D'humeur massacrante, Megan démontra un enthousiasme excessif au cours de l'arrachage de carottes du mercredi après-midi. Une fois n'est pas coutume, elle était bien contente de ne pas recourir à la magie : l'exercice, physique, était un très bon moyen de passer ses nerfs. Les jumeaux étaient si occupés à l'observer d'un œil inquiet retourner la moitié du potager du Terrier qu'ils ne virent pas le gnome qui s'était extrait, fort mécontent, de son propre terrier, jusqu'à ce qu'il plante ses petites dents pointues dans la cheville droite de Fred. Le hurlement de douleur qu'il poussa fut probablement entendu jusqu'à Londres, et George eut aussitôt le réflexe de sortir sa baguette pour stupefixier le petit monstre.
- Un combat à la hauteur de la réputation de l'Ordre du Phénix, les nargua Megan, son seau débordant de carottes à la main.
Ça fait foutrement mal, grinça Fred en se massant la cheville, où les dents du gnome avaient laissé de petites traces sanguinolentes.
- Merlin Tout Puissant, tout va bien ?
Molly avait surgi de la maison, talonnée par Bill, Fleur, Ron, Ginny et Potter. Tous avaient leur baguette à la main et l'air affolé, fouillant le jardin du regard à la recherche d'ennemis. De toute évidence, ils avaient cru à une attaque.
- On a failli perdre Fred, s'esclaffa Megan. C'aurait vraiment été une mort nulle.
- Je tâcherai de faire mieux le grand jour, promis, maugréa le jeune homme. Je me suis juste fait mordre par cette saleté de gnome, maman, tout va bien, ajouta-t-il en donnant un coup de pied dans la créature inanimée.
- Ces bestioles sont pleines de maladie ! affirma Fleur d'un air dégoûté. Tu devrais prendre une potion désinfectante, par précaution.
Une fois les occupants du Terrier rassurés sur la nature de la menace, et Fred soigné par un des nombreux produits que Molly préparait elle-même pour parer à tous les déboires de ses nombreux enfants, les jumeaux et Megan furent invités à se remettre à récolter de quoi nourrir tous les invités pour le réveillon de Noël.
- Eh, Ginny est en train de décorer la maison, non ? demanda la jeune femme. J'ai une idée.
Fred et George ne se firent pas prier pour la mettre à exécution : ils trouvèrent de la peinture dorée dans l'atelier où Arthur bricolait des objets moldus, et séparèrent de vieilles poupées de Ginny d'un tutu et d'ailes de fée. Une heure plus tard, grâce à un discret sortilège de lévitation, le sapin de Noël des Weasley avait un nouvel ange (hideux) à son sommet, qui regardait d'un œil noir l'agitation du salon. La pièce avait été décorée par Ginny avec une telle profusion qu'on avait l'impression d'être assis au milieu d'une explosion de guirlandes. On était loin, très loin, des ornements chics et sobres que Dobby installait dans le manoir des Malfoy lors des fêtes de fin d'année, ou des petits Pères Noël qu'Emily et Roger disséminaient dans leur maison. Malgré sa dispute avec Kevan, Megan se sentait heureuse. Même la soirée du réveillon qu'ils durent tous passer à écouter une émission de Noël dans laquelle Celestina Warbeck, la chanteuse préférée de Molly, braillait toujours plus fort (Fleur et Molly se livrant une bataille pour déterminer laquelle de la conversation ou de la chanson l'emporterait sur le volume sonore de la pièce), fut un bon moment la partie de bataille explosive dans laquelle elle se lança avec Ginny et les jumeaux la distrayait suffisamment pour ne pas faire attention au bruit ambiant. Megan finit toutefois par s'apercevoir que Potter s'était lancé dans une longue conversation à voix basse avec Arthur, et devina avec un profond agacement qu'il lui livrait probablement un récit détaillé de l'échange qu'il avait surpris entre Draco et Snape le soir de la fête de Slughorn.
- Ce n'est pas notre affaire de le savoir.
Megan entendit distinctement Remus, qui était jusqu'alors perdu dans la contemplation des flammes de la cheminée, se mêler à la conversation. Se désintéressant de sa partie de cartes, elle se rapprocha sans que les trois hommes ne fassent attention à elle.
- C'est l'affaire de Dumbledore, affirmait Remus. Dumbledore a confiance en Severus et cela devrait nous suffire à tous.
