Note de l'auteur : Je suis hyper contente de voir que vous êtes nombreux à lire ces nouveaux chapitres malgré l'attente interminable depuis la dernière fois que j'ai publié, vraiment merci beaucoup, ça me motive à continuer à partager avec vous les déboires de Megan ! J'espère finir le tome 6 cet été et amorcer bientôt le tome 7... et la suite !


Février s'approcha de mars sans que le temps change, sauf que le vent s'ajouta à la pluie. Accueilli dans une indignation générale, un avis apparut sur les tableaux d'affichage de toutes les salles communes pour annoncer que la prochaine sortie à Pré-au-Lard avait été annulée. Ron était furieux.

- C'était le jour de mon anniversaire ! Je me faisais une joie d'y aller !

Megan était tout aussi déçue que lui : elle avait prévu d'y retrouver Kevan, qu'elle n'avait pas revu depuis leur altercation à Ottery St Catchpole deux mois plus tôt, mais également les jumeaux qui venaient prospecter pour étendre leur commerce à la boutique de Zonko, désormais fermée.

- Ça n'a rien d'étonnant, commenta Potter. Après ce qui est arrivé à Katie.

Elle n'était toujours pas revenue de Ste Mangouste. Par surcroît, La Gazette du sorcier signalait d'autres cas de personnes disparues, dont certaines avaient un lien de parenté avec des élèves de Poudlard.

- Ma seule joie, maintenant, ça va être cette stupide leçon de transplanage ! marmonna Ron avec mauvaise humeur. Tu parles d'un cadeau d'anniversaire…

Au bout de la troisième leçon, le transplanage se révélait toujours aussi difficile qu'au début pour les collégiens, même si quelques autres élèves avaient réussi à se désartibuler. Le mécontentement était général et on commençait à éprouver une certaine animosité à l'égard de Wilkie Twycross et de ses trois D, ce qui lui avait valu divers surnoms dont les plus aimables étaient Dent-de-gargouille et Demi‑potion. Megan n'avait pas réussi à obtenir d'être dispensée des cours, Twycross considérant que ceux-ci restaient un prérequis obligatoire pour se présenter au permis, quand bien même elle n'avait pas échoué une seule fois à ses exercices. Il lui avait d'ailleurs donné des tâches à accomplir plus complexes que celles de ses camarades, consistant à traverser la Grande Salle de part en part en atterrissant dans cerceaux de plus en plus petits.

Hermione était majeure depuis septembre et Ron le devint le 1er mars. Megan était jalouse de savoir que ses deux meilleurs amis étaient libres de pratiquer la magie hors de Poudlard mais pas elle. Pourtant, elle se força à faire preuve d'enthousiasme en vue de l'anniversaire de Ron. Elle n'avait passé que très peu de temps en sa compagnie ces derniers mois du fait de ses disputes avec Hermione, et il commençait à lui manquer. Aussi, le samedi matin, elle se saisit du paquet contenant les boutons de manchette en métal gobelin qu'elle avait soigneusement emballé, annonça à Hermione qu'elle ne pourrait exceptionnellement pas réviser avec elle ce jour, et gravit les escaliers qui menaient au dortoir des garçons. Elle trouva cependant la chambre, toujours aussi mal rangée, vide. Il y avait plusieurs paquets cadeau déchirés sur le lit de Ron, et ses présents étaient restés en vrac. En s'approchant pour jeter un œil à ce qu'il avait reçu (et délaissé pour aller manger, fidèle à lui‑même), Megan trouva notamment une grosse montre en or avec des symboles anciens gravés sur le bord et de minuscules étoiles mouvantes en guise d'aiguilles. C'était une tradition importante pour les Weasley que d'offrir une montre de valeur aux enfants qui atteignaient leur majorité. Il était étonnant que Ron ne l'ait même pas mise à son poignet avant de se rendre dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner. Consternée par tant de négligence, Megan la ramassa et la glissa dans sa poche pour la rendre à son nouveau propriétaire avant qu'un de ses camarades de dortoir ou un elfe de maison ne s'y intéresse de trop près.

Lorsqu'elle descendit dans la salle commune de Gryffondor, elle eut la surprise de trouver Lavender Brown en larmes, entourée par Parvati Patil et Enimia Hall. Megan s'était attendue à la trouver perchée au cou de Ron, en train de lui susurrer des « joyeux anniversaire » et de le forcer à porter un écusson gravé à leurs initiales entrelacées qu'elle aurait trouvé judicieux de lui offrir. Pas mécontente d'être débarrassée d'elle pour le moment, Megan descendit dans la Grande Salle, mais ni Ron ni Potter ne s'y trouvaient.

- Eh, Ginny, lança-t-elle en s'arrêtant à l'extrémité de la table de Gryffondor, tu n'aurais pas vu ton frère ?

- Non, sûrement en train de déballer ses cadeaux, répondit la jeune fille en levant les yeux de son porridge. Pourquoi ?

- Il n'est pas dans son dortoir, je pensais qu'il serait en train de se baffrer ici… Mais tant pis, je le trouverai plus tard.

Avec un haussement d'épaules, elle glissa la boîte de boutons de manchette dans la même poche que la montre et s'assit à côté de la rouquine pour prendre son petit-déjeuner.

