9
LA DISPARITION DE POTTER
Le soleil se couchait dans un rougeoiement flamboiement. La végétation sauvage qu'on apercevait derrière les fenêtres indiquait que la gare de Pré-au-Lard n'était plus très loin. Megan, Ron, Hermione et Lovegood s'étaient déjà changés lorsque Neville rejoignit enfin le compartiment, une expression étrange sur le visage.
- Il était temps ! s'exclama Ron, qui disputait une partie d'échecs avec Megan. C'est le déjeuner le plus long que j'aie jamais vu !
- Où est Harry ? s'enquit Hermione en voyant son ami revenir seul.
- Il a dit qu'il nous retrouverait plus tard, indiqua le garçon en sortant son propre uniforme pour le revêtir. On discutait en sortant du wagon de Slughorn et puis il a eu l'air d'avoir une idée soudaine et il a disparu sous sa cape d'invisibilité.
- Il cherche encore à espionner Draco, grogna Megan.
- J'espère qu'il va se dépêcher, on arrive bientôt à Poudlard, commenta Hermione, soucieuse.
- Alors, qu'est-ce que c'était que cette invitation ? interrogea Ron.
Neville leva les yeux au ciel. Il n'était visiblement pas ravi d'avoir passé l'après-midi en compagnie de leur nouveau professeur de Défense contre les forces du mal.
- C'était pour rejoindre le « club de Slug », expliqua-t-il avec une moue. Il y avait aussi Blaise Zabini de Serpentard, Marcus Belby de Serdaigle, McLaggen de Gryffondor, et Ginny.
- Ginny ? s'étonna Megan.
- Oui, a priori Slughorn l'a vue jeter un maléfice de Chauve-Furie à Zacharias Smith en passant dans son wagon et l'a trouvé tellement extraordinaire qu'il lui a proposé de nous rejoindre. C'est la seule qui n'a pas invitée sous prétexte qu'un membre de sa famille est célèbre, ajouta-t-il avec agacement.
Il passa par-dessus sa tête sa robe de sorcier et personne n'osa le questionner. Ses parents étaient des Aurors renommés, mais ils avaient été torturés par Bellatrix Lestrange jusqu'à devenir fous et étaient internés à Ste Mangouste depuis une dizaine d'années, incapable de reconnaître leur fils. Neville n'aurait certainement jamais envisagé ni espéré être invité à une réunion mondaine pour cette raison.
- Il nous a posé des questions sur le ministère, aussi, reprit Neville lorsqu'il fut changé et apaisé. Il voulait absolument savoir si ce que la Gazette avait raconté sur « l'Élu » et la prophétie était vrai. On lui a dit que non.
- Il n'est pas le seul à poser des questions sur la bataille du ministère, affirma Hermione avec un air de dédain. On n'a pas arrêté de nous poser des questions là-dessus dans le train, n'est-ce pas, Ron ?
- Oui. Ils veulent tous savoir si Harry est vraiment l'Élu… Un drôle de bonhomme, ce Slughorn, en tout cas. On n'a rien raté, on dirait.
Il semblait pourtant agacé.
- Il essaye de se faire bien voir par ceux qu'il pense être « bien placés », renchérit Hermione avec un reniflement de suffisance.
La silhouette de Poudlard se détacha sur le noir de la nuit, et Potter n'était toujours pas revenu.
- Mais qu'est-ce qu'il fait ? s'angoissa Hermione en se tordant les mains. Vous croyez qu'on devrait préparer ses affaires ?
- Ce n'est pas notre problème, on a déjà bien assez à faire avec nos valises, répondit Megan en tirant du filet à bagage sa malle et la cage d'Eleyna.
Ron et Neville ignorèrent cependant sa remarque et rassemblèrent les affaires de leur ami avant d'extirper ses bagages. Dans une dernière secousse, le train s'immobilisa. Au moment où Ron ouvrait la porte du compartiment, deux élèves qui courraient dans le couloir manquèrent de le percuter. Il les rappela sèchement à l'ordre puis regarda à droite et à gauche.