- Mais, imaginons simplement que… Dumbledore se trompe au sujet de Snape…, suggéra Potter.
- Il y a des gens qui l'ont souvent prétendu. Tout dépend si on fait confiance au jugement de Dumbledore ou pas. Moi, j'ai confiance, donc j'ai aussi confiance en Severus.
- Mais Dumbledore peut commettre des erreurs, insista Potter. Il le dit lui-même. Et vous…
Il fixa Remus droit dans les yeux.
- Franchement, vous aimez Snape ?
- Je ne peux pas dire que j'aime ou que je n'aime pas Severus, ni l'un ni l'autre. Non, Harry, c'est la vérité, ajouta-t-il en voyant son air sceptique. Nous ne serons peut-être jamais des amis intimes. Tout ce qui s'est passé entre James et Sirius d'un côté et Severus de l'autre a laissé trop de souvenirs amers. Mais je n'oublie pas que pendant l'année où j'ai enseigné à Poudlard, Severus m'a préparé chaque mois la potion Tue-Loup, d'une manière parfaite, si bien que je n'ai jamais eu à souffrir de la pleine lune comme cela m'arrive d'habitude.
- Quelqu'un de charmant qui a d'ailleurs laissé entendre par accident à toute l'école que tu étais un loup‑garou, fit remarquer Megan.
Les trois têtes se tournèrent vers elle, puis Remus haussa les épaules.
- La nouvelle aurait filtré de toute façon. Nous savons tous qu'il voulait ce poste mais il aurait pu me faire encore plus de mal s'il avait trafiqué la potion. Il m'a permis de conserver la santé. Je dois lui en être reconnaissant.
- Peut-être qu'il n'a pas osé toucher à la potion parce que Dumbledore le surveillait ! objecta (assez justement) Potter.
- Tu as décidé de le haïr, Harry, dit Remus avec un faible sourire. Et je te comprends. James étant ton père et Sirius ton parrain, tu as hérité d'un vieux préjugé. Va donc répéter à Dumbledore ce que tu as raconté à Arthur et à moi mais ne t'attends pas à ce qu'il partage ton point de vue sur la question. Ne t'attends même pas à ce qu'il soit surpris de ce que tu lui diras. C'est peut-être sur ordre de Dumbledore que Severus a interrogé Draco.
Maintenant que tu l'as brisé / Sans la moindre pitié / Fais-moi je t'en prie la faveur / De me rendre mon cœur ! Celestina acheva sa chanson sur une longue note aiguë, déclenchant dans le vieux poste de radio en bois des applaudissements retentissants auxquels Molly se joignit avec enthousiasme.
- Ça y est, c'est fini, oui ? s'exclama Fleur d'une voix sonore. Ce n'est pas trop tôt, quelle horrible…
- On boit un petit verre avant de monter se coucher ? proposa Arthur en parlant plus fort qu'elle, formidable patriarche qu'il était. Qui veut un lait de poule ?
- Qu'est-ce que vous avez fait, ces temps derniers ? demanda Potter à Remus tandis qu'Arthur se hâtait d'aller chercher le lait et que Megan prenait sa place à l'épluchage des kumquats.
Non pas qu'elle eut le moindre talent avec un économe (heureusement, la peau des kumquats était comestible), mais la conversation l'intéressait.
- Oh, je me suis consacré à un travail souterrain, répondit Remus. Presque au sens propre du terme. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu t'écrire, Harry. T'envoyer des lettres aurait éveillé les soupçons.
- Que voulez-vous dire ?
- J'ai passé mon temps avec mes semblables, mes égaux.
Megan leva les yeux en constatant l'air d'incompréhension de Potter.
- Les loups-garous, s'agaça-t-elle.
- Ils sont presque tous dans le camp de Voldemort, acquiesça tristement Remus. Dumbledore voulait un espion parmi eux, et j'étais là… prêt à l'emploi.
Il semblait un peu amer et s'en rendit peut-être compte car il eut un sourire plus chaleureux avant de poursuivre :
- Je ne m'en plains pas. C'est un travail nécessaire et qui peut l'accomplir mieux que moi ? Mais il a été difficile de gagner leur confiance. On voit tout de suite, à certains signes indiscutables, que j'ai essayé de vivre parmi les sorciers, alors qu'eux ont fui la société normale et mènent une existence marginale, en volant – et parfois en tuant – pour manger.
