- C'était assez dingue ! Slughorn avait agrandi son bureau, on avait l'impression d'être sous une immense tente, il y avait une lampe remplie de fées, un vampire, Trelawney (oui, moi aussi j'étais surprise ! elle était très alcoolisée… Comme Slughorn, ceci dit), Snape, et beaucoup de petites personnalités du monde magique ! Honnêtement, si ça s'était passé dans d'autres circonstances, j'aurais vraiment passé une très bonne soirée. C'est vraiment dommage que tu ne sois pas venue.
Hermione venait de rentrer de la soirée de Slughorn et ôtait ses souliers en relatant les événements de la nuit à une Megan presqu'endormie dans un fauteuil de la salle commune désormais vide.
- Et McLaggen ? grogna Megan en remuant sur son séant pour se réveiller.
- Oh là là, ne me parles plus de ce rustre ! À côté de lui, Grawp est un véritable gentleman ! Il n'a rien fait d'autre que de me parler de ses stupides parties de Quidditch, comme si c'était la seule chose qui existait au monde. Finalement, j'aurais plutôt dû choisir Zacharias Smith…
Megan ne put retenir un éclat de rire en montant avec son amie dans le dortoir pour y terminer leur courte nuit.
Le lendemain matin, comme la plupart des autres élèves de l'école, elles quittèrent Poudlard pour rejoindre leurs familles respectives pour les vacances de Noël. C'était bien sûr au Terrier que se rendait Megan, en compagnie de Ron, Ginny et Potter. Molly les accueillit comme s'ils rentraient du front. Elle les étreignit tous les quatre de toutes ses forces et déposa des baisers humides sur leurs joues dès qu'ils furent arrivés à proximité de la maison de famille Weasley, les cheveux pleins de neige fondue.
- J'étais tellement, tellement inquiète, déplora-t-elle. Oh, bien sûr, je sais que Poudlard est un endroit sûr ! Mais toutes ces attaques, tous ces morts… Et vous ne répondiez pas à toutes mes lettres !
Son regard sévère se posa notamment sur Megan, qui avait enfoui au plus profond d'elle-même la missive dans laquelle elle l'invitait à se confier à Remus au sujet de la mort de Sirius. Le cœur de la jeune fille se serra à cette seule pensée. Heureusement, les protestations sonores de Ron et Ginny qui affirmaient être bien trop occupés à réviser leurs examens pour lui écrire des rouleaux de parchemin dissipèrent cette sensation. Megan put ainsi laisser échapper avec Ginny une plaisanterie quant au fait que les examens ne seraient pas la seule source de distraction de Ron ces derniers temps, et se réjouit de constater que les jumeaux étaient là. Tous deux s'empressèrent de la serrer dans leurs bras en déclarant haut et fort leur joie de retrouver leur partenaire de confection de farces et attrapes, bien heureux de ne plus avoir à s'en cacher de leur mère.
- Ne m'en parlez pas trop, leur conseilla Molly, qui souriait toutefois. Occupez-vous plutôt d'aider Ginny à monter les bagages dans les chambres ! Ron, Harry et Megan, je vais avoir besoin de vous en cuisine !
Aussitôt arrivés, ils étaient plongés dans l'animation du Terrier si chère à Megan. Retroussant ses manches, elle ne rechigna pas à affronter l'immense montagne de choux de Bruxelles à éplucher qui les attendait devant l'évier.
- Il faut que je vous raconte quelque chose, murmura Potter dès qu'ils furent seuls. Hier, à la soirée de Slughorn, j'ai surpris Malfoy-
- Oh, tu ne vas pas recommencer ! s'exclamèrent Megan et Ron d'une même voix.
- Taisez-vous, je vous jure que vous allez vouloir entendre ce que j'ai à vous dire, s'agaça Potter. Filch l'a trouvé en train d'essayer d'entrer en douce à la soirée. Slughorn l'a autorisé à rester, mais ce n'était visiblement pas ce qui l'intéressait. Alors Snape l'a emmené de force dans une salle de classe-
- Et bien sûr tu les as suivis, déplora Ron.