- Toujours aucun signe de Harry. On va descendre ses affaires sur le quai…
Les élèves sortirent par paquets de leurs compartiments dans la cohue habituelle de l'arrivée à Pré-au-Lard, se déversant sur le quai de la gare plongé dans l'obscurité au milieu des cris d'excitation et des ululements des hiboux.
- Les première année, par ici ! tonna la voix familière de Hagrid dont la gigantesque silhouette apparut à l'autre bout du quai, tenant une grande lampe à la main.
Un groupe d'élèves minuscules partagé entre la terreur et l'excitation se pressa dans sa direction. Megan lui adressa un chaleureux signe de la main, mais l'attention de ses amis était ailleurs.
- Il n'aurait pas pris une diligence sans nous, se morfondit Hermione, cherchant désespérément Potter du regard parmi la foule massée sur le quai obscur.
- Si nous on n'en prend pas une, on devra rejoindre Poudlard à pieds, répondit Megan en tirant sa meilleure amie par le bras pour l'entraîner vers la calèche la plus proche tandis que Hagrid entraînait les élèves de première année vers le lac où les attendaient des barques.
- Il va sûrement nous retrouver dans la Grande Salle pour le banquet, ajouta Ron sans grande conviction. Ou bien Slughorn l'aura invité à dîner dans son bureau…
Tous les cinq ralentirent en passant devant les Sombrals harnachés à leur véhicule. C'était sur les dos de ces bêtes qu'ils avaient traversé le Royaume-Uni pour rejoindre le ministère de la magie. Ron et Hermione froncèrent les sourcils. Contrairement à Megan, Neville et Lovegood, ils ne pouvaient poser les yeux sur les sinistres chevaux ailés, n'ayant jamais vu la mort. Les événements de juin dernier n'avaient rien changé, Ron et Hermione n'ayant pas assisté à la mort de Sirius.
- Aller, dépêchez-vous, les pressa Megan en les poussant dans la calèche.
Dès qu'ils eurent pris place tous les cinq à bord, la portière se referma d'un coup sec et le véhicule s'ébranla brutalement, rejoignant la procession des diligences vers le château dans un grincement de roues. Tandis qu'ils s'éloignaient de Pré-au-Lard, ils entendirent le Poudlard Express se remettre en marche et quitter la gare.
- Est-ce que Harry aurait pu avoir un problème avec Malfoy ? s'angoissa Hermione en se tordant les mains.
- Quel genre de problème ? s'enquit Neville.
- Je ne sais pas, ils se sont peut-être battus…
- On en aurait entendu parler, objecta Ron. Un préfet qui se battrait avec l'Élu !
- Ne l'appelle pas comme ça, s'agaça Hermione.
- Ça lui apprendrait à se mêler de ses affaires, commenta Megan.
Hermione lui décocha un regard de reproche.
- J'avais cru comprendre qu'il y aurait des Aurors qui vont surveiller l'école, maintenant, dit Neville. Je n'en ai vu aucun, et vous ?
- Pareil, répondit Ron. J'imagine qu'ils se font discrets.
Leur diligence franchit le portail dont les hauts piliers étaient surmontés de statues représentant des sangliers ailés et remonta l'allée du château avant de s'immobiliser devant les grandes portes de chêne menant au large escalier de pierre. Megan, Ron, Hermione, Neville et Lovegood sautèrent au bas de leur véhicule, gravirent les marches et débouchèrent dans l'immense hall d'entrée du château, éclairé par des torches enflammées. Là où d'ordinaire le flot des élèves se déversait dans la Grande Salle, s'étalait une longue queue frémissante d'impatience.
- Pourquoi on doit attendre ? s'agaça Ron, impatient de passer à table.
- Filch nous fait passer au Capteur de Dissimulation, indiqua Katie Bell, qui se trouvait un peu plus loin dans la queue. A priori, ça fait partie des nouvelles mesures de sécurité…
- Ah oui, Voldemort tremble devant les contrôles de Filch, c'est sûr, ironisa Megan.
Le contrôle ralentit péniblement l'arrivée des élèves, mais bientôt Megan et ses amis purent rejoindre la Grande Salle, décorée comme d'habitude de chandelles flottant dans les airs sous le plafond étoilé, et prirent place à la table de Gryffondor où ils retrouvèrent notamment Seamus, Dean et Ginny, tandis que Lovegood allait rejoindre la table de Serdaigle. Megan la suivit des yeux, recherchant machinalement Kevan, mais l'ancien préfet-en-chef avait définitivement quitté Poudlard.