- Comment se fait-il qu'ils préfèrent Voldemort ? demanda bêtement Potter.
- Ils sont diabolisés par la communauté magique, par des gens comme Umbridge, répondit Megan en appuyant sur ce dernier nom avec un ton plein de mépris. Ils pensent que leurs vies sous le pouvoir de Voldemort ne pourra être que meilleure, et ils n'ont peut-être pas tort.
Remus grimaça, visiblement en désaccord avec cette affirmation.
- En tout cas, il est difficile de discuter avec Greyback, dit-il.
- Qui est Greyback ? demanda encore Potter.
- Tu n'as jamais entendu parler de lui ?
Les mains de Remus, posées sur ses genoux, se crispèrent en un geste convulsif. Megan fronça les sourcils.
- Greyback est sans doute le plus sauvage des loups-garous vivant aujourd'hui. Il considère comme sa mission dans l'existence de mordre et de contaminer le plus de gens possible. Il veut créer suffisamment de loups-garous pour que leur nombre l'emporte sur celui des sorciers. Voldemort lui a promis des proies en échange de ses services. Greyback se spécialise dans les enfants… « Mordez-les quand ils sont jeunes, dit-il, et élevez-les loin de leur famille, apprenez‑leur à haïr les sorciers normaux. » Voldemort menace souvent les parents de le lâcher sur leurs fils ou leurs filles. Une tactique qui produit généralement de bons résultats.
- C'est Greyback qui t'as mordu, n'est-ce pas ? demanda Megan avec toute l'indélicatesse dont elle était capable.
- Quoi ? s'exclama Potter, stupéfait. Quand… quand vous étiez enfant ?
- Oui. Mon père l'avait offensé. Pendant longtemps, j'ai ignoré l'identité du loup-garou qui m'avait attaqué. J'éprouvais même de la pitié pour lui, en pensant qu'il n'avait pas pu se contrôler car je savais alors ce qu'on ressent quand on se transforme. Mais Greyback n'est pas comme ça. À la pleine lune, il se place à proximité de ses victimes désignées, s'assurant ainsi qu'il sera suffisamment près d'elles pour les frapper. Il organise tout d'avance. Voilà l'homme dont Voldemort se sert pour diriger les loups-garous. Je ne peux pas prétendre que mes arguments rationnels aient beaucoup d'influence face aux discours de Greyback qui répète sans cesse que les loups-garous ont droit à du sang, que nous devrions nous venger sur les gens normaux.
- Mais vous êtes normal ! affirma Potter avec force. Vous avez simplement un… un problème…
Remus éclata de rire.
- Parfois, tu me rappelles beaucoup James. En public, il appelait ça mon « petit problème de fourrure ». Les autres croyaient souvent que je possédais un lapin mal élevé.
L'air un peu plus joyeux, Remus remercia Arthur qui lui avait apporté un verre de lait de poule.
- Avez-vous jamais entendu parler de quelqu'un qui s'appelait le Prince de Sang-Mêlé ? demanda soudain Potter d'un air excité.
- Quoi de Sang-Mêlé ?
- Le Prince, répéta Potter en observant son ancien professeur avec une attention exagérée.
- Il n'y a pas de princes chez les sorciers, répondit Remus qui souriait à présent. C'est un titre que tu songes à adopter ? Je pensais que « l'Élu » te suffirait.
Megan ricana.
- Ça n'a aucun rapport avec moi ! s'indigna Potter. Le Prince de Sang-Mêlé est quelqu'un qui étudiait à Poudlard. J'ai son ancien livre de potions et il a écrit des formules sur toutes les pages, des sortilèges qu'il a inventés lui-même. L'un d'eux était le Levicorpus…
- Oh, celui-là était très à la mode quand j'étais à Poudlard, se rappela Remus. Au cours de ma cinquième année, il y a eu quelques mois pendant lesquels on ne pouvait plus faire un pas sans se retrouver suspendu dans les airs par une cheville.
- Mon père s'en est servi, affirma Potter. Je l'ai vu dans la Pensine, il l'a utilisé contre Snape.
- Oui, mais il n'était pas le seul. Comme je te le disais, c'était un sortilège très apprécié à l'époque… Toutes ces formules vont et viennent, comme tu le sais…
- Mais il semble avoir été inventé pendant que vous étiez à l'école, insista Potter.
