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TRAVAUX PRATIQUES
Comme le craignait Megan, la rentrée à Poudlard ne fit qu'alimenter l'obsession que Potter nourrissait à l'égard de Draco. Dès le lendemain matin, dans la salle commune avant même le petit-déjeuner, le garçon se hâta de raconter à Hermione les propos qu'il avait surpris dans le train la veille.
- Il essayait de faire le malin pour impressionner Parkinson, tu ne crois pas ? intervint aussitôt Ron, avant qu'Hermione ait eu le temps de dire quoi que ce soit.
- Bah, répondit-elle, l'air incertain, je ne sais pas… Ça ressemble bien à Malfoy de se prétendre plus important qu'il ne l'est… mais ce serait quand même un gros mensonge…
- Exactement, approuva Potter.
Il ne put heureusement développer ses arguments car trop de monde s'efforçait de les écouter, sans compter ceux qui le dévisageaient en chuchotant.
- C'est très mal élevé, lança sèchement Ron à l'adresse d'un élève de première année particulièrement minuscule, alors qu'ils prenaient la file pour sortir par le trou du portrait.
Le garçon, qui avait murmuré à l'un de ses amis quelque chose au sujet de Potter en se cachant derrière sa main, devint écarlate et tomba du trou sous le coup de l'émotion. Ron ricana.
- Ça me plaît beaucoup d'être en sixième année. En plus, on va avoir du temps libre. Des heures entières pendant lesquelles on pourra rester là à se détendre.
- On aura besoin de ce temps-là pour étudier, Ron ! dit Hermione tandis qu'ils avançaient dans le couloir.
- Oui, mais pas aujourd'hui, répliqua-t-il. Aujourd'hui, on va vraiment se la couler douce.
- Attends un peu, toi ! s'écria Hermione en tendant le bras pour arrêter un élève de quatrième année qui l'avait poussée, un disque vert vif à la main. Les Frisbee à dents de serpent sont interdits, donne-moi ça, ordonna-t-elle d'un ton sévère.
L'air mécontent, le garçon lui tendit le Frisbee qu'on entendait gronder, se pencha pour passer sous le bras d'Hermione et courut rattraper ses amis. Ron attendit qu'il soit hors de vue pour arracher le Frisbee des mains d'Hermione.
- Parfait, j'ai toujours eu envie d'en avoir un.
Les protestations d'Hermione furent couvertes par un gloussement sonore. Lavender Brown avait apparemment trouvé désopilante la remarque de Ron. Elle les dépassa en riant et jeta par-dessus son épaule un coup d'œil à Ron qui eut l'air très content de lui.
- L'année va être longue, déplora Megan tandis que Hermione foudroyait du regard sa camarade de dortoir.
Le plafond de la Grande Salle était d'un bleu serein, parsemé de légers nuages effilés, à l'image des carrés de ciel que l'on apercevait à travers les fenêtres à meneaux. Lorsque le courrier arriva à grand renforts de plumes, Megan jeta un coup d'œil machinal au-dessus d'elle, guettant le retour d'Eleyna alors qu'elle savait parfaitement que sa chouette ne sera pas revenue si tôt. La jeune fille l'avait en effet envoyée la veille au soir porter une lettre à Kevan, soucieuse de rester en contact avec lui pour s'assurer qu'il était toujours en vie. Elle gardait également toujours l'espoir vain que Cal braverait les consignes de sécurité et lui donnerait de ses nouvelles.
Tandis qu'elle ruminait sa déception de ne pas recevoir de courrier tout en avalant distraitement un grand bol de chocolat chaud, Ron et Potter entreprirent de raconter à Hermione leur conversation quelque peu embarrassante avec Hagrid la veille au soir.
- Il ne peut quand même pas penser que nous allons continuer les cours de soins aux créatures magiques ! s'exclama-t-elle, l'air affolé. On n'a jamais manifesté… comment dire… d'enthousiasme…
- Et puis, ça suffit comme ça, non ? ajouta Ron en avalant un œuf entier. Nous étions les seuls dans la classe à faire vraiment des efforts par simple amitié pour Hagrid. Et lui, il a pensé que nous aimions cette stupide matière. Tu crois que quelqu'un va la prendre en option pour ses ASPIC ?
Personne ne répondit. Ils savaient pertinemment qu'aucun élève de leur année ne continuerait les cours de soins aux créatures magiques. Lorsque Hagrid quitta la table des professeurs dix minutes plus tard, ils évitèrent son regard et répondirent sans conviction au signe de main enjoué qu'il leur adressa.
Après avoir terminé leur petit déjeuner, ils restèrent à leur place en attendant que le professeur McGonagall quitte à son tour la table des enseignants. Cette année, la distribution des emplois du temps se révéla plus compliquée que d'habitude car la directrice adjointe de Poudlard devait d'abord s'assurer que chacun avait obtenu des notes suffisantes aux BUSE pour pouvoir continuer les matières choisies au niveau des ASPIC.
- Félicitations à toutes les deux, vos résultats sont à la hauteur de votre travail, dit McGonagall en arrivant à la hauteur de Megan et Hermione. Miss Buckley, vous avez demandé à reprendre les cours d'Arithmancie, que vous aviez cessé de suivre depuis deux ans ?
L'intéressé acquiesça.
- Le professeur Vector a bien reçu votre dissertation. Celle-ci a dû être particulièrement convaincante, car vous êtes exceptionnellement autorisée à réintégrer sa classe.
Megan et Hermione échangèrent un sourire de triomphe : elles allaient de nouveau suivre ensemble l'intégralité de leurs cours. Autorisées à poursuivre également l'étude des Sortilèges, de la Défense contre les forces du Mal, de la Métamorphose, de la Botanique, des Runes anciennes et des Potions, elles filèrent aussitôt à un cours de Runes de la première période.
- Tu vas pouvoir être Briseuse de sort, c'est génial ! se réjouit Hermione tandis qu'elles s'installaient dans la salle de classe et sortaient leurs Syllabaires.
- Oui, enfin on verra, répondit Megan, évasive. Je ne sais pas où on en sera dans deux ans.
- Oui, bien sûr, mais il faut rester optimiste, affirma Hermione en hochant la tête. Moi, je réfléchis encore… Avec les matières que j'ai prises, si je valide les ASPIC…
- Évidemment que tu vas les valider.
