12- PRÉ-AU-LARD
Apprendre qu'Arthur avait perquisitionné le manoir Malfoy sur les conseils de Potter avait perturbé Megan. Pendant deux semaines, son esprit avait été suffisamment occupé pour ne pas penser à Draco, mais voilà que les ridicules soupçons de Potter venaient bousculer son équilibre intérieur. Bien entendu, elle ne croyait pas un instant que Draco soit devenu un Mangemort, l'idée était absurde. Elle ne souhaitait pas non plus savoir ce qu'il avait demandé à Borgin de réparer, elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui avec lui, de près ou de loin. La contribution de Lucius à la mort de Sirius et leur confrontation quelques jours après avaient rompu le peu de liens qui subsistaient entre eux. Pourtant, elle ne cessait de tomber sur lui au détour de couloirs, à l'entrée dans la Grande Salle ou dans le parc. Lorsqu'ils ne s'ignoraient pas, ils se contentaient de se fusiller du regard. Il n'y avait rien d'autre à faire pour le moment. Elle savait que le moment viendrait où leurs camps s'affronteraient ouvertement, mais elle ne souhaitait pas y penser.
Sa correspondance avec Kevan se poursuivait, mais leurs lettres étaient de plus en plus espacées. Megan n'avait pas grand-chose à lui dire, et le jeune homme était surchargé de travail au ministère. Compte tenu du contexte politique, le commerce international était devenu beaucoup plus pénible pour le Royaume-Uni, et tous les employés de l'Organisation étaient mobilisés pour tenter de préserver l'économie du pays. Megan était consciente que ce travail l'amenait à être plus proche que jamais d'Ally Collins, ce qui la faisait bouillir intérieurement. Elle était jalouse, mais au fond elle ne s'estimait pas légitime à l'être. Plus que jamais, elle n'avait rien à offrir à Kevan, contrairement à Collins. De toute façon, ils couchaient sûrement déjà ensemble.
Hagrid consacrait toujours tout son temps libre au chevet d'Aragog, et Dumbledore n'était pas plus présent que lui au sein du château. En un mois, il ne participa qu'à deux repas dans la Grande Salle, et Potter n'eut pas d'autre leçons privées avec lui. Megan était toujours dubitative quant aux contenus de celles-ci. Le passé de Voldemort avait sûrement un intérêt historique, mais pour le moment ils devaient se concentrer sur le présent et le futur immédiat. Comment Potter allait-il vaincre le mage noir ? Certainement pas grâce au contenu des cours de l'année, dont il ne suivait le rythme que péniblement, ni grâce aux griffonnages du Prince de Sang-Mêlé dans son livre de potions. Ces derniers ne lui avaient valu que l'admiration inconditionnelle de Slughorn. Il avait pourtant appris plusieurs sorts par le biais du manuel. L'un d'eux faisait pousser les ongles des doigts des pieds à grande vitesse, comme ils avaient pu le constater aux dépens de Crabbe au détour d'un couloir. Un autre collait la langue au palais – Potter s'était attiré des applaudissements quasi-unanimes après en avoir fait usage à l'encontre de Filch à deux reprises. Un troisième déclenchait dans les oreilles de quiconque situé à proximité un bourdonnement, permettant de tenir de longues conversations en classe sans être entendu de ses voisins. Aucun d'entre eux n'était cependant susceptible de pouvoir être utilisé à bon escient contre Voldemort. Convaincue que l'avenir du monde magique était plus que jamais en péril, Megan consacrait tout le temps libre qu'elle ne passait pas à faire ses devoirs à fureter dans le château, épiant les conversations des élèves et des fantômes, et ramassant les morceaux de parchemin jetés dans les corbeilles, à l'affût de toute information utile à transmettre à l'Ordre. Si elle en découvrit bien plus qu'elle n'aurait aimé savoir sur les romances adolescentes au sein de Poudlard, il n'y avait que peu de contenu exploitable. Elle indiqua ainsi à Bill que Aemel Derrick, la mère d'un ancien batteur de l'équipe de Quidditch de Serpentard qui avait toujours des amis à Poudlard, se servait de sa boutique de pipes magiques sur le Chemin de Traverse pour blanchir de l'argent à destination des Mangemorts. Elle apprit également dans les toilettes des filles que les parents d'Adam Cadwallader, le nouveau préfet de Poufsouffle, avaient reçu des lettres de menace dont ils n'osaient pas faire part au ministère de la magie de peur de s'attirer un peu plus les foudres des Mangemorts, qui les incitaient à mettre leur popularité au sein de l'université magique du Royaume-Uni au service de leur sombre cause. Ces informations étaient utiles à l'Ordre, mais Megan aurait préféré aller elle-même résoudre ces différents problèmes plutôt que de se contenter de rédiger des lettres remplies de codes et de secrets en espérant que celles-ci ne tombent pas entre de mauvaises mains.
La première sortie de l'année à Pré-au-Lard approchait. Megan trouvait consternant que ces sorties aient été maintenues malgré le contexte politique actuel, mais elle était satisfaite de pouvoir quitter l'espace de quelques heures le périmètre du château. Elle espérait également surprendre d'intéressantes conversations au contact de personnes extérieures à Poudlard. Ron et Potter se réjouissaient tout particulièrement de cette perspective, mais Hermione était moins enthousiaste que ses amis. La jeune fille était de plus en plus renfermée et souriait de moins en moins. La quantité de travail lui causait un important stress, elle était de plus en plus agacée par le comportement de Potter au sujet du Prince de Sang-Mêlé et Megan l'avait vue plus d'une fois jeter des regards assassins à Lavender Brown dans le dortoir, en cours ou pendant les repas. L'ambiance dans le dortoir était presque aussi tendue qu'un an plus tôt, lorsque Brown et Patil suspectaient Megan d'être responsable de la mort de Cedric.
Cedric, voilà quelqu'un à qui Megan était parvenue à ne plus penser depuis quelques temps. La mort de Sirius avait éclipsé tout le reste, pourtant la jeune fille sentait encore sa gorge se serrer en repensant à la nuit terrible où son ami avait été tué devant elle, peu avant le retour de Voldemort sous forme humaine, et ses derniers instants surgissaient encore parfois dans ses cauchemars. Il lui arrivait parfois le matin, dans le brouillard du réveil, d'avoir un sentiment de légèreté et de se réjouir qu'un nouveau jour commence, puis la réalité de la guerre s'imposait à elle et le poids du monde s'affaissait sur ses épaules. Elle ne voyait pas de lumière au bout du tunnel. Même si Voldemort était vaincu, ses parents, Anita, Cedric et Sirius seraient toujours morts. Elle porterait toujours le poids du meurtre des Barish, et de tous les autres sacrifices qu'elle aurait eu à faire pour en arriver là.