Son comportement était plus agaçant que d'habitude : pourquoi harceler Remus à ce sujet ?
- Pas forcément, répondit le loup-garou. Ces maléfices redeviennent parfois à la mode puis disparaissent à nouveau, comme tout le reste.
Il regarda Potter dans les yeux et dit à voix basse :
- James était un sang-pur, Harry, et je peux te promettre qu'il ne nous a jamais demandé de l'appeler « Prince ».
Voilà qui expliquait son obsession : Potter s'était persuadé que sa nouvelle idole était l'un des Maraudeurs persuadé que c'était son père. Il s'écoula une fraction de seconde pendant laquelle Megan se demanda si, finalement, ses propres parents ne pouvaient pas avoir de lien avec le Prince, avant de se rappeler que les Buckley appartenaient aux 29 sacrés et ne se seraient jamais vantés d'être de Sang-Mêlé.
- Et ce n'était pas Sirius ? insista Potter. Ou vous ?
- Certainement pas.
- Ah…
Le garçon contempla le feu dans la cheminée.
- Je pensais simplement que… En fait, le Prince m'a été très utile en cours de potions.
- Ce livre date de quand, Harry ?
- Je ne sais pas. Je n'ai jamais regardé.
- Peut-être que ça te donnera une idée de l'époque à laquelle le Prince était à Poudlard, suggéra Remus.
Fleur choisit ce moment pour décider d'imiter Celestina chantant Un chaudron plein de passion, ce que tout le monde considéra, en voyant l'expression de Molly, comme le signal qu'il était temps d'aller se coucher.
À l'époque où elle vivait avec les Malfoy, Megan ne manquait de rien et était couverte de cadeaux à toutes les occasions, d'autant que les Boyd tentaient de se montrer aussi généreux que les Malfoy pour s'attirer un peu de reconnaissance de la part de leur fille adoptive. Pourtant, Megan ne s'était jamais sentie aussi comblée que depuis qu'elle avait, à sa façon, rejoint la famille Weasley. Au matin, elle découvrit une grosse chaussette posée au pied de son lit, remplie de présents. Bien sûr, Molly lui avait tricoté un pull avec un grand M, et chacun des enfants de la famille s'était procuré un présent pour elle. Il y en avait même un de Charlie : un pantalon et un manteau en cuir ignifugé. Tu en auras besoin quand tu viendras à la réserve, disait le mot.
- Joyeux Noël, souhaita-t-elle à Ginny, qui se réveillait elle aussi en découvrant ce qui lui avait été apporté dans la nuit.
Bien réveillée, son nouveau pull sur le dos, elle retrouva les jumeaux sur le pas de la porte. Eux aussi avaient revêtu le traditionnel vêtement tricoté par leur mère.
- On va offrir son cadeau à Ron ? lança-t-elle joyeusement, le paquet entre les mains.
- Je n'attends que ça ! se réjouit George.
Tous les trois gravirent les étages jusqu'à la chambre que Ron partageait avec Potter. Tous deux étaient réveillés puisque Megan entendit Ron éclater de rire. Elle poussa la porte de la chambre sans prendre la peine de frapper, et trouva Potter hors de son lit, un peu blême.
- Je préfère ça à ton collier, disait-il à Ron, encore assis dans ses draps.
- Quel collier ? lança Megan en entrant.
- Qui a parlé d'un collier ? répondit Ron d'un ton anormalement léger.
- Joyeux Noël !
Sans écouter sa réponse, elle lui lança son paquet entre les mains avant de s'installer au bout de son lit en tailleur. Fred et George restèrent debout devant eux, l'air ravis.
- Ouvre-le ! pressèrent-ils leur frère.
Intrigué mais méfiant, Ron déballa précautionneusement le cadeau. Une odeur prononcée de lavande en émana et ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il en retira un panier rempli de produits de soins moldus à base de lavande, et un maillot de Quidditch où brillaient et dansaient les mots LE ROI WEASLEY. Les oreilles écarlates, Ron leva les yeux vers Megan et les jumeaux, hilares.
- Vous vous croyez drôles ? Attendez un peu que je vous attrape !
Avec un cri de défi, il plongea vers Megan, mais celle-ci bondit hors du lit et se rua hors de la chambre en riant aux éclats, Fred et George sur les talons, tandis que Ron se précipitait derrière eux en tentant de les asperger de l'horrible parfum qu'il avait extrait du panier.