- Eh, tu ne devineras jamais ce que j'ai appris, gloussa Ginny en tendant le bras pour attraper le pichet de jus de citrouille que lui tendait galamment Dean. J'ai oublié de te le dire. Quand je discutais avec maman pendant les vacances, j'ai compris pourquoi elle pensait que Tonks pourrait séduire Bill et le dissuader de se marier avec Fleurk : quand ils étaient à Poudlard, Charlie a été le tout premier petit ami de Tonks ! Maman l'a appris par papa, qui l'a appris par Bill, qui l'avait appris par Ben Copper. Du coup, elle s'est dit que, de manière générale, Tonks devait être de nature à pouvoir séduire un Weasley, parce que les choses sont forcément aussi simples, railla Ginny.

- Tonks et Charlie ? répéta Megan en reposant la théière qu'elle avait dans la main.

- Ouais, c'est drôle, hein ? Oh, bien sûr, Tonks n'était pas la première petite amie de Charlie, rit Ginny d'un air de conspirateur. De ce que j'ai réussi à tirer de Bill, Charlie faisait déjà chavirer les cœurs de la moitié de Poudlard à l'époque. Pas étonnant qu'il ne soit toujours pas fiancé, lui, il est trop content de pouvoir s'envoyer en l'air avec qui il veut, quand il veut.

L'information eut de quoi perturber Megan. Elle n'ignorait rien de la réputation sulfureuse du deuxième fils des Weasley, et il était amusant de voir que Ginny semblait suivre les mêmes traces, mais elle était étonnée de la jalousie qui l'avait saisie. Elle appréciait beaucoup Tonks, qui était avec les jumeaux Weasley la moins dramatique des membres de l'Ordre du Phénix, mais, d'une certaine façon, elle ne l'estimait pas « digne » de Charlie. L'était-elle, elle ? Les introspections de Megan furent interrompues par l'arrivée de McGonagall.

- Miss Weasley, Miss Buckley, dit-elle à la fois doucement et fermement, veuillez me suivre, s'il vous plait.

Les deux filles se regardèrent avec surprise.

- Qu'est-ce qu'on a fait ? demandèrent-elles d'une même voix en levant les yeux vers la directrice de leur maison.

- Rien. Mais il s'est passé quelque chose dont vous serez reconnaissantes d'être informées en premières. Veuillez me suivre, s'il vous plaît.

Ce n'était pas la première fois de l'année qu'un professeur interrompait un cours ou un moment de convivialité pour venir chercher un élève, l'air grave. Les filles n'eurent pas besoin de se concerter pour comprendre qu'il était arrivé quelque chose à l'un des Weasley. Sans un regard pour Dean, qui avait visiblement lui aussi compris ce qui se tramait, elles se levèrent d'un bond et suivirent à grand pas McGonagall hors de la Grande Salle.

- Qui est mort ? murmura Megan dès qu'elles furent hors de portée des oreilles indiscrètes.

- Je ne veux pas vous alarmer inutilement, répondit McGonagall. Personne n'est mort. Mais Ronald Weasley a, semble-t-il, ingéré un puissant poison. Il est à l'infirmerie.

- Quoi ? s'étrangla Ginny. Ron, empoisonné ? Mais comment ?

- Je ne dispose pas encore de toutes les informations à ce sujet. J'ai été alertée par le professeur Slughorn et Potter, qui étaient avec lui lorsque c'est arrivé.

Potter. Depuis que Ron avait fait sa connaissance à bord du Poudlard Express six ans plus tôt, il avait été étranglé par un Filet du Diable, assommé par une pièce d'échiquier géante, livré à des araignées géantes, prisonnier de l'antre d'un Basilic, mordu par un chien géant et agressé par des cerveaux ensorcelés au milieu d'un affrontement avec des Mangemorts. Qu'allait-il encore devoir affronter pour survivre à cette amitié toxique ?

- Est-ce qu'il va survivre ? murmura Ginny entre ses dents serrées.

- Je ne peux pas me prononcer pour le moment, mais il est entre les mains expertes de Madam Pomfrey.

Elles arrivèrent devant les portes fermées de l'infirmerie, où elles trouvèrent Potter qui faisait les cent pas.

- Harry !

Sous le regard effaré de Megan, Ginny se jeta dans ses bras. La jeune femme se détourna de ce spectacle pour tenter de regarder à travers les portes ce qu'il se passait à l'intérieur, sans succès.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-elle sèchement en se retournant vers les deux autres, qui avaient cessé de s'étreindre et se tenaient maladroitement l'un à côté de l'autre.

- Tout ça ne serait pas arrivé sans ce foutu philtre d'amour, ragea Potter.

Megan et Ginny levèrent un sourcil, surprises. Potter poussa un profond soupir, visiblement soulagé de ne plus être seul et de pouvoir réfléchir à ce qu'il s'était passé. Il se frotta le visage avec les mains, puis se lança dans le récit des événements :

- À Noël, Romilda Vane m'avait offert une boîte de chocolats avec un philtre d'amour dedans, soupira-t-il. Elle essayait de faire en sorte que je l'invite au bal de Slughorn.

Hermione l'avait surprise en train d'évoquer ce projet avec ses amies dans les toilettes. Megan ignorait toutefois qu'elle avait mis ce projet à exécution.

