Tout au long de la semaine qui suivit, Molly fut inconsolable. Elle était furieuse contre Fred, George, Ginny, Ron et Megan qui avaient défié Percy, furieuse contre Arthur qui n'avait pas pris sa défense, et furieuse contre Percy qui n'avait fait que remuer le couteau dans la plaie ouverte qu'il avait laissée en se détournant de sa famille. Il avait été cruel de sa part de la laisser croire, ne serait-ce que quelques minutes, qu'il avait souhaité retrouver sa famille le jour de Noël. Scrimgeour était bien sûr complice de cette mascarade : Potter leur avait révélé dès son retour que le ministre de la Magie ne s'était rendu au Terrier que pour tenter de le convaincre de se servir de sa nouvelle popularité pour venir en aide au ministère en témoignant son soutien au gouvernement. Pour une fois, Potter avait eu la bonne réaction : il avait immédiatement et catégoriquement refusé cette proposition de devenir la mascotte du pouvoir en place et avait rappelé à son dirigeant toutes les bavures commises depuis plus d'un an, comme l'acharnement médiatique à son encontre, l'emprisonnement de Stan Shunpike ou encore la nomination d'Umbridge comme Grande Inquisitrice de Poudlard. C'est à cette occasion que le garçon avait lui aussi découvert la vendetta qu'avait mené Megan contre la harpie.
- Elle aurait dû être emprisonnée, elle aussi, gronda la jeune femme lorsque Potter aborda le sujet. Son licenciement est loin d'être à la hauteur de ses crimes.
- Scrimgeour a dit que c'était difficile à prouver, cracha Potter en frôlant du bout des doigts les cicatrices qu'avaient laissé ses retenues avec Umbridge sur le dos de sa main gauche.
- Après tout ce que le ministère t'a fait subir, il a du culot de te demander ton aide, enragea Ron.
Pour une fois, ils étaient tous d'accord.
L'incident avait toutefois eu pour mérite de ressouder les liens entre Megan et les jumeaux : ceux-ci étaient non seulement touchés de la ferveur avec laquelle elle s'était tenue à leurs côtés face à Percy, mais ils étaient également revenus de leur colère en découvrant que l'escapade secrète de l'été qu'ils lui avaient tant reprochée avait abouti au renvoi d'Umbridge.
- Mais pourquoi tu ne nous as rien dit ? lui demanda encore Fred, dans les jours qui suivirent.
- Je ne voulais pas attirer de problème à Kevan, et c'était mon combat.
- C'était aussi pour ça que tu n'es pas venue tout de suite ici après Poudlard, cet été ? s'enquit George.
- Non rien à voir. J'avais un autre combat. Un que je garderai pour moi.
Aussi heureuse qu'elle fût de retrouver sa complicité avec les jumeaux, elle n'était pas encore prête à révéler l'existence de Cal.
L'année 1996 prit fin, et le 1er janvier marqua le retour des collégiens à Poudlard. Megan, Ron, Ginny et Potter s'alignèrent en file indienne devant la cheminée du Terrier sous le regard larmoyant de Molly. Le ministère avait établi une connexion exceptionnelle avec le réseau des cheminées pour ramener rapidement et en toute sécurité les élèves à l'école. Arthur, Fred, George, Bill et Fleur avaient repris le travail, et Remus était retourné auprès des loups-garous qu'il infiltrait, aussi les collégiens étaient seuls avec la matriarche ce soir-là.
- Ne sois pas triste, maman, dit Ginny en tapotant le dos de sa mère qui sanglotait sur son épaule. Tout va bien…
- Oui, ne t'inquiète pas pour nous, ajouta Ron en la laissant lui donner un baiser humide sur la joue, ni pour Percy. Un crétin pareil, ce n'est pas une grande perte.
Molly sanglota de plus belle lorsqu'elle étreignit Megan puis Potter.
- Promettez-moi d'être bien prudents… Ne vous attirez pas d'ennuis…
- Je suis toujours prudent, Mrs Weasley, assura Potter. Vous me connaissez, j'aime bien mener une vie paisible.
Elle eut un petit rire mouillé et recula d'un pas.
- Soyez sages, tous…
Potter s'avança le premier dans le feu vert émeraude.
- Essaye d'articuler cette fois, ce n'est pas le moment de te planter de destination, lui lança Megan avec un rictus moqueur.
Le garçon la gratifia d'un regard mauvais puis s'écria distinctement :
- Poudlard !
Les flammes l'engloutirent puis s'évaporèrent avec lui. Ron entra à son tour dans l'âtre, puis ce fut le tour de Megan. Remplie de joie après ces vacances riches en émotions, la jeune femme regarda disparaître la cuisine du Terrier et le visage ruisselant de larmes de Molly, puis ferma les yeux le temps que le tourbillon de flammes l'emporte à travers la Grande-Bretagne, et émergea de la cheminée du professeur McGonagall qui lui jeta à peine un coup d'œil.
- Bonsoir, Buckley. Secouez vos chaussures pour ne pas mettre trop de cendres sur le tapis.
Il était trop tard pour s'en soucier, car Megan était déjà sortie de l'âtre en répandant autour d'elle un nuage de poussière grise et épaisse. Ron et Potter l'attendaient dans le bureau, et Ginny arriva à son tour. Tous les quatre sortirent du bureau de McGonagall et se dirigèrent vers la tour de Gryffondor. Le soleil descendait déjà sur le parc enveloppé d'une couche de neige plus épaisse que celle qui recouvrait le jardin du Terrier.
- Babioles, lança Ron d'un ton assuré lorsqu'ils furent arrivés devant la grosse dame qui paraissait plus pâle qu'à l'ordinaire et grimaça en l'entendant parler si fort.
- Non, dit-elle.
- Comment ça, non ?
- Il y a un nouveau mot de passe. Et arrêtez de hurler, s'il vous plaît.
- Mais on n'était pas là, comment voulez-vous qu'on…
- Harry ! Megan ! Ginny !
Hermione se précipitait vers eux. Elle avait le teint d'un rose soutenu et portait une cape, un chapeau et des gants.
