Note de l'auteur : C'est de nouveau moi ! Je sais, je suis l'autrice la plus irrégulière de l'Histoire de la Magie, je suis désolée. J'ai au moins 3 nouveaux chapitres de rédigés, je n'osais pas les publier car je me disais que j'allais sûrement les modifier, mais finalement peut-être pas, alors les voilà ! En espérant qu'il ne me faille pas encore des années pour finir ce tome... ! En tout cas, j'espère que ce sera à la hauteur de vos attentes :)
Katie Bell n'avait pas cessé de hurler, inépuisable, mais sa voix déraillait lorsqu'elle fut transportée à l'hôpital Ste Mangouste pour les maladies et blessures magiques le lendemain. Tout le monde dans l'école était alors au courant qu'elle avait été ensorcelée, mais les détails n'étaient pas très clairs et personne, en dehors de Megan, Ron, Hermione, Potter et Leanne Anderson, ne semblait savoir que Katie n'était pas la cible désignée. Potter était toujours convaincu que Draco était responsable de ce qu'il s'était passé, mais les trois autres avaient adopté pour principe de feindre la surdité chaque fois qu'il évoquait son absurde théorie.
Pigwidgeon, que Megan avait emprunté à Ron pour varier les oiseaux qu'elle utilisait pour correspondre avec Kevan, lui rapporta une lettre le soir-même, visiblement épuisé d'avoir dû affronter l'épouvantable météo.
M,
Ce matin, au ministère, tout le monde ne parlait que du fait qu'une élève de Poudlard a été envoyée à Ste Mangouste. Je n'ai pas son nom, et il y aura sûrement plus d'informations dans la Gazette demain, mais j'ai cru comprendre qu'elle était à Pré-au-Lard quand ça s'est passé. Est-ce que tu en sais plus ? J'imagine que tu n'y étais pas... On avait prévu de se le dire quand tu aurais le droit d'y aller, pour qu'on puisse se voir sans attendre les prochaines vacances, mais j'imagine qu'avec le contexte actuel tu as trouvé ça trop dangereux de quitter le château. Tu as sûrement raison, malheureusement. Prends soin de toi. K.
Megan ne s'étonna pas de constater que Kevan était allé travailler un dimanche : la situation des fonctionnaires magiques britanniques semblait être actuellement épouvantable. En revanche, elle nota que le ton de Kevan était soit naïf soit passif-agressif. Elle avait effectivement complètement oublié sa promesse de l'informer des dates de weekend à Pré-au-Lard, et elle ne pouvait pas être sûre qu'il ne s'en était pas rendu compte. Encore une fois, il était bien plus impliqué qu'elle dans leur relation, et encore une fois Megan ne put s'empêcher de songer qu'Ally Collins, elle, n'aurait pas oublié.
Je suis vraiment, vraiment désolée, écrivit-elle à contre-cœur.
Il se passe tellement de choses en ce moment (tu as vu encore tous ces morts ? Parmi eux il y avait la mère d'une fille de ma classe de Botanique) que je ne n'ai pas pensé à te prévenir, et ensuite il était trop tard. Mais tu n'as rien raté, crois-moi, il faisait un temps hor-rible et on n'est pas restés longtemps. Et effectivement, quand on rentrait à l'école, on a vu Katie (tu la connais, elle sortait avec Chad l'année dernière !) faire une espèce de crise à cause d'un objet ensorcelé. Je ne peux pas t'en dire plus sans prendre de risque. Mais ne t'inquiètes pas, je vais bien. Je te préviendrai en avance la prochaine fois, promis. M.
Elle n'avait pas fait autant d'efforts que dans la lettre remplie d'informations codées qu'elle avait envoyée la veille à Bill pour prévenir l'Ordre de l'incident dans ses moindres détails, espérant par-là devancer un éventuel rapport de McGonagall et démontrer son utilité. Pigwidgeon refusa tout net de reprendre son envol dans les conditions climatiques actuelles, aussi ce fut à un hibou de l'école que fut confié le soin de transmettre la courte missive, à grands renforts de ululements indignés.