- Hermione m'avait prévenu, alors j'ai jeté la boîte dans ma malle, et je l'ai oubliée, poursuivit Potter. Mais tout à l'heure, quand Ron déballait ses cadeaux, je l'ai ressortie parce que je fouillais pour trouver ma carte du Maraudeur. Et il a cru que c'était un de ses cadeaux et que la boîte était juste tombée de son lit. Il en a mangé… plusieurs. Et là, il est devenu super bizarre. Il s'est mis à me dire qu'il n'avait pas faim, qu'il ne pouvait pas supporter de penser à elle tout le temps, qu'il était fou d'elle… Au début, j'ai cru qu'il parlait de Lavender, et quand il a dit que c'était Romilda… j'ai compris. Il en avait vraiment mangé beaucoup, et d'après ce que j'ai compris le philtre était périmé alors il était encore plus puissant. Je ne pouvais pas le laisser se ridiculiser, le jour de son anniversaire, en allant déclarer sa flamme à Romilda Vane en bavant…

- C'est le philtre qui l'a empoisonné ? intervint Megan, à laquelle les détails importaient peu. Un des philtres de Fred et George ?

Elle était effondrée. Elle avait participé à l'élaboration de la potion, et elle savait que ses effets pouvaient en effet être décuplés avec le temps, mais elle était certaine que ceux-ci demeuraient sans danger sur la santé de celui qui l'avait ingérée. Si elle avait laissé un produit mortel être commercialisé par les jumeaux et que celui-ci tuait Ron, elle ne pourrait jamais s'en remettre.

- Non, non, répondit Potter en agitant la main. Le philtre l'a juste rendu un peu fou, alors je l'ai emmené voir Slughorn pour qu'il lui fasse un remède.

- Tu ne pouvais pas le faire toi-même ? grinça Megan. Ce n'était pas écrit dans le manuel du Prince ?

- Tu crois que c'est le moment, Meganna ? s'exclama Potter avec colère. Je n'ai pas besoin de tes remarques, ok ? Mon meilleur ami est entre la vie et la mort-

- À cause de qui, hein ? répliqua Megan sur le même ton. Ce ne sont pas les chocolats destinés à l'Élu qui l'ont amené là ?

- La ferme, tous les deux ! explosa Ginny, les larmes aux yeux. On n'a pas besoin de ça !

- Harry ! Ginny ! Megan !

Hermione arrivait vers eux en courant à toutes jambes. Deux rouleaux de parchemin s'échappèrent de son sac qui rebondissait au rythme effréné de sa course dans le couloir, mais elle ne prit pas la peine de les ramasser. Elle s'arrêta devant eux à bout de souffle, le visage blême.

- Ron… ! Flitwick m'a dit… Comment…

- On ne sait pas encore comment il va, répondit Ginny en réunissant toute sa contenance pour empêcher sa voix de trembler. Pour l'instant, on ne nous laisse pas entrer…

- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Malgré leurs mois de disputes, Hermione tremblait de tous ses membres et ses yeux étaient embués de larmes. Ginny passa un bras autour de ses épaules.

- Harry était en train de nous expliquer.

Les regards des trois filles se posèrent sur le garçon, qui adressa un regard mauvais à Megan puis se racla la gorge avant de reprendre son récit au début, ponctué des remarques tremblotantes d'Hermione :

- Oh cette Romilda ! J'aurais dû retourner son dortoir pour lui confisquer cette potion ! … Oh bien sûr, Slughorn, tu as bien fait, Harry !

- Non, pas vraiment, avoua Potter. Slughorn lui a fait un remède pour le philtre, ça a marché tout de suite, mais ensuite il a voulu qu'un ouvre une bouteille pour fêter son anniversaire… Il a choisi un vieil hydromel qu'il comptait offrir à Dumbledore pour Noël, et dès que Ron l'a bu…

Potter fut parcouru d'un frisson.

- Il s'est mis à convulser et à écumer… C'était horrible.

Hermione plaqua ses deux mains sur sa bouche en laissant échapper un cri étranglé.

- Slughorn était tellement choqué qu'il n'a pas réagi, poursuivit Potter avec un agacement manifeste. J'ai retrouvé dans ses affaires le bézoard qu'il m'avait pris au cours de potions, et je l'ai enfoncé dans la bouche de Ron. Ensuite, Slughorn s'est enfin secoué et il est allé chercher du secours. Il est revenu avec McGonagall et Madam Pomfrey. Elles m'ont posé des questions puis elles l'ont emmené ici, et je n'ai pas pu rentrer, Madam Pomfrey s'occupe de lui…

- Un bézoard, souffla Hermione. Harry, tu as eu le bon réflexe, je suis sûre que tu lui as sauvé la vie !

- On n'en sait rien, gronda Megan. Si Ron était tiré d'affaire, on ne serait pas coincés ici.

- Je n'y suis pour rien ! rugit Potter.