- Et j'ai bien fait ! Ils se sont disputés, car a priori Malfoy aurait évité Snape pendant tout le trimestre, refusant toutes ses convocations dans son bureau, et Malfoy a dit que c'était parce qu'il ne voulait pas que Snape se mêle de… quelque chose. Ils n'ont pas été précis, bien sûr, mais Snape lui a dit qu'il était soupçonné d'avoir quelque chose à voir avec ce qui est arrivé à Katie, et qu'il n'était pas assez prudent dans l'exécution de son « plan ». C'est Malfoy qui a parlé de plan ! se défendit Potter en voyant Megan ouvrir la bouche. Il a dit, très exactement « C'est ma mission, il me l'a confiée et je l'accomplirai. J'ai un plan qui va marcher ». Alors ! Vous me croyez maintenant ?
- On ne comprend rien à ce que tu racontes, dit Ron en fronçant les sourcils. Malfoy a une mission ? Et Snape lui dit qu'il ne la fait pas bien, c'est ça ?
- Oui, c'est ce que Malfoy a dit ! Et Snape veut l'aider, mais il refuse. A priori, il ne connaît pas le plan, Malfoy ne veut pas le lui dire car il ne veut pas qu'il « s'approprie sa gloire ». Écoutez, c'était évident qu'ils parlaient d'une mission que Voldemort aurait confiée à Malfoy.
Ron fut secoué d'un grand frisson mais ne dit rien.
- Et c'était évident que Snape et Malfoy sont dans le même camp, poursuivit Potter. Vous auriez dû les entendre ! Quand Malfoy a dit que les cours étaient une plaisanterie car ils n'avaient « pas besoin » de se défendre contre les forces du Mal, Snape lui a répondu que c'était une « comédie indispensable au succès », et qu'il avait lui-même dû jouer la comédie ces dernières années pour arriver là où il est aujourd'hui.
Il était surprenant de constater que, quand il ne s'agissait pas des cours, Potter était capable d'avoir une mémoire très précise de ce qu'il avait pu entendre.
- Tu veux dire que Snape l'encourageait à accomplir sa mission, c'est ça ? insista Ron. Qu'il lui donnait des conseils ?
- Oui ! Mais Malfoy n'en voulait pas. Je ne l'ai jamais entendu parler à Snape comme ça.
- Donc, Snape proposait de l'aider ? Il proposait vraiment de l'aider ?
- Si tu me le demandes encore une fois, je te colle ce chou de Bruxelles dans le…
- Je vérifie, c'est tout ! protesta Ron.
Megan demeurait silencieuse. Si Potter avait bien entendu ce qu'il avait entendu, il y avait effectivement matière à réfléchir. Si Draco n'était pas un Mangemort, comment pouvait-elle expliquer cette conversation ? De quel plan parlait-il ? Elle devait reconnaître qu'elle n'avait pas d'explication, cette fois, mais elle ne le reconnaîtrait certainement devant Potter.
- Oui, Snape a proposé de l'aider ! répéta le garçon. Il a dit qu'il avait promis à la mère de Malfoy de le protéger, qu'il avait fait avec elle un vœu inviolable ou je ne sais quoi…
- Un Serment Inviolable ? s'exclama Megan, sortant de son silence. Tu es sûr ?
- Oui, j'en suis sûr. Qu'est-ce que ça signifie ?
- Comme son nom l'indique, on ne peut pas violer un Serment Inviolable…, expliqua Ron, qui paraissait stupéfait.
- Aussi curieux que ça puisse te paraître, je m'en étais douté. Mais qu'est-ce qui se passe si on le viole ?
- Tu en meurs, répondit froidement Megan.
- Fred et George ont voulu m'obliger à en faire un quand j'avais cinq ans, expliqua Ron. J'ai failli aller jusqu'au bout. Je tenais la main de Fred et il commençait à prononcer la formule quand papa est arrivé. Il est devenu fou, se rappela Ron, l'œil brillant à l'évocation de ce souvenir. C'est la seule fois où j'ai vu papa aussi en colère que maman. Fred dit que sa fesse gauche n'a plus jamais été la même depuis.
- D'accord, mais à part la fesse gauche de Fred…
- Pardon ? lança derrière eux la voix de Fred.
Les jumeaux venaient d'entrer dans la cuisine.
- Aaah, George, regarde ça. Ils utilisent des couteaux et tout le matériel. Je leur souhaite bien du plaisir.