- Eh, où est Harry ? lança Ginny.
- Vous ne l'avez pas vu non plus ? s'étonna Ron. On espérait qu'il serait déjà arrivé…
- Comment ça ?
- Tu te souviens qu'il s'est dépêché de partir, quand on a quitté le wagon de Slughorn ? dit Neville. Il n'est pas retourné dans notre compartiment après. On le cherche depuis toute à l'heure !
- Attendez, vous pensez qu'il est toujours dans le Poudlard Express ?
- Impossible, le train a quitté la gare, se morfondit Hermione. Je commence vraiment à être inquiète, on devrait aller en parler aux professeurs !
Mais au même moment, les portes de la Grande Salle se rouvrirent et une longue file de nouveaux élèves entra derrière le professeur McGonagall, qui portait un tabouret sur lequel reposait un antique chapeau de sorcier raccommodé de toutes parts auquel Megan vouait un ressentiment particulier. Le tumulte des conversations et des rires cessa et les première année s'alignèrent devant la table des professeurs, face à leurs camarades.
- Si les première année ont fini de traverser le lac, pourquoi Hagrid n'est pas là ? murmura Hermione, de plus en plus angoissée, en désignant la table des professeurs.
- Bonne question. Snape non plus n'est pas là, vous avez remarqué ? ajouta Megan.
McGonagall plaça soigneusement le tabouret devant eux puis fit un pas en arrière. Les nouveaux élèves tremblaient et n'osaient pas lever les yeux vers les autres. Puis la large déchirure située tout près du bord du chapeau s'ouvrit largement et le Choixpeau magique se mit à chanter. Megan ne prêta aucune attention au discours musical de l'artefact, occupée à observer discrètement Draco à la table de Serpentard. Celui-ci racontait à Crabbe, Goyle, Parkinson et Nott une histoire apparemment désopilante, ses amis se retenant difficilement d'éclater de rire dans le silence qui accompagnait toujours la chanson du Choixpeau. Il ne ressemblait pas à quelqu'un dont le père croupissait au fond d'une prison. Lui ne portait pas le poids des événements de juin dernier, et Megan sentit la colère grandir en elle.
Son attention fut détournée par un mouvement à la table des professeurs. Hagrid rejoignait enfin sa place, avec le peu de discrétion qu'impliquait son importante stature. Snape, lui, n'était toujours pas là. En revanche, un homme chauve, extraordinairement gras, aux yeux globuleux et à la moustache de morse siégeait parmi les enseignants. Slughorn, devina Megan. Elle eut également la surprise de découvrir à la table le professeur Trelawney, qui enseignait la Divination, et quittait rarement ses appartements. Megan ne se souvenait pas l'avoir déjà vue assister au festin de début d'année. Elle paraissait cependant aussi bizarre qu'à l'ordinaire, couverte de perles scintillantes et de longs châles, les yeux agrandis par les verres de ses immenses lunettes le fait d'être l'auteure de la prophétie dont tout le monde parlait aujourd'hui ne semblait pas avoir changé grand-chose chez elle.
Le Choixpeau termina sa chanson puis redevint immobile, et la salle éclata en applaudissements. Megan s'abstint de manifester le moindre signe d'approbation à l'endroit du chapeau magique. Elle remarqua cependant que les ovations des autres élèves étaient moins enthousiastes qu'à l'ordinaire : les paroles du chant n'avaient fait que leur rappeler la guerre qui sévissait à l'extérieur à Poudlard.
Un regard sévère du professeur McGonagall ramena de nouveau le calme dans la Grande Salle. Elle baissa alors les yeux sur le long morceau de parchemin qu'elle tenait entre les mains et appela le premier nom de la liste :
- Aaron, Paul.
Un petit garçon blond maigrelet s'avança vers le tabouret et coiffa le Choixpeau. Quelques instants plus tard, il était envoyé à Poufsouffle.