L'attaque de Katie était encore sur toutes les lèvres le lundi lorsque les cours reprirent. Leanne Anderson était sortie de l'infirmerie et était harcelée de questions par les autres élèves, mais Megan savait que McGonagall lui avait donné pour consigne de ne pas dévoiler d'autres informations que celles qui étaient déjà connues. C'était la première fois depuis la mort de Cedric qu'un élève de Poudlard était touché directement par un drame, et tout le monde semblait désormais résolu à ne plus quitter les murs de l'école, seul endroit où les collégiens semblaient se sentir en sécurité. Megan entendit même les deux poursuiveuses de l'équipe de Poufsouffle hésiter à se rendre à leurs entraînements de Quidditch, de peur de se faire attaquer sur le chemin qui menait au terrain, alors même que celui-ci se trouvait à l'intérieur du périmètre de Poudlard.
Katie n'allait toutefois pas mourir : Potter apprit de Dumbledore, au cours de leur leçon privée du soir, que la jeune femme n'avait heureusement fait qu'effleurer l'opale au travers d'un petit trou dans son gant, et que Snape avait pu empêcher le maléfice de s'étendre rapidement. D'après le directeur, si Katie avait touché le bijou vendu par Borgin and Burkes à mains nues, elle serait probablement morte sur le coup.
- Quelle horreur, souffla Hermione lorsque Potter leur relata ces informations au petit-déjeuner le mardi matin.
Potter était revenu si tard de son entrevue avec Dumbledore la veille au soir que les trois autres étaient déjà montés se coucher.
- Elle l'a échappé belle, conclut Ron en hochant la tête. Elle va se remettre, alors ?
- Dumbledore dit qu'elle va probablement guérir probablement, mais elle n'en est pas encore là. Il a dit aussi qu'il prendrait « les mesures appropriées pour enquêter sur toutes les personnes qui pourraient avoir une part de responsabilité dans cette affaire ».
- Ça veut dire quoi ? grinça Megan.
- Ça veut dire qu'il va vérifier si Malfoy est derrière tout ça.
Megan, Ron et Hermione levèrent les yeux au ciel d'un même mouvement. Il était hautement improbable que Dumbledore estime crédible la théorie de Potter selon laquelle Draco serait un Mangemort. La fierté du jeune homme était blessée : son père avait échoué à récupérer la prophétie quelques mois plus tôt, décevant son maître, et avait été emprisonné dans l'horrible pénitencier d'Azkaban sa famille autrefois si populaire et respectée était tombée en disgrâce et il ne bénéficiait plus d'aucun traitement faveur en dehors des cours de Snape. Il cherchait à tout prix à se réfugier dans l'idée qu'il était toujours quelqu'un d'important en prétendant avoir rejoint le cercle fermé des proches de Voldemort, quand bien même Megan n'avait cessé de lui répéter qu'il n'y avait rien de réconfortant à s'y trouver. Il n'avait probablement même jamais vu Voldemort de ses propres yeux. Le Seigneur des Ténèbres n'était encore qu'un mythe à ses yeux, un personnage légendaire qu'il idolâtrait sans le connaître, fantasmant un être idéaliste qui lui donnerait tout le pouvoir qu'il avait perdu sans rien attendre en retour.
Potter ne pouvait pas révéler aux trois autres le contenu de son entrevue avec Dumbledore de la veille au cours du petit-déjeuner, de peur d'être entendu par toutes les oreilles indiscrètes qui peuplaient la Grande Salle, aussi durent-ils attendre de se rendre en cours de Botanique pour évoquer le sujet.
- On a encore utilisé la Pensine, leur révéla alors le garçon. J'ai vu Dumbledore, plus jeune, le jour où il a rencontré Voldemort pour la première fois, dans l'orphelinat où il a été élevé.
Ils traversaient le potager pour se rendre dans les serres. Le vent violent qui avait soufflé tout le week‑end avait enfin cessé mais l'étrange brume était revenue et il leur fallut plus de temps qu'à l'ordinaire pour trouver la serre où le cours avait lieu.
- A priori, sa mère avait le cœur tellement brisé par sa rupture avec Tom Riddle Senior qu'elle s'est laissée mourir. Elle a juste eu le temps d'accoucher et de lui donner un nom avant de mourir.
- Tu as vu Voldemort enfant ? demanda Megan.
Elle s'adressait rarement à Potter directement et avec intérêt, mais il avait accès à des informations sensibles qu'elle ne pouvait prétendre ignorer.