Megan leur adressa un geste obscène de la main.
- Dans un peu plus de deux mois, j'aurai dix-sept ans, grogna Ron, et à ce moment-là, j'aurai le droit de pratiquer la magie !
- Mais en attendant, dit George qui s'assit à la table et posa les pieds dessus, on peut encore assister à une belle démonstration de la façon dont on doit se servir d'un… Houlà !
- C'est ta faute ! s'écria Ron avec colère en suçant la coupure qu'il venait de se faire au pouce. Attends un peu que j'aie dix-sept ans…
- Je suis sûr que tu nous éblouiras par des talents magiques jusqu'alors insoupçonnés, acheva Fred en bâillant, déclenchant l'hilarité de Megan.
- Et en parlant de talents jusqu'alors insoupçonnés, Ronald, c'est quoi cette histoire que Ginny nous a racontée à propos de toi et d'une jeune demoiselle qui s'appellerait – si nos informations sont exactes – Lavender Brown ? demanda George.
Ron rougit un peu mais ne sembla pas mécontent tandis qu'il retournait à ses choux de Bruxelles.
- Occupez-vous de vos affaires.
- Quelle réplique cinglante, commenta Fred. Je me demande où tu vas les chercher. Mais ce qu'on voulait savoir, c'était… comment est-ce arrivé ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Elle a eu un accident, ou quoi ?
- Hein ?
- Pour avoir le cerveau aussi abîmé ? Attention !
Megan poussa un cri. Molly entra au moment où Ron jetait le couteau avec lequel il épluchait les choux de Bruxelles droit sur Fred qui le transforma, d'un petit coup de baguette magique, en un avion en papier.
- RON ! explosa Molly. Que je ne te voie plus jamais lancer de couteau !
- C'est promis, je ne le ferai plus, répondit Ron, quand tu seras là, ajouta-t-il dans un murmure en se tournant à nouveau vers la montagne de choux de Bruxelles.
- Fred, George, je suis désolée, mes chéris, mais Remus arrive ce soir et vous devrez donc faire une petite place à Bill !
- Pas de problème, assura George.
- Comme Charlie ne revient pas à la maison, Harry et Ron coucheront dans le grenier et si Fleur partage la chambre de Ginny avec Megan…
- … ce sera le plus beau cadeau de Noël de Ginny…, marmonna Fred.
- … tout le monde sera confortablement installé. Enfin, au moins, chacun aura son lit, conclut Molly qui avait l'air un peu fatiguée.
- Bill et Fleur ne sont toujours pas autorisés à dormir dans le même lit ? demanda Megan.
- Bien sûr que non, ils ne sont pas mariés ! s'exclama Molly en écarquillant les yeux.
- Et j'imagine qu'ils font chambre à part lorsqu'ils habitent à Londres également ? ricana la jeune fille en échangeant des clins d'œil avec les jumeaux.
Molly la gratifia d'un regard qui signifiait qu'elle ne voulait rien savoir. Potter avait l'air mal à l'aise.
- On est certains que Percy ne montrera pas sa sale tête ? demanda Fred.
Sa mère se détourna avant de répondre :
- Non, j'imagine qu'il est trop occupé au ministère.
- Ou alors, c'est le plus grand crétin du monde, suggéra Fred lorsque Molly eut quitté la cuisine. L'un des deux. Bon, eh bien, allons-y, George.
- Qu'est-ce que vous mijotez ? interrogea Ron.
- Vous ne pourriez pas nous aider pour les choux de Bruxelles ? protesta Megan.
- Oui, vous n'auriez qu'à vous servir de votre baguette et nous aussi, on serait libres !
- Non, je ne pense pas que nous soyons disposés à le faire, répondit Fred, très sérieux. Éplucher des choux de Bruxelles sans recourir à la magie est excellent pour former le caractère, ça permet de se rendre compte combien c'est difficile pour les Moldus et les Cracmols…
- … et puis si tu veux que les gens t'aident, ajouta George en jetant l'avion en papier sur Ron, il vaut mieux ne pas leur balancer de couteaux à la figure. Simple suggestion. On va au village où il y a une très jolie fille qui travaille chez le marchand de journaux et qui trouve mes tours de cartes absolument merveilleux… quasiment magiques…
- Je suis sûre qu'Alicia serait ravie de l'apprendre, commenta Megan en se penchant à nouveau sur ses choux.