Le matin de la sortie, Hermione et Megan étaient descendues dans la Grande Salle avant Ron et Potter. Au dehors, un vent glacial battait les carreaux des fenêtres et la neige fondue tapissait les murs du château. Les filles s'étaient habillées chaudement et avaient emmené avec elles capes d'hiver, gants, bonnets et écharpes. À la table de Gryffondor, tous les élèves de troisième année et plus étaient équipés similairement. L'atmosphère était cependant gaie et les rires résonnaient de bout en bout de la salle. Comme souvent, Dumbledore était absent.
- J'aimerais bien passer à Scribenpenne pour refaire mon stock de plumes, et bien sûr à Honeydukes pour m'acheter de quoi grignoter le soir quand je finis mes devoirs tard, disait Hermione avec un rare sourire en se servant un œuf sur le plat.
- Vu le temps, je pense qu'on va se dépêcher de faire les boutiques avant d'aller chercher des places libres aux Trois Balais, fit observer Megan en jetant un regard courroucé au plafond magique, qui reflétait la triste météo. Tout le monde va s'y précipiter et je préférais éviter de me retrouver à la Tête de Sanglier ou, pire, chez Madam Puddifoot.
Hermione acquiesça sombrement.
- Au fait, comment c'était hier soir, chez Slughorn ? reprit Megan.
- Aussi désagréable que les deux dernières fois, soupira Hermione en passant ses doigts dans sa tignasse emmêlée. Je n'en peux plus de ces dîners ridicules, en plus c'est du temps de perdu sur mes révisions. Si seulement Harry et Ginny venaient, eux aussi…
Mais Megan savait que Potter programmait consciencieusement les entraînements de son équipe de Quidditch aux dates qui figuraient sur les invitations ornées d'un petit ruban violet que Slughorn lui envoyait régulièrement. Cette stratégie avait pour avantage de ne pas exclure Ron, même si Megan n'était pas non plus invitée. Hermione avait supplié sa meilleure amie de l'accompagner, affirmant qu'elle obtiendrait sûrement l'accord de son hôte, mais la jeune fille avait refusé en bloc. Le nouveau maître des potions ne lui inspirait que du mépris, et elle n'avait aucune envie de partager une soirée avec Cormac McLaggen et les autres héritiers stupides qui étaient conviés. De toute manière, elle doutait que Slughorn aurait accepté d'avoir à sa table la fille de Mangemorts notoires, peu important qu'ils se soient repentis avant leur mort.
- Tu devrais plutôt profiter d'avoir enfin des moments à toi, répondit Megan. C'est vrai, après tout tu n'as pas beaucoup l'occasion de vivre des choses sans nous. C'est très bon pour l'équilibre intérieur, tu sais ?
- Ah, c'est donc pour ton équilibre intérieur que tu disparais pendant des heures depuis toutes ces années ?
Ron et Potter surgirent à la table de Gryffondor avec de larges sourires.
- Il faut qu'on vous raconte ! lança Ron, enjoué, en se laissant tomber à côté de Hermione.
Megan haussa un sourcil. Qu'avaient-ils bien pu vivre de si excitant un samedi matin à 10 heures ?
- Harry a innové en matière de réveille-matin. Je dormais tranquillement…
- Il ronflait, précisa Potter.
- … je dormais bruyamment, et d'un seul coup ! je me suis retrouvé tiré du lit par le pied et suspendu en l'air, comme si on m'avait attrapé la cheville et accroché au plafond !
Megan et Hermione levèrent la tête de leur petit-déjeuner pour fixer Ron en fronçant les sourcils.
- J'ai huuurlé, rit Ron.
- Il a alerté tout le couloir ! s'esclaffa Potter. Neville en est même tombé de son lit. Et moi j'étais paniqué, je n'étais pas sûr de trouver l'anti-sort ! Et pendant ce temps-là, Ron s'agitait dans tous les sens, à moitié réveillé, et Dean et Seamus hurlaient de rire.
- Je ne comprenais rien de ce qui m'arrivait, sourit Ron, ému. Je les voyais à l'envers, pliés, et Harry qui bredouillait qu'il allait me faire redescendre. Finalement il a retrouvé l'anti-sort, alors il y a eu un autre éclair et je suis retombé sur le lit ! conclut-il d'un air ravi en prenant des saucisses.
Imaginant la scène, Megan ne put s'empêcher de rire avec Ron. En revanche, l'anecdote n'avait pas arraché le moindre sourire à Hermione qui regardait à présent Potter avec une réprobation glaciale.
- Ce sortilège ne viendrait-il pas, par hasard, de ton livre de potions ? interrogea-t-elle.
- Tu tires toujours des conclusions hâtives…, répondit le garçon en fronçant les sourcils.
- Oui ou non ?
- Oui, bon, d'accord, c'est vrai, et alors ?
Megan cessa aussitôt de rire.
- Tu as testé sur Ron un sort dont tu ne connaissais pas les effets, juste pour voir ce qui se passerait ? gronda-t-elle, soudain furieuse.
- Ces formules ne sont sans doute pas approuvées par le ministère ! renchérit Hermione.
Ron et Potter levèrent les yeux au ciel.
- Je commence à penser que ce fameux Prince était un peu louche, conclut-elle.
Ron et Potter se récrièrent aussitôt :
- On a bien rigolé ! protesta Ron, occupé à vider une bouteille de ketchup sur ses saucisses. Rigolé, les filles, c'est tout !
- Et si ce sort avait pour effet d'éviscérer la cible, vous auriez bien rigolé aussi ?s'écria Megan, qui ne décolérait pas.
- Qui peut bien consacrer son temps et son énergie à inventer des sortilèges qui ont pour effet de suspendre les gens par la cheville ? s'agaça Hermione.
- Fred et George, répondit Ron en haussant les épaules. C'est tout à fait leur genre. Et, heu…
- Mon père, dit Potter.
- Quoi ? s'exclamèrent Ron et Hermione d'une même voix.
- Mon père jetait ce sort, avoua Potter. Je… C'est Lupin qui me l'a dit.
- Peut-être que ton père l'utilisait, Harry, dit Hermione, mais il n'est pas le seul. Nous avons vu toute une bande s'en servir, au cas où tu l'aurais oublié. Suspendre les gens dans le vide. Les promener dans les airs, quand ils sont endormis, sans défense.
