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LA FIN DE L'ÉTÉ

Séjourner au Terrier ne fut pas aussi pénible que l'avait craint Megan. La mention du nom de Sirius était consciencieusement évitée, elle n'était pas harcelée par les Weasley au sujet ses émotions ou de sa mauvaise volonté à retourner à Poudlard, Hermione avait cessé de la questionner sur les événements de Manchester et elle avait régulièrement des nouvelles de l'Ordre grâce aux allées et venues des membres de passage.

- Alors, finalement prête à devenir une Briseuse de sorts ?

Le dimanche qui suivit l'arrivée de Megan au Terrier, Bill profita que la plupart des occupants de la maison n'aient pas terminé leur grasse matinée pour aller s'asseoir à côté de la jeune fille à la longue table qui avait été installée dans le jardin pour ne pas surcharger l'étroite cuisine des Weasley. Les Détraqueurs n'avaient pas étendu leur désolation jusqu'à Loutry-Ste-Chaspoule et le soleil brillait agréablement ce matin-là.

- À condition que McGonagall et Vector acceptent que je reprenne les cours d'Arithmancie, répondit Megan sans lever les yeux du long parchemin sur lequel elle était penchée.

- Tu n'as pas été admise ? s'étonna Bill, qui connaissait l'excellente réputation de l'élève.

- Je n'ai pas passé l'épreuve. J'ai abandonné l'Arithmancie après la troisième année, je ne pouvais plus suivre l'intégralité des cours après qu'on nous avait retiré le Retourneur de Temps, et puis c'était épuisant. Comme je trouvais la Divination marrante, j'ai choisi de continuer cette matière-là et d'abandonner l'Arithmancie. C'était avant de savoir que c'était une matière exigée pour le recrutement des Briseurs de sort.

- Je vois… Tu sais, en tant que recruteur, je préfère un candidat brillant qui n'y connaît pas grand-chose en Arithmancie plutôt que quelqu'un qui a décroché tous les bons ASPIC de justesse.

- Mais ce n'est pas forcément ce que pensent tous les recruteurs. Et puis je m'y connais en Arithmancie ! Je suis en train de terminer une dissertation, je vais l'envoyer à Vector pour leur prouver que je peux reprendre le train en marche.

Intéressé, Bill tira vers lui la copie de Megan et la parcourut rapidement des yeux. Un hochement de tête appréciateur décrocha à la jeune fille un sourire fier.

- Ça m'étonnerait qu'ils te refusent l'accès aux cours avec ça, affirma Bill.

- Encore heureux.

- Je te laisse finir.

Le jeune homme se leva, mais fut rapidement remplacé par Ginny, qui jeta à son frère un sourire soupçonneux.

- Vous parliez de Fleurk ? lança-t-elle en prenant la chaise qu'il venait de quitter.

- Pourquoi on aurait parlé de Fleur ? répliqua Megan qui n'aimait pas le surnom méprisant qu'elle donnait à sa future belle-sœur.

- Je sais pas, tu aurais pu être en train d'essayer de le convaincre de changer d'avis, ou mieux : tu pourrais le draguer !

Megan écarquilla les yeux en se désintéressant de sa dissertation.

- Je te demande pardon ?

- Oh, ça va, je ne te demande pas de coucher avec lui, mais on ne va quand même pas le laisser épouser cette dinde, si ? soupira Ginny.

- J'aime bien Fleur. D'accord, elle est horriblement niaise avec Bill et ils ne se connaissent que depuis un an, mais elle n'a rien d'une dinde. C'est une très bonne sorcière, on l'a tous vu pendant le Tournoi des Trois Sorciers. Et puis on va peut-être tous se faire tuer dans les prochains jours, ils ont bien raison de profiter tant qu'ils peuvent, conclut Megan en se retournant vers sa dissertation.

- Oh, on croirait entendre Harry ! Ron, lui, ne dit rien, il a toujours l'air d'avoir fait tomber sa cervelle sous un meuble quand elle est dans les parages. Foutue Vélane… Et je ne suis pas la seule à le dire ! Hermione –

- Est jalouse de l'effet que Fleur fait à Ron, compléta tranquillement Megan en parachevant sa conclusion.

- D'accord ! Mais maman a raison de dire qu'ils n'ont rien en commun. Ils ont sept ans d'écart, et puis, comme elle le dit, Bill a le sens des réalités et travaille dur, alors que Fleurk est toujours en train de planer et n'a visiblement jamais bossé de sa vie. Son poste à Gringotts, c'était seulement pour se rapprocher de Bill ! Elle a fini Beauxbâtons depuis un an et elle a fait quoi depuis, hein ?

- Elle travaille à mi-temps à Gringotts tous les étés au lieu de se la couler douce sur une plage et elle vient de finir un an d'études à distance d'une université française de Médicomage, répondit posément Megan en reposant sa plume. Tu le saurais si tu écoutais ce qu'elle dit, de temps en temps.

- Je ne peux pas, mes oreilles bourdonnent quand elle est là, grogna Ginny. En tout cas, maman essaye de saborder le mariage en invitant Tonks aussi souvent que possible.

- Quel rapport avec Tonks ?

- Je pense qu'elle espère que Bill va tomber amoureux d'elle. C'est pour ça que je me suis dit que tu pourrais essayer de faire pareil. Je veux dire, j'adore Tonks et je serais ravie qu'elle épouse Bill à la place de Fleur, mais tu as beaucoup plus de chances qu'elle. Elle est déprimée en ce moment, à cause de la mort de Sirius, et ça se voit.

Megan secoua la tête. Beaucoup trop d'informations d'un coup.