- Oh, Alicia ne donne plus vraiment son avis, je te raconterai, répondit George d'un air évasif. Amusez-vous bien, les Moldus !
- Bande d'affreux, marmonna Ron d'un air sombre en regardant Fred et George traverser le jardin enneigé. Ça ne leur aurait pas pris plus de dix secondes et on aurait pu sortir aussi.
- Moi, je n'aurais pas pu, soupira Potter. Dumbledore nous a fait promettre, à moi et à Megan, de ne pas aller me promener pendant que je serai ici.
Une promesse que Megan n'avait pas particulièrement l'intention de tenir.
- Ah, oui, bien sûr, dit Ron. Mais pourquoi toi aussi, Megan ?
- Je ne sais pas, peut-être parce que Voldemort m'a fait soumettre au sortilège de l'Imperium il y a deux ans et a essayé de m'enlever l'année dernière, répondit la jeune fille d'un air distrait, fixant la porte par laquelle les jumeaux étaient sortis.
Alicia et George avaient visiblement rompu, et elle n'était pas au courant. Ils n'avaient que très peu échangé par courrier au cours des derniers mois et, leur lien s'étant distendu, il n'y avait rien de surprenant à cela, mais le constater une nouvelle fois la peinait.
Ron eut une expression d'approbation, éplucha quelques choux de Bruxelles, puis ajouta :
- Tu vas raconter à Dumbledore la conversation que tu as entendue entre Snape et Malfoy, Harry ?
- Oui. Je vais la raconter à tous ceux qui peuvent mettre un terme à ça et Dumbledore est en tête de liste. Peut-être que j'en dirai aussi un mot à ton père.
- Dommage que tu n'aies pas su ce que Malfoy cherche à faire.
- Je n'aurais pas pu. C'était justement ça, le fond des choses, il refusait d'en parler à Snape.
- Et tout le monde te répondra que Snape n'essaye pas vraiment d'aider Draco, qu'il voulait simplement savoir ce qu'il préparait, lui fit remarquer acerbement Megan en reportant son attention sur les choux de Bruxelles.
- Ils ne l'ont pas entendu, trancha Potter d'un ton catégorique. Personne ne peut jouer aussi bien la comédie, pas même Snape.
- Bien sûr, railla Megan.
Elle avait réussi, deux ans plus tôt, à faire croire à Voldemort qu'elle l'avait rejoint sans autre volonté que celle de le servir. Elle avait réussi à cacher à Voldemort qu'elle agissait à la demande de Dumbledore. Ce dernier l'avait reconnu, elle était une brillante occlumens, mais Snape excellait également dans ce domaine.
Potter se tourna vers Ron, les sourcils froncés.
- Toi tu penses que j'ai raison, non ?
- Oui, bien sûr ! s'empressa de répondre Ron. Sérieusement, je te crois ! Mais ils sont tous convaincus que Snape fait partie de l'Ordre, non ?
Snape faisait partie de l'Ordre, et Snape avait été un Mangemort. Était-il en fait une taupe ? C'était lui qui avait prévenu la société secrète de la vision de Potter l'année précédente à la demande de Megan, leur permettant de ressortir vivants du Département des Mystères, lui qui avait sauvé la vie de Potter en première année au cours du match de Quidditch, lui qui avait tenté d'intimider Quirrell pour qu'il ne récupère pas la Pierre Philosophale. Snape était une mauvaise personne, mais Megan avait du mal à croire qu'il soit autre chose qu'un repenti amer.
Fred et George ne rentrèrent d'Ottery St. Catchpole que juste à temps pour le déjeuner, visiblement très satisfait de leur matinée au village. En fin d'après-midi, ils furent rejoints par Bill et Fleur qui avaient fini leur journée à Gringotts et étaient désormais en vacances. Megan n'avait que très peu revu la française depuis la fin de sa quatrième année, au terme du Tournoi des Trois Sorciers, dans des conditions difficiles, et elle apprécia de retrouver la championne dans d'autres circonstances. Il était également agréable d'être enfin véritablement en bons termes avec son fiancé, qui sembla sincèrement ravi de la voir dans sa cuisine et se lança avec elle dans une grande conversation au sujet des Briseurs de sort dès qu'ils s'installèrent dans le salon. Peu de temps après, Remus arriva à son tour, plus maigre et déguenillé que jamais. En contemplant son piteux état, Megan réalisa que la mort de Sirius avait probablement ébranlé Remus plus encore qu'elle, et fut forcée de reconnaître pour elle‑même que Molly avait peut-être raison de suggérer qu'ils auraient matière à discuter à ce sujet.
