En l'absence d'une date de retour certaine de Katie à Poudlard, Potter dut se résoudre à lui trouver une remplaçante : le premier match de la saison, qui opposerait Gryffondor à Serpentard, n'était plus que dans deux semaines. Le mardi, il sélectionna donc Dean Thomas pour compléter son équipe de Quidditch. Cette décision sembla lui attirer les foudres de Seamus Finnigan, visiblement jaloux de n'avoir pas été choisi, et des autres candidats : on murmurait beaucoup dans la salle commune sur le fait qu'il avait sélectionné dans l'équipe deux de ses camarades de classe. Il fallait reconnaître que l'équipe n'était pas brillante, cette année : les batteurs étaient trop frêles, à part Ginny les poursuiveurs n'avaient aucune expérience, et Ron était beaucoup trop instable pour être fiable. Le premier entraînement depuis l'attaque de Katie ne sembla d'ailleurs pas bien se passer : en début de soirée, Megan vit successivement remonter dans la salle commune Dean, qui semblait très gêné, puis Ginny visiblement furieuse, et enfin Ron, qui fusillait du regard tout ce qui lui passait devant les yeux, et Potter qui cherchait à regarder ostensiblement dans une autre direction que celle de son meilleur ami.

- Il s'est passé quoi à l'entraînement ? demanda-t-elle à Demelza Robins, l'autre poursuiveuse.

- Hein ? sursauta la jeune fille, qui n'avait jamais osé s'adresser directement à Megan. Rien de spécial… Mais je crois qu'on a été plutôt mauvais, et euh… Ron n'a pas arrêté de but et m'a donné un coup de poing dans la bouche.

Elle avait effectivement la lèvre enflée. Mais cela ne suffisait pas à justifier l'attitude des quatre autres membres de l'équipe. Megan monta donc dans le dortoir des filles et frappa à la porte de la chambre que partageait Ginny avec Demelza et Enimia Hall.

- Qu'est-ce que tu veux ? aboya la jeune fille qui sortait de la douche, enroulée dans une serviette aux couleurs de sa maison.

- Savoir pourquoi ton mec, ton frère et ton capitaine ont l'air de regretter d'avoir fait un plan à trois ensemble ?

Ginny mima l'envie de vomir avec beaucoup de réalisme.

- Ron et Harry nous ont surpris en train de s'embrasser dans un couloir vide, et Ron a pété un câble, expliqua-t-elle d'un air furieux. Il a même essayé de me jeter un sort ! Il est juste jaloux !

- De Dean ? s'étonna Megan qui n'aimait pas la tournure que prenait la conversation.

- Non ! Juste du fait que les autres aient une vie sentimentale et pas lui !

- Oh. Oui, ça lui ressemble bien, concéda Megan. Mais de là à te jeter un sort ?

- Ne me pose pas la question, je ne sais pas pourquoi il est aussi con ! Maintenant je vais me coucher !

Megan haussa les épaules et quitta le dortoir en refermant la porte, estimant que les choses iraient mieux le lendemain. Toutefois, au petit-déjeuner, elle trouva un Ron toujours aussi furieux, qui refusait d'adresser la parole à Ginny et Dean, et traitait avec une indifférence glacée, méprisante, une Hermione déconcertée et visiblement blessée par son attitude. Megan ne voyait effectivement pas ce que la jeune fille avait à voir avec les événements de la veille : s'il voulait avoir une vie sentimentale, avec elle, il lui suffisait de le dire ! Il devenait évident que c'était là aussi le souhait de Hermione. Pourtant, il se montra exécrable tout au long de la journée, jusqu'à ce que Hermione monte se coucher d'un air offusqué, et maintint cette attitude tout au long des deux semaines qui suivirent, n'hésitant pas à lancer des jurons furieux aux élèves qui avaient l'outrecuidance de le regarder d'un peu trop près ou de se trouver sur son passage. D'après Ginny, il hurlait sur tout le monde au cours des entraînements au cours desquels il jouait de plus en plus mal, jusqu'à faire fondre en larmes Demelza et convaincre Jimmy Peakes, qui faisait pourtant les deux tiers de sa taille, de s'en prendre à lui pour la défendre, la veille du match.