Lorsque les Weasley et leurs invités s'assirent à table pour le déjeuner un peu plus tard, tous portaient de nouveaux pulls, à l'exception de Fleur (pour qui, semblait-il, Molly n'avait pas voulu gaspiller sa laine, ce qui contraria Megan) et de Molly elle-même, qui arborait un tout nouveau chapeau de sorcière bleu nuit, parsemé de minuscules étoiles étincelantes apparemment en diamant, ainsi qu'un collier d'or spectaculaire.
- C'est Fred et George qui me les ont offerts ! Ils sont magnifiques, non ?
- Tu vois, maman, maintenant que nous lavons nos chaussettes nous-mêmes, nous t'apprécions de plus en plus, dit George avec un geste dégagé. Un peu de panais, Remus ?
- Harry, tu as un asticot dans les cheveux, dit Ginny d'un ton amusé en se penchant par-dessus la table pour le lui enlever.
Megan grimaça.
- Oh, mais c'est absolument horrible ! s'exclama Fleur avec un haut-le-corps affecté.
- Oui, n'est-ce pas ? dit Ron. Un peu de sauce, Fleur ?
Dans sa hâte de la servir, il renversa la saucière. Bill donna un petit coup de baguette magique et la sauce s'éleva dans les airs pour retourner docilement dans son récipient. Megan l'observa en se demandant s'il n'était pas pénible pour lui de voir constamment les hommes se précipiter pour essayer d'impressionner sa fiancée. Cette dernière ne semblait toutefois pas sensible aux tentatives de Ron de s'attirer ses faveurs.
- Tu es aussi maladroit que cette Tonks, lui dit-elle lorsqu'elle eut fini d'embrasser Bill pour le remercier. C'est fou ce qu'elle peut renverser de…
- J'ai invité notre chère Tonks à venir aujourd'hui, l'interrompit Molly en lui lançant un regard noir en posant les carottes sur la table avec une force injustifiée. Mais elle n'a pas voulu. Tu lui as parlé, ces derniers temps, Remus ?
- Oh non, je n'ai pas vu grand monde, répondit Remus. Mais Tonks va dans sa propre famille, non ?
- Mmmmh. Peut-être. En fait, j'ai plutôt l'impression qu'elle avait l'intention de passer Noël seule.
Elle regarda Remus d'un air agacé, comme si c'était à cause de lui qu'elle avait Fleur comme belle‑fille plutôt que Tonks – un combat perdu d'avance.
- Le Patronus de Tonks a changé de forme, dit Potter à Remus. C'est en tout cas ce que prétend Snape. Je ne savais pas que ça pouvait se produire. Pourquoi un Patronus changerait-il ?
Le loup-garou prit son temps pour mâcher sa dinde et l'avaler avant d'expliquer d'une voix lente :
- Parfois… un grand choc… un bouleversement émotionnel…
- Il paraissait très grand, avec quatre pattes, reprit Potter. Oh ! s'exclama-t-il soudain, avant de poursuivre à voix basse : Est-ce que ça ne pourrait pas être…
- Arthur ! sursauta soudain Molly.
Elle s'était levée de sa chaise, la main pressée contre son cœur, les yeux fixés sur la fenêtre de la cuisine.
- Arthur… C'est Percy !
- Quoi ?
Arthur se retourna. Tout le monde regarda par la fenêtre. Ginny se leva à son tour pour mieux voir. C'était bien Percy Weasley qui traversait à grands pas le jardin enneigé, ses lunettes d'écaille brillant sous le soleil. Mais il n'était pas seul.
- Arthur, il est… il est avec le ministre !
Molly ne rêvait pas. L'ancien directeur du Bureau des Aurors, avec sa crinière grisonnante et sa cape noire parsemées de neige, suivait Percy en boitant légèrement, marqué par des années de combat. Avant que quiconque ait pu prononcer un mot, avant qu'Arthur et Molly aient pu faire autre chose que d'échanger des regards stupéfaits, la porte de derrière s'ouvrit et Percy entra. Il y eut un moment de douloureux silence. Puis Percy dit avec raideur :
- Joyeux Noël, maman.
- Oh, Percy ! s'écria Molly en se jetant dans ses bras.