Potter la regarda fixement. Tous se souvenaient des Mangemorts qui s'en étaient pris au propriétaire de leur camping et à sa famille le soir de la Coupe du Monde de Quidditch. Le Prince de Sang-Mêlé était-il l'un deux ? Auquel cas, se pouvait-il qu'il y ait d'autres mauvaises surprises dans le manuel ?
Ron vint au secours de son meilleur ami :
- C'était différent, assura-t-il avec vigueur. Ils en faisaient un mauvais usage. Harry et son père voulaient simplement rire un bon coup.
- Ça n'était drôle que parce que vous avez eu de la chance, répliqua sèchement Megan. Ne t'avise plus jamais de lancer un sort que tu ne connais pas, Potter.
- Vous n'aimez pas le Prince, dit Ron en pointant une saucisse sur Hermione d'un air sévère, parce qu'il est meilleur que vous en potions.
- Ça n'a rien à voir ! répliqua Hermione, les joues rougissantes. Je pense simplement, comme Megan, qu'il est totalement irresponsable de se mettre à jeter des sorts sans même connaître leurs effets, et arrête de parler du Prince comme si c'était son titre. Il s'agit sûrement d'un stupide surnom et à mon avis, il ne devait pas être très fréquentable !
- Je ne vois pas où tu vas chercher ça, dit Potter avec fougue. S'il avait été un apprenti Mangemort, il ne se serait pas vanté d'être de sang-mêlé, tu ne crois pas ?
- Les Mangemorts ne peuvent pas tous être des sang-pur, il ne reste pas assez de sorciers qui aient le sang pur, répliqua Hermione avec obstination et raison. Je pense que la plupart d'entre eux sont des sang-mêlé qui se font passer pour purs. Ils ne haïssent que ceux qui viennent de familles moldues, ils seraient ravis que Ron et toi vous alliez les rejoindre.
- Ils ne m'accepteraient jamais comme Mangemort, s'indigna Ron.
Le morceau de saucisse planté au bout de la fourchette qu'il brandissait vers Hermione s'envola soudain et atterrit sur la tête d'Ernie Macmillan.
- Tous les membres de ma famille sont considérés comme des traîtres à leur sang ! Pour les Mangemorts, c'est aussi grave que d'être né chez les Moldus !
- En revanche, ils seraient ravis de m'avoir parmi eux, dit Potter d'un ton sarcastique. Nous pourrions être les meilleurs amis du monde s'ils n'essayaient pas tout le temps de m'assassiner.
Ron éclata de rire. Hermione elle-même consentit à sourire puis ils furent distraits par l'arrivée de Ginny.
- Hé, Harry, je dois te donner ça.
Il s'agissait d'un rouleau de parchemin portant le nom de Potter, tracé d'une écriture fine et penchée qui leur était familière.
- Merci, Ginny… C'est le prochain cours de Dumbledore ! annonça le garçon en déroulant le parchemin qu'il parcourut rapidement. Lundi soir ! Eh, tu veux venir avec nous à Pré-au-Lard, Ginny ? reprit-il d'un air ravi en levant les yeux vers la jeune fille.
- J'y vais avec Dean… On se verra peut-être là-bas, répondit-elle.
Et elle s'éloigna en leur adressant un signe de la main. Megan la regarda partir en pinçant les élèves. Il était évident que la jeune fille avait toujours des sentiments pour Potter, aussi aberrant que cela puisse paraître. Mais Ginny n'attendait pas désespérément que le garçon daigne enfin lui accorder son attention, comme le faisait Brown avec Ron. Ginny comptait avant tout sur elle-même et n'attendait rien de personne. Elle était solide, intelligente et indépendante. Elle n'avait rien à faire avec quelqu'un comme Potter.
Comme d'habitude, Filch se tenait devant les portes de chêne de l'entrée, vérifiant les noms des élèves qui avaient l'autorisation d'aller à Pré-au-Lard. L'opération prit encore plus de temps qu'à l'ordinaire car le concierge faisait passer tout le monde trois fois de suite au Capteur de Dissimulation.
- Quelle importance si on cache des objets interdits puisqu'on les emporte DEHORS ? demanda Ron qui regardait avec appréhension la forme longue et fine du capteur. C'est ce qu'on rapporte À L'INTÉRIEUR qu'il faut contrôler.
Son impertinence lui valut quelques coups de capteur supplémentaires et il grimaçait encore lorsqu'ils sortirent dans le vent et la neige fondue. Le chemin jusqu'à Pré-au-Lard ne fut pas très agréable, le froid leur mordait chaque partie de peau qui n'était pas couverte par une ou plusieurs épaisseurs. Sur la route qui menait au village, les élèves avançaient pliés en deux pour affronter le vent glacé. Megan maugréa à plusieurs reprises qu'elle ne savait pas ce qui leur avait pris de décider de quitter la chaleur et le confort de la salle commune pour deux bonbons et une Bièraubeurre, approuvée par les grognements de Ron, dont seul le nez dépassait de son bonnet de son écharpe.
- Je rêve, protesta Megan lorsqu'ils arrivèrent devant le magasin de farces et attrapes de Zonko.
La boutique préférée de Fred et George, qui avait occupé une place importante dans la vie de tous les élèves de Poudlard, était condamnée par des planches. D'une main protégée par un gant épais, Ron montra Honeydukes qui, par bonheur, était ouvert.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé, à votre avis ? s'enquit Hermione en parlant fort pour couvrir le mugissement du vent tandis qu'ils repartaient en direction de Honeydukes en vacillant sous les rafales. Vous pensez que le propriétaire s'est fait attaquer ? Je n'ai rien vu dans la Gazette !
- Beaucoup de gens fuient le pays, en ce moment, répondit Megan sur le même ton. Il a peut-être décidé de faire fortune ailleurs, là où Voldemort ne viendrait pas tout gâcher.
Ils s'engouffrèrent avec soulagement dans la confiserie bondée derrière Ron.
- Dieu merci, dit le garçon qui frissonna tandis qu'une atmosphère chaude aux senteurs de caramel les enveloppait soudain. On n'a qu'à rester là tout l'après-midi.
- Quand est-ce que tu es devenu chrétien, toi ? demanda Megan, surprise par son vocabulaire.
- C'est une expression, Megan, répondit Ron en levant les yeux au ciel.
- Une expression moldue.
- Peut-être que j'ai entendu mon père en parler, je n'en sais rien ! Et puis Hermione le dit tout le temps.