- Oui. Il avait onze ans. Dumbledore venait lui annoncer qu'il allait rentrer à Poudlard, comme Hagrid l'a fait avec moi. C'était... bizarre, parce que ça m'a beaucoup fait penser à moi, finalement. Sa mère était morte et il avait été élevé dans le monde des Moldus sans rien savoir de la magie, il détestait l'orphelinat où il était plus que tout, et Poudlard a changé sa vie.
- Super, du coup vous allez devenir amis maintenant que vous avez découvert tous vos points communs ? railla Megan.
- Comment il était ? la coupa Hermione, le souffle court.
- Il était déjà fou, répondit Potter en hochant la tête. À l'orphelinat, il avait agressé plusieurs enfants, et il avait pendu le lapin d'un d'eux à une poutre du toit après qu'ils se sont disputés.
- Wouao, il fait peur, le petit Tu-Sais-Qui, dit Ron à voix basse.
- Quand Dumbledore lui a révélé qu'il était un sorcier, il est devenu... avide. Il n'a pas douté une seule seconde de ce qu'il lui racontait d'après lui, il avait toujours su qu'il était « quelqu'un d'exceptionnel ». Il a insisté pour aller sur le Chemin de Traverse tout seul pour acheter ses fournitures. Et il était très content de lui dire qu'il était Fourchelang.
- C'est Dumbledore lui-même qui est allé lui annoncer, alors ? s'étonna Hermione. Moi, c'était McGonagall, et toi Hagrid...
- Je lui ai demandé s'il savait, à l'époque, à qui il avait affaire. Il m'a dit que non, mais qu'il savait qu'il faudrait garder un œil sur lui, parce qu'il avait un comportement inhabituel, il savait déjà se servir de ses pouvoirs et il le faisait pour faire du mal aux autres.
- Quel intérêt, alors ? lança Megan. Ces « leçons privées », ce sont uniquement des voyages dans la Pensine pour se rappeler les bons souvenirs de la première ascension au pouvoir de Voldemort ?
- Je ne sais pas encore, s'agaça Potter. Dumbledore m'a dit que c'était révélateur de deux choses : Voldemort est un loup solitaire, il n'a pas d'amis et il n'en veut pas, il n'a confiance qu'en lui-même, parce qu'il se considère au-dessus de tous les autres-
Megan se remémora les mots de Dumbledore prononcés en juin dernier : « Voldemort ne t'a pas choisie pour être 'son bras droit' et 'régner à ses côtés sur les ténèbres'. Tu n'étais qu'un outil forgé pour favoriser son ascension au pouvoir et le conserver. » Elle serra les poings jusqu'à s'enfoncer les ongles dans la peau.
- ... et il aime collectionner les trophées. Il a dit que ce point-là se révèlera essentiel par la suite.
Parvenus dans la serre n°3, ils prirent place autour de l'une des souches de Snargalouf aux branches noueuses qui constituaient leur sujet d'étude du trimestre et enfilèrent leurs gants de protection.
- Je ne comprends toujours pas pourquoi Dumbledore te montre tout ça, dit Ron. D'accord, c'est intéressant mais je ne comprends pas non plus à quoi ça sert.
- Je n'en sais rien, répéta Potter en glissant dans sa bouche un protège-dents, mais il dit que c'est important et que ça va m'aider à survivre.
- Moi, je trouve que c'est fascinant, assura Hermione d'un air très sérieux. Il est parfaitement logique d'essayer d'en savoir le plus possible sur Voldemort. Sinon, comment découvrir ses faiblesses ?
- Au fait, comment s'est passée la dernière soirée de Slughorn ?
L'articulation de Potter était pâteuse à cause du protège-dents. La veille au soir, Megan et Ron étaient demeurés seuls dans la salle commune tandis que Potter était avec Dumbledore, et Hermione au dernier événement du club de Slug.
- Oh, on s'est bien amusés, affirma la jeune femme qui mettait à présent ses lunettes protectrices. Bien sûr, il radote un peu sur ses anciens élèves devenus célèbres et il se prosterne littéralement devant McLaggen à cause des gens importants qu'il a dans sa famille mais on mange très bien chez lui et il nous a présentés à Gwenog Jones.