- … je pourrais prétendre à un grand nombre de formations, poursuivit Hermione en agitant la main pour chasser les certitudes de Megan. Bien sûr, il serait très intéressant de faire carrière au ministère, je pourrais peut-être changer les choses…
- Ron va dire que tu marches dans les traces de Percy.
- … mais je n'ai pas renoncé à développer le projet de la S.A.L.E, conclut Hermione.
- Sérieusement ? gémit Megan. Si on survit à la guerre, tu veux gagner ta vie en faisant du porte-à-porte pour financer un Code du travail des elfes de maison ?
- Il y a plein de manières d'agir pour les aider !
Elle n'eut cependant pas le loisir de développer ses théories, au grand soulagement de Megan, car le professeur Babbling venait d'entrer dans la salle et de réclamer le silence.
- Bonjour à tous, je suis ravie de vous accueillir de nouveau dans ma classe. Félicitations aux élèves de sixième année, puisque votre présence témoigne d'une réussite à vos épreuves de BUSE ! Comme vous le savez, ce cours est commun aux élèves des deux dernières années, puisque vous préparez tous les épreuves des ASPIC, qui ne sont pas une mince affaire. Pour commencer… combien d'entre vous envisagent une carrière de traducteur de runes, après leurs études ?
Sur les dix élèves présents dans la salle, seuls deux étudiants de septième année levèrent la main. Babbling ne se montra pas surprise, probablement consciente que consacrer sa vie professionnelle à des morceaux de parchemin recouverts de symboles obscurs n'était pas le rêve de tous les adolescents.
- Mr Cooper et Mr Dungle, dit-elle, très bien, je vois que vous avez changé d'avis depuis l'année dernière. Peut-être que vos camarades de sixième année en feront autant ! Maintenant commençons. Vous trouverez tous sur vos tables un parchemin à traduire. Miss O'Neill, vous allez commencer. Traduisez la première ligne à voix haute, puis votre voisin, Mr Catcher, poursuivra, et ainsi de suite. Si l'un de vous bute sur un terme, ou se trompe, j'invite ses camarades à lever la main pour lui venir en aide. Nous vous écoutons, Miss O'Neill.
Le cours n'avait rien de passionnant, mais Megan tirait une certaine satisfaction de sa capacité à donner du sens à la suite de bâtons et de points qui s'étendait sous ses yeux, et elle et Hermione mettaient un point d'honneur à corriger chaque erreur de leurs camarades – pour les aider à progresser, comme le soulignait Hermione. Mais lorsqu'elles ressortirent de la classe une heure et demie plus tard pour se rendre au cours de Défense contre les forces du Mal, les bras chargés de livres, elles étaient bien moins ravies.
- On a plein de devoirs en runes, annonça Hermione d'un ton anxieux lorsque Ron et Potter les eurent rejointes dans la queue qui s'était formée devant la salle de classe. Une dissertation de quarante centimètres de long, deux versions et il faut encore qu'on lise tout ça d'ici mercredi !
- Pas drôle, marmonna Ron en bâillant.
Lui et Potter n'avaient pas encore eu de cours et avaient pu profiter d'un temps libre après le petit-déjeuner.
- Tu fais le malin, mais Snape va se faire un plaisir de nous surcharger de travail, lui fit remarquer Megan.
La porte s'ouvrit à ce moment-là et Snape sortit dans le couloir, son visage cireux toujours encadré par deux rideaux de cheveux noirs et graisseux. Le silence tomba aussitôt sur la file d'élèves qui attendaient.
- Allez-y, dit-il.
Au fil des années, la salle de Défense contre les forces du Mal avait considérablement évolué. Lorsque Quirrell enseignait la matière, la pièce était remplie de souvenirs de ses voyages à travers le monde, ainsi que d'une grande quantité d'ail. Lockhart avait fait de la classe un temple à sa propre image. Lupin et le faux Fol Œil avaient préféré libérer un maximum d'espace pour laisser la place aux entraînements pratiques. Umbridge avait suspendu d'affreuses assiettes représentant des chatons. En ce premier jours de cours, Snape avait déjà imposé sa personnalité à la pièce. Elle était plus sombre qu'à l'ordinaire, à cause des rideaux qui masquaient les fenêtres, et éclairée par des chandelles. De nouvelles images étaient accrochées aux murs : la plupart montraient des gens qui souffraient, exhibant d'horribles blessures ou des parties du corps étrangement déformées. Personne ne dit mot tandis qu'ils s'installaient en regardant ces monstrueuses représentations.
- Je ne vous ai pas demandé de sortir vos livres, fit remarquer Snape qui referma la porte et vint se placer derrière son bureau, face à la classe.
Hermione laissa aussitôt retomber son exemplaire de Affronter L'ennemi sans visage dans son sac qu'elle rangea sous sa chaise. Megan esquissa un sourire satisfait : Umbridge leur avait suffisamment demandé de lire dans cette classe, il était temps de passer à la pratique.
- J'ai certaines choses à vous dire qui exigent une pleine et entière attention.
Ses yeux noirs se promenèrent sur les élèves tournés vers lui.
- Je crois que, jusqu'à présent, vous avez eu cinq professeurs différents pour assurer ce cours.
- Comme s'il n'était pas sûr du chiffre, ricana Megan à voix basse, s'attirant un coup d'œil inquiet de Hermione.
- Bien entendu, ces professeurs ont tous eu leurs propres méthodes et leurs sujets de prédilection. Étant donné la confusion qui en a résulté, je suis surpris que beaucoup d'entre vous aient réussi à décrocher une BUSE dans cette matière. Je serais encore plus surpris si vous parveniez tous à travailler suffisamment pour suivre le programme de l'ASPIC, qui sera beaucoup plus avancé.
Snape quitta son bureau et entreprit de faire le tour de la salle, parlant maintenant d'une voix plus basse. Les élèves durent tendre le cou pour ne pas le perdre de vue.
- Les forces du Mal, poursuivit Snape, sont nombreuses, diverses, toujours changeantes et éternelles. Les combattre, c'est comme combattre un monstre aux multiples têtes. Chaque fois qu'on en tranche une, une autre repousse, plus cruelle encore et plus rusée qu'avant. Vous devez affronter ce qui est instable, mouvant, indestructible.
Il était perturbant d'entendre Snape parler des forces du Mal avec ce ton caressant, amoureux. Megan ne pouvait cependant qu'approuver ces paroles, qui justifiaient toute la fascination qu'elle portait à ce sujet.