Deux élèves de Poufsouffle qui passaient dans le couloir au même moment se retournèrent vers lui d'un air apeuré. Hermione leur fit signe de baisser la voix pour ne pas attirer l'attention. Après un coup de pied rageur dans les portes de l'infirmerie, Potter se laissa tomber contre le mur et baissa la tête entre ses genoux. Ginny s'assit à côté de lui, Megan et Hermione s'installèrent de l'autre côté des portes, et commença une attente interminable. Toutes les heures, l'un d'eux se levait pour tenter d'entendre quelque chose dans la pièce voisine. Les élèves qui passaient dans le couloir les observaient d'un air curieux, inconscients du drame qui se jouait. Vers treize heures, un garçon de troisième année, envoyé par McGonagall, leur apporta des sandwiches, mais aucun d'eux n'avait faim. Lorsque la lumière commença à décliner derrière les fenêtres du château, ils n'avaient pas bougé, et Potter et Ginny avaient fini de passer en revue toutes les explications qu'ils pouvaient trouver à ce qui s'était passé. Megan avait réfuté toutes leurs théories, car rien ne lui semblait cohérent. Elle voulait de vraies réponses. Elle voulait savoir sur qui se venger. Désormais, elle regardait fixement devant elle, les poings serrés et les ongles enfoncés dans la paume de ses mains. Elle ne pouvait pas accepter que la vie de son meilleur ami se termine ainsi, terrassé par un poison ingéré le jour de son anniversaire, après tout ce qu'il avait surmonté depuis son entrée à Poudlard, à cause d'un foutu philtre d'amour destiné à Potter. Elle ne le lui pardonnerait pas – tant pis pour le marché passé avec Dumbledore, elle le lui ferait payer si elle perdait Ron aujourd'hui.

Hermione ne s'était pas prêtée à la conversation elle s'était contentée de rester à côté d'eux, les dents serrées, l'air effaré. Megan ne se souvenait pas avoir souffert une attente aussi terrible depuis la nuit où Arthur avait attaqué par Nagini.

À huit heures du soir, enfin, les portes s'ouvrirent. Madam Pomfrey posa un regard contrit sur les quatre élèves qui campaient devant son infirmerie.

- Mr Weasley va s'en sortir, annonça-t-elle.

Un profond soupir de soulagement s'éleva dans le couloir. Une larme de soulagement roula sur la joue d'Hermione, et Ginny pressa le bras de Potter avec encouragement. Megan sauta sur ses pieds.

- On peut le voir ?

- Il est inconscient, précisa Madam Pomfrey. Il va avoir besoin de beaucoup de repos il devra rester encore une bonne semaine à l'infirmerie pour suivre un traitement d'essence de Ruta. Mais si vous êtes suffisamment calmes, vous pouvez entrer.

Inutile de le leur dire deux fois. Tous les quatre se précipitèrent à l'intérieur et marchèrent aussi rapidement que possible jusqu'au seul lit occupé. Dans l'infirmerie silencieuse, les rideaux étaient tirés devant les fenêtres, et les lampes allumées. Ron était blême, sa peau couverte d'un film de transpiration. Sa respiration était sifflante, mais il était bien vivant. Hermione se laissa tomber sur la chaise à son chevet et le contempla avec désespoir.

- Merci, Madam Pomfrey, murmura-t-elle faiblement. Merci beaucoup.

L'infirmière hocha la tête, puis les laissa seuls. Tous les quatre se rassemblèrent autour du lit, profondément soulagés mais toujours inquiets. Ils ne savaient toujours pas comment Ron s'était retrouvé dans cette situation.

Une quarantaine de minutes plus tard, Molly et Arthur arrivèrent en trombe dans l'infirmerie, Dumbledore sur les talons. Molly poussa un cri de déchirement et se précipita sur son fils. Tout le monde s'écarta, sauf Hermione, qui ne semblait plus capable de bouger.

- Ronnie…, sanglota Molly en étreignant son fils inconscient. Qu'est-ce qu'il s'est passé…

- On aimerait tous le savoir, murmura Megan.

Arthur, le visage livide, posa une main sur son épaule et la serra.

- C'est ce que nous allons tâcher de découvrir, Molly, lui promit Dumbledore. Harry, pourrais‑je te voir un instant ?

À contrecœur, le garçon quitta le chevet de son ami et s'éloigna en compagnie du directeur, qui souhaitait vraisemblablement recueillir sa version des faits. Nul doute qu'il s'était préalablement entretenu avec Slughorn.

L'infirmière était ressortie de son bureau en entendant les parents de son patient arriver. Elle s'approcha sans un bruit.

- Madam Pomfrey, la salua respectueusement Arthur. Merci pour ce que vous avez fait pour notre fils, merci beaucoup.

- C'est mon travail, monsieur, répondit-elle poliment.

- Il va guérir, n'est-ce pas ? demanda Molly en levant vers elle son visage baigné de larmes. Il va totalement guérir ?

- Oui, promit l'infirmière. Il lui faudra du temps pour se rétablir, mais il sera bientôt pleinement remis.

- Merci…

Dumbledore revint dans la salle, suivi par Potter.

- Arthur, Molly, si vous le voulez bien, je vous propose que nous nous entretenions dans mon bureau, suggéra-t-il. Je peux vous assurer que Ron est entre de très bonnes mains. Vous pourrez bien sûr revenir le voir ensuite.

- Bien sûr, acquiesça Arthur.

Plus assuré que sa femme, il aida celle-ci à se remettre sur pieds et l'accompagna en douceur hors de l'infirmerie. Madam Pomfrey retourna dans son bureau, et Potter reprit sa place autour du lit.