Après le dîner, Fred et George s'éclipsèrent dans leur chambre. Déçue qu'ils ne lui aient pas spontanément proposé de se joindre à eux, Megan monta tout de même les rejoindre, et fut d'autant plus peinée de constater qu'ils semblèrent surpris de la voir pousser la porte.
- Je dérange ? demanda-t-elle, presque froidement.
- Non, bien sûr que non, répondit Fred sans hésiter. Entre.
Elle referma la porte derrière elle et grimpa sur le lit sur lequel tous deux étaient assis.
- Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé avec Alicia ? s'enquit-elle sans ambages.
George ne put retenir un sourire.
- Tu fais mine de ne pas t'intéresser aux histoires des uns et des autres, mais en réalité tu es au courant de tout, s'amusa-t-il. On a rompu il y a deux mois, environ. Elle veut se consacrer à ses études de journalisme, moi je n'ai que très peu de temps libre avec la boutique, et on n'était pas plus attachés l'un à l'autre que ça, donc ça s'est fait assez naturellement. On s'entend toujours très bien. Elle me donne souvent des nouvelles de Katie, d'ailleurs.
- Ah, comment elle va ?
Récemment, Poudlard semblait avoir oublié que l'une de ses élèves était à Ste Mangouste depuis deux mois.
- Malheureusement, pas encore d'amélioration notable, soupira George. Elle va la voir une fois par semaine, et c'est toujours pareil : elle est inconsciente, et si on arrête de lui donner des potions calmantes, elle a des spasmes nerveux, comme si son corps se battait contre le maléfice. Ils sont en train de nettoyer son corps des traces de cette magie, et d'après Alicia elle a bien failli perdre le doigt qui a été en contact avec le collier.
- En parlant du collier, est-ce que l'Ordre en sait un peu plus ?
- Non, regretta Fred. Ou pas encore. On ne voit quasiment pas Dumbledore, en ce moment, il est très occupé.
- Oui, et il est très souvent absent de Poudlard, aussi, confirma Megan. Mais personne ne sait ce qu'il fait. Tant qu'il ne prépare pas un mauvais coup…
- Tu te méfies toujours autant de lui, hein ? D'ailleurs, tant qu'on parle de ragots, ça fait quelques temps qu'on n'a pas eu de nouvelles de Kevan Garrow. Je crois que tu le connais ?
Megan leva les yeux au ciel.
- Kevan va bien, assura-t-elle. On s'écrit souvent. Je vais le voir demain, d'ailleurs.
- Il va venir ici ? sursauta George.
- Non, on a prévu de se voir au village.
- Megan, tu sais que tu n'as pas le droit de sortir du périmètre de la maison que Dumbledore a sécurisé, lui rappela Fred en fronçant les sourcils.
- Je sais aussi me défendre, et je ne compte pas arrêter de vivre sous prétexte qu'on pourrait peut-être encore essayer de m'enlever. Je vais probablement mourir en empêchant Voldemort de reprendre le contrôle du monde magique, alors autant vivre d'ici-là.
- Ne dis pas ça, gronda George.
- Être dans le déni ne changera rien à ce qui va arriver. Regardez Sirius !
Sa voix trembla.
- Il est mort après avoir vécu caché, reclus, dans la crainte permanente d'être à nouveau arrêté. Qu'est-ce que sa vie a été, ces dernières années ? Après avoir échappé à treize ans à Azkaban, il aurait dû vivre de toutes ses forces ! À quoi ça l'a mené d'être sans arrêt en sécurité, hors de portée de Voldemort ? À mourir jeune et malheureux. Je ne ferai pas la même erreur. Sirius ne voudrait pas que je fasse la même erreur.