- Molly est tombée sur la tête, commenta-t-elle. Bill ne va jamais choisir Tonks la Métamorphomage aux cheveux roses plutôt que Fleur la Vélane, en plus Tonks craque plutôt pour Remus le loup-garou.

- Ah bon ? sursauta Ginny.

- Oui, j'ai remarqué ça à Noël dernier. C'est incroyable que Molly ne s'en soit pas rendu compte. C'est un plan complètement stupide, et ne compte pas sur moi pour essayer de faire craquer Bill, c'est ridicule. Par contre qu'est-ce que c'est que cette histoire avec Tonks et Sirius ? Elle ne le connaissait pas.

Megan avait affirmé cela avec plus de dureté que nécessaire, mais elle n'appréciait pas que quiconque s'approprie la mort de Sirius pour justifier une baisse de moral quelconque. Tonks avait beau être sa cousine, elle n'avait jamais levé le petit doigt pour lui, que ce soit pendant ses années à Azkaban ou lorsque Molly était dure envers lui au Square Grimmaurd. Megan ne se souvenait pas même les avoir déjà vus discuter seul à seule.

- Non, d'accord, se défendit Ginny, mais elle affrontait Bellatrix juste avant qu'elle le tue. Elle pense que si elle avait réussi à la vaincre, ça ne serait pas arrivé… On sait que c'est stupide de se dire ça, et Lupin essaye de la raisonner (ce qui est d'autant plus intéressant si ce que tu dis sur eux deux est vrai), mais ça l'affecte beaucoup. Elle n'arrive plus à changer d'apparence comme avant.

- Sérieusement ?

- Oui, c'est pour ça qu'elle a toujours une sale tête, en ce moment. Du coup le projet de maman n'est pas près d'aboutir, soupira Ginny.

Megan n'eut pas l'opportunité de voir Tonks ou Remus pendant les semaines qui suivirent. Son ancien professeur de Défense contre les forces du mal s'était vu confier la tâche délicate d'infiltrer les loups-garous de Grande-Bretagne afin de les espionner pour le compte de l'Ordre du Phénix et tenter de les rallier à leur cause. Sa tâche était cependant ardue, la majeure partie des membres de son espèce étant effrayés par la menace de Fenrir Greyback. Ceux qui ne l'avaient pas déjà rejoint, appâtés par sa promesse de pouvoir fuir la société et tuer impunément pour se nourrir, craignaient de s'opposer ouvertement à lui. Megan mit de côté la rancœur que lui inspirait l'attitude la Métamorphomage et tâcha de tenir Ginny aussi éloignée de Fleur et Bill que possible. Elle espérait qu'une fois que le couple serait marié, les tensions qu'ils créaient disparaîtraient du Terrier.

Une semaine plus tard, Hermione, qui avait été plus que ravie que sa meilleure amie la rejoigne au Terrier et revienne sur sa décision de quitter Poudlard, décida cependant qu'il était temps de revenir à la charge au sujet des événements de Manchester.

- Tu m'avais promis de m'expliquer plus tard ! asséna-t-elle le dimanche après-midi, profitant que Ron, Potter et Ginny soient sortis jouer au Quidditch dans le jardin pour coincer Megan à sa sortie de la douche.

- Eh bien je t'ai menti.

- Est-ce que oui ou non tu as été attaquée par des Mangemorts pendant que tu étais là-bas ? insista Hermione.

- Oui.

Megan poussa la porte de la chambre de Charlie qu'elle occupait en l'absence de ce dernier, suspendit sa serviette humide à la patère puis entreprit de brosser ses cheveux.

- Oh mon Dieu, gémit Hermione en tirant nerveusement sur ses cheveux rebelles. Tu aurais pu te faire tuer !

- Tu parles.

- Mais qu'est-ce que tu faisais là-bas ? Comment tu t'en es sortie ? Tu ne pouvais pas utiliser la magie !

- Hermione, je t'adore et je te fais confiance, mais à ce sujet je ne peux rien te dire, d'accord ? J'aimerais bien que tu me lâches le chaudron, maintenant.

Épouvantée, la jeune fille se laissa tomber sur le lit, observant sa meilleure amie avec des yeux ronds.

- Est-ce que Dumbledore est au courant ?

- Oui.

- … Bon, alors ce n'est pas trop grave.

- Bien sûr que ça n'est pas grave ! Je suis vivante, non ?

Hermione poussa un profond soupir puis secoua ses cheveux épais pour s'éclaircir les idées.

- Je n'ai rien dit à ce sujet à Ron et Harry, comme tu me l'avais demandé.

- Et je te remercie.

- En parlant de secret… Est-ce que Harry t'a parlé de… de la prophétie ?

Megan fronça les sourcils sans cesser de démêler ses cheveux.

- Sur le contenu de la prophétie ? Il vous en a parlé ?

- Eh bien, je pense que c'est plutôt à lui d'en discuter avec toi…

- Oh non, je suis déjà au courant. Dumbledore me l'a dit en juin. Je ne savais si Potter allait se décider à vous en parler.

- Tu étais au courant ? sursauta Hermione. Pourquoi est-ce que Dumbledore te l'a dit à toi et pas à nous ?

- Parce qu'il savait que Potter allait vous prévenir mais qu'il ne m'en parlerait pas forcément, puisqu'on n'est pas amis, je te rappelle. Mais il pensait que c'était utile que je sache qu'il est « l'Élu ». Histoire que je lui sauve les miches d'ici qu'il accomplisse sa grande destinée, railla Megan.

Hermione secoua la tête, de plus en plus choquée par les révélations de son amie.

- Tu penses que Harry a ses chances ? gémit-elle enfin. Face à… Voldemort ?

Elle frissonna, bien moins habituée que Megan ou Potter à prononcer le nom maudit.