- Gwenog Jones ? s'exclama Ron, en ouvrant des yeux ronds sous ses propres lunettes. La Gwenog Jones ? La capitaine des Harpies de Holyhead ?
- C'est ça. Personnellement, je l'ai trouvée un peu imbue d'elle-même mais…
- Ça suffit les bavardages, là-bas ! lança vivement le professeur Sprout en se précipitant vers eux, la mine sévère. Vous êtes à la traîne, tous les autres ont commencé et Neville a déjà trouvé sa première gousse !
Ils se retournèrent et virent en effet leur ami, la lèvre ensanglantée, un côté du visage sillonné de terribles estafilades, serrant entre ses mains une boule verte de la taille d'un pamplemousse qui palpitait désagréablement.
- D'accord, professeur, nous commençons tout de suite ! répondit Ron qui ajouta à voix basse, dès qu'elle se fut éloignée : Tu aurais dû te servir de l'Assurdiato, Harry.
- Parce que toi tu n'es pas capable de le lancer ? fit remarquer Megan.
- Non, il n'aurait pas dû ! protesta Hermione, très en colère, comme chaque fois qu'on parlait du Prince de Sang-Mêlé et de ses sortilèges. Bon, allons-y… Il est temps de s'y mettre…
Elle jeta aux trois autres un regard d'appréhension. Tous les quatre prirent une profonde inspiration puis fondirent sur la souche noueuse posée entre eux. Celle-ci s'anima soudain. De longues tiges épineuses, semblables à des ronces, surgirent en claquant comme des fouets. L'une d'elles s'emmêla dans les cheveux d'Hermione et Ron la repoussa à l'aide d'un sécateur. Potter parvint à attraper deux autres tiges qu'il attacha ensemble. Megan empoigna une tige dans chaque main et lutta pour maintenir sa prise. Une cavité s'ouvrit au milieu des tentacules et Hermione plongea courageusement le bras dans le trou qui se referma comme un piège autour de son coude. Ron et Potter écartèrent les tiges et tirèrent dessus avec vigueur, forçant le trou à se rouvrir. Hermione put ainsi libérer son bras d'un coup sec, les doigts crispés autour d'une gousse identique à celle de Neville. Aussitôt, les tentacules hérissés d'épines se rétractèrent et disparurent à l'intérieur de la souche qui reprit l'aspect d'un innocent morceau de bois.
- Je crois que quand j'aurai ma propre maison, on ne verra pas ce genre de plante dans mon jardin, décréta Ron qui avait remonté ses lunettes sur son front et épongeait la sueur de son visage.
- Passe-moi un bol, lui demanda Hermione en tenant à bout de bras la gousse palpitante.
Potter lui en tendit un dans lequel elle la laissa tomber d'un air dégoûté.
- Allons, ne faites pas vos délicats, ouvrez-les, elles sont meilleures quand elles sont bien fraîches ! les encouragea Sprout.
- De toute façon, reprit Hermione, poursuivant leur conversation comme si elle n'avait pas été interrompue par l'attaque du morceau de bois, Slughorn va organiser une fête à Noël et cette fois, plus question de te défiler, Harry, parce qu'il m'a demandé de vérifier quelles étaient tes soirées libres pour choisir une date où tu pourras venir.
Potter poussa un gémissement et Megan eut un sourire mauvais. Ron, qui s'était levé et essayait d'ouvrir la gousse en appuyant dessus à deux mains contre le fond du bol, lança d'un ton furieux :
- Ce sera encore une soirée pour les chouchous de Slughorn, bien sûr ?
La gousse glissa brusquement sous ses doigts, fut projetée contre la paroi de verre de la serre, rebondit et atterrit sur la tête du professeur Sprout dont elle fit tomber le vieux chapeau rapiécé. Potter alla la récupérer tandis que Megan repartait seule à l'assaut de la souche.
- C'est une soirée du club de Slug, acquiesça Hermione, mais Ron ne la laissa pas poursuivre :
- Bien sûr, pourquoi un professeur organiserait un événement pour l'ensemble des élèves alors qu'il peut ne s'intéresser qu'à ceux qui ont de l'influence ? protesta-t-il vigoureusement.