- Je suis revenue il y a deux heures. J'étais allée voir Hagrid et Buck – ou plutôt Witherwings, dit-elle, hors d'haleine. Vous avez passé un bon Noël ?
- Ouais, répondit aussitôt Ron. Très mouvementé, Rufus Scrim…
- J'ai quelque chose pour toi, Harry, coupa Hermione sans regarder Ron et en faisant mine de n'avoir rien entendu. Oh, attends… le mot de passe, c'est Abstinence.
- Exact, dit la grosse dame d'une voix faible.
Et elle pivota pour dégager l'ouverture.
- Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Potter.
- La gueule de bois, diagnostiqua Megan.
- Apparemment, elle a fait des excès à Noël, acquiesça Hermione en levant les yeux au ciel tandis qu'elle entrait la première dans la salle commune bondée. Avec son amie Violette, elles ont bu tout le vin des moines ivres, dans ce tableau qu'on voit en allant au cours de sortilèges. Mais d'abord…
Elle fouilla un instant dans sa poche et en sortit un rouleau de parchemin qui portait l'écriture de Dumbledore.
- Parfait, se réjouit Potter, qui le déroula aussitôt. D'accord, prochaine leçon demain soir. J'ai beaucoup de choses à lui raconter – et à toi aussi. Allons nous asseoir…
Mais au même moment, une voix aiguë, retentissante, s'écria :
- Ron-Ron !
Et Lavender Brown surgit de nulle part pour se jeter dans les bras de Ron. Il y eut quelques ricanements autour d'eux. Hermione éclata d'un rire cristallin et dit :
- Je vois une table libre, là-bas… Tu viens avec nous, Ginny ?
- Non, merci, j'ai promis à Dean d'aller le retrouver, répondit-elle.
Elle n'avait pas l'air très enthousiaste. Laissant Ron et Lavender enlacés dans une étreinte qui ressemblait à une prise de catch, Potter entraîna Hermione vers la table et Megan les suivit en roulant des yeux.
- Alors, comment s'est passé ton Noël ?
- Oh, très bien, répondit-elle avec un haussement d'épaules. Rien de spécial. Comment c'était chez Ron-Ron ?
- Je te raconterai ça dans un instant. Mais d'abord, Hermione, est-ce que tu ne pourrais pas…
- Non, je ne peux pas, répliqua-t-elle d'un ton catégorique. Inutile de me le demander.
- Je me disais que peut-être, après Noël…
- C'est la grosse dame qui a bu un tonneau de vin de cinq cents ans d'âge, Harry, pas moi. Alors, quelle était cette nouvelle importante que tu voulais m'annoncer ?
Megan n'avait rigoureusement aucune idée de ce dont tous deux parlaient. Potter sembla renoncer à aborder le sujet en question et raconta plutôt la conversation qu'il avait surprise entre Draco et Snape. Lorsqu'il eut terminé, Hermione réfléchit un moment, avant de dire :
- Tu ne crois pas…
- … qu'il faisait semblant de lui proposer de l'aide pour amener Draco à lui révéler ce qu'il préparait, oui, on le lui a déjà répété cinquante-trois fois, compléta Megan d'un air exaspéré.
Hermione hocha la tête.
- Le père de Ron et Lupin pensent la même chose, admit Potter. Mais ça prouve quand même que Malfoy mijote quelque chose, vous ne pouvez pas le nier.
- Non, en effet, répondit Hermione avec lenteur.
- Et il agit sur ordre de Voldemort, comme je le disais.
- Mmmm… Est-ce que l'un d'eux a clairement prononcé le nom de Voldemort ?
- Tiens, bonne question, ça, se réjouit Megan.
Potter fronça les sourcils avec la même expression qu'il avait pendant les examens.
- Je ne me souviens plus très bien… Snape a parlé de « votre maître », qui voulez-vous que ce soit d'autre ?
- Je ne sais pas, dit Hermione en se mordant la lèvre. Peut-être son père ?
Megan devait le reconnaître, ce terme ne pouvait désigner que Voldemort. Elle était désormais de retour à Poudlard, elle ne pouvait plus continuer à ignorer ce qu'il se passait réellement entre les murs du château. Il était temps qu'elle confronte Draco pour en avoir le cœur net.
- Comment va Lupin ? demanda Hermione après un long silence songeur.
- Pas très bien.
Megan et lui lui racontèrent sa mission chez les loups-garous et les difficultés qu'il rencontrait.
- Tu as déjà entendu parler de Fenrir Greyback ?
- Oh, oui ! s'exclama Hermione, alarmée. Et vous aussi !
- Quand ? s'étonna Potter. En Histoire de la magie ? Tu sais très bien que je n'écoute jamais…
- Non, non, pas en histoire de la magie. Malfoy a prononcé son nom pour en menacer Borgin ! Dans l'allée des Embrumes, vous vous souvenez ? Il a dit que Greyback était un vieil ami de la famille et qu'il viendrait vérifier si Borgin faisait bien son travail !
Potter la regarda bouche bée.
- J'avais oublié ! Mais c'est bien la preuve que Malfoy est un Mangemort, sinon comment pourrait-il être en contact avec Greyback et lui donner des instructions ?
- C'est assez louche, en effet, admit Hermione dans un souffle.
- Ça n'a rien de louche, s'agaça Megan. Lucius est un Mangemort, voilà comment Draco le connaît. Mais ça ne veut pas dire qu'il peut vraiment lui donner des instructions !
- Ça suffit, répliqua Potter d'un ton exaspéré. Comment est-ce que tu peux encore lui trouver des excuses ?
- Megan a raison, dit Hermione d'une petite voix, et il y a toujours la possibilité que ce soient des menaces en l'air.
- Tu es vraiment incroyable, répliqua Potter en hochant la tête. Mais on verra bien qui avait raison… Vous serez obligées d'admettre que vous vous êtes trompées, tout comme le ministre. Ah oui, je ne t'ai pas dit, Hermione, je me suis aussi disputé avec Rufus Scrimgeour…
Le nouveau trimestre commença le lendemain matin avec une bonne surprise pour les sixième année : un grand écriteau avait été placardé au cours de la nuit sur le tableau d'affichage de la salle commune.