- Vos défenses, continua Snape, d'une voix un peu plus sonore, doivent par conséquent être aussi flexibles et inventives que les forces qu'il vous faut vaincre. Ces images (il en montra quelques-unes en passant devant) donnent une assez bonne idée de ce qui arrive lorsqu'on subit un sortilège Doloris, par exemple (il désigna d'un geste une sorcière qui hurlait de douleur), ou le baiser d'un Détraqueur (un sorcier recroquevillé, le regard vide, effondré contre un mur) ou l'agression d'un Inferius (une masse sanglante gisant sur le sol).
Megan déglutit aussi discrètement qu'elle le put. Voldemort lui avait infligé le sortilège Doloris à plusieurs reprises et elle se souvenait de la douleur brûlante, qui l'avait atteinte jusque dans ses os, jusqu'aux moindres confins de sa personne, lui arrachant des sons qu'elle ne se pensait pas capable de produire. Elle avait également subi de près les effets dévastateurs des Détraqueurs, ces seuls ennemis qu'elle était incapable de combattre. Quand serait-elle enfin capable de produire un Patronus, cette prouesse magique dans laquelle Potter excellait pourtant ?
- Est-ce qu'on a vu un Inferius, récemment ? demanda Parvati Patil d'une petite voix aiguë. On est sûr qu'il s'en sert ?
- Le Seigneur des Ténèbres a eu recours à des Inferi dans le passé, répondit Snape, vous seriez donc bien inspirés de supposer qu'il peut à nouveau en faire usage. À présent…
Il passa de l'autre côté de la salle pour revenir à son bureau et les élèves le suivirent des yeux, sa robe sombre virevoltant derrière lui.
- … j'imagine que vous êtes de complets novices en matière de sortilèges informulés. Quel est l'avantage d'un sortilège informulé ?
La main d'Hermione jaillit aussitôt. Snape prit son temps, regardant tous les autres pour être sûr qu'il n'avait pas le choix. Megan était consternée que personne d'autre ne soit capable de répondre. N'avaient-ils jamais assisté à l'usage de cette pratique ? Avaient-ils seulement la moindre idée de ce qu'était un véritable combat magique ?
- Très bien…, dit Snape d'un ton sec. Miss Granger ?
- Votre adversaire ne sait pas quel genre de magie vous allez utiliser, ce qui vous donne une fraction de seconde d'avance sur lui.
- Une réponse copiée presque mot pour mot dans Le Livre des sorts et enchantements, niveau 6, remarqua Snape d'un air dédaigneux (dans un coin de la classe, Draco ricana), mais correcte sur le fond. Oui, ceux qui parviennent à user de magie sans formuler d'incantations bénéficient d'un effet de surprise lorsqu'ils jettent un sort. Tous les sorciers n'en sont pas capables, bien sûr. C'est une question de concentration et de force mentale dont certains (son regard malveillant s'attarda sur Potter) manquent singulièrement.
Le garçon refusa de baisser les yeux et fixa Snape d'un regard noir jusqu'à ce que ce dernier détourne le sien.
- Vous allez maintenant vous répartir en équipes de deux. L'un des deux partenaires essayera d'ensorceler l'autre sans parler et l'autre tentera de repousser le maléfice en restant tout aussi muet. Allez-y.
Snape ne l'ignorait pas, Megan avait toujours été capable d'utiliser des sorts informulés. Elle n'eut ainsi aucun mal à repousser les sortilèges de Folloreille de Hermione. Sa camarade parvint à en faire de même au bout d'une dizaine de minutes. N'ayant pas été le réceptacle d'une partie des pouvoirs de Voldemort avant sa naissance, Hermione accomplissait là un véritable exploit que n'importe quel professeur sensé aurait récompensé de vingt points pour Gryffondor, mais auquel Snape resta indifférent. Les autres élèves ne rencontraient pas le même succès. Beaucoup murmuraient simplement l'incantation au lieu de la lancer à voix haute. Lorsque Snape s'arrêta devant Ron et Potter pour observer leurs efforts, Ron avait le teint violet, serrant étroitement les lèvres pour résister à la tentation de chuchoter l'incantation.
- Lamentable, Weasley, commenta Snape au bout d'un moment sans que rien ne se passe. Tenez, je vais vous montrer…
D'un geste si rapide qu'il en parut flou, il pointa sa baguette sur Potter, qui s'écria :
- Protego !
Son Charme du Bouclier fut si puissant que Snape perdit l'équilibre et tomba sur une table. Toute la classe se tourna vers lui et le regarda se redresser, l'air mécontent.
- Vous souvenez-vous que j'avais parlé de sortilèges informulés, Potter ?
- Oui, répondit le garçon avec raideur.
- Oui, monsieur.
- Il n'est pas nécessaire de m'appeler « monsieur », professeur.
Plusieurs élèves, dont Hermione, sursautèrent. Derrière Snape, Ron, Dean et Seamus eurent un sourire approbateur, et même Megan ne put retenir un rictus appréciateur. C'était osé, mais très drôle, dut-elle reconnaître.
- Retenue, samedi soir, dans mon bureau, dit Snape. Je ne tolère d'impertinences de personne, Potter… pas même lorsqu'elles viennent de l'Élu.
- C'était magnifique, Harry ! s'exclama Ron en pouffant de rire lorsqu'ils eurent quitté la classe un peu plus tard pour aller en récréation.
- Tu n'aurais vraiment pas dû dire ça, déclara Hermione en regardant Ron les sourcils froncés. Qu'est-ce qui t'a pris ?
- Il a essayé de me jeter un maléfice au cas où tu ne l'aurais pas remarqué ! fulmina Potter. J'ai suffisamment subi ce genre de choses pendant les leçons d'occlumancie ! Pourquoi ne prendrait-il pas un autre cobaye pour changer ? On se demande à quoi joue Dumbledore en lui confiant les cours de défense ! Vous l'avez entendu parler des forces du Mal ? Il les adore ! Tous ces trucs qu'il a racontés sur ce qui est instable, indestructible…
- Eh bien moi, dit Hermione, j'ai pensé qu'il parlait un peu comme toi.
- Comme moi ?
- Oui, quand tu nous expliquais ce qu'on ressent face à Voldemort. Tu nous disais qu'il ne suffit pas de se souvenir de quelques sortilèges, qu'il n'y a plus que le cerveau et les tripes qui comptent – n'était-ce pas ce que Snape disait aussi ? Que tout est dans le courage et la rapidité d'esprit ?
Potter fut si désarmé par sa remarque qu'il ne trouva rien à redire.