Hermione consacra l'intégralité de la cérémonie de Répartition à chuchoter à toute vitesse toutes les options qui pouvaient expliquer l'absence de Potter. Megan finit par y mettre un terme, agacée, en lui promettant qu'ils iraient voir McGonagall dès la fin du banquet si le garçon ne s'était toujours pas montré d'ici-là.
Après que Ziegler, Isaac eut été envoyé à Serdaigle, le professeur McGonagall remporta le Choixpeau et son tabouret hors de la Grande Salle tandis que Albus Dumbledore, le directeur de Poudlard, se levait et déclarait d'une voix claironnante :
- Bienvenue à vous qui prenez place à ces tables pour la première fois, bon retour parmi nous à ceux qui connaissent déjà bien ces murs ! C'est chaque année un honneur et un plaisir de vous accueillir à Poudlard. Mais le moment n'est pas aux discours, non, vous êtes tous impatients de vous sustenter ! Alors je ne dirai pour l'instant que ceci : bon appétit !
Ron accueillit cette déclaration avec un grognement de satisfaction et se jeta sur tous les plats à sa portée qui venaient d'apparaître sur la table. Hermione et Ginny le regardèrent faire avec consternation.
- Ton meilleur ami a disparu ! s'offensa la première.
- Et je ne risque pas de le retrouver plus facilement avec le ventre vide, objecta Ron entre deux bouchées.
Convaincue par cet argumentaire concis, Megan entreprit de remplir son assiette à son tour. Elle n'avait rien acheté sur le chariot de friandises et n'avait donc rien avalé depuis les sandwiches préparés par Molly pour le déjeuner, qui n'avaient rien de copieux. Pendant ce temps, Ginny et Hermione continuaient de s'inquiéter du sort de Potter. Il était peu probable que le garçon soit en danger : la sécurité de l'école était supposée avoir été renforcée, et cela incluait le trajet du Poudlard Express au château. Il aurait été tristement ironique que Voldemort soit parvenu à se saisir de Potter dans le train, au nez et à la barbe de Dumbledore et des Aurors missionnés par le ministère.
La nouvelle de l'absence de Potter se répandit lentement parmi les élèves. Ceux qui cherchaient du regard « l'Élu » s'étonnèrent de ne pas le trouver attablé avec son groupe d'amis, puis de ne pas le trouver du tout à la table de Gryffondor. L'anxiété de Hermione monta d'un cran tandis que le nom de son meilleur ami allait de bouche en bouche, et elle posa sa fourchette dans son assiette à peine entamée, l'appétit coupé. Bientôt, la disparition de l'élève le plus célèbre de l'école arriverait aux oreilles des professeurs. Finalement, le repas touchait à sa fin lorsque des chuchotements frénétiques et une agitation nouvelle parcoururent la Grande Salle. Megan suivit les regards de ses camarades et découvrit sans excitation que Potter venait enfin de franchir les portes restées ouvertes et s'empressait de rejoindre la table de Gryffondor. Dès qu'il eut repéré Ron et Hermione, il se précipita dans leur direction alors que des élèves se levaient pour l'observer plus attentivement. La célébrité devait être montée à la tête de Potter pour qu'il se ménage une entrée aussi remarquée.
- Où est-ce que tu… Ça alors, qu'est-ce que tu as sur la figure ? s'étonna Ron en le regardant les yeux écarquillés, comme tous ceux qui étaient assis à ses côtés.
- Pourquoi, il y a quelque chose qui ne va pas ? s'inquiéta Potter en prenant une cuillère, les yeux plissés pour regarder son reflet déformé.
- Tu es couvert de sang ! s'exclama Hermione. Viens là…
Elle leva sa baguette, prononça la formule : « Tergeo ! » et fit disparaître le sang séché.
- Merci, dit Potter en passant la main sur son visage propre. Et mon nez, ça va ?
- Il est normal, répondit Hermione d'un ton anxieux. Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé, Harry ? On a eu une peur bleue !
- Je vous raconterai plus tard, répliqua-t-il sèchement en jetant un coup d'œil à Ginny, Neville, Dean et Seamus, qui s'étaient bruyamment réjouis de le voir revenir parmi eux.
Megan leva les yeux et vit que Nick Quasi-Sans-Tête, le fantôme de Gryffondor, était venu flotter le long du banc, espérant surprendre la conversation.