- Il veut démissionner, annonça Potter lorsqu'ils remontèrent dans la salle commune après l'entraînement ce soir-là.

- Il fait ce qu'il veut, je m'en fiche, répondit Hermione d'un ton buté.

- Il a intérêt à garder ses fesses dans l'équipe, gronda Megan en regardant l'intéressé monter dans son dortoir sans un mot pour se doucher avant le dîner, l'air furieux.

Potter, et Megan à sa façon, consacrèrent tout le repas à tenter de redonner confiance à Ron, mais celui-ci était trop occupé à se montrer grincheux et acariâtre avec Hermione pour leur prêter attention. Le soir, dans la salle commune, Potter insista mais son affirmation selon laquelle toute l'équipe serait consternée si Ron démissionnait fut quelque peu contredite par le fait que les autres joueurs s'étaient rassemblés dans le coin opposé et maugréaient contre lui en lui jetant des regards mauvais. Finalement, Potter essaya de le mettre en colère dans l'espoir de provoquer chez lui une attitude de défi qui l'inciterait peut-être à mieux garder ses buts, mais cette stratégie ne sembla pas donner de meilleurs résultats que les encouragements. Ron alla se coucher aussi abattu et désespéré qu'auparavant.

Megan n'appréciait pas que son meilleur ami semble aussi malheureux, mais elle ne s'expliquait pas son comportement, qui lui semblait disproportionné, et elle lui en voulait de s'en prendre à Hermione, qui ne semblait avoir aucun tort dans la situation. Il lui semblait toutefois impossible de prendre parti. Elle n'avait envie que d'une chose : les pousser l'un sur l'autre pour qu'ils arrêtent de se tourner bêtement autour et de compliquer la vie des autres autour d'eux.

- J'ai trouvé une solution pour que Ron joue bien aujourd'hui.

Potter avait surpris Megan en la prenant à part par le bras dans la salle commune alors qu'elle venait à peine de se lever.

- Mais j'ai besoin que tu gardes le secret. Je te le dis parce que sinon tu vas tout gâcher.

Megan leva un sourcil.

- On peut savoir ce qui te prend ? lui lança-t-elle avec agacement en dégageant son bras.

- Je vais faire semblant de verser du Felix Felicis dans son petit-déjeuner. Discrètement, mais en faisant en sorte qu'il pense que je l'ai fait. J'ai bien dit faire semblant, répéta-t-il en voyant Megan ouvrir la bouche pour protester. Je ne te demande pas ton avis, juste de ne pas cracher le morceau, ok ?

À contrecœur, elle acquiesça : c'était une bonne idée. Ron arriva alors à son tour dans la salle commune, et ils descendirent ensemble dans la Grande salle, dont le plafond reflétait le ciel clair du dehors. Le petit-déjeuner se déroula dans l'habituelle excitation des jours de match. Les Serpentard sifflèrent et conspuèrent à grand bruit l'équipe de Gryffondor à son entrée dans la Grande Salle. Lorsqu'ils approchèrent de la table de Gryffondor, une masse compacte de rouge et d'or, tout le monde acclama Ron et Potter. Ce dernier sourit et répondit d'un geste de la main., mais le second n'eut qu'une vague grimace en hochant la tête. Megan lui donna une tape dans le dos.

- Courage, Ron ! cria Lavender. Je suis sûre que tu seras fabuleux !

Ron ne lui accorda pas un regard.

- Du thé ? lui proposa Potter. Du café ? Du jus de citrouille ?

- Peu importe, répondit Ron, la mine lugubre, en mordant dans un toast avec mauvaise humeur.

Quelques minutes plus tard, Hermione, tellement lassée de la conduite désagréable de Ron qu'elle n'était même pas descendue en même temps qu'eux dans la Grande Salle, s'arrêta à leur hauteur.