- Harry ! Hé, Harry !
L'intéressé se retourna : Jack Sloper, l'un des batteurs de l'équipe de Quidditch de l'année précédente, courait vers lui, un parchemin à la main.
- Pour toi, dit Sloper, hors d'haleine. Écoute, j'ai appris que tu étais le nouveau capitaine. Quand est-ce que tu fais passer les essais ?
- Je ne sais pas encore, répondit Potter tandis que Megan jetait à Sloper un regard qui indiquait que le garçon pourrait s'estimer très heureux s'il était à nouveau sélectionné. Je te préviendrai.
- D'accord, j'espérais que ce serait pendant le week-end…
Sans accorder d'attention à la phrase inachevée de Sloper, Potter s'éloigna en hâte, les yeux rivés sur le parchemin, suivi de Megan, Ron et Hermione. Il déroula le message et tous les quatre purent lire l'écriture fine et penchée de Dumbledore :
Cher Harry,
Je voudrais que nous commencions nos leçons particulières samedi prochain. Aie la gentillesse de venir à mon bureau à huit heures du soir. J'espère que tu es content de ton premier jour d'école.
Bien à toi.
Albus Dumbledore
P.S. J'aime beaucoup les Suçacides.
- Il aime les Suçacides ? s'étonna Ron, perplexe.
- Ce n'est pas pour que Potter lui amène des bonbons pour le remercier de son premier jour d'école, c'est le mot de passe pour la gargouille à l'entrée de son bureau, répondit Megan.
- Snape ne va pas être content… Je ne pourrai pas faire sa retenue ! se réjouit Potter.
Megan, elle, n'était pas contente. Elle avait oublié que Potter allait suivre des cours particuliers avec Dumbledore, et l'idée lui paraissait toujours aussi stupide.
Les trois autres passèrent toute la récréation en spéculations sur ce que Dumbledore pourrait bien lui enseigner. Ron penchait pour des maléfices et des mauvais sorts spectaculaires d'un genre que les Mangemorts eux-mêmes ignoreraient. Hermione objecta que de telles pratiques étaient illégales et croyait plutôt que Dumbledore voulait apprendre à Harry des sortilèges défensifs de haut niveau. Megan n'apporta pour toute contribution que le rappel qu'il faudrait que les apprentissages soient adaptés au niveau de Potter. Elle était convaincue que ces cours ne pouvaient pas être des leçons de magie et avait finalement hâte de savoir ce que réservait Dumbledore cette fois.
Après la récréation, Megan et Hermione se rendirent en cours d'Arithmancie.
- Bon retour parmi nous, Miss Buckley, commenta le professeur Vector d'un air pincé lorsqu'elles passèrent la porte de la salle de classe.
Megan ne répondit pas et se dirigea vers la place qu'elle occupait en troisième année, mais eu la désagréable surprise de trouver la chaise déjà occupée.
- C'est ma place, indiqua-t-elle sèchement.
La fille lui jeta un regard mauvais sous ses mèches brunes aux longueurs colorées en rouge. Megan ne se souvenait que vaguement l'avoir déjà vue mais ne se rappelait pas son nom.
- Visiblement, c'est la mienne, répondit l'inconnue.
Megan haussa un sourcil. Elle n'avait pas l'habitude qu'on lui tienne tête.
- Dégage, s'agaça-t-elle.
- C'est pas grave, Megan, on va aller s'asseoir ailleurs, dit précipitamment Hermione en prenant sa meilleure amie par le bras.
Mais Megan refusa de bouger. Ce n'était pas maintenant qu'elle allait se laisser marcher dessus par une fille si banale qu'elle n'avait jamais entendu parler d'elle.
- Je ne le demanderai pas une quatrième fois, insista-t-elle froidement. Bouge.
L'élève de Serdaigle croisa les bras sur sa poitrine et lui jeta un regard de défi. Lassée, Megan tendit le bras vers l'épaule de la fille. Celle-ci sursauta violemment et poussa un cri de douleur qui attira tous les regards dans leur direction.
- Qu'est-ce qu'il se passe, là-bas ? lança le professeur Vector, qui venait d'accueillir les derniers élèves à rejoindre son cours.
- Je crois qu'elle s'est brûlée, répondit Megan en se tournant vers l'enseignant.
Vector s'empressa de rejoindre la table. La fille s'était recroquevillée sur elle-même en se tenant l'épaule droite de la main gauche, gémissant de douleur et poussant des jurons imaginatifs.
- Allons, laissez-moi voir ça.
Passant outre les protestations de l'élève, Vector écarta sa main et le col de sa chemise d'uniforme, révélant une trace de brûlure vive sur la peau de la jeune fille, qui poussa un cri de douleur lorsque le tissu de son vêtement effleura la plaie. Hermione laissa échapper un cri de surprise horrifié.
- Rien de grave, dit stoïquement le professeur. Miss Macdougal, accompagnez Miss Brocklehurst à l'infirmerie.
Furieuse, des larmes de douleur et de colère coulant sur ses joues, Brocklehurst rassembla ses affaires et quitta la salle de classe aussi vite qu'elle le put, sa camarade sur les talons.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Vector en se tournant vers Megan et Hermione.
- Je ne sais pas, professeur, quand je lui ai touché l'épaule elle s'est mise à crier, mentit la première. C'est une sale brûlure, elle aurait dû aller à l'infirmerie dès que ça lui est arrivé au lieu d'aller en classe.
- Effectivement, grogna le professeur. Tout le monde assis, maintenant, je ne veux pas prendre de retard sur le programme, nous avons beaucoup de choses à étudier pour les ASPIC…
- On sait toutes les deux que Mandy Brocklehurst n'avait pas cette brûlure quand elle est arrivée dans la classe, siffla Hermione tandis que Megan reprenait à sa place habituelle. Qu'est-ce que tu as fait ?
- Je m'entraîne à pratiquer les sortilèges informulés pour réussir mes ASPIC de Défense contre les forces du Mal, tu devrais être fière de moi, répondit la jeune fille à voix basse.
- Megan, tu n'avais pas ta baguette à la main !
Un regard sévère du professeur Vector dans leur direction les força à se taire jusqu'à ce qu'il se retourne. Hermione poursuivit alors à voix plus basse :
- Ce n'est pas la première fois que je te vois jeter un sort sans ta baguette.
- C'est très répandu en Afrique.