LEÇONS DE TRANSPLANAGE
Si vous avez dix-sept ans ou si vous devez les avoir avant le 31 août prochain, vous pourrez suivre un stage de douze semaines consacré à des leçons de transplanage sous la direction d'un moniteur de transplanage du ministère de la Magie. Si vous êtes intéressé(e), veuillez inscrire votre nom ci-dessous.
Coût : 12 Gallions.
Megan se joignit à la petite file d'élèves qui s'était formée pour écrire son nom. Ron, Hermione et Potter étaient un peu plus loin devant. Ron venait de sortir sa plume pour noter son nom après celui d'Hermione lorsque Lavender s'approcha silencieusement de lui par-derrière, plaqua les mains sur ses yeux et dit d'une voix roucoulante :
- Devine qui c'est, Ron-Ron ?
Aussitôt, Hermione s'éloigna avec raideur, suivie par Potter. Megan poussa le couple sans ménagement pour s'inscrire sur la liste à son tour, mais elle eut la surprise de voir son meilleur ami refouler sa copine au lieu de se lancer dans l'un de leurs habituels échanges langoureux de salive.
- Viens, on va rejoindre les autres, lui dit-il en l'attrapant par le bras.
Étonnée, Megan se laissa entraîner hors de la salle commune, laissant derrière eux une adolescente déconfite.
- Tu t'es enfin aperçu que c'était une cruche ? s'enquit Megan.
Les oreilles de Ron, déjà écarlates, rougirent encore un peu plus mais il ne répondit rien. À grandes enjambées, il rattrapa Hermione et Potter le long du couloir. Sans un mot, Hermione accéléra le pas pour marcher à la hauteur de Neville. Visiblement, les vacances de Noël n'avaient rien arrangé entre les deux amis.
- Des leçons de transplanage, dit Ron d'un ton signifiant clairement qu'il valait mieux ne pas faire allusion à ce qui venait de se passer. Ça devrait être rigolo, non ?
- Je ne sais pas, répondit Potter. C'est peut-être mieux quand on le pratique soi-même mais moi, je n'ai pas beaucoup aimé ça le jour où Dumbledore m'a emmené avec lui.
- J'avais oublié que tu l'avais déjà fait… J'espère que j'aurai mon permis du premier coup, dit Ron, anxieux. Fred et George ont eu le leur tout de suite.
- Charlie l'a raté, non ?
- Oui, mais Charlie pèse plus lourd que moi – Ron écarta les bras de chaque côté, comme un gorille –, alors Fred et George n'ont pas fait trop de commentaires… pas en face de lui, en tout cas…
- Il n'est pas gros, objecta Megan.
Elle fut surprise de constater à quel point la remarque l'avait vexée.
- C'est sûr que ça demande plus de muscles que tu n'en as de s'occuper de dragons tous les jours…
- Quand est-ce qu'on peut passer le permis ? demanda Potter pour changer de sujet avant que Ron ne réplique.
- Dès qu'on a dix-sept ans. Pour moi, ce sera seulement en mars !
- Oui, mais de toute façon, il te serait impossible de transplaner ici, dans le château…
- Ce n'est pas ça l'important. Tout le monde saura quand même que je pourrais le faire si je le voulais.
Ron n'était pas le seul à être emballé par la perspective d'apprendre à transplaner. Tout au long de la journée, on parla beaucoup des futures leçons. L'idée de disparaître et de réapparaître ailleurs à volonté plaisait beaucoup à tout le monde.
- Ça va être cool quand on pourra simplement… hop ! – Seamus claqua des doigts pour évoquer la disparition – Mon cousin Fergus le fait juste pour m'énerver mais attends que j'en sache autant que lui… Il n'aura plus jamais la paix…
Perdu dans les visions que lui inspirait cette heureuse pensée, il agita sa baguette avec un peu trop d'enthousiasme et au lieu de produire la fontaine d'eau pure qui était l'objet de la leçon de sortilèges du jour, il fit jaillir un puissant jet d'eau, semblable à celui d'un tuyau d'arrosage. Le jet ricocha contre le plafond et frappa de plein fouet le professeur Flitwick qui tomba face contre terre.
- Harry a déjà transplané, affirma Ron à un Seamus quelque peu embarrassé après que le professeur Flitwick se fut séché d'un coup de baguette magique et lui eut donné des lignes à copier (« Je suis un sorcier et non un babouin armé d'un bâton »). Dum… heu… quelqu'un l'a emmené avec lui. Tu sais, le transplanage d'escorte.
- Whoa ! murmura Seamus.
Dean, Neville et lui penchèrent la tête un peu plus pour entendre Potter raconter l'effet que faisait un transplanage. Pendant tout le reste de la journée, il fut assiégé de questions posées par d'autres élèves de sixième année qui lui demandaient de décrire la sensation qu'on éprouvait en transplanant. Tous semblaient plus impressionnés que rebutés quand ils l'écoutaient expliquer à quel point c'était désagréable. Si Megan avait été du genre à vouloir attirer l'attention, elle leur aurait expliqué qu'il était plus agréable de transplaner seul, mais elle n'était pas supposée révéler à ses camarades qu'elle savait déjà réaliser cet exercice grâce aux cours dispensés par Dumbledore au cours de sa quatrième année. Ce n'était que pour protéger les apparences qu'elle s'était inscrite aux cours au moins n'était‑elle pas inquiète de rater son permis. Elle devrait toutefois attendre fin mai pour obtenir le Graal, ce qui l'agaçait. Mais pour la première fois depuis 11 ans, elle attendait son anniversaire avec impatience : ce jour funeste qui avait été le dernier de ses parents serait, cette année, celui où elle serait enfin débarrassée de la Trace, enfin libre d'exercer la magie de la façon dont elle l'entendait.