- Comment vous vous sentez, tous les deux ? demanda-t-elle timidement, en fixant la nuque de Ron.

- Très bien, assura Potter, occupé à tendre à Ron un verre de jus de citrouille dans lequel il venait de prétendre verser le contenu de sa fiole de Felix Felicis. Tiens, Ron, bois.

Celui-ci venait de porter le verre à ses lèvres lorsque Hermione lança brusquement :

- Ne bois pas ça !

Ron et Potter levèrent les yeux vers elle.

- Et pourquoi pas ? s'étonna Ron.

Hermione regardait à présent Potter comme si elle n'en croyait pas ses yeux.

- Tu viens de mettre quelque chose dans ce verre.

- Pardon ?

- Tu as très bien entendu. Je t'ai vu. Tu as versé un liquide dans le verre de Ron. Tu as encore la bouteille dans ta main droite !

- Je ne sais pas de quoi tu parles, répliqua Potter, glissant en hâte le flacon dans sa poche.

- Tu dérailles, Hermy, affirma Megan en hochant la tête.

- Ron, je te préviens, ne bois pas ça ! répéta Hermione, alarmée, mais Ron prit son verre et le vida d'un trait.

- Arrête de me donner des ordres, Hermione.

Elle parut scandalisée et se penchant vers Potter pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille. La réponse de Potter sembla lui déplaire, car elle s'éloigna le long de la table d'un pas furieux sous le regard du garçon, qui ne semblait pas regretter son geste. Megan était toutefois frustrée que la situation ait tourné de cette façon : elle aurait préféré que sa meilleure amie ne soit pas de nouveau repoussée, même si sa réaction permettait d'avoir exactement l'effet escompté par Potter. Celui-ci se tourna vers Ron, qui se léchait les lèvres, et lui annonça d'un ton léger :

- C'est presque l'heure.

L'herbe couverte de givre craquait sous leurs pas tandis qu'ils se rendaient au stade.

- Une chance qu'il fasse beau, hein ? lança le capitaine de l'équipe.

- Ouais, répondit Ron, le teint pâle et maladif.

- Je suis sûre que tu vas assurer plus que jamais aujourd'hui, Weasley, lança Megan avant de s'éloigner en direction des gradins. On se retrouve après la victoire !

À l'une des extrémités du stade, les gradins étaient entièrement rouge et or ; de l'autre côté, c'était une mer vert et argent. Nombre d'élèves de Poufsouffle et de Serdaigle avaient également choisi leur camp. Elle prit place à côté de Neville et Seamus (dont l'humeur avait fini par s'améliorer), et Hermione la rejoignit quelques minutes plus tard.

- Megan, je ne suis pas folle, j'ai vu Harry verser quelque chose dans le verre de Ron, lui chuchota-t-elle d'un ton précipité. C'était du Felix Felicis, la potion qu'il a gagnée au premier cours ! C'est illégal de s'en servir dans une compétition sportive, c'est Slughorn qui nous l'a dit ! Harry pourrait être renvoyé si quelqu'un le découvre !

- Personne ne va rien découvrir, répondit Megan d'un ton dégagé. Potter a fait semblant de la verser, pour que Ron pense qu'il l'avait fait.

- Quoi ?

- Crois-moi ! Le match va commencer.

Hermione ne semblait pas convaincue, mais les équipes rivales venaient d'entrer sur le terrain dans un tumulte d'acclamations et de huées, au milieu desquelles on entendait distinctement le rugissement du lion qui ornait le célèbre chapeau de Luna Lovegood. Cherchant machinalement du regard les cheveux blonds de Draco, Megan eut la surprise de découvrir qu'il n'était pas parmi les joueurs de Serpentard.

- Eh, où est Malfoy ? demanda Neville, qui avait fait le même constat.