- Ce que je pense n'a pas beaucoup d'importance, fit observer la jeune fille. Disons que ça ne coûte rien qu'il essaie. Ça ne me réjouit pas de savoir que tous nos espoirs reposent sur lui, ceci dit. Il sait à peine tenir sa baguette par le bon bout.

- N'importe quoi ! protesta Hermione. Il a été un excellent professeur pour l'A.D. ! Et puis Dumbledore va lui donner des cours privés. Il le lui a annoncé le mois dernier, quand il est allé le chercher chez son oncle et sa tante.

- Des cours privés ? répéta Megan en reposant sa brosse à cheveux. Comment ça ?

- On ne sait pas exactement ce que ce sera, mais c'est lié à la prophétie. Il va forcément lui apprendre des techniques magiques très avancées ! Ça prouve bien qu'il pense qu'il a ses chances, pas vrai ? Sinon il ne perdrait pas son temps avec lui.

Megan ne répondit rien de distinctement audible. Dumbledore lui avait également donné des cours particuliers plusieurs années plus tôt, afin de lui apprendre à contrôler sa colère et à mieux se servir des pouvoirs que Voldemort lui avait insufflés, mais il avait cessé depuis lors. Pensait-il vraiment que quelques cours suffiraient à rendre Potter capable d'affronter le sorcier le plus puissant de l'époque ? Si la seule force magique pouvait vaincre Voldemort, Dumbledore y serait déjà parvenu et ce n'était certainement pas Harry Potter qui aurait été désigné pour sauver le monde. Megan était curieuse d'entendre ce que le vieux directeur aurait à dire à son élève lorsque ces cours commenceraient.

La perspective d'être le sauveur de sa communauté n'avait cependant pas beaucoup influencé l'attitude de Potter, qui consacrait l'essentiel de son temps libre à bassiner les trois autres au sujet de Draco et de sa conduite sur l'Allée des Embrumes. Si Ron et Hermione s'interrogeaient également sur ce dont il avait discuté avec Borgin, ils se lassèrent cependant d'en parler au bout de quelques jours, ce qui frustra particulièrement leur meilleur ami.

- Oui, Harry, je t'ai déjà répété que moi aussi, je trouvais ça louche, dit Hermione avec une certaine impatience la veille de leur retour à Poudlard.

Elle était assise sur le rebord de la fenêtre, dans la chambre de Fred et George qu'occupait Potter, les pieds sur une des boîtes en carton qui contenait leurs produits inachevés et n'avait levé les yeux qu'à contrecœur de son Traité supérieur de traduction des runes.

- Mais nous sommes tombés d'accord pour dire qu'il pouvait y avoir beaucoup d'explications.

- Peut-être qu'il a cassé sa Main de la Gloire ? suggéra Ron d'un ton vague, tandis qu'il essayait de redresser les brindilles tordues de son balai. Tu te rappelles de cette main desséchée qu'il avait ?

Megan était assise par terre en tailleur et élaborait un château de cartes avec un jeu de Bataille Explosive, parfaitement inattentive à leur conversation à laquelle elle avait toujours refusé de prendre part.

- Mais vous vous souvenez quand il a dit : « N'oubliez pas de mettre celle-ci de côté » ? demanda Potter pour la énième fois. Pour moi, ça laisse entendre que Borgin a un autre objet comme celui qui a été cassé et que Malfoy les veut tous les deux.

- Tu crois ? marmonna Ron, qui s'efforçait à présent de gratter des saletés accrochées au manche de son balai.

- Oui.

Voyant que Ron et Hermione ne répondaient pas, Potter reprit :

- Le père de Malfoy est à Azkaban. Vous ne croyez pas que Malfoy cherche à se venger ?

Ron leva la tête en clignant des yeux.

- Malfoy, se venger ? Qu'est-ce que tu veux qu'il fasse ?

- Justement, je ne sais pas ! répliqua Potter, frustré. Mais il mijote quelque chose et nous devrions prendre ça au sérieux. Son père est un Mangemort…

Le garçon s'interrompit, bouche bée, les yeux fixés sur la fenêtre, derrière Hermione.

- Harry ? s'inquiéta la jeune fille en jetant un regard inquiet à l'extérieur avant de se retourner vers son ami. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Ta cicatrice recommence à te faire mal ? demanda Ron, soudain alarmé.

- C'est un Mangemort, dit lentement Potter. Il a remplacé son père comme Mangemort !

Il y eut un silence puis Ron éclata de rire.

- Malfoy ? Il a seize ans, Harry ! Tu crois que Tu-Sais-Qui voudrait de Malfoy dans ses rangs ?

- C'est très improbable, Harry, estima Hermione, d'un ton qui trahissait une certaine réprobation. Qu'est-ce qui te fait penser…

- Chez Madam Malkin. Elle ne l'avait même pas touché mais il a protesté et a retiré son bras quand elle a voulu relever sa manche. C'était son bras gauche. Il porte la Marque des Ténèbres.

Ron et Hermione échangèrent un regard.

- Tu dis n'importe quoi, Potter, dit Megan sans lever les yeux de sa structure fragile.

Elle n'avait absolument jamais envisagé cette hypothèse, mais celle-ci était parfaitement inconcevable. Draco n'était pas aussi stupide. Elle sentit cependant le symbole sur son propre bras gauche la démanger.

- Je crois qu'il voulait simplement sortir de la boutique, ajouta Hermione.

- Il a montré à Borgin quelque chose qu'on n'a pas pu voir, insista Potter, entêté. Quelque chose qui a sérieusement effrayé Borgin. C'était la Marque, j'en suis sûr – il voulait que l'autre sache à qui il avait affaire, et vous avez remarqué comme Borgin a eu l'air inquiet !

Ron et Hermione échangèrent à nouveau un regard.