- Mais…
- Pas maintenant, Hermione, coupa Potter, avec une gravité éloquente.
Quel secret tenait-il tant à cacher ? La curiosité dévorante de Megan l'emportait sur son agacement à voir Potter constamment attirer l'attention sur lui.
L'intéressé tendit le bras devant Ron pour attraper deux cuisses de poulet et une poignée de frites mais avant qu'il ait pu mettre la main dessus, elles avaient disparu, remplacées par des gâteaux.
- Tu as raté la Répartition, en tout cas, dit Hermione tandis que Ron plongeait sur un gros gâteau au chocolat.
- Le Choixpeau a raconté quelque chose d'intéressant ? demanda Potter en prenant un morceau de tarte à la mélasse.
- Toujours pareil… il nous a conseillé de rester unis face à l'ennemi, tu vois le genre.
- Dumbledore a parlé de Voldemort ?
- Pas encore, mais il réserve toujours son vrai discours pour la fin du festin. Ça ne devrait plus tarder, maintenant.
- Snape m'a dit que Hagrid était arrivé en retard…
- Tu as vu Snape ? Comment ça se fait ? s'étonna Ron entre deux bouchées de gâteau qu'il avalait avec frénésie.
- Je suis tombé sur lui, répondit Potter, évasif.
- Hagrid n'avait que quelques minutes de retard, dit Hermione. Tiens, regarde, Harry, il te fait signe.
Le garçon tourna la tête vers la table des professeurs et sourit à Hagrid qui, en effet, lui adressait un geste de la main. Leur géant ami n'avait jamais vraiment réussi à se comporter avec la dignité de sa voisine de table, McGonagall, dont la tête lui arrivait quelque part entre le coude et l'épaule et qui observait d'un regard désapprobateur cette façon un peu trop enthousiaste de saluer un élève.
Des rires et des applaudissements tapageurs à la table de Serpentard détournèrent l'attention de Megan. Draco mimait quelqu'un se faisant fracasser le nez. La jeune fille fronça les sourcils. Potter avait demandé dans quel état était son nez…
- Alors, qu'est-ce que tu as pensé de ton déjeuner avec le professeur Slughorn ? l'interrogea Hermione.
Bien qu'elle trépignât d'impatience de savoir ce qui avait retenu Potter si longtemps, elle semblait véritablement rassurée de l'avoir retrouvé.
- Encore quelqu'un qui voulait savoir ce qui s'était vraiment passé au ministère, répondit le garçon en haussant les épaules avant de se resservir une nouvelle part de tarte à la mélasse.
- Même parmi les fantômes, il y a eu beaucoup de conversations à ce sujet, affirma Nick Quasi-Sans-Tête.
Il inclina vers Potter sa tête à peine rattachée au reste de son corps en la faisant osciller dangereusement sur la fraise qu'il portait autour du cou.
- Je suis considéré comme une sorte d'autorité quand il s'agit de Harry Potter. Il est de notoriété publique que nous entretenons des relations amicales. Mais j'ai assuré la communauté des esprits que je ne vous importunerai pas avec des questions. « Harry Potter sait qu'il peut se confier à moi en toute tranquillité, leur ai-je dit, j'aimerais mieux mourir que de trahir sa confiance. »
- Ça ne vous engage pas beaucoup puisque vous êtes déjà mort, fit remarquer Ron.
Megan ne put retenir un rire sardonique.
- Une fois de plus, vous manifestez à mon égard autant de sensibilité qu'une hache émoussée, dit Nick Quasi-Sans-Tête d'un air offensé.
Puis il s'éleva dans les airs et retourna à l'autre bout de la table de Gryffondor au moment où Dumbledore se levait à celle des professeurs. Les conversations et les rires qui résonnaient dans la salle s'évanouirent presque aussitôt.
- Je vous souhaite chaleureusement le bonsoir ! dit-il avec un grand sourire, les bras largement écartés comme s'il avait voulu étreindre tout le monde à la fois.
Hermione sursauta.
- Qu'est-ce qu'il a la main ? demanda Megan en demandant tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.