- Tu n'es jamais allée en Afrique, Megan. Et pourquoi tu lui as fait ça, à cette pauvre fille ? En tant que préfète –
- Tu ne devrais pas discuter en classe, compléta Megan d'un ton sans appel.
Hermione s'enferma dans un silence furieux pendant le reste du cours. Le déjeuner en compagnie de Ron et Potter sembla cependant la dérider puisqu'elle eut le loisir de sermonner les garçons qui, malgré une nouvelle heure de temps libre, n'avaient toujours pas terminé leurs devoirs pour Snape. Ils s'y attelèrent donc tous les quatre après manger, et ils venaient de finir lorsque la cloche sonna pour leur double cours de potions. Ils prirent alors le chemin familier qui menait aux cachots, dans la salle qui avait été si longtemps celle de Snape.
À leur arrivée dans le couloir, ils virent qu'une douzaine d'élèves seulement avaient été admis en classe d'ASPIC. Crabbe et Goyle avaient bien évidemment raté leurs BUSE mais quatre Serpentard avaient réussi à obtenir la note requise, y compris Draco, au grand déplaisir de Megan. Il y avait aussi quatre Serdaigle et un Poufsouffle, Ernie Macmillan, qui avait fait partie de l'A.D.
- Harry, dit ce dernier d'un ton solennel en tendant la main à Potter, je n'ai pas eu l'occasion de te saluer ce matin, en classe de défense contre les forces du Mal. J'ai trouvé le cours intéressant mais le charme du Bouclier, bien sûr, c'était un peu du réchauffé pour nous, les vieux briscards de l'A.D… Comment ça va, Ron ? Et toi, Hermione ?
Megan ne se formalisa pas d'être ignorée : elle ne s'intéressait pas à Macmillan et n'aurait pas tenté de le cacher. Mais à peine Ron et Hermione eurent-ils le temps de répondre « très bien » que la porte du cachot s'ouvrit et l'énorme ventre de Slughorn le précéda dans le couloir. Tandis qu'ils entraient dans la salle en file indienne, sa grosse moustache de morse se retroussa sur un sourire rayonnant et il accueillit Potter et Zabini avec un enthousiasme tout particulier – eux, les membres du « Club de Slug ». Megan eut un rictus méprisant : l'enseignant avait déjà ses élèves préférés alors que le premier cours de l'année n'avait pas encore commencé, et il les avait très mal choisis.
Contrairement à l'habitude, le cachot était déjà rempli de vapeurs et d'odeurs bizarres. Ron, Hermione et Potter reniflèrent d'un air intéressé en passant devant de grands chaudrons bouillonnants. Le regard de Megan brillait de curiosité : elle reconnaissait les potions qui les attendaient et sentait que ce cours n'allait pas manquer d'intérêt. Les quatre Serpentard s'assirent à une même table, imités par les quatre Serdaigle. Megan, Ron, Hermione et Potter s'assirent ensemble et furent rejoints par Macmillan. Ils choisirent la table qui se trouvait tout près d'un chaudron dans lequel une substance d'une couleur dorée dégageait un des parfums les plus exquis que Megan ait jamais connus. Elle identifia aussitôt l'Amortentia, dont les effluves lui évoquaient à la fois l'air frais du matin avant un vol, un parfum masculin, l'odeur de bois qui flottait dans la maison de son enfance où brûlait constamment un feu de cheminée et, étrangement, l'odeur du sang.
- Voyons, voyons, voyons, commença Slughorn dont la silhouetté massive semblait trembloter derrière les vapeurs chatoyantes qui s'échappaient des chaudrons. Sortez vos balances et vos nécessaires à potions, sans oublier votre exemplaire du Manuel avancé de préparation des potions…
- Monsieur ? dit Potter en levant la main.
- Harry, mon garçon ?
- Je n'ai ni livre, ni balance, ni rien – et Ron non plus… Nous n'avions pas prévu de pouvoir suivre vos cours en ASPIC…
- Ah oui, le professeur McGonagall m'en a parlé… ne vous faites pas de souci, mon garçon, pas de souci du tout. Aujourd'hui, vous utiliserez les ingrédients qui se trouvent dans l'armoire et nous pourrons sûrement vous prêter une balance. Nous avons également quelques vieux livres dont vous vous servirez en attendant de les commander chez Fleury et Bott…
Slughorn se dirigea vers un coin de la salle et fouilla un certain temps dans un placard d'où il finit par ressortir deux exemplaires très abîmés du Manuel avancé de préparation des potions, de Libatius Borage, qu'il donna à Ron et à Potter en même temps que deux balances en métal terni.
- Alors, maintenant, voyons, reprit Slughorn qui revint devant les élèves et gonfla son torse déjà proéminent, les boutons de son gilet menaçant de sauter. J'ai préparé quelques potions pour que vous y jetiez un coup d'œil, par simple curiosité. C'est le genre de choses que vous devriez être capables de réussir après avoir obtenu vos ASPIC. Vous en avez sûrement entendu parler, même si vous ne les avez jamais faites vous-mêmes. Quelqu'un peut-il me dire le nom de celle-ci ?
Il indiqua le chaudron situé près de la table des Serpentard qui contenait un liquide comparable à de l'eau bouillante. La main bien entraînée d'Hermione se dressa avant que quiconque d'autre ait eu le temps de réagir. Slughorn lui fit signe de parler.
- C'est du Veritaserum, une potion incolore et sans odeur qui oblige celui qui la boit à dire la vérité, répondit-elle.
- Très bien, très bien ! s'exclama Slughorn d'un ton réjoui. À présent, poursuivit-il, en montrant le chaudron proche de la table des Serdaigle, celle-ci est très connue… Elle est également citée dans certaines brochures récemment distribuées par le ministère… Qui peut…
La main d'Hermione fut à nouveau la plus rapide, mais Megan parla avant elle :
- Du Polynectar.
Hermione et elle échangèrent un coup d'œil complice : la compétition pour être la meilleure élève de l'année était de nouveau lancée. Après tout, quitte à être revenue à Poudlard contre son gré, Megan avait bien l'intention d'en tirer quelque chose d'intéressant.
La substance qui frémissait lentement dans le deuxième chaudron était comparable à de la boue. Megan et Hermione avaient réussi à en préparer par leurs propres moyens au cours de leur deuxième année, ce que les professeurs ignoraient bien entendu. Elles n'avaient donc eu aucune difficulté à l'identifier.
- Excellent, excellent ! Maintenant, celle-ci… Oui ? dit Slughorn qui parut un peu étonné de voir les mains de Megan et d'Hermione fuser.