- Harry, mon garçon ! s'exclama derrière eux une voix de stentor.
- Oh non, marmonna Potter.
Ils se retournèrent et virent le professeur Slughorn. Coiffé d'un énorme bonnet de fourrure, vêtu d'un pardessus au col de fourrure assorti, il serrait contre lui un grand sac d'ananas confits et occupait à lui seul un bon quart de la boutique.
- Harry, cela fait trois fois maintenant que vous manquez mes petits soupers ! dit-il en lui donnant une tape amicale sur la poitrine. Ça ne va pas du tout, mon garçon, je suis bien décidé à vous avoir à ma table ! Miss Granger adore mes soirées, n'est-ce pas ?
- Oui, répondit Hermione, impuissante, elles sont vraiment…
- Alors pourquoi ne venez-vous pas aussi ? insista Slughorn.
- J'ai mon entraînement de Quidditch, professeur.
- Eh bien, j'espère que ce rude travail vous permettra de gagner votre premier match ! Mais une petite récréation n'a jamais fait de mal à personne. Voyons, si on disait lundi soir ? Vous n'allez quand même pas vous entraîner par ce temps…
- Je ne peux pas, professeur. J'ai… heu… un rendez-vous avec le professeur Dumbledore, ce soir-là.
- Décidément, je joue de malchance ! s'écria Slughorn d'un ton théâtral. Ah, mais, vous ne pourrez pas toujours m'échapper, Harry !
Et avec un geste majestueux de la main, il sortit de la boutique de sa démarche chaloupée, sans accorder plus d'importance à Megan et à Ron que s'ils avaient été un présentoir de Nids de cafards.
- Je n'arrive pas à croire que tu aies de nouveau réussi à te défiler, dit Hermione en hochant la tête. Tu sais, ce n'est pas si terrible, finalement… Parfois même, on s'amuse…
Elle surprit alors l'expression de Ron.
- Oh, regardez, ils ont des plumes en sucre Deluxe… Elles durent des heures, celles-là !
Hermione et Potter manifestèrent pour les nouvelles plumes en sucre modèle géant beaucoup plus d'intérêt que nécessaire, mais Ron continua d'afficher une mine maussade.
- Crois-moi, elle ne s'amuse pas du tout, lui confia Megan d'un ton badin en choisissant un assortiment de confiseries. Si elle n'avait pas peur de se mettre un prof à dos, ça fait bien longtemps qu'elle lui aurait mis ses invitations à un endroit stratégique.
Une fois leurs emplettes terminées, ils s'enroulèrent à nouveau dans leurs écharpes et quittèrent la confiserie. Après la tiédeur sucrée de Honeydukes, le vent glacé leur donnait l'impression de prendre des coups de couteau dans la figure. Il n'y avait pas grand monde dans la rue. Personne ne s'attardait pour bavarder, chacun marchant d'un pas pressé vers sa destination. Seuls deux hommes, un peu plus loin, traînaient devant Les Trois Balais, où le quatuor se rendait. L'un était très grand et mince. Malgré la pluie, Megan reconnut le barman de La Tête de Sanglier. Quand les quatre élèves s'approchèrent, il serra plus étroitement sa cape autour de son cou et s'éloigna, abandonnant son compagnon, un homme de plus petite taille, qui tenait maladroitement quelque chose dans ses bras. Lui aussi, Megan le connaissait.
- Mundungus ! s'exclama Potter.
Le petit homme trapu aux jambes arquées et aux longs cheveux roux en bataille sursauta et laissa tomber une valise ancienne qui s'ouvrit sous le choc, révélant un bric-à-brac suffisant pour remplir à lui seul toute la vitrine d'un magasin de brocante.
- Oh, bonjour, Harry, dit Fletcher en tentant sans succès de prendre un air dégagé. Mais je ne veux pas te retenir.
Avec les gestes de quelqu'un visiblement pressé de partir, il entreprit de récupérer le contenu de sa valise répandu à terre. Megan fronça les sourcils. Elle savait quel genre de personne était Fletcher.
- C'est à vendre, tout ça ? demanda Potter tandis que l'homme ramassait un assortiment d'objets crasseux.
- Il faut bien essayer de survivre. Donne-moi ça !
Ron s'était penché et avait pris une coupe en argent.
- Attendez, dit-il avec lenteur. J'ai l'impression de l'avoir déjà vue quelque part…
- Merci ! l'interrompit Fletcher qui lui arracha la coupe des mains et la fourra dans la valise. Bon, alors, à un de ces jours… AÏE !
Potter avait saisi le sorcier à la gorge et le plaquait contre le mur du pub. Le tenant fermement d'une main, il attrapa sa baguette de l'autre.
- Harry ! couina Hermione.
- Vous avez pris ça dans la maison de Sirius ! s'exclama Potter qui était presque nez à nez avec Fletcher. Cette coupe portait les armoiries des Black.
- Quoi ? s'exclama Megan en portant aussitôt la main à sa baguette.
- Je… non… quoi ? balbutia Fletcher dont le teint tournait peu à peu au violet.
- Qu'est-ce que vous avez fait, vous êtes retourné chez lui la nuit où il est mort et vous avez tout pillé ? gronda Potter.
- Je… non…
- Rendez-moi ça !
- Harry, il ne faut pas ! hurla Hermione alors que le teint de Fletcher devenait bleu foncé.
- Réponds, sale vermine ! cracha Megan en pointant sa baguette sur le visage du voleur.
Il y eut un bang ! et Megan recula en trébuchant sous une force invisible. Potter avait lâché prise dans un cri. Hoquetant, crachotant, Fletcher saisit la valise tombée par terre puis – CRAC ! – il transplana. Potter poussa un juron de toute la force de sa voix, tournant sur place.
- REVENEZ, ESPÈCE DE VOLEUR !
- Ça ne sert à rien, Harry.
Tonks venait de surgir de nulle part, ses cheveux couleur souris mouillés par la neige fondue.
- Mundungus doit sans doute être à Londres, maintenant. Inutile de crier.
- Il a volé des choses qui appartenaient à Sirius ! Il les a volées !
- Oui, d'accord, dit Tonks que cette information laissait parfaitement indifférente, il n'empêche que tu ne devrais pas rester dehors par ce froid.
Et elle leur fit franchir la porte des Trois Balais puis repartit dans le vent et la pluie. Dès qu'il fut à l'intérieur, Potter laissa exploser sa colère. Pour une fois, Megan était d'accord avec lui.
- Il a volé des objets qui étaient à Sirius !