La main droite de Dumbledore était noircie et cadavérique. Des chuchotements se répandirent à nouveau d'un bout à l'autre de la salle. Le directeur de Poudlard, qui en avait deviné la cause, se contenta de sourire et tira sa manche pourpre et or sur sa main blessée.
- Rien d'inquiétant, assura-t-il d'un ton dégagé. À présent… Une nouvelle année d'apprentissage de la magie vous attend…
- Sa main était déjà comme ça quand je l'ai vu cet été, murmura Potter à l'attention des autres. Je pensais qu'elle serait guérie maintenant… ou que Madam Pomfrey aurait fait quelque chose.
- On dirait qu'elle est morte, remarqua Hermione avec une expression dégoûtée. Il y a des blessures qu'on ne peut pas guérir… des anciennes malédictions… il existe aussi des poisons sans antidote…
- … et Mr Filch, notre concierge, m'a chargé de vous informer que tous les objets provenant du magasin des frères Weasley, Farces pour sorciers facétieux, sont rigoureusement interdits, sans aucune exception…
- Ils sont officiellement réprouvés par le règlement intérieur de Poudlard, se réjouit Megan, il faut absolument que je le leur dise !
- … Comme d'habitude, ceux qui voudraient jouer dans leur équipe de Quidditch devront donner leur nom au directeur ou à la directrice de leurs maisons respectives. Nous cherchons également de nouveaux commentateurs pour les matches. Les candidats devront se signaler de la même manière.
Megan eut un pincement au cœur : c'était jusqu'alors Lee qui assurait le commentaire des matches. Le Quidditch ne serait plus le même maintenant qu'il avait quitté l'école pour entreprendre une carrière dans le journalisme.
- Nous sommes heureux d'accueillir cette année un nouvel enseignant dans notre équipe, le professeur Slughorn.
L'intéressé se leva, son crâne chauve brillant à la lumière des chandelles, son gros ventre, dans son gilet, plongeant la table dans l'ombre.
- Le professeur Slughorn est un de mes vieux collègues qui a accepté de reprendre son ancien poste de maître des potions.
- Des potions ?
- Des potions ?
Le mot se répéta en écho dans toute la salle, les élèves se demandant s'ils avaient bien entendu.
- Des potions ? s'exclamèrent Ron et Hermione en tournant vers Potter un regard ébahi. Mais tu avais dit…
- Le professeur Snape, quant à lui, poursuivit Dumbledore en élevant la voix pour couvrir la rumeur, se chargera des cours de défense contre les forces du Mal.
- Non ! s'écria Potter si fort que de nombreuses têtes se tournèrent vers lui.
Il n'y prêta aucune attention, fixant la table des professeurs d'un regard indigné. Megan elle-même était prise de court par la nouvelle. Il était de notoriété publique que Snape convoitait ce poste depuis des années, mais que Dumbledore ne lui accordait pas la confiance nécessaire pour l'y nommer. Qu'est-ce qui pouvait justifier un tel changement ?
- Harry, tu nous avais annoncé que Slughorn devait enseigner la défense contre les forces du Mal ! s'exclama Hermione.
- C'est ce que je pensais ! assura Potter d'un air ahuri.
Snape, qui était assis à la droite de Dumbledore, ne se leva pas lorsque son nom fut prononcé. Il se contenta d'un geste nonchalant de la main pour remercier les élèves de Serpentard qui l'applaudissaient, mais Megan avait perçu une expression triomphale sur son visage cireux.
- Au moins, une chose est sûre, déclara Potter d'un ton féroce, c'est que Snape sera parti à la fin de l'année.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda Ron.
- Ce poste est maudit. Personne n'y est resté plus d'un an… Quirrell en est même mort. Personnellement, je vais croiser les doigts pour qu'il y ait un nouveau cadavre…
- Harry ! s'indigna Hermione, choquée.
- Peut-être qu'il reprendra les cours de potions à la fin de l'année, dit Ron, plus raisonnablement. Ce Slughorn n'aura peut-être pas envie de faire ça longtemps. Maugrey, lui, n'est pas resté.
- Peut-être parce que Maugrey n'a jamais fait cours à Poudlard et que Barty Crouch Jr est mort ? suggéra Megan.