- Je ne sais pas, Harry…

- Ouais, je ne crois toujours pas que Tu-Sais-Qui accepterait Malfoy dans…

Agacé et visiblement convaincu qu'il avait raison, Potter attrapa une pile de robes de Quidditch crasseuses et quitta la pièce.

- C'est complètement farfelu, hein ? lança Ron, hésitant, en reposant son balai.

- En soi, c'est vrai que Malfoy a réagi vivement chez Madam Malkin, et qu'il a montré quelque chose à Borgin, mais –

- Mais c'est complètement con, s'agaça Megan alors que son château de carte s'effondrait sous un geste trop brusque de sa part. Les Mangemorts sont un cercle très fermé, ils n'accueillent pas tout le monde sous prétexte qu'ils sont sympathisants, Voldemort n'applique pas la Marque sur n'importe qui !

Il y eut un malaise dans la pièce qui n'était pas seulement dû à l'évocation du nom maudit : Ron et Hermione savaient que Megan, elle, portait la Marque des Ténèbres sur le bras.

- En soi, toi, tu avais quinze ans…, hésita Ron.

- Tu vas vraiment comparer ma situation à celle de Draco ? protesta Megan. Je n'étais pas la fille d'un Mangemort qui aurait voulu prendre du galon, Voldemort m'a marquée pour narguer Dumbledore, pour pouvoir me rappeler facilement à lui quand il m'envoyait espionner à Poudlard, ça n'a rien à voir !

Ron et Hermione hochèrent la tête, gênés.

- Oui, bien sûr, tu as raison, Megan, dit doucement la jeune fille. Je ne pense vraiment pas que Malfoy soit un Mangemort.

- De toute évidence, Potter est obsédé par Draco, et ce serait vraiment chouette pour tout le monde qu'il change un peu de disque, asséna Megan.


Molly était particulièrement inquiète par la perspective de leur déplacement jusqu'à la gare de King's Cross et avait passé la semaine entière à insister pour que les quatre collégiens n'attendent pas le dernier moment pour faire leurs lessives et préparer leurs valises afin d'éviter l'habituelle pagaille de dernière minute. Leur départ s'en trouva bien plus tranquille qu'à l'ordinaire. Les voitures dépêchées par le ministère pour garantir la sécurité de Potter s'arrêtèrent en douceur devant le Terrier où les attendaient les Weasley, Hermione et Megan, leurs valises bouclées et leurs animaux de compagnie installés dans leurs cages respectives.

- Goudebaille, Arry, dit Fleur d'une voix de gorge en l'embrassant.

Ron se précipita, plein d'espoir, mais Ginny tendit le pied et il trébucha, s'étalant de tout son long dans la poussière aux pieds de la Vélane. Furieux, le teint rouge vif, sa robe parsemée de terre, il s'engouffra dans l'une des voitures sans dire au revoir à personne sous le regard consterné de Megan.

Les voitures du ministère étaient bien plus confortables que celle que Mundungus Fletcher avait « empruntée » l'année passée. Les sièges avaient été transformés en vaste banquettes recouvertes de coussin sur lesquels les voyageurs s'étalèrent avec satisfaction pendant toute la durée du trajet. À leur arrivée à la gare de King's Cross, leur accueil fut cependant glacial. Deux Aurors barbus, vêtus de costumes sombres à la mode des Moldus et le visage lugubre les attendaient. Dès que les voitures se furent arrêtées, ils s'avancèrent vers eux et les accompagnèrent à l'intérieur de la gare, chacun d'un côté, sans prononcer un mot.

- Vite, vite, passez la barrière, dit Molly, un peu troublée par l'austère efficacité de leurs gardes du corps. Harry ferait mieux d'y aller le premier, avec…

Elle lança un regard interrogateur à l'un des Aurors qui approuva d'un bref signe de tête, saisit Potter par le bras et essaya de l'entraîner vers la barrière située entre les voies 9 et 10.

- Je peux marcher tout seul, merci, protesta le garçon d'un ton irrité, en se dégageant d'un mouvement brusque.

Il poussa son chariot à bagages droit sur la barrière compacte, sans prêter attention à son compagnon muet, et ils disparurent. D'un geste sec, le deuxième Auror fit signe au reste du groupe de les imiter par petits groupes. Hermione et Megan traversèrent les premières, suivies de Ron et Ginny puis Molly et Arthur, talonnés par leur garde-du-corps. Sur le quai 9 ¾, le Poudlard Express, écarlate, vomissait sur la foule un panache de vapeur. Dès leur arrivée de l'autre côté de la barrière, Potter fit signe à Ron et à Hermione de le suivre sur le quai, à la recherche d'un compartiment vide.

- On ne peut pas, s'excusa Hermione. Ron et moi, nous devons d'abord aller dans le wagon des préfets et ensuite patrouiller un peu dans les couloirs.

- Ah, c'est vrai, j'avais oublié.

- Vous feriez bien de monter dans le train tout de suite, conseilla Molly en consultant sa montre. Il part dans quelques minutes. Bon trimestre, Ron…

- Mr Weasley, je peux vous dire un mot ? demanda soudainement Potter.

- Bien sûr, répondit Arthur, légèrement surpris.

Lui et le garçon se dirigèrent à l'écart des oreilles indiscrètes des autres. Megan posa sur eux un regard méfiant mais son attention fut rapidement détournée par Molly, qui l'attirait dans ses bras pour la remercier d'être revenue au Terrier, lui enjoindre d'être prudente et de rester hors de tout danger, et lui exprimer combien elle avait hâte de la revoir lors des vacances de fin d'année. Après de chaleureux au revoir – comment Megan pouvait-elle être sûre que Molly serait toujours en vie dans les prochains mois ? –, la jeune fille monta dans le train derrière ses deux meilleurs amis.