- C'est de l'Amortentia, annoncèrent-elles en chœur.
- En effet. Ça paraît presque idiot de poser la question, commenta Slughorn, apparemment très impressionné. Et j'imagine que vous connaissez ses effets ?
- C'est le plus puissant philtre d'amour au monde, indiqua Megan.
- Tout à fait exact ! Vous l'avez identifiée, je suppose, grâce à sa couleur nacrée caractéristique ?
- Et à sa vapeur qui s'élève en spirales très reconnaissables, ajouta Hermione avec enthousiasme. On dit qu'elle a une odeur différente pour chacun de nous, selon ce qui nous attire le plus. Moi, je sens un parfum d'herbe fraîchement coupée, de parchemin neuf et…
Ses joues rosirent un peu et elle préféra ne pas terminer sa phrase. Megan lui jeta un coup d'œil en biais. Elle aurait aimé entendre la suite.
- Puis-je savoir vos noms, très chères ? demanda Slughorn sans prêter attention à la gêne d'Hermione.
- Hermione Granger, monsieur.
- Granger ? Granger ? Seriez-vous parente d'Hector Dagworth-Granger, fondateur de la Très Extraordinaire Société des potionnistes ?
- Non, je ne crois pas, monsieur. Je suis d'origine moldue.
A l'autre bout de la salle, Draco se pencha vers Nott et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Tous deux ricanèrent mais Slughorn ne se montra nullement décontenancé. Au contraire, son visage s'illumina et son regard alla d'Hermione à Potter, qui était assis à côté d'elle.
- Oho ! « L'une de mes plus proches amies a des parents moldus et c'est la meilleure élève de notre année ! » Je crois deviner que c'est de cette amie-là que vous parliez, Harry ?
- Oui, monsieur, répondit-il.
- Bien, bien, bien, Gryffondor a largement mérité vingt points pour vos réponses, Miss Granger, annonça Slughorn d'un ton cordial.
Draco faisait à peu près la même tête que le jour où Hermione lui avait donné une gifle. Cette dernière tourna vers Potter un visage radieux et murmura :
- Tu lui as vraiment dit que j'étais la meilleure élève ? Oh, Harry !
- Qu'est-ce qu'il y a de si extraordinaire à ça ? murmura Ron, qui paraissait agacé. C'est évident que tu es la meilleure – moi aussi, je l'aurais dit si on me l'avait demandé !
Hermione sourit mais elle leur fit signe de se taire pour qu'ils puissent entendre ce que disait Slughorn. Ron avait l'air un peu renfrogné.
- Et vous, chère amie ? poursuivait le professeur en tournant les yeux vers Megan d'un air plus réservé.
L'orgueil et l'air revêche de la jeune fille tranchaient avec l'enthousiasme innocent de Hermione.
- Meganna Buckley, annonça-t-elle d'une voix blanche.
- Buckley ? Je vois…
Son air indiquait qu'il n'allait certainement pas l'inviter à faire partie de son club. Draco eut sur le visage une expression indéchiffrable, mais Megan ne broncha pas.
- Eh bien voilà qui fera vingt points supplémentaires pour Gryffondor, décréta Slughorn. Maintenant ! Bien sûr, l'Amortentia ne crée pas vraiment un sentiment d'amour. Il est impossible de fabriquer ou d'imiter l'amour. Non, elle produit simplement une forte attirance ou une obsession. C'est sans doute la plus dangereuse et la plus puissante des potions qui se trouvent dans cette salle – eh, oui, ajouta Slughorn en hochant la tête d'un air grave vers Draco et Nott qui affichaient tous deux un sourire sceptique, illustrant la pensée de Megan. Quand vous aurez autant que moi l'expérience de la vie, vous ne sous-estimerez pas le pouvoir de l'amour obsessionnel… Et maintenant, il est temps de nous mettre au travail.
- Monsieur, vous ne nous avez pas dit ce qu'il y a dans celui-ci, dit Macmillan qui montrait un petit chaudron noir posé sur le bureau de Slughorn.
La potion qu'il contenait bouillonnait joyeusement. Elle avait une couleur d'or fondu et de grosses gouttes sautaient à sa surface comme des poissons rouges, sans que la moindre particule ne déborde.
- Oho, répéta Slughorn.
De toute évidence, il n'avait pas oublié la potion mais avait attendu qu'on lui pose la question pour ménager un effet plus théâtral.
- Ah, oui. Celle-ci. Eh bien, mesdemoiselles et messieurs, il s'agit là d'une très étrange petite potion qu'on appelle Felix Felicis. Je suis sûr, ajouta-t-il en adressant un sourire à Hermione qui avait laissé échapper une exclamation, que vous connaissez les effets de Felix Felicis, Miss Granger ?
- C'est de la chance liquide, répondit Hermione, surexcitée. Il suffit d'en boire pour avoir une chance extraordinaire !
Toute la classe sembla se redresser. De manière exceptionnelle, Draco accordait désormais à un professeur une attention pleine et entière.
- Parfaitement exact, dix points de plus pour Gryffondor. Oui, c'est une drôle de petite potion, Felix Felicis, poursuivit Slughorn. Horriblement difficile à préparer et désastreuse quand elle est mal faite. Mais si on la mélange correctement, ce qui est le cas de celle-ci, on s'aperçoit que tout ce qu'on entreprend est couronné de succès… en tout cas jusqu'à ce que ses effets se dissipent.
- Pourquoi les gens n'en boivent-ils pas tout le temps, monsieur ? demanda Terry Boot, avide d'en savoir plus.
- Parce que si on en prend trop, elle provoque des étourdissements, une tendance à l'imprudence et un excès de confiance en soi qui peut se révéler dangereux, répondit Slughorn. Il ne faut pas abuser des bonnes choses, comme vous le savez… et elle est hautement toxique en grande quantité. Mais consommée avec modération et très occasionnellement…
- Vous en avez déjà bu, monsieur ? demanda Michael Corner avec un grand intérêt.
- Deux fois, dit Slughorn. Une fois quand j'avais vingt-quatre ans, une autre fois quand j'en avais cinquante-sept. Deux cuillerées à soupe au petit déjeuner. Deux jours parfaits dans ma vie.
Son regard se perdit au loin. Qu'il joue la comédie ou pas, l'effet était réussi, songea Megan.
- Et c'est cela, reprit Slughorn, en revenant sur terre, que je vais offrir comme récompense à la fin de ce cours.
