuis un mois et les Mangemorts n'ont rien tenté, si ? De toute façon, ils savent très bien que je ne suis pas une proie facile. Alors terminez vos tomates farcies et fichez-moi la paix.

Aucun d'eux n'objecta, mais une inquiétude nouvelle s'instaura au sein du 93, Chemin de Traverse. Celle-ci fut d'autant plus renforcée que, quelques jours plus tard, Ollivander, le célèbre fabriquant de baguettes, disparut à son tour sans laisser de traces.

- C'est déjà plus cohérent d'enlever un fabricant de baguettes magiques qu'un glacier, fit observer Megan tandis que Fred, George et Charlie échangeaient de nouveau des regards inquiets. Et puis on ne sait pas s'il a été enlevé, d'abord. Il n'y a aucune trace de lutte dans sa boutique. Il a peut-être décidé de prendre des vacances.

- À un mois de la rentrée scolaire ? objecta George. Les listes de fournitures vont bientôt être envoyées, les première année vont venir acheter leurs baguettes, il fait son plus gros chiffre d'affaires pendant l'été, ça n'a aucun sens qu'il s'en aille maintenant de son plein gré. Et il aurait laissé un mot. Arrête ton cinéma, Meggie.

Elle sentait qu'à chaque jour qui passait, son séjour sur le Chemin de Traverse était menacé. Elle avait déjà reçu deux messages de Molly Weasley la suppliant de venir les rejoindre au Terrier avec Charlie et les jumeaux, mais aucun d'eux n'avait envie d'aller s'enfermer dans la maison bondée. Les frères Weasley semblaient cependant de plus en plus disposés à y envoyer Megan, de plus en plus inquiets pour sa sécurité.

Le dernier jour de juillet, il y eut deux nouvelles attaques de Détraqueurs, Igor Karkaroff fut retrouvé mort dans le nord du pays, ayant probablement payé le prix de sa trahison passée, et Megan n'avait toujours aucune nouvelle du ministère au sujet d'Umbridge. Oppressée par le comportement surprotecteur de ses colocataires et furieuse que la dangereuse harpie soit toujours autorisée à exercer, elle décida qu'il était temps de prendre les choses en main.

- J'ai reçu ma liste de fournitures, annonça-t-elle le lendemain, en secouant le parchemin que lui avait apporté un des hiboux de l'école dans la matinée. Je vais aller faire mes courses, ça va me faire du bien de prendre l'air.

- Attends cet après-midi, Charlie va rentrer plus tôt que d'habitude, il t'accompagnera, répondit Fred, qui empilait des caisses de Plumes à Réplique Cinglante dans l'arrière-boutique.

- Je n'ai pas besoin d'une baby-sitter pour acheter des bouquins, répliqua Megan. Je serai à moins de cinq-cents mètres de la boutique, ça va.

Fred et George échangèrent de nouveau ce regard inquiet qu'elle ne supportait plus.

- Je jure de ne pas me faire tuer en achetant du nécessaire à potions, j'ai de bien plus grandes ambitions pour mon dernier jour sur cette terre, asséna Megan. Est-ce que je vous prends quelque chose ?

- George n'a plus de dentifrice, indiqua Fred à regret. Dépêche-toi, ok ?

- Du dentifrice, c'est noté. À toute à l'heure, les roux.

Sa perruque bien en place et sa Marque des Ténèbres dissimulée par un sortilège, elle quitta la boutique d'un pas léger. Le Chemin de Traverse était plus lugubre encore que lors de son arrivée un mois plus tôt. La vitrine de Florean Fortescue était désormais condamnée par des planches, à l'instar de plusieurs autres devantures. Les passants qu'elle croisait avaient une expression tourmentée et anxieuse, personne ne s'arrêtait pour bavarder, les clients des magasins restant étroitement rassemblés en petits groupes, concentrés sur leurs achats ou l'offre des éventaires miteux qui s'alignaient le long de la rue principale. Autant qu'elle pouvait en juger, Megan était l'unique sorcière présente à se déplacer seule. Elle ne le serait cependant plus très longtemps.