- Dumbledore t'a appris quelque chose ? s'enquit Ginny.

- Non, rien… Il voulait juste que je lui raconte…

Une nouvelle veille s'installa, pendant laquelle Ginny et Potter finirent par se laisser tomber sur les chaises vides autour du lit. Il n'y avait rien à se dire, chacun souhaitant seulement que Ron se sente entouré, pour qu'il rouvre bientôt les yeux. Le silence ne fut de nouveau rompu qu'une heure plus tard, lorsque les portes se rouvrirent pour laisser passer Fred et George, le visage déformé par l'inquiétude. Ils s'empressèrent de rejoindre le groupe formé autour du lit de leur frère.

- McGonagall nous a envoyé un Patronus, dit George le souffle court, un gros paquet sous le bras. Elle a dit que Ron avait été empoisonné…

- Il va survivre, annonça Megan d'une voix blanche. Madam Pomfrey s'est occupée de lui.

Ils laissèrent tous deux échapper un soupir de soulagement. George s'assit au bout du lit, et Fred passa un bras réconfortant autour des épaules de Megan.

- Qu'est-ce qui lui est arrivé ? s'enquit George.

- Il a ingéré un de vos philtres d'amour par erreur, et Harry l'a emmené voir Slughorn qui lui a fait boire un antidote et de l'hydromel, et il s'est étouffé, résuma Ginny.

- Ce n'est visiblement pas le philtre qui est en cause, crut bon de préciser Megan. C'est ce qu'il a bu ensuite…

Il y eut un nouveau silence pesant, uniquement rompu par les sifflements qui s'échappaient de la poitrine de Ron.

- Donc, tout bien considéré, on ne peut pas dire que ce soit l'un des meilleurs anniversaires de Ron ? suggéra Fred.

- Un philtre d'amour et une bouteille d'hydromel empoisonné ? lui rappela Megan. Moi je m'inquiète plutôt de savoir comment il compte faire mieux l'année prochaine.

Un sourire un peu tordu déforma le visage de Ginny.

- Ce n'était pas vraiment comme ça qu'on avait prévu de lui donner notre cadeau, soupira sombrement George.

Il posa le gros paquet sur la petite armoire, à la tête de son lit, puis s'assit à côté de Ginny.

- Oui, quand on imaginait la scène, il était conscient, renchérit Fred.

- On pensait l'attendre à Pré-au-Lard pour lui faire la surprise…, reprit George.

- Vous étiez à Pré-au-Lard ? demanda Ginny en levant la tête.

- On envisageait d'acheter la boutique de Zonko, expliqua Fred, d'un ton lugubre. Pour avoir une filiale à Pré-au-Lard, tu comprends, mais à quoi ça peut bien servir si on ne vous laisse plus sortir le week-end pour acheter notre marchandise… Enfin, peu importe, maintenant.

Il approcha une chaise de Potter et contempla le visage livide de Ron.

- Qu'est-ce qui s'est passé, exactement, Harry ?

Potter répéta encore l'histoire, pour au moins la quatrième fois.

- … alors, je lui ai enfoncé le bézoard dans la gorge et il a pu respirer un peu mieux, Slughorn est allé chercher du secours, McGonagall et Madam Pomfrey sont arrivées et elles ont amené Ron ici. Elles pensent qu'il ira bientôt mieux. Madam Pomfrey dit qu'il devra rester environ une semaine à l'infirmerie… en continuant à prendre de l'essence de Ruta…

- C'est une chance que tu aies pensé au bézoard, dit George à voix basse.

- Une chance qu'il y en ait eu un dans la pièce, précisa Potter.

Hermione renifla presque imperceptiblement. Elle avait gardé un silence inhabituel tout au long de la journée.

- Est-ce que papa et maman sont au courant ? demanda Fred à Ginny.

- Ils l'ont déjà vu, ils sont arrivés il y a une heure. Pour le moment, ils sont dans le bureau de Dumbledore mais ils vont revenir bientôt.

Il y eut un silence pendant lequel ils regardèrent Ron émettre un grognement dans son sommeil.

- Donc, le poison était dans son verre ? s'enquit Fred à voix basse.

- Oui, répondit Potter. Slughorn l'avait rempli…

- Crois-tu qu'il aurait pu glisser quelque chose dans le verre sans que tu le voies ?

- Sans doute.

- Sauf que Slughorn n'a aucune raison de vouloir empoisonner Ron, leur fit remarquer Megan d'un air sombre. Il ignorait son nom jusqu'à ce matin.

- Tu ne crois pas qu'il aurait pu se tromper de verre ? suggéra Fred, les sourcils froncés. En essayant de t'empoisonner toi, Harry ?

- Pourquoi Slughorn voudrait-il empoisonner Harry ? s'étonna Ginny.

- Je ne sais pas, mais il doit y avoir plein de gens qui ont envie de l'empoisonner, non ? Avec cette histoire d'Élu et tout ça ?

- Alors, tu crois que Slughorn est un Mangemort ?

- Tout est possible, déclara Fred d'un air sinistre.