Il y eut un silence pendant lequel on percevait chaque bouillonnement, chaque gargouillis, avec une intensité décuplée. Megan n'avait jamais été aussi attentive aux paroles d'un professeur – tout comme Draco.
- Un tout petit flacon de Felix Felicis, continua Slughorn en sortant de sa poche une minuscule bouteille de verre munie d'un bouchon, qu'il montra à tout le monde. Une dose suffisante pour douze heures de chance. De l'aube au crépuscule, une réussite totale dans tout ce que vous entreprendrez. Je dois toutefois vous avertir que Felix Felicis est une substance interdite dans les compétitions organisées… les événements sportifs, par exemple, les examens ou les élections. Par conséquent, le gagnant ne devra en faire usage qu'un jour ordinaire… Et vous verrez que ce jour ordinaire se transformera en journée extraordinaire ! Comment s'y prendre pour gagner cette fabuleuse récompense ? poursuivit Slughorn, d'un ton soudain plus animé, eh bien, en allant à la page du Manuel avancé de préparation des potions. Nous avons un peu plus d'une heure devant nous, ce qui devrait vous suffire pour tenter de réaliser à peu près convenablement un philtre de Mort Vivante. Je sais, c'est plus compliqué que tout ce que vous avez essayé jusqu'à présent et je ne m'attends pas à ce que tout le monde obtienne un résultat parfait. Celui ou celle qui aura le mieux réussi, cependant, gagnera le flacon de Felix. Allez-y !
On entendit le raclement des chaudrons que les élèves tiraient vers eux et de grands bruits métalliques lorsqu'ils commencèrent à entasser des poids dans les plateaux de leurs balances, mais personne ne prononça le moindre mot. La concentration dans la classe était telle qu'elle en devenait presque palpable. Draco feuilletait fébrilement son Manuel avancé de préparation des potions. Megan avait déjà ouvert le livre à la bonne page et parcourait consciencieusement la liste des ingrédients nécessaires. Il était hors de question de manifester son désir de remporter l'extrait de cette potion qu'elle se savait incapable de préparer elle-même, aussi elle tâcha de garder un air impassible tandis qu'elle sortait prestement de son nécessaire à potions le matériel qui lui serait nécessaire. Potter s'était montré beaucoup plus empressé en se rendant à l'armoire qui contenait les ingrédients qu'il allait utiliser, et se précipita ensuite sur son chaudron en jetant des coups d'œil à Draco qui coupait le plus vite possible ses racines de valériane. Tout le monde observait le travail des autres pour vérifier ce qu'ils faisaient. Megan était cependant consciente qu'elle n'était pas une excellente préparatrice, et que la tâche qui leur avait été confiée n'était pas facile. Si elle n'était pas trop inquiète par le travail de la majeure partie des autres élèves, elle savait que Hermione était une véritable menace.
Dix minutes plus tard, la salle était entièrement remplie de vapeurs bleuâtres. Megan semblait la plus avancée. Sa potion ressemblait déjà au « liquide satiné, couleur cassis », décrit comme idéal lorsqu'on était à mi-chemin de la préparation. Hermione n'en était pas non plus bien loin. Quel usage ferait-elle du Felix Felicis ? Obtenir de Ron qu'il lui avoue enfin ses sentiments ? Megan avait remarqué que Hermione portait fréquemment le parfum que le jeune homme lui avait offert pour Noël l'an passé, et qu'il ne manquait jamais de le remarquer, rosissant les joues de son amie. Il y avait bien plus important que leur incapacité réciproque à voir l'évidence.
Potter était constamment penché sur son manuel, comme s'il ne parvenait à déchiffrer les instructions pourtant lisiblement inscrites par Libatius Borage. Quant à Ron, il arborait un air contrit en observant les étranges effluves qui émanaient de son chaudron.
- Monsieur, je crois que vous avez connu mon grand-père, Abraxas Malfoy ?
Slughorn passait devant la table des Serpentard.
- Oui, répondit Slughorn sans regarder Draco. J'ai été désolé d'apprendre sa mort, mais il fallait s'y attendre, la Dragoncelle à son âge…
Et il s'éloigna. Megan jeta un regard méprisant à Draco avant de se retourner vers la fève sopophorique qu'elle devait découper. Il cherchait à bénéficier de la même attention que Potter et Zabini, et s'était ridiculisé. Il était certain que l'attitude de Slughorn était bien éloignée du traitement de faveur dont bénéficiait Draco avec Snape.
- Je peux t'emprunter ton couteau d'argent ? demanda Potter à Hermione.
La jeune fille acquiesça d'un air impatient, sans quitter des yeux sa potion qui avait toujours une couleur violet foncé alors que, d'après le livre, elle aurait dû prendre une légère teinte lilas à ce stade de la préparation. Celle de Megan n'avait pas parfaitement cette couleur, ce qui agaçait l'intéressée. Elle n'était parvenue à récupérer que peu de jus de sa fève sopophorique et s'était même entaillé le doigt avec son couteau en la découpant péniblement.
- Comment es-tu arrivé à ça ? interrogea Hermione d'un ton impérieux, quelques minutes plus tard.
Elle observait la potion rose pâle de Potter sous ses cheveux ébouriffés dans les vapeurs de son propre chaudron, le teint rouge. Sa propre potion était toujours violette. Celle de Megan avait enfin atteint la couleur lilas attendue, mais ce n'était plus la couleur que sa potion devait avoir à ce stade de la préparation d'après le manuel, ce qui l'irritait.
- Fais un tour dans le sens des aiguilles d'une montre…, murmura Potter.
- Non, non, le livre dit qu'il faut remuer dans l'autre sens, répliqua sèchement Hermione.
Potter haussa les épaules et poursuivit sa tâche, tandis que Megan se concentrait de nouveau sur le mélange qu'elle touillait. De l'autre côté de la table, Ron marmonnait des jurons à flot continu. Sa potion ressemblait à du réglisse liquide. Celle de Megan commençait à peine à pâlir sous son regard concentré.
- Et voilà, le temps est… écoulé ! déclara Slughorn peu après. Arrêtez, s'il vous plaît !
Il passa lentement entre les tables, examinant les chaudrons. Il s'abstenait de tout commentaire mais reniflait parfois une potion ou la remuait un peu. Enfin, il arriva à la table où Megan, Ron, Hermione, Potter et Macmillan étaient assis. Il eut un sourire navré devant la substance semblable à du goudron que contenait le chaudron de Ron. Il n'accorda aucune attention à la mixture bleu marine de l'élève de Poufsouffle, mais salua d'un signe de tête approbateur les potions de Megan et Hermione. Enfin, quand il vit celle de Potter, une expression de ravissement incrédule illumina son visage.