Dumbledore s'éclaircit la gorge. Megan, Ron, Hermione et Potter n'étaient pas les seuls à avoir réagi. Un brouhaha s'était élevé dans toute la salle à l'annonce que Snape avait fini par voir réaliser son désir le plus cher. Apparemment indifférent à la sensation qu'il venait de provoquer en annonçant la nouvelle, Dumbledore n'ajouta rien sur les professeurs et attendit quelques secondes qu'un silence total soit revenu avant de poursuivre :
- Autre chose à présent : comme tout le monde le sait dans cette salle, Lord Voldemort et ses partisans sont à nouveau en liberté et se renforcent de plus en plus.
Le silence devint tendu, pesant, à mesure qu'il parlait. Megan poussa un profond soupir résigné. Elle constata alors avec agacement que Potter n'accordait pas toute son attention au discours de Dumbledore mais observait Draco, qui faisait négligemment voler sa fourchette devant lui à l'aide de sa baguette magique. Y avait-il une limite à son obsession ?
- Je n'insisterai jamais assez sur les dangers que représente cette situation et sur les précautions que chacun d'entre nous doit prendre pour assurer notre sécurité, poursuivait Dumbledore. Les fortifications magiques du château ont été consolidées au cours de l'été, nous disposons désormais de moyens nouveaux, plus puissants, pour assurer notre protection, mais nous devrons nous garder soigneusement de toute imprudence, que ce soit de la part des élèves ou de celle des enseignants. Je vous demande donc instamment de respecter les restrictions qui pourraient vous être imposées pour des raisons de sécurité, aussi détestables qu'elles vous paraissent – en particulier l'interdiction de vous trouver ailleurs que dans votre lit en dehors des heures autorisées. Je vous supplie, au cas où vous remarqueriez quelque chose de suspect à l'intérieur ou à l'extérieur du château, d'en informer immédiatement un professeur. Je compte sur vous pour accorder, dans votre conduite quotidienne, la plus grande attention à votre sécurité et à celle des autres.
Dumbledore balaya la salle de son regard bleu, s'arrêta sur Megan, puis il sourit à nouveau. Elle savait qu'il lui avait rappelé par là son engagement à garder Potter en vie. Mais si le vieux directeur disait vrai, il y avait peu de chances que le garçon soit en danger au sein de Poudlard au cours de l'année à venir.
- Mais maintenant, des lits tièdes et confortables vous attendent et je sais que votre première priorité sera d'être parfaitement reposés pour vos cours de demain. Souhaitons-nous donc bonne nuit. Salut !
Dans l'habituel raclement assourdissant des bancs qu'on repoussait, des centaines d'élèves commencèrent à sortir de la Grande Salle pour prendre le chemin de leurs dortoirs. Hermione se précipita aussitôt pour remplir ses devoirs de préfet, consistant à montrer le chemin aux élèves de première année, mais Ron était resté auprès de Potter, qui faisait semblant de relacer ses chaussures. Megan, qui attendait Ron, manifesta bruyamment son impatience, tandis que la plupart des élèves de Gryffondor partaient devant eux.
- Qu'est-ce qui est vraiment arrivé à ton nez ? demanda Ron lorsqu'ils se retrouvèrent derrière la foule des élèves, à l'abri des oreilles indiscrètes.
Potter leur raconta alors enfin la raison de son retard. Après avoir quitté le wagon de Slughorn, il avait suivi Blaise Zabini sous la cape d'invisibilité pour saisir une occasion d'espionner Draco depuis son propre compartiment, comme l'avait deviné Megan. Il s'était dissimulé dans le filet à bagages et avait ainsi pu épier ses conversations. À l'arrivée du train à Pré-au-Lard, cependant, Draco avait attendu que le wagon se soit vidé pour pétrifier Potter, qu'il avait repéré à la suite de quelques maladresses du garçon. Il en avait ainsi profité pour lui casser le nez d'un coup de pied « de la part de son père », puis l'avait recouvert de sa cape d'invisibilité pour qu'il ne soit pas retrouvé avant le retour du Poudlard Express à Londres. C'était cependant sans compter sur Tonks, affectée à la sécurité de Pré-au-Lard, qui s'était aperçue que Potter n'avait pas quitté le train et avait deviné son sort en découvrant les volets fermés de l'un des wagons du train. Elle l'avait raccompagné à Poudlard, et confié à Snape venu l'accueillir au portail.