Megan tirait sur les tiges qui avaient de nouveau jailli de la bûche, sa baguette dans l'autre main pour repousser les velléités de la plante.
- Eh puis quelle influence ! continuait Ron. Toi tu seras sûrement une sorcière célèbre, mais McLaggen ou Zabini !
- Écoute, ce n'est pas moi qui ai inventé le club de Slug…, se défendit Hermione tandis que Potter revenait vers eux avec la gousse entre les mains.
- Le club de Slug, répéta Ron avec un ricanement méprisant. Slug… C'est pitoyable… On dirait un nom de limace… Enfin, j'espère que tu t'amuseras bien. Essaye de séduire McLaggen, comme ça, Slughorn pourra vous couronner roi et reine des limaces…
- On a le droit d'amener des invités, annonça alors Hermione dont le teint avait pris une couleur rouge vif. Et je voulais justement te demander de venir avec moi mais si tu penses que c'est vraiment trop stupide, je ne me donnerai pas cette peine !
Potter prit le bol et tenta d'ouvrir la gousse par des moyens tous plus bruyants et énergiques les uns que les autres. Megan ne parvenait toujours pas à écarter les tiges suffisamment longtemps pour mettre son bras dans l'ouverture qui dissimulait d'autres sphères vertes gluantes.
- Tu voulais m'inviter ? demanda Ron d'un ton qui avait complètement changé.
- Oui, répondit Hermione, furieuse. Mais si tu préfères que j'essaye de séduire McLaggen…
Il y eut un silence pendant lequel Potter continua de frapper vigoureusement la gousse élastique avec un déplantoir et Megan se mit à menacer deux tiges avec un couteau en argent.
- Non, j'aimerais mieux pas, murmura Ron à voix très basse.
Potter manqua son coup et abattit le déplantoir sur le bol qui se fracassa.
- Reparo, dit-il aussitôt en tapotant les morceaux avec sa baguette magique et le bol se reconstitua.
- Dîtes donc, vous comptez poursuivre votre scène de ménage encore longtemps ou vous allez enfin venir m'aider ? s'exclama Megan qui tenait d'une main trois tiges furieusement agitées et menaçait de l'autre la souche avec son couteau, les cheveux en bataille et une estafilade sanglante en travers du visage.
Hermione, très énervée, se mit à feuilleter fébrilement son exemplaire des Arbres carnivores du monde pour trouver de quelle façon il convenait d'extraire le jus de gousse de Snargalouf tandis que Ron, qui semblait penaud mais également assez content de lui, se tournait vers Megan pour lui porter assistance.
- Donne-moi ça, Harry, dit soudain Hermione. Il paraît qu'il faut les percer avec quelque chose de pointu…
Potter lui passa la gousse dans son bol puis il remit ses lunettes devant ses yeux et plongea à son tour sur la souche qui se débattait toujours. Une tige hérissée d'épines tenta alors de l'étrangler. Megan préférait ce combat plutôt que de continuer à assister à l'aveu d'Hermione.
- Je l'ai eue ! s'exclama Ron en arrachant une deuxième gousse de la souche au moment même où Hermione parvenait à ouvrir la première, remplissant le bol de tubercules qui se tortillaient comme des asticots verdâtres.
Jusqu'à la fin du cours, il ne fut plus question de la soirée de Slughorn. Megan ne savait pas si, finalement, Hermione allait y inviter Ron. Que se passerait-il alors, sous l'influence de l'alcool et les lumières tamisées du salon ? Au moins, tous deux arrêteraient alors de se disputer sans cesse. Mais Megan allait-elle alors être mise à part ? Les jumeaux, Kevan et leurs amis avaient quitté Poudlard et ses deux meilleurs amis tombaient amoureux, allait-elle se retrouver seule à seul avec Potter ? Plutôt affronter chaque jour une souche de Snargalouf.