- On se voit toute à l'heure pendant notre tournée, dit timidement Hermione, qui semblait partagée entre la culpabilité d'abandonner sa meilleure amie le temps du trajet, la satisfaction de passer du temps seule avec Ron et l'importance de sa mission de préfet.

- Embrasse Draco pour moi, répondit légèrement Megan avant de s'éloigner.

Elle entendit cependant Hermione laisser échapper un couinement.

D'ordinaire, Megan passait le trajet du Poudlard Express en compagnie des jumeaux, Lee, Kevan, Davy et Chad. Tous avaient cependant terminé leurs études, et ses seuls autres amis étaient désormais dans le wagon réservé aux préfets, en compagnie de Draco et de l'affreuse Pansy Parkinson.

Tandis qu'elle avançait parmi les wagons pour dénicher un compartiment vide, la jeune fille reconnut Derek Barrish, le garçon dont elle avait tué les parents, assis en compagnie d'élèves dont elle s'étonna de connaître les noms – Gunhild Montgomery et Dennis Aldermaston. Les rondeurs de l'enfance avaient commencé à quitter le visage de Derek, et les rires qui montaient de son compartiment avaient eux aussi quelque chose de nouveau. Il semblait que le jeune adolescent commençait enfin à reprendre goût à la vie. L'effet inverse était observé chez Cathy Davison, à l'autre bout du wagon. Malgré tous les élèves joyeux dont elle était entourée, parmi lesquels Megan reconnut plusieurs des étudiants les plus populaires de l'école, la jeune fille avait posé la tête contre la vitre et observait l'extérieur d'un regard éteint. Ses yeux, aussi bleus que ceux de son frère, avaient perdu de leur pétillant. Elle non plus n'avait plus aucune nouvelle de Cal, depuis plus longtemps encore que Megan.

Désireuse de s'isoler pour pouvoir ressasser sans interruption les erreurs qu'elle avait commises ayant conduit à la mort des Barish et à l'exil de l'aîné des Davison, Megan eut la satisfaction de trouver un compartiment vide et de pouvoir s'affaler à son tour contre la fenêtre. Le Poudlard Express démarra, quitta King's Cross, et au bout d'une quinzaine de minutes, elle était furieuse de sa propre réaction. Elle n'avait pas eu d'autre choix que d'assassiner les parents de Derek, sans quoi elle n'aurait pas gagné la confiance de Voldemort, et bien que son projet de sauver une poignée de gens en contrepartie se soit finalement soldé par un échec, elle était à cette époque convaincue qu'elle tenait le seul moyen de protéger les vies de ceux qu'elle aimait. Elle n'hésiterait pas à recommencer. Quant à Cal, elle avait mis de la magie dans sa vie, comme il l'avait suppliée de le faire. Et il n'était pas mort. Il était avec les Boyd, en sécurité, et il raconterait avec passion à ses petits-enfants moldus comment il avait vécu et survécu à la deuxième guerre des sorciers. Il évoquerait avec émotion cette femme ensorceleuse qui avait partagé un temps de sa vie et avait changé celle-ci.

Ces conclusions rassurantes ne suffirent cependant pas à combler le besoin que ressentait Megan de ressasser ses émotions, ses doutes et ses faiblesses. Sans même y penser, elle tira de sa besace les lettres échangées avec Sirius au cours des deux années passées, qu'elle avait soigneusement conservées sans savoir pourquoi. Elle se remémora ses accusations, ses suspicions, puis la révélation de son plus grand secret, et le calme avec lequel Sirius l'avait accueilli. Il avait été l'un des rares à lui dire qu'elle n'était pas un monstre. Qu'elle n'avait pas choisi d'être désignée par Voldemort avant sa naissance. Il s'était véritablement intéressé à elle, à ses luttes internes contre ses démons. Il avait osé se mettre en colère sans craindre ses réactions quand il l'avait jugé nécessaire. Il avait ri avec elle. Il lui avait parlé de son passé. Leur relation avait été entière, à la fois sinistre et lumineuse, vraie. Et puis il était mort.

Potter poussa la porte du compartiment et se précipita à l'intérieur avec une expression de soulagement, traînant derrière lui sa grosse valise, suivi par Neville et Luna Lovegood. Megan, brutalement tirée de ses douloureuses réflexions, replia d'un geste sec les lettres posées sur ses genoux.

- Salut, Megan ! s'exclama Neville en s'installant sous les yeux outrés de l'occupante du compartiment. Ça va ?

- Qu'est-ce que vous faîtes ? s'indigna l'intéressée.

Si Neville entendit sa question, il ne jugea pas nécessaire d'y répondre :

- Même nous, ils nous regardent avec des yeux ronds, dit-il à Potter, désignant d'un geste Lovegood et lui, simplement parce qu'on est avec toi !

Megan fronça les sourcils, et découvrit avec agacement que les occupants des compartiments voisins se tordaient le cou pour observer ce qu'il se passait dans le sien, les yeux écarquillés et l'air stupide. Les conséquences des nombreux articles de presse désignant Potter comme « l'Élu ».

- Ils vous regardent parce que vous aussi, vous étiez au ministère, assura le garçon en hissant sa valise dans le filet à bagages. La Gazette du sorcier a beaucoup parlé de notre petite aventure là-bas, vous avez dû le voir.

- Oui, je pensais que grand-mère serait furieuse de toute cette publicité, dit Neville, mais en fait, elle était très contente. Elle dit que j'y ai mis le temps mais que je finis par être digne de mon père. Elle m'a même acheté une nouvelle baguette magique, regardez !

Il la sortit de sa poche et la montra à Megan et Potter.