Preuve de la solidité de leur amitié, Ron s'abstint de rire mais Megan ne dissimula pas son rictus.
- J'ai vu Malfoy mimer quelque chose avec son nez, murmura Ron d'un air sombre.
- Oh, ça n'a pas d'importance, assura Potter avec amertume. Écoutez plutôt ce qu'il a dit avant de s'apercevoir que j'étais là…
Draco aurait affirmé qu'il ne serait peut-être plus élève à Poudlard l'année suivante, risquant d'être occupé par des choses « plus importantes et plus intéressantes ». Il se vantait ainsi que Voldemort ne se soucierait pas des diplômes de ses partisans une fois qu'il aurait pris le pouvoir, mais regarderait plutôt les services qui lui auraient été rendus. Zabini avait objecté que Draco ne pourrait être d'aucune utilité au Seigneur des Ténèbres du haut de ses seize ans, mais le garçon avait répliqué que le travail que pouvait vouloir lui confier Voldemort ne nécessitait pas de diplôme.
Megan et Ron échangèrent un regard puis secouèrent la tête.
- Ce que tu peux être naïf Potter, le fustigea la jeune fille, il essayait simplement de faire le malin devant Parkinson. En plus il savait que tu étais là et que tu entendais tout ce qu'il disait, tu crois vraiment qu'il aurait fait des révélations pertinentes dans ces conditions ?
- Quelle mission pourrait bien lui confier Tu-Sais-Qui ? renchérit Ron d'un air incrédule.
- Comment pouvez-vous être sûrs que Voldemort n'a pas besoin de quelqu'un à Poudlard ? Ce ne serait pas la première fois…
- Tu veux bien arrêter de prononcer ce nom, Harry, lança une voix derrière lui, sur un ton réprobateur, tandis que Megan le fusillait du regard.
Potter se retourna et vit Hagrid qui hochait la tête.
- Dumbledore le prononce, lui, répliqua le garçon, entêté.
- Oui, mais lui, c'est Dumbledore, pas vrai ? dit Hagrid d'un air mystérieux. Comment ça se fait que tu sois arrivé en retard, Harry ? Je me suis inquiété.
- J'ai été retenu dans le train. Et vous, pourquoi étiez-vous en retard ?
- J'étais avec Grawp, répondit Hagrid d'un ton réjoui. Je n'ai pas vu passer le temps. Il habite un nouvel endroit là-haut dans les montagnes, c'est Dumbledore qui a arrangé ça – une belle grande caverne. Il y est beaucoup plus heureux que dans la forêt. On a bien bavardé.
- Vraiment ? dit Potter en prenant garde de ne pas croiser le regard de Ron.
La dernière fois qu'ils avaient vu le demi-frère de Hagrid, un redoutable géant doué d'un talent particulier pour déraciner les arbres, son vocabulaire comprenait cinq mots, dont deux qu'il était incapable de prononcer correctement.
- Oh oui, il a beaucoup progressé, assura Hagrid avec fierté. Tu serais étonné. Je crois que je vais le former pour être mon assistant.
Ron étouffa une exclamation qu'il parvint à faire passer pour un éternuement et Megan leva les yeux au ciel.
- En voilà une bonne idée ! ironisa-t-elle.
Ils se trouvaient maintenant à proximité des portes de chêne.
- De toute façon, je vous vois demain, ce sera votre premier cours après le déjeuner. Venez un peu plus tôt, vous pourrez dire bonjour à Buck – ou plutôt à Witherwings !
Les saluant d'un signe de main amical, il sortit dans l'obscurité du parc. Megan, embarrassée, vit Ron et Potter échanger un regard éloquent.
- Vous laissez aussi tomber les cours de soins aux créatures magiques ? leur demanda-t-elle.
Les deux garçons hochèrent la tête.
- Et Hermione, elle arrête également ? demanda Ron.
Megan acquiesça. Hagrid allait être effondré quand il s'apercevrait que ses quatre élèves préférés avaient abandonné la matière qu'il enseignait.