Draco, lui, n'avait pas l'air enthousiasmé le moins du monde. Lui qui avait déjà eu recours à de nombreuses reprises au transplanage d'escorte avec Lucius ne s'en vantait pas. Aux repas de la journée, il fut le seul des élèves de sixième année à la table de Serpentard à ne pas discuter avec enthousiasme des cours à venir, et observa d'un air morne les tentatives infructueuses de Pansy Parkinson de le dérider. Il discutait avec Theodore Nott d'un air las, échangeant quelques mots à voix basse, l'air épuisé. Theo savait-il ce que Draco préparait ? Megan ne le connaissait pas beaucoup, ils s'étaient fréquentés quelque fois à des dîners à l'époque où elle vivait avec les Malfoy, mais il était d'une nature solitaire. Il semblait toutefois s'être rapproché de Draco ces derniers temps. Rien d'étonnant : de ce qu'en savait Megan, il était très intelligent, mature et peu loquace. En cela, il ressemblait de plus en plus à son camarade.
Le lendemain matin, Potter profita de l'animation de la cour de récréation pour raconter à Megan et à Hermione sa leçon avec Dumbledore de la veille au soir.
- On a parlé de la scolarité de Voldemort, expliqua-t-il tandis qu'ils marchaient lentement dans la neige épaisse qui recouvrait désormais le château et le parc. A priori, Tom Riddle était un élève parfait, qui faisait du charme à tous ses professeurs, excellent en classe, avide d'apprendre. Mais Dumbledore se méfiait de lui. Déjà, à l'époque, il s'était fait une bande « d'amis », un groupe de Serpentard qui sont presque tous devenus Mangemorts –
- Pettigrew est un Mangemort, ce n'est pas une spécialité des Serpentard, fit remarquer Megan d'une voix blanche.
- Ouais, vraiment aucun lien entre les Mangemorts et Serpentard, répondit Potter d'un ton sarcastique.
- Ne commencez pas tous les deux, s'agaça Hermione, qui repoussait de son visage les mèches de cheveux que le vent froid faisait tourbillonner autour d'elle. Est-ce que Voldemort est devenu préfet ?
- Oui, répondit Megan, à la surprise de Potter. Préfet, puis préfet-en-chef, et il a eu toutes ses BUSE et ses ASPIC.
Au cours de sa deuxième année, elle avait mené d'assidues recherches pour découvrir qui pouvait être l'héritier de Serpentard, épluchant avec soin les archives de l'école, et s'était intéressée à Tom Riddle lorsque Potter avait découvert son journal intime.
- On peut dire ce qu'on veut de lui, il est doué, poursuivit-elle à contre-cœur. Doué en sorcellerie, et charismatique. Comment vous croyez qu'il a réussi à devenir Lord Voldemort ?
Hermione se renfrogna. Elle n'était visiblement pas heureuse d'apprendre qu'elle occupait les mêmes fonctions que le mage noir à son époque, et qu'il était aussi brillant qu'elle.
- Tout ça, je l'avais déjà un peu vu, il y a quatre ans, dans son journal, reprit Potter. Dumbledore m'a aussi montré deux souvenirs. Le premier, c'était sa rencontre avec son oncle, Morfin Gaunt, le père de sa mère. Il lui a volé sa bague de famille, et il l'a fait accuser de trois meurtres de Moldus : il est allé tuer son père et ses grands-parents, dans le manoir des Riddle, et a implanté dans le cerveau de Morfin la certitude que c'était lui qui l'avait fait. Morfin a avoué le triple meurtre dès que les Aurors sont venus le chercher, et il est mort à Azkaban.
À la simple évocation du manoir des Riddle, Megan sentit son ventre se retourner. Elle connaissait bien cet endroit, pour y avoir passé beaucoup de temps au cours de sa quatrième année, aux côtés de Voldemort sous sa forme hideuse de créature, de Pettigrew et de Nagini. Elle se souvenait de la peur qui s'était insinuée en elle pendant son séjour, et des tortures.
- Voldemort a assassiné sa famille ? répéta Hermione.
- Oui, il leur reprochait d'être des Moldus, il avait honte de son ascendance, acquiesça Potter avec une grimace de dégoût. Dans le village, personne n'a jamais su ce qu'il s'était passé, puisque l'Avada Kedavra ne laisse pas de trace. Je me souviens de cette histoire. Avant le Tournoi, j'avais commencé à faire des rêves où j'étais… vous savez… dans la tête de Voldemort. Je me souviens de ce vieil homme qu'il a tué un soir. Frank Bryce. C'était le jardinier des Riddle, et tout le monde l'a accusé du meurtre à l'époque, même si personne n'avait de preuve. Bryce et Gaunt étaient innocents, c'était Riddle le meurtrier.
- Pourquoi est-ce que Dumbledore t'a montré ça ? intervint Megan, tendue. On s'en fiche de savoir qui les a tués, ça ne nous apprend rien, on savait déjà que Voldemort est un assassin.
- Je ne sais pas trop, avoua Potter, frustré. Si, je crois que c'était pour m'expliquer qu'on peut modifier les souvenirs. Ceux des autres, ou les siens. Le deuxième souvenir était le plus important, de ce que j'ai compris : c'était un souvenir de Slughorn.
- Slughorn connaît Voldemort ? l'interrompit à nouveau Megan.
- Oui, c'était son professeur. C'est peut-être pour ça qu'il veut tellement qu'il le rejoigne, je n'en sais rien… Le souvenir se passait à Poudlard, à la fin d'un cours de potions. Riddle lui a demandé ce qu'il savait sur les Horcruxes…
- Les quoi ? demanda Hermione.
- Les Horcruxes. Je ne sais pas ce que c'est. Et Slughorn ne le saurait pas non plus, en tout cas c'est ce qu'il a répondu à Riddle. Il s'est énervé et lui a dit de ne plus jamais lui parler de ça. Sauf que… a priori, ce ne serait pas vraiment ce qu'il s'est passé. Je ne sais pas comment décrire ça, pendant que le souvenir se déroulait dans la Pensine, il y a eu deux fois une sorte de brouillard blanc, quelques secondes. Dumbledore m'a expliqué que ça signifie que le souvenir a été altéré, grossièrement. Slughorn a volontairement caché ce qu'il s'est passé ce jour‑là. Et Dumbledore m'a demandé de le convaincre de me confier le vrai souvenir. C'est la première fois qu'il me demande de faire quelque chose pour lui. Il dit qu'il n'a pas réussi à obtenir de Slughorn qu'il le lui donne.