Les jours se succédèrent, pendant lesquels Ron et Hermione se montrèrent ridiculement courtois l'un envers l'autre et Mandy Brocklehurst fusilla Megan du regard tout au long des cours d'Arithmancie. Elle avait toutefois renoncé à s'approprier la place de la jeune femme, visiblement encouragée en ce sens par ses amis (« tu sais ce qu'on raconte sur elle », lui avait chuchoté Isobel MacDougal d'un air effrayé). Les cours étaient toujours aussi éreintants et les lettres de Kevan étaient espacées. Megan échangeait également avec les jumeaux, mais tous deux étaient débordés par le succès de leur commerce et les réunions de l'Ordre, ils ne pouvaient rien dire d'important dans leurs lettres, et la jeune femme sentait bien que leur relation s'était détériorée depuis qu'elle leur avait menti concernant ses excursions de l'été à Manchester et au ministère de la magie. Cette situation lui abîmait le cœur, mais elle ne voyait pas comment y remédier dans l'immédiat. Toutefois, ce n'était rien à côté de ce qu'elle ressentit lorsqu'elle reçut une lettre de Molly le vendredi soir, juste avant d'aller se coucher.
Hermione, Lavender et Parvati dormaient déjà, épuisées par une semaine de cours intenses, lorsqu'un tapotement à la fenêtre surprit Megan. Voilà bien longtemps qu'elle n'avait plus vu Errol. Vieux et maladroit, l'oiseau de la famille Weasley ne faisait plus de longs vols car il n'était jamais certain qu'il parviendrait à son destinataire dans un délai acceptable, et qu'il était particulièrement susceptible de se faire intercepter : un hibou qui s'évanouissait à la moindre émotion était facilement impressionnable. Pourtant, il avait bien une lettre solidement ficelée à la patte. Consternée par l'état lamentable de l'animal, Megan le porta en silence jusqu'à la cage d'Eleyna, qui était sortie chasser, et le déposa à proximité du bol d'eau dans lequel il s'affaissa, puis s'installa sous ses couvertures pour lire son courrier avant de dormir, priant pour qu'il n'apporte aucune mauvaise nouvelle.
Megan chérie,
Je n'ai pas osé aborder le sujet cet été, je te savais trop bouleversée, et j'étais déjà si heureuse que tu nous aies enfin rejoints. Mais j'ai eu l'occasion d'en parler avec d'autres, et j'ai bien compris que tu étais particulièrement proche de Sirius.
Le cœur de Megan manqua un battement. Elle avait enfoui son deuil sous un travail acharné en classe et les déboires de son entourage à Poudlard, et elle n'était pas préparée à y être confrontée dans le confort rassurant de son dortoir. Retenant son souffle, elle poursuivit sa lecture :
Rien d'étonnant à cela puisque vous avez cohabité seuls à un moment. J'ai lu, comme nous tous, l'article dans la Gazette, et nous savons désormais que c'est toi qui l'as écrit. C'était très beau, Megan, très beau. Nous ne sommes pas en colère concernant les informations qu'il contenait, nous avons compris que tu souhaitais raconter autant de choses que possible sur la personne qu'il était vraiment. J'ai été très émue, je ne te le cache pas. Je comprends que ce qui s'est passé en juin au ministère a été terrible pour toi, je suis tellement, tellement navrée que tu aies traversé une nouvelle épreuve après tout ce que tu as déjà vécu. Et je pense que tu devrais en parler. Je ne connaissais pas bien Sirius, malheureusement, je n'étais pas membre de ce que tu sais à l'époque, et je ne le connaissais que comme l'assassin que nous avons tous cru qu'il était, toutes ces années, et l'année dernière je n'étais pas dans de bonnes dispositions pour apprendre à vraiment le connaître. Mais d'autres personnes souffrent comme toi.
Je pense bien sûr à Harry, qui était un peu comme son fils, mais je sais que vous ne vous entendez pas – ce que je ne m'explique pas, d'ailleurs ! Vous avez tellement de choses en commun !
Je pense également à RJL. Même s'il est très occupé par ses nouvelles tâches, j'ai eu quelques occasions de le voir, et il est évident que lui aussi souffre beaucoup. Je sais que vous vous entendez bien. Je pense que vous gagneriez tous les deux à vous écouter. Il n'est jamais bon de rester seul dans une épreuve. Nous sommes tous là pour vous aider à la surmonter. J'espère que tu sais que tu pourras toujours compter sur notre famille. Tu en fais partie.
MPW.