Alors qu'elle sortait de la boutique de l'apothicaire, un tube de dentifrice auto-détartrant à la main, des bras enlacèrent sa taille et des lèvres se posèrent sur son cou.

- Tu m'as manqué, murmura la voix réjouie de Kevan.

Megan sourit et se retourna pour embrasser son petit ami.

- Combien de « bon pour » est-ce qu'il te reste ? lui demanda-t-elle ensuite en le regardant dans les yeux.

- Trois, répondit fièrement Kevan, prouvant qu'il ne s'agissait pas d'un Mangemort ayant eu recours au Polynectar. Cette couleur de cheveux ne te va pas du tout.

- Je sais, grommela Megan. Aller, viens, on y va, les jumeaux sont sur mon dos en ce moment, il ne faut pas que je rentre trop tard.

- Pourquoi est-ce que tu m'as demandé ça, au fait ? Tu as dit que c'était super important. Tu sais que je risque de perdre mon poste, je suis encore en période d'essai !

- J'essaie de rétablir la justice, répondit seulement Megan en prenant sa main et en l'entraînant vers le mur de briques qui dissimulait l'arrière-cour du Chaudron Baveur.

Une fois à l'abri des regards, Kevan enlaça solidement Megan et tous deux disparurent. Il était frustrant pour la jeune fille de devoir recourir au transplanage d'escorte, mais elle ne pouvait procéder autrement sans alerter le service des usages abusifs de la magie du ministère.

Un cri de surprise les accueillit lorsqu'ils se matérialisèrent dans un bureau exigu où se serraient deux postes de travail, entourés de très nombreuses piles de dossiers. Plusieurs avions en papier de couleur violette voletaient au-dessus d'un siège vide. Le second était occupé par une superbe jeune femme blonde dont les longs cheveux étaient tressés.

- Ally ? s'étonna Kevan en relâchant Megan pour se tourner vers l'auteure du cri. Mais qu'est-ce que tu fais dans mon bureau ?

- Je t'attendais ! s'exclama la jeune femme. Comme Florence est en congés, je pensais qu'on pourrait en profiter pour travailler ensemble sur le décret sur la – mais qui c'est, elle ?

- Salut, Collins, lança Megan. Tu ne m'as pas manqué non plus.

- C'est Megan, crut utile de préciser Kevan. Est-ce que tu peux garder ça pour toi, on –

- Tu ramènes ta copine au bureau, maintenant ?

Collins était visiblement furieuse. Sa jalousie à l'égard de Megan n'était pas nouvelle, et elle n'était jamais parvenue à la dissimuler convenablement, comme elle le prouvait à l'instant. La jalousie était cependant partagée : Kevan et la magnifique jeune femme avaient eu une aventure un été, et ils travaillaient désormais ensemble pour l'Organisation internationale du commerce magique au sein du ministère, les amenant à se fréquenter chaque jour.

- On a un truc important à faire, après je la ramènerai chez elle. On pourra travailler sur le décret ensuite. Si jamais quelqu'un veut me voir, tu n'as qu'à dire que je fais des recherches aux archives, personne n'ira me chercher là-bas. Oh, et tu peux commencer à lire mes notes de service ? ajouta Kevan en désignant les avions en papier qui survolaient son bureau. Ça ne sera pas long, promis.

- Je ne suis pas ta secrétaire !

La protestation de Collins n'empêcha pas le couple de quitter le bureau d'un pas rapide.

- Si je me fais virer, je compte sur toi pour payer mon loyer jusqu'à ce que je retrouve du travail, marmonna Kevan tandis qu'ils parcouraient les couloirs en observant une distance raisonnable et en souriant d'un air aimable aux fonctionnaires occupés qu'ils croisaient.

- Tu n'auras qu'à faire une colocation avec Collins, elle sera ravie de te laisser payer ta part en nature, répliqua Megan à voix basse. Sérieusement, c'est si facile que ça d'entrer au ministère de la magie, en ce moment ? Il suffit de transplaner ?

- Seuls les employés peuvent y entrer en transplanant, répondit Kevan en s'arrêtant devant l'ascenseur.

Megan serra les dents. La dernière fois qu'elle avait pris cet ascenseur, Sirius venait de mourir et elle se lançait à la poursuite de Bellatrix.