Megan croisa les bras sur sa poitrine, vexée. Désormais, c'était à Potter que Dumbledore demandait de l'aide ? Depuis le début de l'année, il avait complètement ignoré Megan, elle qui avait failli mourir après son affrontement au ministère de la magie l'été précédent, ou lors de l'attaque des Carrow à Manchester, elle qui avait protégé un Moldu, et dont les pouvoirs pouvaient rivaliser avec ceux de Lord Voldemort. Elle en conclut que, pour les deux éminents sorciers, elle n'était qu'une seule et même chose : un outil qu'ils utilisaient sans vergogne lorsqu'ils en avaient le besoin, puis jetaient lorsqu'ils ne s'en servaient plus. Pour Dumbledore, elle n'était bonne qu'à sauver la peau de Potter.
- Il doit être décidé à cacher ce qui s'est vraiment passé si Dumbledore lui-même n'a rien pu tirer de lui, réfléchit Hermione à voix basse. Les Horcruxes… Les Horcruxes… je n'en ai jamais entendu parler…
- Ah bon ?
Potter était visiblement déçu. Il espérait probablement que Miss Je-Sais-Tout aurait la réponse à la question posée par Riddle cinquante ans plus tôt, sans avoir à charmer le professeur de potions qui l'idolâtrait déjà.
- Il doit s'agir de quelque chose de très avancé en matière de magie noire, sinon pourquoi Voldemort aurait-il posé des questions à ce sujet ? songea Hermione. Je crois que tu auras du mal à obtenir l'information, Harry, tu devras te montrer très prudent dans ta façon d'approcher Slughorn, réfléchir à une stratégie…
- Ron pense que je devrais simplement attendre la fin du cours de potions, cet après-midi…
- Ah, très bien, si c'est ce que pense Ron-Ron, il faut suivre ses conseils, répliqua-t-elle en s'enflammant aussitôt. Le jugement de Ron-Ron a-t-il jamais été pris en défaut ?
- Hermione, tu ne pourrais pas…
- Non ! s'exclama-t-elle avec colère.
Et elle s'éloigna en trombe, laissant Potter seul avec Megan, dans la neige jusqu'aux chevilles.
- Et toi ? risqua-t-il, visiblement surpris que la jeune femme n'ait pas suivi Hermione.
- Moi quoi ? Ce n'est pas à moi que Dumbledore a demandé de l'aide.
- Je me demandais si tu avais déjà entendu parler des Horcruxes.
Megan haussa les épaules et partit sur les traces de Hermione sans lui répondre. Si Dumbledore ne lui avait rien demandé, pourquoi devrait-elle s'en occuper ?
Pour autant, le sujet commença à la préoccuper. Avec Hermione, elles empruntèrent à la bibliothèque plusieurs ouvrages de Défense contre les forces du mal qu'elles commencèrent à lire au déjeuner, à la recherche de ce qui avait bien pu intriguer Voldemort cinquante ans plus tôt et continuer à importer à Dumbledore aujourd'hui. Il était toutefois peu probable qu'elles y trouvent leur réponse s'agissant vraisemblablement de magie noire, seuls les livres de la Réserve devaient en traiter. Potter n'était pas aussi intéressé qu'elles par la réponse : il passa le repas assis à côté de Ron, tentant d'avoir une conversation avec lui malgré Brown qui ne cessait de se pencher sur son cou pour y laisser des traces violacées. Hermione leur jetait des regards furibonds entre chaque page qu'elle tournait, et elle n'avait pas décoléré lorsque le cours de potions commença. Bien que les filles partageassent leur table avec les deux garçons, elles déplacèrent leurs chaudrons pour se rapprocher d'Ernie Macmillan, qui ne s'aperçut de rien.
Le cours du jour portait sur les antidotes et la troisième loi de Golpalott, qui disposait que l'antidote d'un poison composé devait être égal à plus que la somme des antidotes de chacun de ses composants. Un apprentissage véritablement utile, sur lequel Megan entendait se concentrer : qu'il s'agisse d'affronter les Mangemorts ou de briser des sorts, il était essentiel de savoir remédier aux concoctions malintentionnées.
- Bonne chance et n'oubliez pas vos gants de protection ! déclara Slughorn après avoir introduit le cours.
Hermione s'était déjà levée de son tabouret pour aller récupérer une des fioles de poison sur le bureau de Slughorn avant que le reste de la classe se soit rendu compte qu'il était temps de bouger. Au moment où Megan, Ron, Potter et Macmillan retournaient s'asseoir à leur table, elle avait déjà versé le contenu de sa fiole dans son chaudron et allumait un feu au-dessous.
- C'est bête que le Prince ne puisse pas t'aider aujourd'hui, Harry, dit-elle d'un ton allègre en se redressant. Cette fois, il va falloir que tu comprennes toi-même le principe de l'expérience. Pas de raccourcis, pas de tricherie !
Megan esquissa un sourire froid en versant à son tour le contenu de sa fiole de poison dans son chaudron. Derrière elle, Ron et Potter semblaient visiblement agacés, et décontenancés : ils regardaient tous deux leur propre table de potion, parfaitement incapables de déterminer ce qu'ils devaient faire ensuite. Voilà ce qui se passait quand Hermione n'était plus là pour leur souffler les réponses ! C'était un miracle qu'ils aient obtenu des BUSE de potions. Megan s'amusait bien trop de leur incompétence pour vouloir les aider. À l'instar d'Hermione, elle agita sa baguette au-dessus de son chaudron pour lancer le Révélasort de Scarpin sans formuler l'incantation, et se concentra sur l'identification des composants du poison.