Les doigts de Megan se crispèrent sur le parchemin et le roulèrent en boule sans un regard de sa part. La feuille disparut sous son lit, où un elfe de maison le débarrasserait. Elle s'interdisait de laisser sa peine l'envahir, elle ne savait pas comment l'évacuer, et elle ne voulait pas éclater en sanglots incontrôlables au milieu de ses trois camarades, ni partager son deuil avec Remus. Si elle laissait la douleur de la mort de Sirius s'immiscer jusqu'à sa conscience, elle n'allait probablement pas se relever. Alors elle se renferma sur elle-même, rejeta les paroles de sa mère d'adoption et se roula en boule sous ses couvertures pour s'endormir en se convaincant elle-même qu'elle n'avait rien sur le cœur et qu'elle n'était qu'une adolescente qui s'endormait paisiblement après une longue semaine de cours. Mais son esprit n'était pas dupe, et son inconscient prit le relai, l'emportant dans un sommeil agité, où elle fut, impuissante, jetée de cauchemars en cauchemars dans lesquels Sirius disparaissait dans la boue d'un marécage qui l'aspirait tels des sables mouvants et elle errait à sa recherche, vainement, dans l'obscurité.
À son réveil, le visage de Megan était baigné de larmes, et elle était cramponnée à l'horrible peluche que Hermione lui avait tricotée. Le soleil n'était pas encore levé et ses camarades de dortoir étaient encore profondément endormies. Le souffle court et la gorge trop serrée pour respirer pleinement, Megan se recroquevilla en écarquillant les yeux. Où était le corps de Sirius ? Cette question lui semblait soudain primordiale et son cœur battait la chamade tandis que son regard fouillait le vide pour tenter d'y répondre. Il était tombé à travers l'arcade qui se dressait au centre des gradins de pierre, et il n'était pas réapparu de l'autre côté, il avait été emporté dans le monde d'où provenaient les voix. Il était parti, entièrement. Il ne serait jamais enterré. Il n'y avait nulle part où se recueillir, où se souvenir de lui. Un grand vertige saisit Megan lorsqu'elle s'aperçut qu'elle ne savait pas non plus où étaient enterrés ses parents, Cedric et Anita. Comment pouvait-elle n'y avoir jamais pensé ? Elle n'était jamais allée fleurir leurs tombes, n'était jamais allée leur rendre visite. Elle se sentit sale.
Rejetant ses draps humides de sueur, elle tituba jusqu'à la salle de bain et, sous la douche, frictionna son corps compulsivement comme si elle espérait se débarrasser de sa peau pour renaître sous une forme meilleure, insistant désespérément sur son avant-bras gauche. Au bout de quinze minutes, elle était épuisée et résignée. Coupant le jet d'eau brûlante, elle s'habilla à la hâte et quitta le dortoir. À cette heure matinale, la salle commune et les couloirs étaient vides. La Grande Salle n'accueillait pour le petit-déjeuner que quelques élèves de cinquième et septième années, réveillés aux aurores par le stress en ce samedi matin pour réviser leurs examens qui n'auraient pourtant pas lieu avant plusieurs mois. Les pas de Megan la guidèrent jusqu'au bureau de McGonagall, dont la porte était étonnamment ouverte.
- Buckley, sursauta le professeur de métamorphose, penchée sur une pile de copies. Qu'est‑ce que vous faites là ?
- Vous savez qui je suis, pas vrai ?
Sa voix était rauque, comme si ses cordes vocales s'étaient abimées pendant la nuit. McGonagall l'étudia longuement de ses yeux sévères puis poussa un soupir lorsque son élève se laissa tomber dans le siège qui faisait face à son bureau.
- Je sais tout ce qu'i savoir à votre sujet, finit-elle par reconnaître.
- Et vous savez où sont mes parents ?
Elle ne ressemblait plus à la jeune femme dangereuse et fière qui arpentait les couloirs de l'école avec assurance, mais à une petite fille orpheline.
- Que voulez-vous dire ? s'enquit McGonagall d'une voix étonnamment douce.
- Où est-ce qu'ils sont ? demanda Megan en faisant machinalement tourner entre ses doigts les alliances qu'elle portait. Je voudrais aller les voir.
- Je pensais que vous le saviez… Ils sont au cimetière de Corsham. Dumbledore avait demandé qu'ils soient enterrés près de là où vous alliez vivre avec Emily et Roger.