- Pourtant je suis rentrée avec toi, il suffit de se faire escorter par un employé, sérieusement ? Donc il suffit de soumettre quelqu'un à l'Imperium et de lui faire faire un transplanage d'escorte ?

- Écoute, tu pourras soumettre tes récriminations sur la sécurité au ministre, ce n'est pas moi qui en suis responsable. Et puis il y a beaucoup de réformes qui sont en cours sur les mesures de contrôle, bientôt on ne pourra plus venir en transplanant, on a reçu une note à ce sujet hier. C'est pour ça qu'il fallait impérativement que tu viennes aujourd'hui, plus tard ça aurait été foutu.

Lorsque l'ascenseur s'ouvrit devant eux dans un grincement, ils y trouvèrent trois sorciers visiblement très occupés, qui ne leur accordèrent pas un coup d'œil. Megan et Kevan n'osèrent rien dire pendant toute la durée de trajet, de peur d'attirer l'attention. La voix froide qui annonçait les étages glaça Megan, la ramenant à d'horribles souvenirs. Les fonctionnaires allaient et venaient d'étages en étages, plongés dans la lecture de longs parchemins ou dans des conversations tendues avec leurs collègues. Des notes de service entraient et sortaient des portes de l'ascenseur, voletant à travers les couloirs, évitant les obstacles sur le chemin qui menait à leurs destinataires. Megan ne parvint pas à obtenir une seule information intéressante dans les conversations qu'elle écouta discrètement ou les documents sur lesquels ses yeux glissèrent subrepticement, mais ce n'était pas pour cela qu'elle était venue.

Vint enfin leur tour de quitter l'ascenseur. Kevan conduisit Megan le long d'un couloir lambrissé chaleureusement éclairé, le long duquel des fenêtres affichant un paysage sinistre. Il ne s'agissait bien sûr pas de la météo extérieure, le ministère étant situé sous terre, mais plutôt d'un reflet de l'ambiance générale de l'administration magique britannique.

- Bon, je t'attends dehors, indiqua Kevan lorsqu'ils s'arrêtèrent devant une solide porte de bois où un panneau indiquait « Rufus Scrimgeour, Ministre de la Magie ». Essaye de faire vite, et ne donne surtout pas mon nom.

- Sans blague.

Sans hésitation, Megan frappa à la porte. Il y eut un silence, puis un déclic et le pan de bois s'ouvrit devant elle. Elle suivit un couloir aux murs dorés décorés de tableaux dont les occupants la suivirent du regard sans un mot, jusqu'à atteindre un comptoir derrière lequel un jeune homme roux et mince la dévisagea derrière des lunettes en écaille.

- Tiens, salut Percy, dit-elle d'une voix blanche. Je ne savais pas que Scrimgeour t'avait gardé comme assistant personnel. Ceci dit, il a sûrement d'autres chats à fouetter que s'occuper du recrutement du petit personnel.

- Meganna ? sursauta violemment le jeune homme. Je ne t'avais pas reconnue… Mais qu'est-ce que tu fais ici ? reprit-il d'une voix plus sèche. Tu n'as pas rendez-vous avec monsieur le ministre.

- Si, d'une certaine façon, on a rendez-vous. Il est là ?

- L'emploi du temps du ministre de la magie ne te concerne p-

- Je ne te demande pas avec qui il a déjeuné à midi, seulement s'il est dans son bureau, le coupa sèchement Megan.

- Il…

Le regard de Percy glissa brièvement vers la porte qui se trouvait sur sa gauche. C'était tout ce dont Megan avait besoin.

- Merci. Tu n'as pas le bonjour de tes parents.

Elle tourna les talons et se dirigea vers la porte du bureau. Percy ne renonça cependant pas aussi facilement. Il bondit sur ses pieds pour s'interposer entre elle et son supérieur.

- Dégage, Percy, lui ordonna Megan.

- Tu n'as rien à faire ici. Le ministre est quelqu'un de très occupé, surtout en ce moment, il n'a pas le temps de recevoir des ados en crise. Comment est-ce que tu es arrivée ici, déjà ? Et ne m'oblige pas à appeler la sécurité.