- Le vainqueur incontestable ! s'écria-t-il à la cantonade. Excellent, excellent, Harry ! Dieu du ciel, il est évident que vous avez hérité du talent de votre mère, elle avait le don pour les potions, Lily, sans aucun doute ! Alors, le voilà, il est à vous – un flacon de Felix Felicis, comme promis, et faites-en bon usage !
Potter glissa dans sa poche intérieure la minuscule fiole remplie d'un liquide doré, l'air à la fois ravi et coupable. Les Serpentard avaient tous l'air furieux, et Hermione était visiblement déçue, mais Megan et Ron, eux, étaient abasourdis. Potter n'avait jamais montré le moindre talent pour les potions : il était – comme tout le monde – moins mauvais que Neville, mais même Ron avait obtenu de meilleurs résultats que lui au fil des années. Cette victoire haut la main était un mystère outrageant. Jamais Megan n'avait envisagé que ce soit lui qui remporte la potion de Felix Felicis.
- Comment as-tu fait ça ? murmura Ron à son meilleur ami lorsqu'ils quittèrent le cachot.
- Un coup de chance, sans doute.
Megan fronça les sourcils. On ne réussissait pas parfaitement une potion aussi difficile sur un coup de chance.
Ils montèrent dans la tour de Gryffondor pour y déposer leurs affaires. En chemin, ils croisèrent un groupe d'élèves de Serdaigle qui jetèrent à Megan un regard assassin.
- Tu les connais, ces filles ? s'étonna Ron en suivant les adolescentes des yeux tandis qu'elles descendaient l'escalier en sens inverse.
- Non, répondit Megan en haussant les épaules.
- Ce sont sûrement des amies de Mandy Brocklehurst, fit observer Hermione.
- Qui ça ? s'enquit Ron.
- Une élève de notre cours d'Arithmancie. Megan et elle se sont disputées.
- À propos de quoi ?
- Elle était assise à la place de Megan.
- Oh, un vrai outrage, ironisa Ron.
Megan ne jugea pas nécessaire de participer à la conversation. Elle laissa son sac au pied de son lit et descendit avec les trois autres s'installer à la table de Gryffondor dans la grande salle pour le dîner.
- Au fait, à propos du cours de potions.
Potter jeta autour de lui des coups d'œil comme pour s'assurer de l'absence d'oreilles indiscrètes, puis se pencha vers Ron et Hermione. Toujours frustrée de n'avoir pas obtenu la potion miraculeuse, Megan tendit l'oreille sans cesser de manger ses spaghetti carbonara.
- Slughorn nous a donné de vieux livres, à Ron et à moi, puisque nous n'avions pas acheté de manuels. Et dans le mien, l'ancien propriétaire a griffonné un peu partout. J'ai trouvé ça très agaçant au début, mais finalement ses conseils étaient très intéressants ! Là où il était écrit de couper la fève sopophorique en deux, l'autre a suggéré de l'écraser avec une larme en argent. Et j'ai pu récupérer plein de jus sans efforts, et ma potion a pris tout de suite la bonne couleur ! Ensuite il a donné des indications contraires au manuel sur le sens dans lequel mélanger la potion. Et c'est comme ça que j'ai eu le résultat voulu.
Megan se sentit aussitôt soulagée : Potter n'était pas soudainement devenu meilleur qu'elle en potions, il avait une fois encore bénéficié de l'aide d'un tiers pour réussir ce que les autres s'évertuaient à accomplir seuls avec leurs propres capacités. En revanche, le regard de Hermione s'était durci un peu plus à chaque mot que Potter avait prononcé.
- Tu crois sans doute que j'ai triché ? conclut le garçon d'un air agacé.
- Ce n'était pas vraiment le résultat de ton propre travail, il me semble, répondit Hermione avec raideur.
- Il a simplement suivi d'autres instructions que les nôtres, remarqua Ron. Ça pouvait tout aussi bien finir en catastrophe, non ? Mais il a pris le risque et ça a payé.
Il poussa un soupir.
- Slughorn aurait pu me donner ce livre-là à moi, mais non, il n'y avait rien d'écrit dans le mien. Apparemment, quelqu'un a vomi sur la page 52, c'est tout…
- Attends un peu, dit une voix.
Ginny était venue les rejoindre.
- Est-ce que j'ai bien entendu ? Tu as suivi les instructions de quelqu'un qui a écrit dans un livre, Harry ?
Elle paraissait inquiète et furieuse. Megan sut tout de suite à quoi elle pensait.
- Ce n'est rien, répondit Potter d'un ton rassurant en baissant la voix. Ça n'a rien à voir avec… heu… le journal intime de Riddle. C'est simplement un vieux manuel dans lequel un élève a griffonné des notes.
- Mais tu as fait ce qu'il disait ?
- J'ai simplement essayé d'appliquer les conseils écrits dans les marges. Franchement, Ginny, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de louche…
- Ginny a raison, coupa Hermione, avec une vigueur nouvelle. Il faut vérifier qu'il n'y ait rien de bizarre là-dedans. Qui sait ce qui peut se cacher derrière ces drôles d'instructions ?
- Ce sont des instructions de potions, fit remarquer Megan d'un air exaspéré, Voldemort a autre chose à faire -
- Hé ! protesta Potter, indigné, en voyant Hermione ignorer Megan et prendre dans son sac son exemplaire du Manuel avancé de préparation des potions.
Elle leva sa baguette.
- Specialis revelio ! dit-elle en donnant de petits coups secs sur la couverture.
Il ne se passa rien du tout. Le livre resta là où elle l'avait posé, toujours aussi usé, sale, ses pages cornées.
- Tu as fini ? demanda Potter, irrité. Ou tu veux attendre de voir s'il va faire des sauts périlleux ?
- Il paraît normal, déclara Hermione qui continuait de fixer le livre d'un air soupçonneux. On dirait vraiment un… un simple manuel.
- Ça alors, commenta Megan d'un ton sarcastique.
Malgré l'animosité qu'elle avait toujours ressentie à l'égard de Potter, elle ne voyait pas ce qu'il y avait de maléfique dans un manuel de classe annoté.
- Très bien. Dans ce cas, je le reprends, dit le garçon.