- J'ai entendu dire qu'il était malade et qu'il avait déclaré forfait, répondit Colin Creevey, l'insupportable élève de cinquième année assis sur le banc devant eux, qui avait comme toujours son appareil photo entre les mains. Il est remplacé par cet idiot de Harper. C'est trop cool !

La situation n'avait rien de « cool » : Draco n'aurait manqué un match pour rien au monde. S'il était vraiment trop affaibli pour jouer, il aurait au moins tenté de faire reporter la rencontre, comme il l'avait déjà fait par le passé. En parcourant du regard la masse vert et argent des gradins d'en face, elle ne le trouva pas non plus aux côtés de Pansy Parkinson. Cela ne lui ressemblait pas.

Les deux capitaines rejoignirent Madam Hooch, l'arbitre, qui se tenait prête à libérer les balles de leur boîte, et se serrèrent la main.

- C'est qui, ce type ? lança Megan en désignant celui qui écrasait les doigts de Potter.

- Pâris Urquhart, répondit encore Creevey. Il joue comme poursuiveur.

- Je rêve où il n'était même pas l'équipe, avant ? Pourquoi il est capitaine ?

- Il était dans l'équipe quand j'étais en première année, se rappela le photographe. Mais je ne me souviens pas l'avoir vu voler depuis.

- La seule chose qu'il a volée, c'est sa place, décréta Megan. C'est Draco qui aurait dû être capitaine !

- On s'en fiche, non ? lui fit remarquer Hermione, surprise de la réaction de son amie. Tant mieux si, pour une fois, Malfoy n'a pas eu ce qu'il voulait !

Voilà encore une attitude surprenante de Draco : pourquoi ne s'était-il pas battu pour obtenir ce poste qu'il ne pouvait que convoiter ? Même sans l'influence de Lucius, aujourd'hui derrière les barreaux, il avait mérité cette place et il était aberrant que Snape ne la lui ait pas confiée. Était-ce une punition pour être fils de Mangemort ? Draco n'avait pas son mot à dire sur le chemin que prenait son père, c'était injuste.

Sa propre réaction mit Megan en colère : elle ressentait de la compassion et de l'inquiétude pour celui qui n'avait jamais rien fait d'autre que de s'en prendre à ses proches, qui avait laissé Sirius se faire tuer, qui ne l'aimait pas. Il ne méritait pas sa pitié, ni même une seule seconde de ses pensées. Elle le chassa de son esprit et se concentra sur le match qui commençait au sifflet de Madam Hooch. Les joueurs décollèrent en flèche du sol gelé et s'élevèrent dans les airs. Une voix radicalement différente de celle du commentateur habituel résonna dans le stade :

- Voilà, c'est parti, et je crois que nous sommes tous très surpris de voir l'équipe que Potter a constituée cette année. Étant donné les performances très inégales de Ronald Weasley à son poste de gardien l'année dernière, beaucoup pensaient qu'il ne ferait peut-être plus partie de l'équipe mais bien sûr, des liens d'amitié très étroits avec le capitaine peuvent arranger bien des choses…

Cette remarque fut accueillie par des huées et des applaudissements du côté des Serpentard. Megan et Hermione se penchèrent d'un même mouvement par-dessus la balustrade pour voir qui se trouvait sur l'estrade du commentateur. Un garçon blond, grand et efflanqué, avec un nez en trompette, parlait dans le mégaphone magique qui avait été en d'autres temps celui de Lee Jordan. C'était Zacharias Smith, un joueur de Poufsouffle qui avait rejoint l'Armée de Dumbledore l'année précédente mais qui courrait sur le haricot de Megan depuis toujours.