Megan observa McGonagall en écarquillant imperceptiblement les yeux. Ils avaient toujours été près d'elle, mais elle ne le savait pas. Pourquoi les Boyd ne lui avaient-ils rien dit ? Peut-être craignaient‑ils qu'elle ne s'attache pas à eux si elle avait su que sa véritable famille était toute proche. Ce n'était pas une réussite pour autant. Les Malfoy le savaient-ils, eux aussi ? Probablement pas.
- Il est trop dangereux d'y aller, maintenant, ajouta McGonagall. Il est fort probable que cette région soit surveillée, justement dans l'espoir de vous y surprendre. Je suis désolée d'apprendre que vous n'avez jamais eu connaissance de cette information, d'autant que Miss Day y a aussi été enterrée. Vous aurez l'occasion de vous y rendre ensuite.
- « Ensuite », répéta Megan avec un petit rire triste. Vous êtes optimiste.
- Il le faut, Miss Buckley, affirma McGonagall d'un ton sans appel. L'espoir fait partie intégrante de la lutte.
- Est-ce que vous pensez que Voldemort a de l'espoir, lui ? Non, il est sûr de gagner. Il ne doute pas... Il a toujours été sûr de lui. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait... créer quelqu'un d'autre comme moi ? Avec Bellatrix Lestrange, par exemple ?
La sorcière prit quelques secondes pour répondre.
- Je ne pense pas qu'il se risquera de nouveau à transmettre une partie de ses pouvoirs à un enfant de Mangemorts, quels qu'ils soient. Il a appris de l'erreur commise. Il avait sous‑estimé l'amour que des parents pouvaient avoir pour leur enfant, persuadé que l'avidité des Mangemorts et leur dévotion envers lui dépassait tout, qu'ils seraient tous prêts à tout pour se distinguer à ses yeux et participer à son vil projet. De plus, il serait contraint d'atteindre la naissance de l'enfant et que celui-ci grandisse suffisamment pour pouvoir utiliser ses pouvoirs, or il aurait besoin dès maintenant de ce soldat. Je pense que nous pouvons, Merlin merci, estimer qu'il n'y aura plus jamais de cas similaire.
Cette nouvelle était rassurante. Et, quelque part, Megan aurait tout particulièrement détesté que quelqu'un d'autre partage sa particularité. Elle aimait être la seule à pouvoir rivaliser avec Dumbledore et Voldemort, la seule à avoir hérité des Ténèbres.
- Ai-je répondu à toutes vos questions, Miss Buckley ? s'enquit McGonagall.
- Non. Sirius. Où est-ce qu'il est, lui ?
Son professeur de métamorphose avait visiblement espéré que ce sujet ne serait pas abordé. Elle savait qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas dans ce qui s'était passé au ministère.
- Je n'ai malheureusement pas la réponse à cette question.
- Qu'est-ce que c'était que cet endroit ? insista Megan. Je sais que c'était le Département des Mystères, que des études sont faites par le ministère là-bas. Sur le Temps – dans la pièce où on a détruit tous les retourneurs de temps Hermione m'a raconté que l'un des Mangemorts s'est retrouvé la tête coincée dans la grande cloche transparente où un oiseau naissait et mourrait, et qu'il s'est mis à rajeunir et à vieillir sans s'arrêter – mais aussi sur l'Espace, les Prophéties et les Pensées. Et j'ai entendu Dumbledore appeler cet endroit la « chambre de la Mort ». Je m'en souviens très bien. Qu'est-ce que ça veut dire ? Où est Sirius ?
- Je ne suis pas la bonne personne pour vous répondre, décréta McGonagall d'un ton sans appel. Je ne peux vous dire qu'une chose : Sirius Black est bel et bien mort, et il ne pourra malheureusement pas être enterré. Je suis profondément navrée de ce qu'il s'est passé, Miss Buckley, croyez-moi, mais il ne serait pas bon pour vous de revenir dans cet endroit, physiquement ou en pensée. Je vous invite vivement à oublier cette pièce, qui, de toute manière, est désormais plus sécurisée que jamais.
Dumbledore aussi avait cherché à l'éloigner. Elle se souvenait qu'il avait forcée à reculer alors qu'elle entendait s'élever des voix familières au-delà du voile.