- Bois de cerisier et crin de licorne, annonça-t-il avec fierté. On pense que c'est la dernière qu'Ollivander ait jamais vendue. Il a disparu le lendemain – hé là, reviens ici, Trevor !

Il plongea sous la banquette pour retrouver son crapaud qui venait de faire une de ses nombreuses fugues. Megan leva les yeux au ciel et fourra les lettres de Sirius dans son sac, en sortit un manuel d'Arithmancie et s'y plongea, furieuse d'avoir été arrachée à sa solitude.

- Est-ce qu'il y aura toujours des réunions de l'A.D. cette année ? demanda Lovegood, occupée à détacher des pages centrales du Chicaneur une paire de lunettes psychédéliques.

- Ce n'est plus la peine, maintenant que nous sommes débarrassés d'Umbridge, répondit Potter en s'asseyant.

Neville se cogna la tête contre la banquette sous laquelle il cherchait son crapaud. Lorsque Megan lui jeta un coup d'œil discret, elle constata qu'il avait l'air terriblement déçu.

- J'aimais beaucoup l'A.D. ! J'ai appris des quantités de choses avec toi !

- Moi aussi, j'étais contente d'aller aux réunions, dit Lovegood d'un ton serein. J'avais l'impression d'avoir des amis.

Megan lui jeta un regard de dédain. L'élève de Serdaigle avait la manie de faire des remarques gênantes qui déclenchaient chez les autres la pitié ou l'embarras. Leur excursion au ministère de la magie l'année passée n'avait pas rapproché les deux jeunes filles.

Il y eut soudain un grand remue-ménage dans le couloir, devant leur compartiment. Un groupe de filles de quatrième année chuchotaient et gloussaient de l'autre côté de la vitre. Megan poussa un soupir agacé sonore.

- C'est toi qui lui demandes !

- Non, c'est toi !

- Je m'en occupe !

L'une d'elles, une adolescente à l'air hardi, avec de grands yeux sombres, un menton proéminent et de longs cheveux noirs, se fraya un chemin jusqu'à la porte.

- Bonjour, Harry, je m'appelle Romilda, Romilda Vane, dit-elle d'une voix forte et assurée. Tu ne veux pas venir avec nous dans notre compartiment ? Tu n'es pas obligé de rester avec eux, ajouta-t-elle en aparté.

Elle montra le derrière de Neville qui dépassait de sous la banquette, tandis qu'il cherchait Trevor à tâtons, Lovegood qui portait à présent les Lorgnospectres gratuites fournies par Le Chicaneur en ayant l'air d'un hibou bariolé taré, et Megan qui avait de nouveau disparu derrière les pages de son manuel de cours.

- Ce sont des amis à moi, répliqua Potter d'un ton glacial.

- Ah bon ? s'étonna la fille. D'accord.

Elle battit en retraite et referma derrière elle la porte du compartiment.

- Les gens pensent que tu devrais avoir des amis plus cool que nous, dit Lovegood, manifestant à nouveau une sincérité embarrassante.

- Vous êtes très cool tous les deux, trancha sèchement Potter, ignorant Megan autant qu'elle l'ignorait. Aucune d'elles ne se trouvait au ministère le jour où vous vous êtes battus à côté de moi.

Megan tourna bruyamment la page de son manuel. Ils ne s'étaient pas battu « à côté de lui ». Ils s'étaient tous battus pour sauver leur propre peau et échapper au piège dans lequel Potter les avait tous entraînés.

- C'est très gentil de dire ça, répondit Lovegood, le visage rayonnant.

Elle remonta les Lorgnospectres sur son nez et s'installa confortablement pour lire Le Chicaneur.

- Mais nous, nous n'étions pas face à lui, fit remarquer Neville en émergeant de sous la banquette avec des moutons de poussière dans les cheveux et, dans la main, un Trevor au regard résigné. Toi, si. Tu devrais entendre ma grand-mère quand elle en parle. « Ce Harry Potter a une plus grande force morale que tout le ministère de la Magie réuni ! » Elle donnerait n'importe quoi pour t'avoir comme petit-fils…

Harry eut un rire gêné et changea de sujet, parlant plutôt des résultats des BUSE. Neville récita les notes qu'il avait obtenues en se demandant s'il pourrait continuer à prendre des cours de métamorphose en ASPIC avec seulement une note « Acceptable » dans cette matière, et Megan l'observa en silence par-dessus son manuel. Quelques mois plus tôt, lorsque Dumbledore lui avait révélé le contenu de la prophétie qui avait coûté la vie à Sirius, il lui avait également appris que celle-ci aurait pu ne pas concerner Potter mais Neville. Il aurait pu être « l'Élu », celui que les élèves se battaient pour inviter dans leur compartiment et observaient avec des yeux ronds. Sa grand-mère l'aurait-elle alors jugé digne d'être un Longbottom ? Peut-être serait-il mort. Car si Voldemort n'avait pas estimé que les propos que lui avait rapporté son espion visaient les Potter, mais s'était plutôt tourné vers les Longbottom, que ce serait-il passé ? D'après ce qu'on lui avait expliqué, Potter n'avait survécu que parce que sa mère avait choisi de le protéger jusqu'à la mort, alors que Voldemort lui avait laissé la possibilité de survivre. Cette offre, qu'aurait fait le mage noir à une Sang-de-Bourbe, ne cessait de questionner Megan. Pourquoi Lily Potter s'était-elle vu offrir une chance de vivre ? Alice Longbottom aurait-elle eu aussi le choix ? Si Voldemort l'avait tuée comme il avait tué James, aucune ancienne magie n'aurait protégé Neville. Voldemort n'aurait pas été détruit. Tout aurait été différent.

- Ça va, Harry ? Tu as un drôle d'air, remarqua Neville au bout d'un moment.