Au bout d'un quart d'heure, Slughorn entama un premier tour de la salle pour évaluer la progression de ses élèves. Lorsqu'il s'approcha de leur table, il plongea un regard plein d'espoir à l'intérieur du chaudron de Potter, prêt à pousser des cris de ravissement comme à son habitude, mais détourna presqu'aussitôt la tête en toussant, suffoqué par l'odeur d'œuf pourri qui s'en dégageait. Hermione n'avait jamais eu un tel air de suffisance – ce qui amusait beaucoup Megan. Elle ne supportait pas de voir ses talents surpassés à chaque cours de potions par quelqu'un d'autre que sa meilleure rivale et amie. En cet instant, elle décantait les ingrédients séparés de son poison dans dix fioles de cristal différentes, tandis que Megan rédigeait ses calculs sur un parchemin de brouillon tout en se reportant régulièrement à son manuel et à son chaudron pour y verser des ingrédients savamment sélectionnés. Ron et Potter, eux, jetaient aléatoirement des composants dans leur préparation, dont la couleur et l'odeur ne faisaient qu'empirer. Plusieurs fois, Megan entendit Potter tourner les pages du manuel du Prince de Sang-Mêlé avec une brusquerie inutile, espérant visiblement qu'un tiers viendrait à nouveau faire à sa place ce dont il était incapable.
Soudain, alors que le cours touchait à sa fin, il bondit sur ses pieds et se précipita vers l'armoire qui contenait les ingrédients dédiés aux cours, et se mit à fouiller dedans avec frénésie. Il était trop tard, pensa Megan : même si Potter avait soudain réussi à déterminer quels ingrédients étaient nécessaires pour contrer le poison contenu dans sa fiole, il n'avait plus le temps de les préparer. Slughorn allait enfin voir Potter sous son vrai jour.
- Le temps est… ÉCOULÉ ! annonça le maître des potions. Voyons un peu le résultat ! Blaise… qu'avez-vous à me montrer ?
Lentement, Slughorn fit le tour de la pièce, examinant les différents antidotes. Personne n'avait accompli la tâche jusqu'au bout mais Hermione essaya d'ajouter quelques ingrédients dans son flacon avant que Slughorn n'arrive jusqu'à elle. Megan n'était pas parvenue au résultat qu'elle espérait, par manque de temps, mais était raisonnablement satisfaite d'elle-même. Ron avait complètement abandonné et s'efforçait simplement de ne pas respirer les vapeurs putrides qui s'élevaient de son chaudron. Quant à Potter, il semblait attendre quelque chose.
Slughorn s'approcha de leur table en dernier. Il renifla la potion de Macmillan et passa à celle de Ron qui le fit grimacer. Il ne s'attarda pas devant son chaudron, reculant rapidement avec un léger haut‑le‑cœur.
- Et vous, Harry, dit-il. Vous avez quelque chose d'intéressant ?
Sous le regard mauvais de Megan, Potter tendit la main. Il avait un petit objet marron au creux de la paume. Un bézoard. Une pierre que l'on trouvait dans l'estomac des ruminants et qui pouvait servir d'antidote à la plupart des poisons. Une solution qui n'avait aucun lien avec la consigne donnée par Slughorn et qui ne démontrait aucune compréhension des lois de Golpalott. Le professeur contempla la pierre pendant dix bonnes secondes et Megan espéra qu'il allait remettre l'insolent à sa place, mais il rejeta soudain la tête en arrière et éclata d'un grand rire.
- Vous ne manquez pas d'audace, mon garçon ! s'exclama-t-il en prenant le bézoard qu'il leva devant lui pour que toute la classe puisse le voir. Vous êtes bien le fils de votre mère… Je ne peux pas vous en vouloir… Un bézoard pourrait sans nul doute servir d'antidote à toutes ces potions !
- C'est une blague ? lâcha Megan en jetant un regard méprisant à la pierre.
Hermione, le visage en sueur, de la suie au bout du nez, paraissait folle de rage. Son antidote à moitié terminé, composé de cinquante-deux ingrédients dont une mèche de ses propres cheveux, bouillonnait paresseusement derrière Slughorn qui n'avait d'yeux que pour Potter.
- Et tu as pensé tout seul au bézoard, Harry ? demanda-telle, les dents serrées.
- Voilà l'esprit d'initiative personnelle dont un vrai préparateur de potions doit savoir faire preuve ! déclara Slughorn d'un ton ravi avant que Potter ait pu répondre. Exactement comme sa mère, elle avait la même façon intuitive d'aborder les potions, il tient cela de Lily, indiscutablement… Oui, Harry, en effet, si vous avez un bézoard sous la main, il vous tirera d'affaire… Mais comme ils ne sont pas efficaces à tous les coups et qu'on les trouve assez rarement, il vaut quand même mieux savoir mélanger les antidotes…
Le seul qui paraissait encore plus en colère qu'Hermione était Draco. Doué en potions, et un mélange doré et bouillonnant devant lui, il avait renversé sur sa robe quelque chose qui ressemblait à des vomissures de chat. Mais avant qu'aucun des deux ait pu exprimer sa fureur de voir Potter surpasser tous les autres sans avoir fourni aucun travail, la cloche retentit.
- Il est temps de ramasser vos affaires ! Et je donne dix points de plus à Gryffondor pour récompenser ce pur et simple culot ! ajouta Slughorn.
Pouffant de rire, il rejoignit son bureau de sa démarche chaloupée, à l'autre bout du cachot. Potter prit tout son temps pour ranger son sac, tandis que Megan, Ron et Hermione quittaient la salle à grands pas sans lui accorder un regard ni un encouragement pour ce qu'il s'apprêtait à demander à Slughorn.
- Le cours consistait à apprendre à composer un antidote ! fulminait Hermione en gravissant les marches qui menaient au cours d'Arithmancie, tandis que Ron s'éloignait dans la direction opposée pour rejoindre la tour de Gryffondor. Il s'est attiré des félicitations pour ne pas avoir fait son travail convenablement !
- C'est lui tout craché, fit observer Megan. Et tu remarqueras qu'il n'a pas donné de bézoard à Ron…
- Oh, ne me parles pas de celui-là !
La fourberie de Potter n'avait même pas porté ses fruits : il leur raconta pendant le dîner qu'à peine avait-il évoqué le sujet des Horcruxes que Slughorn s'était emporté contre lui et avait nié avoir la moindre connaissance à ce sujet. La stratégie proposée par Ron n'avait, étonnamment, pas marché. Par ailleurs, dans les semaines qui suivirent, Slughorn se montra froid et distant avec Potter et suspendit toutes les invitations du Club de Slug
Megan et Hermione s'étaient procuré une autorisation signée du professeur McGonagall pour accéder aux livres de la Réserve pour poursuivre leurs recherches, en vain. Si Megan trouva les lectures qu'elles y firent instructives pour sa culture personnelle, Hermione était furieuse d'avoir parcouru plusieurs milliers de pages de pratiques et de potions épouvantables sans rien découvrir sur les Horcruxes. Ce sujet n'était évoqué que dans l'introduction des Grandes Noirceurs de la magie, qui se contentait d'indiquer qu'il s'agissait de « la plus vile de toutes les inventions magiques » et qu'il n'en serait donc pas fait mention dans l'ouvrage.