- Je ne l'ai vu ni dans le cimetière ni au ministère, fit observer Megan. Et ça n'a aucun sens. Il a eu tout un tas d'occasion d'essayer de tuer Potter, ça m'étonnerait qu'il ait attendu le mois de mars qu'il débarque dans son bureau au saut du lit et ait préparé une bouteille d'hydromel empoisonné pour l'occasion.

- Il a peut-être été soumis au sortilège de l'Imperium, suggéra précautionneusement George.

Le sortilège impardonnable était un sujet sensible depuis que Dumbledore avait fait courir la rumeur que c'était sous son influence que Megan avait rejoint Voldemort en quatrième année.

- Ou peut-être qu'il est innocent, répliqua Ginny. Le poison pouvait très bien se trouver dans la bouteille, auquel cas, c'était Slughorn lui-même qui était visé.

- Qui aurait envie de le tuer ?

- Dumbledore pense que Voldemort voulait Slughorn dans son camp, expliqua Potter. Il s'est caché pendant un an avant de venir à Poudlard. Et… (Potter hésita.) Et peut-être que Voldemort veut l'écarter de son chemin parce qu'il croit qu'il pourrait être utile à Dumbledore.

Il pensait de toute évidence au souvenir que Dumbledore cherchait à obtenir.

- Donc Voldemort aurait envoyé une bouteille d'hydromel empoisonné à Slughorn avec une carte « joyeux Noël » ? objecta Megan. Ce n'est pas vraiment dans ses habitudes.

- Tu as dit que Slughorn avait l'intention d'offrir cette bouteille à Dumbledore pour Noël, lui rappela Ginny. Donc, l'empoisonneur pouvait tout aussi bien viser Dumbledore.

- Dans ce cas, il ne connaissait pas très bien Slughorn, intervint Hermione qui parlait pour la première fois depuis des heures.

Elle avait la voix de quelqu'un qui a attrapé un mauvais rhume.

- Quiconque connaît Slughorn aurait su qu'il y avait de bonnes chances qu'il garde pour lui quelque chose d'aussi délicieux.

- Er-my-nie, dit brusquement Ron d'une voix gutturale.

Tout le monde se tut en le regardant d'un air anxieux, mais après avoir marmonné quelques paroles incompréhensibles, il se mit simplement à ronfler. Soudain, les portes de la salle s'ouvrirent à la volée en les faisant tous sursauter, et Hagrid s'avança vers eux à grands pas, les cheveux tachetés de pluie, une arbalète à la main, son manteau en peau d'ours lui battant les jambes. Il laissait sur son passage des traces de boue de la taille d'un dauphin.

- Passé la journée dans la forêt ! haleta-t-il. L'état d'Aragog empire, je lui ai fait la lecture.

Megan leva les yeux au ciel.

- Je viens juste de rentrer dîner et le professeur Sprout m'a prévenu pour Ron. Comment va‑t‑il ?

- Pas mal, répondit Potter. Il devrait guérir bientôt.

- Pas plus de sept visiteurs à la fois ! avertit Madam Pomfrey en surgissant de son bureau.

- Avec Hagrid, on est tout juste sept, fit remarquer George.

- Ah… Oui…, admit Madam Pomfrey.

Apparemment, la taille immense de Hagrid lui avait donné l'impression qu'il représentait plusieurs personnes à lui tout seul. Pour masquer sa confusion, elle se hâta de nettoyer les traces de boue à l'aide de sa baguette.

- Je n'arrive pas à y croire, reprit Hagrid d'une voix rauque.

Il regardait Ron en hochant sa grosse tête hirsute.

- Je n'arrive vraiment pas à y croire… Regardez-le, allongé là… Qui aurait envie de lui faire du mal ?

- C'est justement de ça qu'on parlait, dit Potter. On n'en sait rien.

- Est-ce que quelqu'un aurait une dent contre l'équipe de Quidditch de Gryffondor ? interrogea Hagrid d'un ton angoissé. D'abord Katie, maintenant Ron…

- À part Wood, je ne vois pas bien qui se donnerait autant de mal pour détruire une équipe de Quidditch universitaire, répondit Megan en secouant la tête.

- À mon avis, il ne s'agit pas de Quidditch, mais je crois qu'il existe un lien entre les deux attaques, affirma Hermione à voix basse.

- Qu'est-ce qui t'amène à penser ça ? demanda Fred.

- Eh bien, d'abord, elles auraient dû être fatales dans les deux cas. Or, elles ne l'ont pas été, même si c'est par simple chance. Ensuite, ni le poison, ni le collier ne semblent avoir atteint la personne à laquelle ils étaient destinés. Bien sûr, ajouta-t-elle d'un air grave, d'une certaine manière, ça rend le coupable encore plus dangereux car il ne paraît pas se soucier du nombre de gens qu'il risque d'abattre tant qu'il n'aura pas atteint sa victime désignée.

Avant que quiconque ait pu réagir à cet inquiétant exposé, les portes s'ouvrirent à nouveau et Arthur et Molly se précipitèrent dans la salle. Lors de leur visite précédente, ils s'étaient simplement assuré que Ron serait bientôt entièrement rétabli. Cette fois, Molly prit Potter dans ses bras et le serra très fort contre elle.