Potter sursauta.

- Désolé, je…

- Tu as peut-être attrapé un Joncheruine ? s'inquiéta Lovegood d'un ton compatissant, derrière ses énormes lunettes colorées.

Megan posa son manuel sur ces genoux et jeta à l'élève de Serdaigle un regard exaspéré.

- Je… quoi ? bégaya Potter.

- Un Joncheruine… On ne les voit pas, ils entrent dans ta tête par les oreilles et t'embrouillent le cerveau, expliqua-t-elle. J'en ai senti un voler autour de nous.

Elle agita la main en l'air comme si elle chassait des insectes invisibles. Megan secoua la tête Neville et Potter échangèrent un regard et se hâtèrent de parler de Quidditch.

- Au fait, j'ai été nommé capitaine de l'équipe de Gryffondor ! annonça joyeusement Potter.

- Oh, félicitations ! se réjouit Neville. Tu l'as bien mérité, je ne vois pas qui d'autre ils auraient pu nommer à ta place.

- Katie Bell ? suggéra Megan en sortant enfin de son mutisme, passive agressive.

- C'est vrai qu'elle est dans l'équipe depuis des années. Mais elle ne vole certainement pas aussi bien que toi, Harry ! Et elle n'a pas intégré l'équipe de Quidditch dès sa première année, elle !

- Parce que c'est supposé être interdit, commenta Megan, toujours sur le même ton.

- McGonagall a su saisir une très bonne opportunité pour son équipe, objecta Neville. Vous saviez qu'elle était attrapeuse, à son époque ?

À l'extérieur, le ciel restait incertain, comme depuis le début de l'été. Ils traversaient les habituelles nappes de brume froide puis arrivaient parfois sous un soleil timide mais dégagé. Ce fut durant une de ces éclaircies, alors que le soleil brillait presque à la verticale, que Ron et Hermione entrèrent enfin dans le compartiment.

- J'aimerais bien que le chariot du déjeuner se dépêche d'arriver, je meurs de faim, dit Ron avec convoitise.

Il se laissa tomber à côté de Potter en se massant le ventre.

- Salut, Neville, salut, Luna. Tu sais quoi ? ajouta-t-il en se tournant vers son meilleur ami. Malfoy ne remplit pas ses obligations de préfet, il reste assis dans son compartiment avec les autres Serpentard. On l'a remarqué en passant.

Moins d'une minute après son arrivée, Ron était déjà en train d'aborder le sujet de Draco, s'exaspéra Megan.

- Vous n'avez pas d'autre sujet de conversation que lui ? lança-t-elle en reposant son manuel sur ses genoux.

Mais Potter s'était redressé d'un air intéressé. Le disque rayé était relancé.

- Comment a-t-il réagi quand il vous a vus ? s'enquit-il.

- Comme d'habitude, répondit Ron, indifférent.

Il imita le geste grossier de la main que Draco leur avait adressé.

- Étonnant de sa part, non ? Enfin, pas ça, précisa-t-il en renouvelant son geste. On se demande pourquoi il ne profite pas de l'occasion pour brutaliser quelques élèves de première année.

- Vous n'avez rien de mieux à faire que de vous occuper de la vie des autres ?

- Oui, je ne sais pas ce qui lui prend, dit Potter en ignorant l'intervention de Megan.

Il avait de nouveau cette expression sur le visage qu'il avait arboré tout l'été chaque fois qu'il avait cherché à savoir ce que Draco faisait chez Borgin & Burke.

- Il préférait peut-être la brigade inquisitoriale, suggéra Hermione. Le travail de préfet doit lui sembler un peu insipide après ça.

- Je ne crois pas. Je pense qu'il est…

Mais avant qu'il ne puisse développer sa nouvelle théorie, la porte du compartiment se rouvrit et une fille de troisième année entra, hors d'haleine.

- Je dois apporter ça à Neville Longbottom et à Harry P… Potter, balbutia-t-elle en devenant écarlate lorsqu'elle croisa le regard de l'Élu.

Elle avait à la main deux rouleaux de parchemin attachés avec des rubans violets. Perplexes, Neville et Potter prirent chacun le sien et la fille sortit à reculons du compartiment, d'un pas trébuchant.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Ron tandis que son meilleur ami déroulait son parchemin.

- Une invitation, répondit-il.

Megan se pencha pour lire la missive que tenait Neville.

Mr Longbottom,

Je serais ravi si vous pouviez venir vous joindre à moi pour prendre une petite collation dans le compartiment C.

Cordialement,

Professeur H.E.F. Slughorn.

- Qui est le professeur Slughorn ? interrogea Neville en regardant son invitation d'un air interdit.

- Un nouvel enseignant, répondit Potter. J'imagine qu'il faut y aller, non ?

- Mais pourquoi veut-il que je vienne aussi ? s'inquiéta Neville, comme s'il avait peur qu'on lui inflige une retenue.

- Aucune idée. Écoute, ajouta-t-il avec un air de conspirateur, on n'a qu'à mettre la cape d'invisibilité, comme ça, on pourra observer Malfoy au passage et voir ce qu'il fabrique.

Megan leva les yeux au ciel.

- Bon débarras ! s'exclama-t-elle lorsque les deux garçons quittèrent le compartiment.

Hermione lui adressa un coup de coude réprobateur.

- Je ne pense pas qu'il y arrivera de toute façon, fit observer Ron. Les couloirs sont plein, tout le monde guette le chariot de friandises, ça doit être impossible de se déplacer sous la cape d'invisibilité.

- C'est bizarre, cette histoire de collation avec le nouveau professeur, non ? commenta Hermione, visiblement jalouse de ne pas avoir été invitée.