Le temps passa et le mois de janvier mourut. Megan envoyait régulièrement des lettres à Bill pour relayer les maigres informations qu'elle recueillait auprès des élèves et de Kevan, mais elle était consciente d'être parfaitement inutile à l'Ordre du Phénix, et sa frustration grandissait au fur et à mesure que passait le temps. Les meurtres se poursuivaient hors des murs de Poudlard, et une nouvelle dizaine de sorciers était morts depuis le début de l'année. Au lieu de se battre, elle regardait Potter recracher les connaissances d'un autre en les faisant passer pour siennes, Hermione et Ron se détester autant qu'ils s'aimaient, Mandy Brocklehurst essayer de lui tendre des pièges puérils dans les couloirs de l'école, et Draco mourir à petit feu. Elle avait cessé de faire des recherches sur les Horcruxes depuis plusieurs jours puisqu'aucun des livres de l'école ne lui apportait les réponses qu'elle cherchait, et elle n'osait pas se rendre dans la Salle sur Demande de peur d'être à nouveau confrontée à son rêve encore vivace. Leurs tentatives pour découvrir ce dont il s'agissait lui semblaient toutefois de plus en plus vaines : Megan était certaine que Dumbledore savait ce qu'étaient des Horcruxes, et que ce n'était pas ce qu'il cherchait à apprendre. Qu'est-ce que Slughorn avait révélé de si important à Tom Riddle, ce soir-là ?
Juchée au sommet de la tour de l'Horloge, elle observait la fanfare de l'école qui répétait dans la cour du clocher. Elle n'avait aucune sensibilité à la musique, mais les sons claironnants occupaient suffisamment son esprit pour l'empêcher de vagabonder vers des zones dangereuses. Elle n'avait toujours pas trouvé le courage d'affronter Draco. La neige avait fondu autour de l'école et laissé place à une humidité morne et glaciale. À chaque souffle, un nuage blanc s'échappait des lèvres de Megan.
Pour la première fois depuis le début du mois de février, il ne pleuvait pas. Les pelouses de Poudlard s'étaient transformées en une étendue boueuse et glissante, aussi la première leçon de transplanage des sixième année n'aurait finalement pas lieu dans le parc. Lorsque les immenses aiguilles de l'horloge s'immobilisèrent à angle droit, une gigantesque cloche retentit d'un son grave qui résonna dans le corps de Megan. Elle se leva, bascula en avant dans une longue chute, et atterrit souplement dans la cour à l'aide d'un sortilège de Coussinage, puis se dirigea vers la Grande Salle. Au moment où elle passait sous le préau, une pluie drue et froide s'abattit sur le château, forçant la fanfare à rejoindre un abri à grand renfort de cris aigus.
Ron était déjà là, en compagnie de Brown, et Hermione et Potter arrivèrent en même temps que Megan. Les longues tables des maisons avaient disparu. La pluie fouettait les hautes fenêtres et le plafond enchanté tournoyait en volutes sombres au-dessus d'eux tandis qu'ils se rassemblèrent devant les professeurs McGonagall, Snape, Flitwick et Sprout – les directeurs des quatre maisons – accompagnés d'un petit sorcier qui devait être le moniteur de transplanage. Il était étrangement incolore, avec des cils transparents, des cheveux fins et un air immatériel, comme s'il aurait suffi d'une simple rafale de vent pour l'emporter.
- Bonjour, lança-t-il lorsque tous les élèves furent arrivés et que les directeurs de maison les eurent incités au silence. Je m'appelle Wilkie Twycross et je suis envoyé par le ministère pour être votre moniteur de transplanage au cours des douze semaines qui viennent. J'espère pendant cette période vous préparer à passer votre permis de transplanage…
- Malfoy, taisez-vous et écoutez ! aboya McGonagall.
Tout le monde se retourna. Le visage de Draco avait pris une teinte rose vif. L'air furieux, il s'écarta de Crabbe avec lequel il semblait s'être disputé à voix basse. Snape sembla très agacé de la réprimande faite par McGonagall à un élève de sa maison.
- Nombre d'entre vous pourront alors se présenter à l'examen, poursuivit Twycross comme s'il n'y avait eu aucune interruption. Comme vous le savez sans doute, il est généralement impossible de transplaner dans l'enceinte de Poudlard. Le directeur a toutefois suspendu cet enchantement pour une durée d'une heure et uniquement entre les murs de la Grande Salle afin de vous permettre de vous entraîner. Je dois insister sur le fait que vous ne pourrez pas transplaner au-delà de cette salle et qu'il serait très imprudent d'essayer. À présent, je voudrais que vous vous placiez à une distance suffisante les uns des autres pour garder devant vous un espace libre d'un mètre cinquante.
Il y eut une grande agitation, des bruits de pas précipités et des bousculades tandis que les élèves se séparaient, se heurtaient et se lançaient des ordres pour écarter les autres de leur chemin. Les directeurs des maisons passaient parmi eux, les aidaient à se placer et mettaient fin aux disputes. Étonnamment, Potter se détourna de Hermione pour aller se placer tout au fond de la salle. En fronçant les sourcils, Megan constata qu'il s'était placé juste derrière Draco, qui avait repris sa dispute avec Crabbe.
- TAISEZ-VOUS ! s'exclamèrent d'une même voix les quatre directeurs de maison.
Le silence retomba, et Megan reporta son attention sur le cours absolument inutile auquel elle allait assister.
- Merci, dit Twycross en inclinant la tête. Bien… Maintenant…
Il agita sa baguette. Des cerceaux à l'ancienne mode apparurent aussitôt sur le sol, devant chaque élève.