- Je sais, Harry, mais ne crie pas, s'il te plaît, les gens nous regardent, murmura Hermione. Allez vous asseoir, je vais vous apporter à boire.
Potter fulminait toujours lorsque Hermione revint à leur table quelques minutes plus tard avec quatre bouteilles de Bièraubeurre.
- L'Ordre ne peut donc pas surveiller Mundungus ? chuchota furieusement Potter. Ils ne peuvent pas au moins l'empêcher de voler tout ce qui lui tombe sous la main quand il est au quartier général ?
- Chut ! dit désespérément Hermione en regardant tout autour d'elle pour s'assurer que personne ne les écoutait.
Deux sorciers assis non loin d'eux regardaient Potter avec beaucoup d'intérêt et Zabini était nonchalamment appuyé contre un pilier proche. Megan lui jeta un regard dissuasif.
- Je te comprends, Harry, moi aussi, ça m'énerverait. Je sais que ce qu'il a volé t'appartient…
Potter avala sa Bièraubeurre de travers et se mit à tousser.
- Oui, ça m'appartient ! dit-il.
La mauvaise humeur de Megan s'en trouva renforcée. Elle avait oublié que Potter avait hérité de toutes les possessions de Sirius, comme s'il était la seule personne importante à ses yeux.
- Pas étonnant qu'il n'ait pas été très content de me voir ! poursuivit le garçon, furieux. Je vais raconter à Dumbledore ce qui se passe, il est le seul qui fasse peur à Mundungus.
- Bonne idée, murmura Hermione, visiblement contente que Potter se calme enfin.
- Sirius détestait toute la ferraille de ses ancêtres, fit remarquer Megan, cherchant inconsciemment à diminuer l'importance de l'héritage de Potter.
- Ron, qu'est-ce que tu regardes ? lança Hermione.
- Rien, répondit le garçon en détournant aussitôt les yeux du bar.
- J'imagine que « rien » est partie derrière chercher d'autres bouteilles de whisky Pur Feu ? dit Hermione d'un ton irrité.
Madame Rosmerta, la propriétaire des Trois Balais, aux courbes généreuses, posa sur le bar une demi-douzaine de bouteilles.
- Je te trouve très distrait en ce moment, Ronald, railla Megan.
Ron ignora leurs sarcasmes et sirota sa Bièraubeurre en s'enfermant dans ce qu'il considérait apparemment comme un silence plein de dignité. Megan préférait ses sorties à Pré-au-Lard à l'époque où elle accompagnait les jumeaux et Lee chez Zonko, où lors de leurs escapades secrètes pour aller chercher de quoi faire la fête dans les caves du village. Potter fronçait les sourcils d'un air furieux. Hermione pianotait sur la table, son regard oscillant entre le bar et Ron. Profitant de ce moment de silence, Megan se concentra sur ce qu'il se disait autour d'elle. Les deux sorciers assis non loin d'eux discutaient à mi-voix. Elle entendit plusieurs fois prononcé le nom de Potter, ainsi que « ministère de la magie ». Visiblement des complotistes de comptoir qui ne lui apprendraient rien d'utile. Un peu plus loin, une sorcière protesta vivement lorsque Madame Rosmerta renversa de la Bièraubeurre sur ses genoux par inadvertance. Megan n'avait jamais vu la tenancière faire preuve de maladresse pendant son service. À l'autre bout de la salle, elle observa un homme d'une cinquantaine d'années au visage tuméfié qui racontait quelque chose à un sorcier penché sur un calepin. Un journaliste ? Recueillait-il le témoignage d'une victime d'une attaque de Mangemorts ? Vu son état, l'homme aurait mieux fait de commencer par faire un tour à Ste Mangouste.
- On en parle de Tonks, qui est à peu près aussi émotive qu'une bûche ? commenta Megan en reportant son attention sur Ron, Hermione et Potter. Vous m'aviez dit qu'elle était travaillée par la mort de Sirius, mais elle n'a pas eu l'air d'en avoir quoi que ce soit à secouer que Fletcher soit allé se servir au Square Grimmaurd.
- Je ne pense pas qu'elle était attachée aux possessions matérielles de Sirius, répondit sagement Hermione. Sa peine est sûrement plus profonde que ça.
- Et puis sa façon de nous pousser dans les Trois Balais et de disparaître comme un elfe de maison ? renchérit Ron, maussade. On n'aurait aussi bien pu être de parfaits inconnus.
- Et si on revenait à l'école dès maintenant ? proposa Hermione en constatant que le dernier d'entre eux, Potter, finissait les dernières gouttes de sa bouteille.
Les trois autres approuvèrent d'un signe de tête. Leur sortie n'avait décidément pas été très amusante et le temps empirait. Une fois de plus, ils attachèrent étroitement leurs capes autour du cou, remirent leurs écharpes et enfilèrent leurs gants. Puis ils sortirent du pub derrière Katie Bell et une de ses amies et remontèrent la grand-rue, pataugeant dans la gadoue gelée qui recouvrait la route de Poudlard, la tête baissée pour résister aux tourbillons de neige fondue. Megan était frustrée de n'avoir rien pu tirer de sa sortie, elle se sentait inutile à l'Ordre.
Tout le monde ne partageait cependant pas ses préoccupations : devant eux, Katie Bell et son amie se disputaient comme des adolescentes, leur voix se faisant de plus en plus aiguës et perçantes, agaçant Megan. L'objet de leur querelle était visiblement le paquet que portait Katie. Avaient-elles acheté le même pull ? Katie avait-elle l'intention d'offrir quelque chose à un garçon qui plaisait également à son amie ?
- Tu n'as rien à voir avec ça, Leanne ! s'exclamait la poursuiveuse.
Il y avait tellement de sujets plus importants. Les deux filles suivirent la courbe que décrivait la route à cet endroit, imitées par le quatuor un peu plus loin. La neige fondue tombait dru et de plus en plus fort. Megan pressait le pas, marchant devant les trois autres, soucieuse d'arriver le plus vite possible au château pour échapper à cette météo infernale et ne plus avoir à écouter la dispute stérile qui se déroulait devant eux. Consternée, Megan vit Leanne faire un geste pour prendre l'objet que tenait Katie. Celle-ci résista en tirant dans l'autre sens et le paquet finit par tomber sur le sol. Aussitôt, Katie s'éleva dans les airs, avec grâce, les bras tendus, comme si elle s'apprêtait à s'envoler.
Megan se figea. Les cheveux de Katie tournoyaient autour de sa tête, fouettés par le vent féroce, mais elle avait les yeux fermés et son visage était vide de toute expression.