Rufus Scrimgeour s'arrêta sur le seuil de la porte, appuyé sur sa canne, souriant au spectacle de cette scène touchante. Son regard balaya la pièce et s'arrêta sur Megan, qu'il avait rencontrée quelques mois plus tôt lorsqu'elle avait fait irruption dans son bureau pour dénoncer les crimes d'Umbridge.
- Pardonnez cette intrusion, déclara-t-il, lorsque Molly se tourna vers lui, le visage rayonnant, en essuyant ses larmes. Percy et moi étions dans les environs – le travail, vous comprenez – et il n'a pas pu résister à l'envie de vous faire à tous une petite visite.
Megan haussa un sourcil au-dessus de son regard froid. Percy ne manifestait aucun désir de saluer qui que ce soit d'autre dans la famille. Il restait là, droit comme un piquet, l'air mal à l'aise, regardant ailleurs. Arthur, Fred et George l'observaient tous les trois, le visage impassible.
- Asseyez-vous donc, monsieur le ministre ! proposa Molly d'un air affairé en redressant son chapeau. Vous prendrez bien un peu de dingue ou un gout de bateau… je veux dire…
- Non, non, ma chère Molly, répondit Scrimgeour.
Étonnant de constater qu'il connaissait son prénom et qu'il s'autorisait à être aussi familier.
- Je ne veux pas m'imposer, je ne serais même pas venu si Percy n'avait pas eu une telle envie de vous retrouver tous…
- Oh, Perce ! s'émeut Molly, les yeux pleins de larmes en se dressant sur la pointe des pieds pour l'embrasser.
- Nous ne resterons pas plus de cinq minutes, je vais aller me promener dehors pendant que vous bavarderez avec Percy. Non, non, je vous assure, je ne veux surtout pas m'immiscer ! Si quelqu'un voulait bien me montrer votre charmant jardin… Ah, tiens, je vois que ce jeune homme a fini de manger, pourquoi ne ferait-il pas un petit tour avec moi ?
L'atmosphère changea autour de la table. Tout le monde regarda alternativement Scrimgeour et Potter. Nul ne semblait convaincu que Scrimgeour était sincère quand il prétendait ignorer le nom de Potter ou l'avoir choisi au hasard pour l'accompagner dans le jardin alors que Megan,Ginny, Fleur et George avaient eux aussi fini leurs assiettes. Tout cela n'était qu'une grande mascarade : Percy n'avait aucune intention de rendre visite à sa famille pour les fêtes, et lui et Scrimgeour n'étaient certainement pas venus travailler à Ottery St Catchpole. Le ministre était venu pour Potter.
- Oui, d'accord, répondit le garçon dans le silence qui s'était installé.
Remus s'était à moitié levé de sa chaise, et Arthur s'apprêtait à intervenir, mais Potter leur fit discrètement signe de ne pas intervenir.
- Merveilleux ! se réjouit Scrimgeour en reculant d'un pas pour laisser Potter sortir. On va simplement marcher un peu dans le jardin et nous repartirons tout de suite, Percy et moi.
- On n'est pas supposés vérifier d'abord que vous êtes bien celui que vous prétendez être ?
À la surprise générale, Megan s'était levée de sa chaise et avait sorti sa baguette, un regard méfiant braqué sur Percy et Scrimgeour.
- Megan, commença Molly, mais le ministre l'interrompit :
- J'apprécie votre zèle, miss Buckley, et je n'en attendais pas moins de vous, cependant nous n'avons que très peu de temps –
- J'imagine qu'un Mangemort qui aurait pris vos traits dirait exactement la même chose, le coupa Megan sans tenir compte des regards choqués qu'elle s'attirait. Vous n'êtes pas sans savoir que Potter est la cible de Voldemort et de ses partisans, nous ne sommes pas supposés le laisser se balader avec le premier venu.
- Ce n'est pas une façon de s'adresser au ministre de la Magie ! protesta Percy, qui ouvrait enfin la bouche, outré par son ton et l'emploi du nom maudit.
Scrimgeour n'avait toutefois pas tressailli à cette invocation.
- Laissez, Percy, cette jeune femme a parfaitement raison.
Le ministre souriait d'un air qui se voulait chaleureux, mais Megan lisait l'agacement sur ses traits.