- Ah, et voici la première attaque de Serpentard, c'est Urquhart qui fonce vers les buts et… Weasley bloque le tir. Il a parfois de la chance, j'imagine…

Il ne pensait pas si bien dire, pensa Megan. Après une demi-heure de jeu, Gryffondor menait par soixante points à zéro. Ron avait réalisé quelques arrêts spectaculaires, bloquant parfois le tir d'extrême justesse, du bout de ses gants, et Ginny avait marqué quatre des six buts de Gryffondor. Smith dut alors cesser de se demander à haute voix si les deux Weasley n'étaient là qu'en raison de leurs liens d'amitié avec Potter et il s'en prit plutôt à Peakes et à Coote :

- Bien sûr, Coote n'a pas vraiment la carrure qu'on attend d'un batteur, disait-il d'un ton hautain, généralement, ils ont un peu plus de muscles…

Malgré les remarques acerbes, les Gryffondor ne rataient jamais leur coup. Ils marquaient, marquaient inlassablement, et à l'autre bout du terrain, tout aussi inlassable, Ron arrêtait les tirs avec une apparente facilité. Il souriait à présent et quand la foule, après un blocage particulièrement remarquable, l'acclama en chantant le bon vieux refrain Weasley est notre roi, il fit des gestes de chef d'orchestre, comme s'il dirigeait le chœur de là-haut.

Loin au-dessus du sol, Harper, qui remplaçait Draco, heurta violemment Potter dans un geste visiblement délibéré qui fit crier de colère les supporters de Gryffondor. Madam Hooch leur tournait le dos et les regarda trop tard : Harper avait déjà filé, Potter s'élançait à sa poursuite.

- Je crois que Harper, de Serpentard, a repéré le Vif d'or, annonça Zacharias Smith dans son mégaphone. Oui, il a sûrement vu quelque chose qui a échappé à Potter !

Smith avait visiblement raison : le Vif d'or filait loin au-dessus d'eux, étincelant dans le ciel bleu et clair. Potter accéléra sur son Éclair de feu, meilleur que le Brossdur 11 de son rival, sous les cris de la foule. Hermione, qui avait protesté tout au long du match à chaque arrêt de Ron, persuadé qu'il ne devait ses remarquables performances qu'au Felix Felicis, se mit à sauter sur place, cramponnée à la balustrade. Harper était toujours devant Potter et Gryffondor ne menait que de cent points – si l'attrapeur de Serpentard se saisissait du Vif d'or, il apporterait la victoire à son équipe. La main tendue, il touchait presque la minuscule balle lorsque Potter lui cria quelque chose que les supporters ne pouvaient entendre. Harper eut alors un geste maladroit qui laissa le Vif d'or lui glisser entre les doigts. Emporté par son élan, il dépassa la balle, dont Potter se saisit avec un large mouvement du bras.

- OUAIS ! hurla-t-il.

Il exécuta un demi-tour et redescendit en piqué, levant la main qui tenait le Vif d'or. Lorsque la foule comprit ce qui venait de se passer, une immense clameur s'éleva dans le stade, couvrant le bruit du sifflet qui signalait la fin du match. Les joueurs de Gryffondor s'empressèrent de voler jusqu'à Potter pour l'étreindre en plein ciel, mais Ginny leur passa devant et poursuivit sa course jusqu'à l'estrade du commentateur qu'elle percuta de plein fouet dans un fracas assourdissant.

Tandis que des cris et des rires fusaient des tribunes, le reste de l'équipe de Gryffondor atterrit devant les débris de bois sous lesquels Zacharias remuait faiblement.

- GINEVRA WEASLEY ! tempêta McGonagall en se levant d'un bond de son siège. Qu'est‑ce qui vous a pris ?

- Désolée, professeur, j'ai oublié de freiner, déclara Ginny d'un ton léger avant de rejoindre ses coéquipiers au sol pour les féliciter et déposer ses affaires au vestiaire.

Hilare, Megan quitta les tribunes et se retrouva emportée par l'équipe de Gryffondor qui sortait des vestiaires en liesse, se donnant des tapes dans le dos et quittant le terrain bras dessus bras dessous pour rejoindre la fête qui s'organisait dans la salle commune. Les supporters les plus enthousiastes les accompagnaient en les acclamant. Megan s'aperçut que Ron et Potter n'avaient pas suivi le mouvement : ils remonteraient sûrement au château en compagnie de Hermione, et elle les retrouverait là-bas.