Leanne, Ron, Hermione et Potter s'étaient également arrêtés pour la regarder, saisis. Puis, à deux mètres au-dessus du sol, Katie poussa un horrible hurlement. Ses yeux s'ouvrirent et ce qu'elle voyait, ou ce qu'elle ressentait, lui causait manifestement une terrible angoisse. Elle hurlait, hurlait sans cesse. Leanne se mit à hurler à son tour et agrippa les chevilles de Katie, essayant de la ramener à terre. Ron, Hermione et Potter se précipitèrent pour l'aider tandis que Megan sortait sa baguette d'un geste vif et la pointait sur Katie. Mais avant qu'elle ait pu jeter le moindre sort, au moment où les trois autres saisissaient à leur tour les jambes de leur camarade, elle retomba sur eux. Ron et Potter parvinrent à l'attraper mais elle se tortillait tellement qu'ils avaient du mal à la maintenir. Megan les rejoignit et ils l'allongèrent par terre où elle se débattit avec force en continuant de hurler, apparemment incapable de les reconnaître.
- Restez ici ! cria Potter, sa voix dominant à grand-peine le mugissement du vent. Je vais chercher du secours !
Il se mit à courir en direction de l'école. Katie continuait de s'agiter en tous sens en braillant.
- Finite !
L'éclair blanc qui jaillit de la baguette de Megan et frappa la poitrine de sa camarade n'eut aucun effet.
- Enervatum !
Encore une fois, le contre-maléfice resta inefficace.
- Katie ! Katie ! s'écriait Leanne, horrifiée. Est-ce que tu nous entends ? Katie, qu'est-ce qui t'arrive ?
Hermione tentait d'apaiser sa camarade en parlant plus doucement, et Ron usait de toute sa force physique pour la maintenir en place, mais reçut plusieurs griffures et même quelques coups de poing, coude et genou dans la folle agitation de l'élève. Megan pointait toujours sa baguette sur Katie, invoquant tous les contre-sorts qui lui passaient par la tête, mais sans connaître l'origine de la crise de sa camarade, sa magie n'était d'aucune utilité. Certes, Katie avait visiblement été ensorcelée elle hurlait comme si elle était en proie au sortilège Doloris, pourtant il n'y avait personne autour d'eux, et les effets ne pouvaient être aussi longs. Son comportement était inexplicable et inquiétant. Allait-elle finir par se calmer d'elle-même ou continuerait-elle à hurler jusqu'à ce que sa voix se brise et son corps s'épuise ?
Au bout de quelques minutes, Potter réapparut aux côtés de Hagrid, qui paraissait plus imposant que jamais dans son épais manteau de fourrure en peau de castor. De la neige fondue s'était figée dans sa barbe et ses sourcils.
- Reculez-vous ! s'exclama le demi-géant en accourant. Laissez-moi la voir !
- Il lui est arrivé quelque chose ! sanglota Leanne. Je ne sais pas quoi…
Hagrid regarda Katie un instant puis, sans un mot, il se pencha, la prit dans ses bras et courut vers le château. Quelques secondes plus tard, les cris perçants de Katie s'étaient évanouis et on n'entendait plus que le rugissement du vent. Hermione se précipita sur l'amie de Katie, gémissante, qu'elle prit par les épaules.
- Tu t'appelles Leanne, c'est ça ?
Elle acquiesça d'un signe de tête.
- Ça s'est passé tout d'un coup ou bien…
- C'est arrivé quand ce paquet s'est ouvert, hoqueta Leanne en montrant sur le sol un papier kraft détrempé qui s'était déchiré, laissant apparaître un scintillement vert.
Ron se pencha, la main tendue, mais Megan lui saisit le bras et le tira en arrière.
- N'y touche pas !
Elle s'accroupit au-dessus du paquet. Un collier d'opale ouvragé dépassait du papier.
- J'ai déjà vu ça, dit Potter, penché par-dessus son épaule. Exposé chez Borgin and Burkes il y a très longtemps. L'étiquette disait que le collier était ensorcelé. Katie a dû y toucher.
Megan leva la tête vers Leanne qui s'était mise à trembler de tout son corps.
- Comment Katie l'a-t-elle eu ?
- C'est pour ça qu'on se disputait. Elle l'avait quand elle est sortie des toilettes, aux Trois Balais, elle a dit que c'était une surprise pour quelqu'un à Poudlard et qu'elle devait le remettre en mains propres.
Megan tourna la tête en direction du village mais, dans le blizzard, il était impossible de distinguer le pub.
- Elle paraissait bizarre quand elle m'a raconté ça… Oh, non, oh, non, je parie qu'on lui a jeté le sortilège de l'Imperium et je ne m'en suis même pas rendu compte !
Leanne fut à nouveau secouée de sanglots et Hermione lui tapota doucement l'épaule. Megan réfléchissait à toute vitesse, son équilibre accroupi mis à mal par les rafales de vent. Y avait-il un Mangemort aux Trois Balais ? Ron, Hermione, Potter et elle s'y trouvaient en même temps que Katie et Leanne. Comment avaient-ils pu ne rien remarquer de suspect ?
- Elle ne t'a pas dit qui le lui avait donné, Leanne ? s'enquit Hermione.
- Non… elle ne voulait pas… et moi, je lui ai répété qu'elle était idiote, qu'il ne fallait pas l'emporter à l'école mais elle refusait de m'écouter… alors, j'ai essayé de le lui prendre des mains… et… et…
Leanne poussa une plainte désespérée.
- On ferait bien de revenir à l'école, suggéra Hermione, qui tenait toujours Leanne par l'épaule. Nous irons voir comment elle va. Viens…
Potter hésita un instant puis ôta son écharpe. Ron poussa une exclamation de surprise inquiète en le voyant tendre les mains vers le collier.
- Tu es stupide ou quoi ? s'exclama Megan en interrompant sèchement son geste. Personne ne touche plus à ce truc, c'est compris ?
Elle pointa sa baguette sur le collier, opéra un mouvement du poignet et, sans qu'aucun mot n'eut à franchir ses lèvres, elle fit léviter l'objet ensorcelé à plusieurs centimètres d'elle.
- Je voulais le montrer à Madam Pomfrey, se justifia Potter.
- Et aller faire un petit tour dans les hauteurs de Pré-au-Lard toi aussi ? s'agaça Megan. Si ça se trouve ce maléfice est mortel, alors essaie de te servir de ta tête.