- Ne m'oblige pas à te coller une claque. Tu devrais être mort de honte derrière ton petit comptoir brillant. Je te rappelle que tu m'as accusée de mentir au sujet du retour de Voldemort et d'être un danger pour Ron, alors que c'était toi la petite lopette qui pleurait dans les jupes de Fudge pour ne pas voir en face qu'on allait vers une guerre et que ton précieux ministre était trop froussard pour le voir. Tu as dit des choses à Arthur que tu as intérêt à regretter toute ta vie. Alors maintenant, soit tu vas chez tes parents les supplier de pardonner ton attitude d'invertébré, soit tu retournes sagement t'asseoir à ta place et tu décides de vivre sans famille, mais dans tous les cas, tu t'écartes de mon chemin. Je ne le redirai pas deux fois.

Percy avait violemment sursauté à l'énonciation du nom maudit, et avait pâli un peu plus à chaque mot de Megan. Profitant de son attitude molle et déconfite, Megan le contourna et ouvrit la porte du cabinet du premier ministre.

Rufus Scrimgeour, aisément reconnaissable à sa crinière de lion, était assis derrière un imposant bureau en acajou, dictant un long document à la plume qui dansait devant lui. Il s'interrompit abruptement lorsque Megan entra sans y avoir été invitée.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? s'exclama-t-il en tendant la main vers la baguette posée à côté de lui.

- Je ne viens pas vous attaquer, indiqua Megan en levant les mains. Seulement vous secouer un peu. Je suis Meganna Buckley, je vous ai envoyé huit hiboux.

- Buckley ? répéta Scrimgeour d'un ton méfiant.

Il n'avait pas lâché sa baguette pour autant.

- Weasley vous a laissé entrer ?

- Oh, Weasley n'a pas vraiment son mot à dire sur ce que je fais. Je suis désolée de venir vous déranger jusque dans votre bureau, mais je n'ai pas reçu de réponse à mes lettres, alors je me suis dit que vous préfériez peut-être une conversation en tête-à-tête.

- Mais pour qui est-ce que vous vous prenez ?

- Oui, c'est un peu cavalier, je vous l'accorde, mais il fallait bien que je trouve un moyen de vous parler, puisque vous ne répondiez pas ! Je suis quelqu'un de très têtu. Si vous appelez les sorciers de sécurité et que vous me mettez dehors, je vais devoir recommencer à vous harceler de hiboux, et je trouverai le moyen de revenir, je suis comme une maladie infectieuse qui revient quand on s'y attend le moins et dont on n'arrive pas à se débarrasser. Sinon, vous pouvez juste m'écouter et régler mon problème dans les dix prochaines minutes, et on gagnera tous un temps et une énergie précieux.

Scrimgeour darda sur Megan un regard sévère et pénétrant, puis il reposa lentement sa baguette.

- Meganna Buckley, c'est ça ? J'ai beaucoup entendu parler de vous. Vous étiez présente lorsque Vous-Savez-Qui est revenu, n'est-ce pas ?

- Oui, et le ministère s'est efforcé de me faire passer pour une folle et m'a accusée à demi-mot d'avoir tué moi-même Cedric Diggory, alors qu'il était mon ami et qu'il a été assassiné sous mes yeux.

Alors qu'elle s'était jusqu'ici exprimée d'un ton léger, la colère pointa à nouveau dans sa voix.

- Vous êtes consciente que vous vous êtes introduite au sein du ministère de la magie sans autorisation, et que vous êtes venue déranger la plus haute autorité de ce pays alors que nous sommes à l'aube d'une guerre ?

- La guerre a déjà commencé, si je peux me permettre. Vous êtes conscient que vous avez mis la sécurité de nombreux élèves mineurs en danger en envoyant Dolores Umbridge à Poudlard et en lui conférant une immunité totale ?

- Dolores Umbridge ? répéta Scrimgeour, surpris.

- Oui, c'est à cause d'elle que je suis ici, insista Megan, agacée. Je vous ai envoyé plusieurs hiboux à son sujet !

- Aussi surprenant que cela puisse vous paraître, j'ai autre chose à faire que d'ouvrir le courrier du ministère, miss Buckley.