- Je ne pense pas qu'il existe une information que je puisse vous délivrer qui ne soit ni strictement confidentielle ni facilement connue des Mangemorts, aussi je vous propose de vous confier ma baguette magique le temps de notre petite balade, cela vous semble-t-il être une garantie suffisante ?
Il parlait en s'adressant à Megan, mais Arthur ne laissa pas à cette dernière le temps de répondre :
- Bien entendu, monsieur le ministre. Je suis navré, vraiment.
- Il n'y a pas de mal, bougonna Scrimgeour en tirant d'une poche de sa robe de sorcier sa baguette magique qu'il remit à Arthur. Voilà que tout rentre dans l'ordre, continuez comme si je n'étais pas là !
Aussitôt eut-il quitté la maison en compagnie de Potter qu'Arthur et Molly se tournèrent vers Megan d'un air furieux.
- Qu'est-ce qui t'a pris, Megan ? tempêta la maîtresse de maison. Couper la parole au ministre de la Magie ! Et lui parler sur ce ton !
- Je sais que tu n'es pas à l'aise avec l'autorité, mais tu n'avais aucune raison de t'en prendre au ministre, renchérit Arthur. Il est de notre côté !
- Je ne fais que suivre les stupides consignes que dicte le ministère, répliqua Megan sans se démonter. Ce ne serait pas la première fois que Percy se baladerait sous les ordres d'un Mangemort sans s'en rendre compte.
L'intéressé fit un véritable bond.
- Comment oses-tu ? rugit-il en devenant écarlate.
- Non pas que je me soucie plus que ça de la vie de Potter, poursuivit Megan, imperturbable, mais ce serait un peu bête qu'il se fasse tuer aussi facilement dans le jardin. Ça ne serait pas bon pour nos affaires.
- Megan a raison, intervint Remus lorsque Molly voulut répliquer. On n'est jamais trop prudents, et personne n'est à l'abri d'être pris pour cible par des Mangemorts. Regardez Fol Œil : ça peut arriver même aux meilleurs.
Fleur acquiesça avec de grands mouvements de tête, et Molly la fusilla du regard.
- Ce qui m'interroge, c'est plutôt de savoir comment Scrimgeour savait qui tu étais, intervint Bill.
- On s'est déjà vus, pas vrai Percy ? s'amusa Megan.
- Ton impertinence…, gronda le jeune homme en serrant les poings.
- De quoi vous parlez ? insista Ginny.
- Cet été, quand je me suis absentée du Chemin de Traverse…
Elle jeta un coup d'œil en biais à Fred et George, qui se rembrunirent encore plus.
- … c'était pour aller au ministère.
Hormis les jumeaux et Charlie, personne ne savait qu'elle avait échappé à la sécurité du numéro 93, aussi Megan s'empressa de poursuivre.
- J'ai dû y aller parce qu'aucun de mes hiboux n'avait reçu de réponse. Je m'évertuais à leur signaler tous les crimes qu'Umbridge avait commis à Poudlard l'année dernière. Et j'ai bien fait ! Elle a été virée ! Et elle n'a plus le droit de travailler pour le gouvernement.
- Tu plaisantes ! s'esclaffèrent Ron et Ginny, l'air ravis.
Percy semblait atterré. L'an passé, il avait écrit une très longue lettre à Ron pour le convaincre de rompre tous liens avec Megan et Potter, mais également pour témoigner tout son soutien au travail difficile qu'accomplissait Umbridge (une « femme véritablement charmante ») à Poudlard. Megan n'était pas près de l'oublier.
- Pourquoi tu ne nous l'as pas dit ? protesta Fred, visiblement blessé. On t'aurait aidée !
- Je n'avais pas besoin d'aide, affirma Megan en se drapant d'une expression fière et détachée. Je suis rentrée grâce à Kevan – inutile de le dénoncer, Percy, il a déjà été rappelé à l'ordre – et je suis allée dans le bureau du ministre (un véritable moulin, si vous voulez mon avis) pour tout lui raconter. La sanction n'a pas trainé. Mais rendez-vous compte que si je n'avais rien fait, elle travaillerait toujours au gouvernement en toute impunité ! Vous remarquerez que Dumbledore n'a rien fait, lui !
- Tu n'en sais rien, fit doucement et loyalement remarquer Remus.
- Oh si : Scrimgeour tombait des nues quand je lui ai tout dit. De toute évidence, il n'était au courant de rien !