- Dumbledore nous a raconté comment tu l'avais sauvé grâce au bézoard, sanglota-t-elle. Oh, Harry, je ne sais pas quoi te dire… Tu as sauvé Ginny… Tu as sauvé Arthur… Maintenant, tu sauves Ron…

- Oh, il ne faut pas… je n'ai…, marmonna Potter, visiblement mal à l'aise.

- Quand j'y pense, la moitié de notre famille te doit la vie, déclara Arthur, la gorge serrée. Tout ce que je peux dire, c'est qu'on a eu de la chance le jour où Ron a décidé de s'asseoir pour la première fois dans ton compartiment du Poudlard Express, Harry.

Megan eut un reniflement dédaigneux sa vision des choses était tout autre, mais elle n'eut pas le loisir de l'exposer, puisque Madam Pomfrey surgit de son bureau pour leur rappeler qu'il ne devait pas y avoir plus de sept visiteurs autour du lit de Ron. Megan, Hermione et Potter se levèrent aussitôt pour partir et Hagrid décida de les accompagner, laissant Ron en famille.

- C'est terrible, grommela Hagrid dans sa barbe tandis qu'ils retournaient vers l'escalier de marbre. Toutes ces nouvelles mesures de sécurité et les enfants qui sont quand même touchés… Dumbledore se fait un sang d'encre… Il ne dit pas grand-chose mais je le sens bien…

- Alors Dumbledore n'a aucune idée de ce qu'il se passe ? s'agaça Megan.

- Des idées, il en a des centaines, j'imagine. Tu penses, un cerveau comme le sien ! répondit Hagrid avec une loyauté indéfectible. Mais il ne sait pas qui a envoyé ce collier ni qui a mis le poison dans cette bouteille, sinon, on aurait attrapé le coupable, non ? Ce qui m'inquiète, poursuivit-il à voix basse en jetant un regard par-dessus son épaule, c'est de savoir combien de temps Poudlard pourra rester ouvert si les élèves se font attaquer. Ça va recommencer comme avec la Chambre des Secrets. Ce sera la panique, de plus en plus de parents enlèveront leurs enfants de l'école, et ensuite, le conseil d'administration…

Hagrid s'interrompit lorsque le fantôme d'une femme à la longue chevelure les croisa, flottant dans le vide d'un air serein, puis il reprit dans un murmure rauque :

- … le conseil d'administration voudra fermer l'école pour de bon.

- Quand même pas ? sursauta Hermione, effarée.

- Il faut se mettre à leur place, répondit Hagrid d'une voix accablée. C'est toujours un peu risqué d'envoyer un enfant à Poudlard, non ?

- Oh oui, c'est sûr qu'on est loin de l'endroit le plus sûr de Grande-Bretagne, ironisa Megan. Entre les professeurs qui ont Voldemort à l'arrière du crâne, les chiens à trois têtes, les serpents tueurs, les Détraqueurs, les araignées géantes, les hunger games magiques –

- On s'attend forcément à des accidents avec des centaines de jeunes sorciers enfermés ensemble, trancha Hagrid d'une voix forte, mais des tentatives de meurtre, c'est différent. Pas étonnant que Dumbledore soit en colère contre Sna…

Hagrid se figea sur place et une expression coupable qui leur était familière apparut sur ce que sa barbe noire et hirsute laissait voir de son visage.

- Quoi ? s'exclama Potter. Dumbledore est en colère contre Snape ?

- Je n'ai jamais dit ça, répliqua Hagrid, trahi cependant par son air soudain paniqué. Vous avez vu l'heure ? Il est près de minuit, il faut que je…

- Hagrid, pourquoi Dumbledore est-il en colère contre Snape ? insista Potter d'une voix forte.

- Chut ! siffla Hagrid, qui paraissait à la fois inquiet et courroucé. Ne crie pas ces choses-là, Harry, tu veux que je perde mon travail ? Remarque, ça vous serait égal, je suppose, puisque vous avez laissé tomber les cours de soins aux créa…

- N'essayez pas de nous donner mauvaise conscience, ça ne marchera pas ! protesta Potter d'un ton tranchant. Qu'est-ce qui s'est passé avec Snape ?

- Je ne sais pas, Harry, je n'aurais jamais dû être au courant ! Je… Je revenais de la forêt l'autre soir et je les ai entendus parler – ou plutôt se disputer. Je ne voulais pas attirer l'attention sur moi et donc je suis resté dans l'ombre en essayant de ne pas écouter mais c'était… une discussion animée et j'avais du mal à ne pas entendre.

- Alors ? le pressa Potter tandis que Hagrid dansait maladroitement d'un pied sur l'autre.

- Alors… j'ai simplement entendu Snape dire à Dumbledore qu'il avait un peu trop tendance à penser que tout allait de soi mais que lui – Snape – n'avait peut-être plus envie de le faire…

- Faire quoi ?

- Je ne sais pas, Harry. Apparemment, Snape trouvait qu'il avait trop de travail, c'est tout – et Dumbledore a répondu d'un ton très sec qu'il avait accepté et que c'était comme ça. Il a été assez dur avec lui. Et puis, il a aussi parlé à Snape d'une enquête qu'il devrait mener dans sa maison, à Serpentard. Eh bien, quoi, ça n'a rien d'étonnant ! ajouta précipitamment Hagrid en voyant Potter et Hermione échanger des regards éloquents et Megan froncer les sourcils. Il a demandé à tous les directeurs de maison de chercher ce qui avait pu se passer dans cette histoire de collier…

- Oui, mais Dumbledore ne s'est pas disputé avec eux, fit remarquer Potter.