Fidèle à sa parole, le lendemain après-midi, la jeune fille prétendit sortir nourrir les poules, et s'éclipsa tout l'après-midi connaissant sa nature solitaire, personne ne s'étonna de ne pas la revoir avant plusieurs heures. Kevan avait encore changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Le garçon de quinze ans dont elle s'était amourachée dès sa deuxième année était devenu un homme sans qu'elle s'en aperçoive. Il était incroyablement séduisant même sous les couches de vêtements moldus qu'il portait pour affronter le froid de décembre, ses yeux verts tranchant sur le paysage blanc. Megan ne réalisait que trop rarement la chance qu'elle avait de partager un peu de la vie de quelqu'un comme Kevan. Outre le fait qu'il attirait l'œil de toutes les filles du village qui passaient par-là (y compris la jolie fille du marchand de journaux), elle se remémorait soudain tous les bons moments partagés avec lui. Leurs entrevues tardives au cours de sa deuxième année pendant lesquelles il lui apprenait des sorts issus de ses cours de quatrième année. Toutes les fois où il était resté à ses côtés malgré ses efforts pour le repousser. Leurs rencontres secrètes dans les coins du château lorsqu'elle ne voulait pas que ses amis sachent qu'ils sortaient ensemble. Leur dîner de Saint‑Valentin sur le toit de la tour d'astronomie. Leur première nuit ensemble, et toutes celles qui avaient suivi. Sa douceur mêlée de force. Toutes ces fois où il avait affirmé, et prouvé, qu'elle comptait plus que tout le reste pour lui. Prise d'un soudain élan, elle lui sauta dans les bras pour l'embrasser, lui arrachant un magnifique sourire.
- Moi aussi je suis content de te voir, affirma-t-il lorsqu'il la reposa au sol et lui prit la main pour qu'ils se rendent dans un café voisin où ils seraient au chaud.
- Tu survis sous ta pile de dossiers, au ministère ? s'enquit-elle avec un réel intérêt.
D'un seul coup, tout ce que faisait et vivait Kevan lui semblait être ce qu'il y avait de plus important au monde.
- Oh, non, absolument pas. On travaille de jour et de nuit, la semaine et le week-end, et honnêtement je ne sais pas quand ça va s'arrêter ! Quand j'ai pris le poste, on m'a dit que les « coups de bourre » arrivaient de temps en temps, tu parles ! Ça fait des mois que ça dure, et on n'a aucune perspective d'amélioration, c'est la panique sur tous les sujets, plus personne n'ose commercer avec nous de peur d'attirer l'attention de Tu-Sais-Qui. Mais bon, au moins, je me sens utile.
- Tu as bien de la chance, grimaça Megan en retirant son manteau et en se blottissant contre le jeune homme pour regarder la carte.
Une fille à peine plus âgée que Megan vint prendre leur commande en jetant des regards en biais à Kevan, puis il se tourna pour regarder sa petite amie d'un air étonnamment sérieux.
- Tu… connais bien l'Ordre du Phénix, pas vrai ?
Megan tressaillit et jeta des regards alertes tout autour d'eux, mais les Moldus qui les entouraient ne semblaient pas leur prêter attention.
- On n'est pas censés parler de ça en public, répondit-elle à voix basse. Utilise « Assurdiato », comme ça personne ne pourra nous entendre, au moins.
- Qu'est-ce que c'est que ce sort ?
- Ça permet d'avoir des conversations discrètes, je l'ai appris cette année.
Merci le Prince de Sang-Mêlé. Kevan n'était pas surpris que la brillante jeune femme connaisse des sorts qu'il n'avait pas appris, aussi il s'exécuta, et constata un résultat satisfaisant. Megan était, comme souvent, frustrée de ne pas pouvoir recourir elle-même à la magie. Plus que quelques mois avant qu'elle soit enfin délivrée de la Trace.
- Comment est-ce que tu en as entendu parler ? reprit Megan.
- J'ai surpris des conversations, au Ministère. Ne t'inquiète pas, je n'ai rien dit à personne-
- Pas même à Collins ?
- Non. Pas même à Ally, affirma Kevan d'un ton posé. Tu sais, vous n'avez aucune raison de vous détester, ça me ferait plaisir que vous vous entendiez…
- Bien sûr, railla Megan. Qu'est-ce que tu sais au sujet de l'Ordre ?