Mais Ron arriva seul, puis Potter à son tour, et il n'y avait aucune trace de Hermione. La célébration, organisée par Seamus, Lavender, Parvati et Neville, était une réussite, mais Megan ne s'y amusait pas vraiment en l'absence des jumeaux et de leurs amis communs, qui avaient toujours été le cœur de la fête. Potter ne semblait pas non plus très heureux, harcelé par les frères Creevey qui voulaient l'entendre faire une analyse du match minute par minute, et des filles, agglutinées autour de lui, qui riaient de ses remarques les moins drôles en battant des cils. En revanche, Ron passait visiblement une très bonne soirée. Megan le découvrit avec consternation dans un coin de la pièce, si étroitement enlacé avec Lavender Brown qu'on ne distinguait plus les limites de leurs corps respectifs, en train de lui récurer la gorge à coup de langue à la vue de tous. C'était à n'y plus rien comprendre : Megan avait eu du mal à accepter l'idée, implantée par Ginny, que Ron en pinçait pour Hermione, puis cela lui avait paru évident. Aujourd'hui, pourtant, il la repoussait de toutes ses forces et jetait son dévolu sur une fille pour laquelle il n'avait jusqu'alors démontré aucune forme d'intérêt.

- Ils ont l'air ridicule, hein ? lança Ginny en arrivant à côté de Megan. Tu sais que c'est la première fois qu'il embrasse une fille ? Quand je pense qu'il s'est énervé parce que, soi-disant, je bécotais Dean en public, et que lui se donne en spectacle comme ça…

- Ronald n'a jamais été quelqu'un de discret, fit remarquer Megan en se détournant pour s'intéresser aux bouteilles de Bièraubeurre. Félicitations pour ton match, au fait, très beaux buts, très belle destruction de l'estrade en conclusion.

Ginny éclata de rire en plongeant la main dans un bol de chips de citrouille.

- Depuis le temps que j'avais envie de me le faire, Smith ! Tu ne voudrais pas faire les commentaires à sa place ? Ce serait beaucoup plus drôle, et je suis sûre que la moitié des élèves de l'école ne t'ont jamais entendue parler, la nargua Ginny.

- Ils ne seraient pas déçus du voyage, acquiesça Megan, qui n'avait pas plus envie de prendre ce rôle que d'intégrer l'équipe.

- Je suis contente que Dean remplace Katie, mais je suis étonnée que Harry ne t'ait pas proposé le poste.

Ginny porta une bouteille de Bièraubeurre à ses lèvres sans lâcher son amie des yeux.

- Il sait que j'aurais refusé. De toute façon, la place ne sera pas vacante très longtemps, j'ai cru comprendre que Katie allait de mieux en mieux.

- J'espère qu'on trouvera qui lui a fait ça, affirma férocement Ginny.

Megan ne doutait pas que la jeune fille saurait venger son amie. Elle acquiesça et jeta un regard autour d'elle. Ron et Lavender avaient disparu, ainsi que Potter, et il n'y avait toujours aucun signe de Hermione.

- Ils sont où, les autres ? se demanda-t-elle à voix haute.

- J'ai vu tes amis sortir, il n'y a pas longtemps, lui répondit Leanne Anderson, qui passait justement devant elle.

Prenant congé de Ginny, Megan reposa sa Bièraubeurre et quitta la salle commune à son tour, pressentant qu'il se passait quelque chose. Elle avait visiblement raison : à peine avait-elle émergé du trou dissimulé par le portrait de la Grosse dame qu'elle entendit Hermione crier de colère. Pressant le pas, elle suivit les éclats de voix et tomba nez-à-nez avec sa meilleure amie, en larmes, qui avançait à grands pas.

- Hermione ! Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Tu n'as qu'à demander à Ron ! répliqua furieusement la jeune fille en repoussant Megan et en continuant son chemin.