- Donc vous n'avez aucune idée de ce qu'elle a fait ?

Megan était prise de court. Elle pensait que le ministre avait délibérément ignoré ses messages, mais il était maintenant évident qu'il n'avait pas vraiment été le destinataire de ses courriers. La personne qui se chargeait des hiboux envoyés au ministère était peut-être dans les petits papiers d'Umbridge et aurait délibérément gardé le silence sur ses dénonciations. Elle se laissa tomber sur la chaise inconfortable qui faisait face au bureau du ministre. Scrimgeour avait-il délibérément choisi ce siège horrible pour que quiconque s'y asseyant soit pressé de se relever et ne le retienne ainsi que le moins de temps possible ?

- Dolores Umbridge est un membre éminent de ce ministère, indiqua Scrimgeour. Elle a mené une tâche difficile, l'année dernière, au sein du collège Poudlard. Bien sûr, à l'époque, le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom n'était pas encore avéré –

- Il l'était, mais vous n'avez pas voulu écouter ! tempêta Megan. Potter, Dumbledore et moi, on l'a répété inlassablement, mais il a fallu que Voldemort en personne s'agite sous le nez de Fudge au beau milieu de l'atrium pour qu'il daigne enfin reconnaître qu'on avait raison depuis le début !

Sans se formaliser de l'emploi du nom maudit, Scrimgeour hocha lentement la tête, l'air toujours sévère. Il n'appréciait visiblement pas le ton employé par Megan, mais il ne pouvait nier la véracité de ses affirmations.

- Umbridge ne s'est pas contenté de répandre la bonne parole de Fudge, reprit la jeune fille en tâchant de retrouver son calme.

Elle relata alors tous les méfaits de la Grande Inquisitrice, avec autant de détails que possible, citant chaque fois les noms d'au moins trois témoins susceptibles de corroborer ses allégations. Au fur et à mesure qu'elle énonçait les graves manquements de la fonctionnaire, les yeux de Scrimgeour s'écarquillaient, et un mélange de colère et d'incompréhension teintait son regard. Lorsque Megan eut terminé son récit, elle était à bout de souffle et sentait la colère irradier en elle jusqu'au bout de ses doigts.

- Ce sont des accusations très graves…, commença-t-il lentement.

- Ce ne sont pas des accusations, c'est un témoignage, le coupa sèchement Megan. Et vous pouvez interroger les personnes que j'ai cité, elles se feront un plaisir de vous confirmer tout cela. Umbridge est une criminelle avide de pouvoir, elle n'a plus rien à faire au gouvernement.

- Si tout ce que vous m'avez raconté est avéré, il va de soi qu'elle sera –

- Mais c'est avéré ! s'exaspéra Megan.

- Miss Buckley, vous êtes quelqu'un d'intelligent d'après ce que j'ai entendu dire, vous vous doutez bien que je ne vais pas sanctionner l'un de mes employés sur la seule base des accusations d'une adolescente effrontée ! Une enquête va être ouverte, je vous l'affirme. Les sanctions adéquates seront alors prises. Je vous remercie d'avoir porté ces faits à ma connaissance.

- De rien, ironisa la jeune fille.

- Maintenant, mon temps est précieux, aussi je vais vous demander de quitter les lieux. Comment êtes-vous entrée, d'ailleurs ? Les visiteurs ne sont pas autorisés.

- Il y a de sérieuses failles dans votre système de sécurité, indiqua Megan en se levant de la chaise inconfortable où elle avait pris place. Vous vous rendez compte qu'il suffit d'un transplanage d'escorte avec un fonctionnaire pour entrer ? Pas étonnant que ce ministère soit un véritable moulin et que Voldemort n'ait pas eu de mal à y entrer avec ses Mangemorts en juin.

- Auriez-vous donc l'amabilité de m'indiquer qui vous a escortée dans nos locaux ?

- Ally Collins, répondit tranquillement la jeune fille. Bien sûr, c'est faux, mais si vous tenez à sanctionner quelqu'un, elle serait un bouc émissaire parfait. Je vous remercie pour votre temps, monsieur le ministre ! Inutile de me raccompagner, je connais la sortie.