- Que Dumbledore est à sa tête, et que c'est un groupe de résistance contre Tu-Sais-Qui…
Kevan ne faisait pas partie des rares personnes qui osaient prononcer le nom de Voldemort.
- … et que tu en fais probablement partie.
- Ils ne recrutent que des sorciers majeurs, souleva Megan avec amertume. Mais oui, en quelque sorte. Pourquoi ?
- Je ne dis pas que je suis quelqu'un de plus courageux que les autres, certainement pas. Mais je n'imagine pas rester les bras croisés pendant que des centaines de personnes se font tuer. Mes parents ont connu la première guerre des sorciers, je sais l'enfer que c'était. Je ne veux pas que ça se reproduise.
Avec une profonde inspiration, Megan contempla le visage de Kevan. Sérieux. Déterminé. Il était inenvisageable qu'il meure. Megan ne pourrait pas le supporter.
- C'est un gros engagement de rejoindre l'Ordre, K. Et c'est surtout très dangereux. Et tu n'es pas obligé de les rejoindre pour te rendre utile. Le plus important, c'est de savoir ce qui t'attend. Et que tout le monde le sache ! L'Ordre a bien sûr déjà des personnes infiltrées au ministère, mais écoutes, voilà ce qu'on va faire : si tu entends quoi que ce soit d'utile, fais-le moi savoir par le moyen le plus rapide et le plus sécurisé possible. Je transmettrai. Ça c'est un moyen utile à la résistance – en plus de tout le travail que tu fais à l'OICM pour éviter au Royaume-Uni une crise économique majeure.
La serveuse revint avec leur commande, avec l'air de quelqu'un qui n'arrive pas à se débarrasser d'un acouphène. Megan s'était attendue à ce que Kevan insiste dès que la fille serait repartie, mais ce ne fut pas le cas. Il avait l'air satisfait, et peut-être même aussi soulagé. Sa réaction était normale : il y avait une forme d'obligation morale à rejoindre la résistance, mais pour le commun des mortels, c'était un sacrifice trop important. La perspective de rejoindre un groupe actif était en réalité terrifiante, Megan l'oubliait parfois elle qui n'avait rien de commun. Kevan voulait apporter sa pierre à l'édifice, mais il était content de ne pas avoir à se battre au front. C'était une réaction parfaitement normale. Megan prit conscience du fossé qui les séparait.
- Et toi ? reprit-il. C'est dangereux, comme tu l'as dit.
- Rien que ces six dernières années, j'ai affronté un Filet du Diable, un échiquier tueur, un troll adulte, un Basilic qui m'a mordue, des Détraqueurs, Voldemort lui-même et plusieurs de ses Mangemorts, et à quelques occasions des Aurors, fit remarquer Megan. J'attire le danger comme un aimant, c'est comme ça. Heureusement, je suis aussi douée pour l'attirer que pour l'affronter.
- À chaque fois que je pense à tout ça, j'ai envie de casser quelque chose, gronda Kevan. Je n'arrive pas à croire que Dumbledore t'ait exposée à tout ça. Et je sais que tu si quelqu'un peut faire face, c'est toi, mais Megan tu as seize ans, il suffit d'une fois ! Je n'ai pas été là pour toi, toutes ces fois, et maintenant je suis tellement loin ! C'est insupportable.
Les déclarations d'amour et les élans de protection n'étaient pas des choses avec lesquelles Megan était à l'aise. Elle posa la cuiller avec laquelle elle touillait son thé et se fit violence pour prendre la main de Kevan et le regarder dans les yeux.
- Je sais que ça fait peur. Mais je n'ai pas besoin qu'on me protège, je m'occupe très bien de moi toute seule. On est en guerre, et il va y avoir beaucoup de morts. Mais je te promets de faire en sorte de ne pas en faire partie, à condition que tu fasses la même chose. Ne m'oblige pas à te faire faire un Serment Inviolable.
Kevan laissa échapper un rire léger. Pour ceux qui avaient grandi dans le monde des sorciers, ces promesses magiques relevaient du mythe et des façons de parler, rares étaient ceux qui avaient osé s'engager dans ce dangereux processus. Il passa sa main dans les cheveux de Megan et l'embrassa sur le front.