- Je ne l'aurais pas touché avec les mains !
Mais sa protestation fut noyée par les sanglots de Leanne qui avaient redoublé en entendant Megan parler de mort. Hermione adressa un regard de reproche à son amie pour son manque de tact puis étreignit les épaules de sa camarade. Tous les cinq reprirent la route de Poudlard, Hermione et Leanne en tête. Le silence de leur groupe n'était rompu que par les gémissements de Leanne et le mugissement du vent. Lorsqu'ils pénétrèrent dans le parc, Potter reprit cependant la parole :
- Malfoy connaît l'existence de ce collier. Il était exposé dans une vitrine chez Borgin and Burkes il y a quatre ans. J'ai vu qu'il le regardait pendant que je me cachais de son père et de lui. Voilà ce qu'il voulait acheter le jour où on l'a suivi ! Une opale ensorcelée ! Il s'en souvenait et il est retourné la chercher !
- Sérieusement, c'est pas bientôt fini, ces conneries ? s'exclama furieusement Megan qui gardait toujours magiquement le collier à bonne distance d'elle.
- Je… je ne sais pas, Harry, répondit Ron, hésitant. Il y a plein de gens qui vont chez Borgin and Burkes… et cette fille dit que Katie a trouvé le collier dans les toilettes.
- Elle a dit qu'elle en était sortie avec le collier, ça ne signifie pas qu'elle l'ait vraiment trouvé là…
- Oui bien sûr, Draco se cachait en fait dans les toilettes des filles aux Trois Balais et a attendu Katie Bell pour lui remettre un collier ensorcelé, railla Megan d'un air mauvais. Parce que le véritable but de Voldemort est en fait de décimer l'équipe de Quidditch de Gryffondor, rien à voir avec toi personnellement, finalement, Potter !
- McGonagall ! prévint Ron.
Megan et Potter levèrent les yeux. Le professeur McGonagall descendait en hâte les marches de pierre, bravant les tourbillons de neige fondue pour venir à leur rencontre.
- Hagrid dit que vous avez vu tous les cinq ce qui est arrivé à Katie Bell… Montez tout de suite dans mon bureau, s'il vous plaît ! Qu'est-ce que vous avez là, Buckley ?
- L'objet qu'elle a touché.
- Merlin ! s'exclama le professeur McGonagall, alarmée, en prenant à son tour le contrôle de la lévitation du collier d'un coup de baguette. Non, non, Filch, ils sont avec moi ! ajouta-t-elle précipitamment alors que le concierge traversait le hall d'entrée de son pas traînant, le regard avide, brandissant son Capteur de Dissimulation. Potter, donnez-moi votre écharpe.
Potter obtempéra. Megan remarqua son air satisfait lorsque McGonagall déposa le collier dans l'étoffe et le confia à Filch.
- Apportez tout de suite ce collier au professeur Snape mais n'y touchez surtout pas, gardez-le bien enveloppé dans l'écharpe !
- Tu vois que ce n'était pas une mauvaise idée, glissa-t-il fièrement à Megan.
La jeune fille l'ignora superbement. Elle et les autres suivirent McGonagall dans l'escalier puis dans son bureau. Les vitres criblées de neige fondue tremblaient dans leurs châssis et la pièce était froide malgré le feu qui craquait dans la cheminée. McGonagall referma la porte et se précipita derrière son bureau, face à Megan, Ron, Hermione, Potter et Leanne, qui continuait de sangloter.
- Alors ? Que s'est-il passé ? demanda-t-elle sèchement.
D'une voix hachée et en s'interrompant souvent pour essayer de contrôler ses larmes, Leanne raconta au professeur McGonagall que Katie était allée aux toilettes des Trois Balais et en était ressortie avec un paquet qui ne portait aucune marque ; elle lui avait alors paru un peu bizarre et elles s'étaient disputées sur l'opportunité d'accepter de livrer des objets inconnus, la dispute culminant lorsqu'elle avait essayé de lui arracher des mains le paquet dont l'emballage s'était déchiré. À ce point de son récit, Leanne fut si bouleversée qu'il était impossible de lui tirer un mot de plus.
- Très bien, dit le professeur McGonagall, non sans douceur, montez à l'infirmerie, s'il vous plaît, Leanne, et demandez à Madam Pomfrey de vous donner quelque chose pour remédier à votre état de choc.
Quand elle eut quitté la pièce, le professeur McGonagall se tourna à nouveau vers Megan, Ron, Hermione et Potter.
- Il faut toujours que vous soyez là où rien ne va, tous les quatre, observa-t-elle d'un air pincé.
- Professeur, je me fais la même réflexion depuis six ans, déplora Ron.
- Que s'est-il passé quand Katie a touché le collier ?
- Elle s'est élevée dans les airs, répondit Potter d'un ton pressé. Puis elle s'est mise à hurler et elle est retombée par terre. Professeur, est-ce que je peux aller voir le professeur Dumbledore, s'il vous plaît ?
- Le directeur est absent jusqu'à lundi, Potter, l'informa McGonagall, l'air surpris.
- Absent ? répéta Potter avec colère.
- Oui, Potter, absent ! répliqua McGonagall d'un ton cassant. Mais je suis sûre que tout ce que vous avez à dire sur cette horrible affaire peut m'être confié !
Potter hésita, ce qui surprit Megan. McGonagall était une personne de confiance, bien plus encore que Dumbledore.
- Je pense que c'est Draco Malfoy qui a donné ce collier à Katie, professeur, lâcha enfin le garçon.
Megan poussa une exclamation de colère indignée. Ron se caressa le nez, apparemment gêné ; de son côté, Hermione changea de position, ses pieds glissant sur le sol, comme si elle tenait à mettre un peu plus de distance entre elle et son insupportable ami.
- C'est une accusation très grave, Potter ! s'exclama McGonagall après un silence choqué. Avez-vous une preuve ?
- Non, admit Potter, mais…
Et il lui raconta la conversation qu'ils avaient surprise entre Draco et Borgin, sans préciser qu'ils avaient échappé à la surveillance de Hagrid et des Weasley en se faufilant sous la cape d'invisibilité à travers tout le Chemin de Traverse pour espionner un de leurs camarades de classe pendant ses courses scolaires. Lorsqu'il eut terminé, McGonagall parut un peu perdue.
- Malfoy a apporté un objet chez Borgin and Burkes pour le faire réparer ?