- La chose importante dont il faut se souvenir pour transplaner se résume à trois D ! Destination, Détermination, Décision ! Première étape : fixez résolument votre esprit sur la destination souhaitée. Dans le cas présent, l'intérieur de votre cerceau. Veuillez dès maintenant vous concentrer sur cet objectif.
Tout le monde jeta un coup d'œil furtif pour voir si les autres regardaient bien leur cerceau puis chacun se hâta d'obéir. Megan enfonça les mains dans les poches de sa robe de sorcier en jetant un œil morne au cercle poussiéreux délimité par son propre cerceau.
- Deuxième étape, concentrez votre détermination sur l'espace à occuper ! Que votre désir d'y pénétrer se répande dans chaque atome de votre corps !
Megan observa les camarades autour d'elle. Hermione fixait le cerceau en fronçant les sourcils avec autant de concentration que lorsque les professeurs décrivaient un nouvel exercice difficile. Les lèvres d'Amanda O'Neill, qui était dans le même cours de runes que Megan et Hermione, ne cessaient de remuer en silence comme si la jeune femme répétait une incantation.
- Troisième étape, et seulement quand je vous en donnerai le signal… Tournez sur place en essayant de trouver votre chemin dans le néant et en accomplissant votre mouvement avec décision ! À mon commandement, attention… un…
Les consignes étaient absolument nébuleuses. Beaucoup d'élèves semblèrent inquiets à l'idée de devoir transplaner si vite.
- … deux… TROIS !
Dans un craquement sonore, Megan se matérialisa dans son cerceau sans effort, puis se tourna vers la salle pour observer les résultats des autres. Dans toute la salle, on voyait soudain les gens tituber sur place. Neville était étendu sur le dos. Ernie Macmillan avait sauté dans son cerceau en exécutant une sorte de pirouette et parut momentanément fou de joie jusqu'à ce qu'il voie Dean Thomas le regarder en hurlant de rire. Hermione se trouvait toujours à son point de départ, la frustration barrant son front.
- Comment tu as fait ? siffla-t-elle à l'adresse de sa meilleure amie en la découvrant dans son cerceau, l'air impassible.
Le regard de Twycross se posa sur Megan et il lui adressa un hochement de tête en guise de félicitations avant de s'adresser sèchement à toute la classe, qu'il ne s'attendait visiblement pas à voir réussir du premier coup :
- Ce n'est pas grave, ce n'est pas grave. Remettez vos cerceaux en place, s'il vous plaît, et reprenez votre position de départ…
Pour ceux qui n'avaient pas les extraordinaires capacités de Megan, la deuxième tentative ne fut pas plus heureuse que la première, et elle fut de nouveau la seule à réussir l'exercice. Sous le regard envieux de ceux qui avaient remarqué ses succès, Twycross vint la voir tandis qu'un brouhaha frustré s'élevait dans la salle.
- C'est extrêmement rare de voir de jeunes sorciers réussir à transplaner au premier essai, déclara-t-il. Félicitations, miss… ?
- Buckley.
Elle leva les yeux et croisa le regard de McGonagall, où elle lut sans peine que la directrice de sa maison n'était pas dupe : elle savait que Dumbledore lui avait dispensé ces cours deux ans plus tôt.
La troisième tentative se révéla aussi lamentable que les précédentes. Ce fut seulement à la quatrième qu'il se passa enfin quelque chose de marquant. Il y eut un horrible cri de douleur et tout le monde se retourna, terrifié, pour voir Susan Bones, de Poufsouffle, vaciller au milieu de son cerceau, sa jambe gauche restée à un mètre cinquante derrière elle, à l'endroit d'où elle était partie. Les directeurs de maison se précipitèrent. Il y eut un grand bang et un panache de fumée violette. Lorsque la fumée se dissipa, Susan avait retrouvé sa jambe mais elle sanglotait, l'air horrifié.
- Le désartibulement, ou séparation de certaines parties du corps, se produit quand l'esprit n'est pas suffisamment déterminé, expliqua Wilkie Twycross d'un ton calme. Vous devez vous concentrer continuellement sur votre destination et vous mettre en mouvement sans hâte mais avec décision… Miss Buckley, pouvez-vous nous faire une démonstration ?
Tous les regards se tournèrent vers Megan, qui fit une moue contrite, peu désireuse de retrouver au centre de l'attention. Elle fit cependant un pas en avant, tourna sur elle-même avec grâce et disparut dans le tournoiement de sa robe, réapparaissant au fond de la salle. Il y eut des sifflements impressionnés et des applaudissements tandis qu'elle exécutait de nouveau son exploit en reprenant sa place devant son cerceau. En se retournant vers la salle, elle vit Draco éviter précipitamment son regard.
- Souvenez-vous des trois D, rappela Twycross, et essayez à nouveau… Un… Deux… Trois…
Mais une heure plus tard, le désartibulement de Bones et la démonstration de Megan restaient les seuls événements notables qui se soient produits au cours de la séance. Twycross ne paraissait pas découragé pour autant. Attachant sa cape autour de son cou, il dit simplement :
- Au revoir, tout le monde, à samedi prochain, et n'oubliez pas : Destination, Détermination, Décision.
Il donna alors un coup de baguette qui fit disparaître les cerceaux et sortit de la salle en compagnie du professeur McGonagall. Des conversations s'élevèrent de toutes parts tandis que les élèves sortaient dans le hall.
- Je n'arrive pas à croire que tu aies réussi aussi bien du premier coup, dit Hermione avec envie. Tu t'étais déjà entraînée ?
- Oui, un peu, répondit Megan pour apaiser la jalousie de sa meilleure amie.
- Mais c'est impossible, dans Poudlard !
- C'était pendant les vacances au Terrier… avec les jumeaux.
- Tu en as de la chance, grommela Hermione.
Ron et Potter marchaient quelques mètres devant elles.
- Comment ça s'est passé, pour toi ? demandait le rouquin. J'ai l'impression d'avoir senti quelque chose à mon dernier essai. Une sorte de fourmillement dans les pieds.
- Tes baskets doivent être trop petites, Ron-Ron, lança Hermione en leur passant devant, l'air hautain et le sourire narquois.
Megan ne put retenir un éclat de rire.