- Va pour essayer de ne pas nous faire tuer, acquiesça-t-il à voix basse.
Comme les choses ne se passaient jamais bien très longtemps, la seconde fois que Megan et Kevan se retrouvèrent à Pré-au-Lard, le mercredi suivant dans la matinée, il y eut moins de langoureux baisers, d'étreintes et de rires. Leur rendez-vous avait pourtant bien commencé : tous deux s'étaient échangé avec un peu d'avance leurs cadeaux de Noël, Megan avait raconté à son petit ami sa rivalité avec Mandy Brocklehurst qu'ils avaient allègrement rhabillée pour l'hiver, et Kevan s'était longuement plaint de son directeur, Agilulf Karasu, qui passait plus de temps à s'assurer que ses employés respectaient leurs horaires de pause qu'à avancer dans le traitement de leurs nombreux dossiers. Mais comme chaque fois que le sujet du travail de Kevan était abordé, Megan ne pouvait s'empêcher de le faire dériver vers un sujet épineux :
- Ah ouais, Ally trouve ça contre-productif ? répéta-t-elle avec un air pincé digne de rivaliser avec celui de McGonagall.
- Oui, elle dit que – Eh, tu veux bien arrêter de réagir comme ça dès que je prononce son prénom ?
- Je suis supposée réagir comment ?
- Ne pas réagir du tout, c'est juste une de mes collègues.
- Et amie. Et ex-plan cul, non ? Et qui a toujours été amoureuse de toi et que tu vois tous les jours ?
Finalement, il était plutôt rare que Megan exprime aussi ouvertement sa jalousie, mais sa relation avec Kevan allait si bien, pour la première fois depuis si longtemps, qu'elle ne supportait plus la simple idée de l'époustouflante sorcière aux côtés de son petit ami au quotidien. Kevan se passa la main dans les cheveux d'un geste nerveux avant d'arrêter de marcher pour se planter devant Megan. Ils étaient à quelques centaines de mètres d'Ottery St Catchpole, dans un des nombreux champs qui entouraient le village semi-magique, là où ils pouvaient parler librement de leur quotidien de sorciers et se crier dessus.
- Ça ne sert à rien de parler de ça, asséna-t-il d'un ton sans appel.
- Ça me sert à moi, gronda Megan en serrant les dents. Tu disais que tu es loin, mais pas d'elle.
- Tu veux que je te dise que je ne la trouve pas attirante ? Ça serait un mensonge. N'importe quelle personne avec au moins un œil valide te dira qu'elle est renversante. Et oui, on se voyait il y a deux ans, quand on n'était plus ensemble, toi et moi. Et alors ? C'est fini, non ? Je suis avec toi ou avec elle, là ? Pour qui est-ce que j'ai traversé la moitié du sud du pays, là ? Et je ne suis pas le seul à avoir fait ma vie quand on était séparés ! Sauf que moi, je ne sais même pas qui tu voyais ! Et qui tu vois peut-être toujours !
La colère grandissante de Kevan avait fait monter le même sentiment en Megan, qui n'avait jamais vraiment été capable de se contrôler dans ce type de situation.
- Tu te fous de moi ? Tu crois que je le vois toujours ? NON !
Il était déjà suffisamment oppressant pour elle de ne pas avoir de nouvelles de Cal, il était d'autant plus difficile de devoir en parler à cet instant.
- Alors pourquoi tu ne m'as jamais dit qui c'était ? répliqua Kevan. Si ce n'est pas quelqu'un que tu vois encore ?
- Parce que je n'ai juste pas envie d'en parler ! Désolée, tu vas être obligée de me faire confiance !
Quelque chose dont elle-même n'était pas capable. Kevan ne semblait toutefois pas convaincu.
- Il n'y a pas qu'Ally qui fait des ravages, insista-t-il. Qu'est-ce qui me dit qu'il n'y en pas d'autres que lui ? Tout ce temps où on ne se voit pas ?
Megan poussa un cri de rage en frappant le sol gelé du pied. Un grand nuage de condensation s'échappa de ses lèvres.
- Personne. D'autre, jura-t-elle entre ses dents serrées.
Parce qu'il ne s'était rien passé avec Draco dans la réalité. Ce n'était que dans sa tête, et elle finirait par réussir à l'oublier.