- D'où il sort, d'ailleurs, ce Slughorn ? l'interrogea Megan. Son nom ne me dit rien.

- C'est le remplaçant d'Umbridge. Oh, on a oublié de t'en parler ! Quand Dumbledore est venu le chercher chez son oncle et sa tante cet été, il a demandé à Harry de l'accompagner et ils sont allés lui rendre visite, au professeur Slughorn. Dumbledore venait le convaincre d'accepter de reprendre son poste à Poudlard. Il était enseignant là-bas il y a plusieurs années.

- Quel rapport avec Potter ?

- Ça, je ne sais pas trop, admit Hermione. Mais a priori il était recherché par les Mangemorts !

Lovegood écarquilla les yeux derrière ses Lorgnospectres. Megan se demanda ce que les adeptes de Voldemort avaient à pourchasser des types comme un ancien professeur à la retraite ou un vendeur de glaces.

- Ouais, Harry nous a raconté que quand ils sont arrivés dans sa maison, il avait répandu du sang de dragon un peu partout et qu'il s'était métamorphosé en fauteuil, pour simuler sa propre mort.

- On ne sait plus quoi faire pour échapper aux Mangemorts, commenta Megan en haussant un sourcil.

- J'espère que ce sera un bon prof, reprit Hermione. On en a vraiment besoin cette année…

L'arrivée du chariot de friandises coupa court à ses inquiétudes. Ron dépensa plus d'argent qu'il ne pouvait se le permettre en chocolats et sucreries et dévora ses achats sous les regards consternés de Megan et Hermione, qui grignotaient tranquillement leurs Chocogrenouilles.

- Alors, qui sont les préfets-en-chef, cette année ? interrogea Megan lorsqu'elle se fut lassée d'observer l'indécence alimentaire de Ron.

- Personne qu'on connaisse vraiment, répondit Hermione, soulagée d'avoir un sujet de conversation vers lequel se tourner. Eddie Carmichael de Serdaigle et Gisela Montgomery de Poufsouffle

- Carmichael, ce n'est pas celui qui avait essayé de vendre de l'Elixir Cérébral de Baruffio aux élèves qui passaient leurs BUSE, l'année dernière ? commenta Megan.

- Si, gronda Hermione. Visiblement, ça ne l'a empêché de prendre du galon.

- Tu parles comme Percy, lui fit remarquer Ron, dont le ton sous-entendait qu'il ne lui faisait pas un compliment.

- Et les nouveaux préfets ? enchaîna aussitôt Megan, peu désireuse d'être coincée entre une nouvelle dispute de Ron et Hermione, et Luna Lovegood.

- Andrew Gonzalez et Deoteria Green pour Serdaigle, Alaric Codex et Sylvia Harris pour Serpentard, Adam Cadwallader et Agnes Hernandez pour Poufsouffle, et Enimia Hall et Richie Coote pour Gryffondor.

- Hall je ne la connais pas, mais Coote était notre batteur, l'année dernière, commenta Ron.

- Alaric Codex est préfet ? répéta Megan en fronçant les sourcils. L'année dernière, je l'ai vu harceler un élève plus jeune à plusieurs reprises.

- Oui, ce n'est plus ce que c'était, le recrutement des préfets, déplora Hermione.

Une fois leur appétit rassasié, Ron et Hermione retournèrent faire des rondes dans le train pour maintenir l'ordre, laissant Megan seule avec Lovegood, une situation que la jeune fille aurait préféré éviter. Fort heureusement, l'excentrique élève de Serdaigle resta réfugiée derrière son exemplaire du Chicaneur pendant une bonne partie de l'après-midi. Ce répit fut cependant de trop courte durée au goût de Megan. Sans prévenir, Lovegood reposa soudain son journal et fixa sa camarade.

- Tu as vu cet article dans la Gazette du Sorcier sur Sirius Black ?

À contre-cœur, Megan se détourna de son manuel pour jeter un coup d'œil méfiant à son interlocutrice.

- Pourquoi ?

- C'est fou tous les détails de cet article. Mon père m'a dit que les infos n'étaient pas du tout connues avant la publication. Et c'était anonyme, tu as remarqué ?

- Pourquoi tu veux qu'on parle de ça ? s'agaça Megan.

- Harry et Neville ne sont toujours pas revenus ? lança Ron en ouvrant la porte du compartiment et en venant s'étaler sur la banquette, suivi par Hermione.

Lovegood répondit par la négative.

- On parlait de l'article sur Sirius Black qui est paru en juillet dans la Gazette, ajouta-t-elle tranquillement.

Megan la fusilla du regard. Pourquoi la Serdaigle insistait-elle ainsi ?

- Oh, oui ! s'exclama Hermione. On était tous très surpris de voir ça, ajouta-t-elle en échangeant un signe de tête avec Ron. Ce n'était pas vraiment la ligne éditoriale de la Gazette jusqu'ici !

- Peut-être que ce n'était pas un reporter de la Gazette qui l'a rédigé, suggéra légèrement Lovegood.

- Je ne me souviens pas du nom de l'auteur, indiqua Ron.

- C'était anonyme.

Les informations que Lovegood laissait échapper à grands renforts de sous-entendus agaçaient sérieusement Megan.

- C'est moi qui l'ai écrit, lança-t-elle sèchement.

Lovegood lui adressa un sourire, mais Ron et Hermione observèrent leur amie avec des yeux ronds.

- Hein ? sursauta le garçon.

- Oh Megan, gémit Hermione, émue. Pourquoi… C'était très beau…

- Parce que la Gazette lui devait bien ça, asséna Megan sans émoi. Et il était hors de question que le monde continue à croire qu'il était un dangereux criminel à la botte de Voldemort alors qu'il est mort en le combattant.