- Dumbledore a beaucoup de travail, en ce moment, répondit Arthur. Megan, je suis très contente que cette horrible femme ait eu ce qu'elle méritait, mais je t'en prie, ne fais rien pour t'attirer les foudres du ministère. Nous sommes dans le même camp, nous avons besoin de nous serrer les coudes.
Tous les regards se reportèrent sur Percy. Celui-ci n'avait pas bougé de sa place près de la porte, raide comme un piquet, n'attendant que le signal de son ministre pour fuir les lieux.
- Est-ce que tu veux un peu de purée, mon chéri ? susurra Molly, les mains tremblantes en saisissant une assiette.
- Non, merci, j'ai déjà déjeuné.
- Et tu n'as jamais eu l'intention de venir rendre visite à ta famille, ajouta froidement Megan.
- Ne dis pas ça, la rabroua sèchement Molly. Prends une chaise, Percy…
- Non, merci, je ne vais pas rester longtemps. Et je ne te demande pas ton avis, Meganna.
- S'il vous plaît, ne commencez pas…
- Ce n'est pas l'avis de Megan, c'est le nôtre à tous, répliqua Fred, piqué au vif.
- Ça ne te dérangeait pas de faire Noël sans nous, et je te rassure ça ne nous dérangeait pas non plus, renchérit Georges.
Le teint de Percy était d'un rouge de plus en plus soutenu. L'assistant du ministre se contenait visiblement depuis un quart d'heure, et était sur le point d'exploser.
- Peut-être qu'on devrait le laisser parler, suggéra Bill en se voulant apaisant.
À côté de lui, Remus et Fleur suivaient les échanges avec une gêne évidente.
- Oui, Percy, acquiesça Ginny à voix basse, dis-nous ce que ça fait d'être le toutou du ministre pour espionner Dumbledore.
- Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! explosa Percy, ses yeux lançant des éclairs derrière ses lunettes à écailles.
Megan ne se souvenait pas l'avoir déjà vu perdre sa contenance.
- Sans le ministère, le pays serait déjà à feu et à sang ! tempêta-t-il. Vous croyez que c'est facile, de faire notre travail ?
- Sans le ministère ? s'esclaffa Ron d'un rire jaune. Je ne me souviens pas que ce soit le ministère qui ait affronté les Mangemorts, l'année dernière, pourtant on était sous leur toit !
- Vous croyez que les Aurors ne font pas leur travail ? Vous vous prenez pour des héros ?
- Seulement pour des gens qui acceptent de voir la réalité en face et de se salir les mains et de risquer leurs vies, cracha Megan. Où était le ministère pendant toute l'année dernière, pendant que Voldemort réunissait ses Mangemorts ? Où était le ministère quand j'étais sa prisonnière et que Cedric s'est fait tuer ?
À l'énonciation du nom maudit, Fleur s'était raidie et Percy avait poussé un cri à mi-chemin être la colère et l'horreur. La tension était encore montée d'un cran lorsque Megan avait évoqué les événements qui s'étaient déroulés en marge du Tournoi des Trois Sorciers.
- Harry s'est fait humilier par la Gazette du sorcier et le ministère pendant un an, gronda furieusement Ginny.
- Percy n'est pas responsable de tout ça, intervint Molly en frappant du poing sur la table. Ça suffit !
- Pas responsable, complice, cracha Fred.
- Vous parlez de choses que vous ne comprenez pas, affirma Percy, qui tremblait de colère en serrant les poings. Tout ça, c'est la faute de Dumbledore. S'il ce vieil imbécile ne cherchait pas tout le temps à défier le ministère –
Percy ne parvint pas à terminer sa phrase, car Fred, George et Ginny, outrés par l'affront fait au directeur de Poudlard, avaient simultanément attrapé leurs couverts et balancé sur Percy une quantité non-négligeable de purée de panais qui vinrent maculer ses lunettes. Fleur ne put retenir un éclat de rire sonore qui couvrit le cri de fureur de Molly, et ce fut la goutte de trop. Percy balança un sortilège à l'aveugle, que Bill fit dévier de justesse et qui termina sa course sur le miroir du salon, qui se brisa. Megan, enragée par cette attaque, fut empêchée de s'en prendre à Percy par Arthur qui se précipita sur elle pour la forcer à baisser sa baguette. Ce fut sous les sanglots de Molly que Percy quitta le Terrier en claquant la porte.