Les sourcils froncés, Megan suivit les cris qui continuaient à retentir et poussa la porte d'une salle de classe où elle trouva Ron et Potter aux prises avec une nuée de petits oiseaux dorés semblables à ceux qu'ils apprenaient à faire apparaître en cours de métamorphose. Les deux garçons avaient les bras levés pour tenter tant bien que mal de se protéger des furieux volatiles qui les piquaient de leurs becs et les griffaient de leurs pattes. Megan sortit sa baguette et prononça le contre-sort :

- Finite.

Les oiseaux s'évanouirent aussitôt dans un « pouf ». Ron réapparut, haletant, les bras et le visage marqués de fines lacérations peu profondes mais visiblement douloureuses.

- Elle est complètement folle !

- Je peux savoir ce qui se passe ? leur demanda sèchement Megan.

- Va retrouver Hermione, s'il te plaît, la pria Potter. Je t'expliquerai, d'accord ? Va voir Hermione.

Après une seconde d'hésitation, Megan rangea sa baguette dans sa robe et quitta la salle sans un mot. Elle retrouva sans peine Hermione, guidée par les sanglots et les reniflements. La jeune fille pleurait, assise dans les escaliers d'une tour vide, le regard tourné vers le carreau.

- Eh ! Qu'est-ce qu'il se passe, exactement ?

- Oh non, laisses-moi tranquille, gémit Hermione.

- Je ne vais pas te laisser te vider de toute ton eau dans un coin comme si de rien n'était, refusa Megan en s'asseyant à côté de son amie. Raconte.

Les sanglots de Hermione redoublèrent, puis elle parvint à articuler :

- C'est Ron ! Et cette f-fille ! Je ne comprends pas… !

Megan sortit un mouchoir d'une des poches de sa robe et la tendit à Hermione, qui se moucha dans un grand bruit de trompettes.

- Je pensais qu'il m'aimait b-bien et maintenant il est tout le temps m-méchant, et il se met à embrasser cette… cette…

De toute évidence, Hermione ne pouvait se résoudre à prononcer le qualificatif que lui inspirait Brown.

- Cette catin, compléta Megan en hochant la tête. Écoutes, je ne sais pas non plus pourquoi Ronald se comporte comme un énorme crétin en ce moment. Je pensais aussi qu'il t'aimait bien.

- C'est vrai ? gémit Hermione en levant vers son amie des yeux rouges baignés de larmes.

- Je me trompe peut-être, balaya Megan, mal à l'aise. J'en sais rien. Alors tu aimes bien, Ron, hein ? Enfin, pas comme Potter, quoi ?

Hermione se mit à pleurer encore plus fort. La situation était horriblement inconfortable. Megan n'était pas la bonne personne pour consoler un chagrin d'amour, elle était déjà terriblement mauvaise avec ses propres relations, et elle n'avait pas la délicatesse nécessaire pour apaiser la peine des autres.

- Ok, d'accord, j'ai compris, dit-elle en levant les mains, comme si cela pouvait rassurer Hermione. Eh bien si tu es jalouse, tu n'as qu'à le dire à Ron, et lui dire qu'il te plaît !

- Mais c'est pas si simple, sanglota Hermione. Il se moquera de moi, et puis je n'ai pas envie de lui dire quoi que ce soit, c'est un crétin et un égoïste ! ajouta-t-elle avec colère.

Elle se moucha une dernière fois.

- Non, décréta-t-elle, je ne dirai rien à Ron tant qu'il ne sera pas venu s'excuser auprès de moi.

- Ça va être long, prédit Megan.

- Tant pis pour lui ! Et toi – Hermione pointa sur sa meilleure amie un index – tu ne vas rien dire à personne, c'est bien compris ? Rien à Ron ! Rien à Harry ! Rien à qui que ce soit !

- Ça règlerait les choses si Ron était au cour-

- NON !

Hermione bondit sur ses pieds, le regard un peu fou.

- Je te l'interdis !

- Ok ! s'exclama Megan en se levant à son tour. De toute façon, toute cette histoire est ridicule et je ne veux pas y être mêlée !