- Non, professeur, il n'avait pas l'objet avec lui, il voulait seulement que Borgin lui explique comment le réparer. Mais la question n'est pas là, l'important, c'est qu'il a acheté quelque chose en même temps et je pense qu'il s'agissait de cette opale…
- Vous avez vu Malfoy quitter la boutique avec un paquet semblable ?
- Non, professeur, il a dit à Borgin de le lui mettre de côté.
- Mais, Harry, l'interrompit Hermione, Borgin lui a demandé s'il voulait l'emporter avec lui et Malfoy a répondu non…
- Parce qu'il ne voulait pas y toucher, de toute évidence ! répliqua Potter avec colère.
- Il a dit exactement : « De quoi aurais-je l'air si je portais ça dans la rue ? » rappela Hermione.
- Il aurait l'air d'un crétin avec un collier, remarqua Ron.
- Ron, soupira Hermione d'un ton découragé, l'opale aurait été enveloppée pour qu'il ne la touche pas et très facile à cacher sous une cape ! Je crois plutôt que ce qu'il a commandé chez Borgin and Burkes était un objet bruyant ou encombrant, quelque chose qui attirerait l'attention s'il se promenait avec dans la rue. En tout cas, poursuivit-elle en élevant la voix avant que Potter ait pu l'interrompre, j'ai demandé si le collier était à vendre, tu te souviens ? Quand je suis entrée dans la boutique pour essayer de savoir ce que Malfoy voulait qu'il lui garde, je l'ai vu exposé. Et Borgin m'a indiqué le prix, il ne m'a pas dit qu'il était déjà vendu…
- Tu n'as pas été très habile, il n'a pas dû mettre plus de cinq secondes pour deviner ce que tu avais derrière la tête et bien sûr, il n'allait pas t'avouer la vérité… De toute façon, Malfoy a très bien pu envoyer quelqu'un le chercher entretemps…
- Ça suffit ! coupa McGonagall alors qu'Hermione s'apprêtait à répliquer, la mine courroucée. Potter, je vous remercie de m'avoir raconté tout cela mais nous ne pouvons accuser Malfoy simplement parce qu'il est entré dans la boutique où ce collier a peut-être été acheté. Des centaines d'autres personnes sont sans doute dans le même cas…
- C'est ce que je disais…, marmonna Ron tandis que Megan adressait à Potter un regard victorieux.
- Et d'ailleurs, nous avons pris des mesures de sécurité très rigoureuses cette année, je ne pense pas que ce collier aurait pu être introduit dans l'école sans que nous le sachions…
- Mais…
- Par surcroît, poursuivit McGonagall d'un ton catégorique, Mr Malfoy ne se trouvait pas à Pré-au-Lard aujourd'hui.
Potter la regarda bouche bée, se dégonflant comme un ballon. Megan eut un grand sourire.
- Comment le savez-vous, professeur ?
- Parce qu'il était en retenue avec moi. Il a omis deux fois de suite de faire ses devoirs de métamorphose. Merci de m'avoir confié vos soupçons, Potter, dit-elle en passant devant eux, mais je dois maintenant me rendre à l'infirmerie pour voir comment va Katie Bell. Je vous souhaite une bonne fin de journée à tous les quatre.
Elle leur ouvrit la porte du bureau et ils n'eurent d'autre choix que de sortir en file indienne sans ajouter un mot.
- Félicitations pour cette enquête rondement menée, Potter, railla Megan dès qu'ils furent dans le couloir. Draco n'a eu aucune chance face à ton flair !
Le garçon la fusilla du regard.
- À qui Katie devait-elle donner le collier, d'après vous ? interrogea Ron tandis qu'ils montaient l'escalier menant à la salle commune.
- Dieu seul le sait, répondit Hermione. Mais qui que ce soit, il l'a échappé belle. Personne n'aurait pu ouvrir ce paquet sans toucher l'opale.
- Il pouvait être destiné à des tas de gens, fit observer Megan. À Dumbledore, probablement. C'est l'une des cibles prioritaires des Mangemorts, si c'est bien l'un d'eux qui a ensorcelé Katie – et c'est l'explication la plus probable.
- Ou à Slughorn, suggéra Potter. Dumbledore pense que Voldemort le voulait vraiment avec lui et il ne doit pas être content qu'il se soit rangé dans l'autre camp. Ou à…
- Ou à toi, dit Hermione, inquiète.
- Impossible, affirma le garçon, sinon Katie n'aurait eu qu'à se retourner pour me le donner quand on était sur la route. Je suis resté derrière elle depuis le moment où on a quitté Les Trois Balais. Il aurait été beaucoup plus logique de livrer le paquet en dehors de Poudlard, à cause de Filch qui contrôle tout le monde. Je me demande pourquoi Malfoy lui a demandé de l'emporter au château.
- Il n'était pas à Pré-au-Lard, tu es sourd ou quoi ?s'exclama Megan tandis que Hermione tapait du pied, exaspérée.
- Parce qu'il avait sûrement un complice, répliqua Potter. Crabbe ou Goyle – ou, si on y réfléchit, peut-être un autre Mangemort. Il doit avoir des copains plus intelligents que Crabbe et Goyle maintenant qu'il a rejoint leurs rangs…
- Je connais des hippogriffes moins têtus, maugréa Megan.
Ron et Hermione échangèrent un regard signifiant clairement qu'il était décidément inutile de discuter avec leur meilleur ami.
- Potage royal, dit Hermione d'un ton assuré lorsqu'ils furent arrivés devant la grosse dame.
Le portrait pivota aussitôt pour les laisser entrer dans la salle commune. Il y avait beaucoup de monde et une odeur de vêtements mouillés flottait dans l'air. Nombre d'élèves avaient dû rentrer de Pré-au-Lard plus tôt que prévu à cause du mauvais temps. L'atmosphère n'était cependant ni à la peur, ni aux spéculations. Manifestement, personne ne savait encore ce qui était arrivé à Katie.
- En fait, l'attaque n'a pas été très bien menée, quand on y songe, dit Ron.
Il chassa négligemment un élève de première année installé dans un confortable fauteuil, auprès du feu, pour s'y asseoir à sa place.
- Le sortilège n'a même pas pénétré dans le château. On ne peut pas dire que le plan était infaillible.
- Tu as raison, approuva Hermione, en donnant à Ron un petit coup de pied pour qu'il se lève du fauteuil qu'elle rendit à l'élève de première année. Ce n'était pas du tout bien pensé.
- Draco aurait fait mieux que ça si c'était lui.
- Depuis quand Malfoy est-il un grand penseur ?
Megan et Potter avaient parlé en même temps. Ni Ron, ni Hermione ne répondirent.