- Tu n'en sais rien, grogna Megan.

- Écoute…

Hagrid tritura son arbalète d'un air gêné. Il y eut alors un craquement sonore et elle se cassa en deux.

- Je sais ce que tu penses de Snape, Harry, et je ne veux pas que tu ailles imaginer des choses.

- Attention, dit Hermione d'un ton bref.

Ils se retournèrent juste à temps pour voir l'ombre d'Argus Filch se dessiner sur le mur derrière eux, suivie de Filch lui-même qui tourna le coin, le dos voûté, les bajoues frémissantes.

- Oho, lança-t-il de sa voix sifflante. Dans les couloirs à cette heure-ci ! Ça signifie une retenue !

- Non, pas de retenue, Filch ! répondit sèchement Hagrid. Ils sont avec moi, non ?

- Et qu'est-ce que ça change ? demanda Filch d'un ton odieux.

- Ça change que je suis un enseignant, espèce de Cracmol sournois ! répliqua Hagrid, en s'enflammant aussitôt.

Filch se gonfla de fureur et on entendit soudain un sifflement. Mrs Norris venait d'arriver en catimini. Elle se faufila, sinueuse, entre les chevilles décharnées de son maître.

- Allez-y, dit Hagrid du coin des lèvres.

Megan, Hermione et Potter filèrent aussitôt, Hagrid et Filch haussant le ton derrière eux, dans des éclats de voix qui résonnèrent tout au long du couloir. Ils croisèrent Peeves près du passage qui menait à la tour de Gryffondor mais il ne s'intéressa pas à eux et fila joyeusement vers la source du tumulte, caquetant et hurlant :

- Quand il y a d'la bagarr' quand ça chauffe au château, appelez donc Peevy, il viendra illico !

La grosse dame sommeillait et ne fut pas très contente d'être réveillée mais elle consentit malgré tout à pivoter d'un air grincheux pour les laisser entrer dans la salle commune vide et, fort heureusement, paisible. La nouvelle de ce qui était arrivé à Ron ne semblait pas encore connue. Peu encline à passer plus de temps en compagnie de Potter, Megan monta dans son dortoir, suivie par Hermione.

- Il va s'en sortir, lui rappela la jeune femme d'un ton rassurant.

- Je sais… Mais j'ai eu tellement peur…

- Ça vaudrait presque le coup de lui adresser à nouveau la parole, marmonna Megan avant de pousser la porte de la chambre.

Par chance, Brown et Patil dormaient déjà. Megan se changea à la hâte et se glissa dans ses draps, épuisée par la journée qui venait de s'écouler, malgré son ventre vide qui commençait à se manifester. Elle ne parvint toutefois pas à trouver le sommeil. Draco préparait quelque chose. Il s'était disputé à ce sujet avec Snape. Snape s'était disputé avec Dumbledore, qui lui avait ordonné de mener une enquête chez les Serpentard. Elle ne pouvait plus repousser l'inévitable : si Potter et Hermione avaient raison, alors Draco était responsable de l'état de Ron. Il fallait qu'elle le confronte.

La nouvelle de l'empoisonnement de Ron se répandit rapidement le lendemain mais elle ne causa pas la même sensation que l'agression contre Katie. On pensait généralement qu'il pouvait s'agir d'un accident, étant donné qu'il se trouvait à ce moment-là dans le bureau du maître des potions et que, ayant tout de suite absorbé un antidote, rien de grave ne s'était passé. Megan fut furieuse de découvrir que les Gryffondor étaient en réalité beaucoup plus intéressés par le prochain match de Quidditch contre Poufsouffle qui devait avoir lieu le samedi suivant. Nombre d'entre eux voulaient voir Zacharias Smith, poursuiveur dans l'équipe adverse, subir la défaite cuisante qu'il méritait pour son commentaire lors du match d'ouverture contre Serpentard. Megan avait envie de leur hurler à tous qu'ils étaient égoïstes et que le Quidditch n'était rien comparé à la journée étouffante d'angoisse qu'elle avait passé la veille. Si ce sport était si important pour eux, ils devraient au moins témoigner leur soutien au roi Weasley, qui ne pourrait pas garder les buts au cours de la prochaine rencontre. Au contraire, la situation avait visiblement fait des heureux, puisque Cormac McLaggen s'était mis à harceler Potter pour le convaincre qu'il serait un bien meilleur gardien que Ron lorsqu'il le remplacerait dans l'équipe. En entendant ces affirmations éhontées, Megan avait été tentée de le pousser du haut du grand escalier, mais ne souhaitait pas laisser Ginny jouer un match sans un gardien de buts potable. Megan et Potter étaient également harcelés par Lavender Brown, furieuse de ne pas avoir été prévenue dès hier matin de ce qui était arrivé à Ron (« Enfin quoi, je suis sa petite amie ! ») et bien décidée à se faire place dans le cercle des proches du garçon. Megan parvint toutefois assez rapidement à s'en débarrasser, car Brown prit très au sérieux sa menace de la rendre définitivement muette.

Megan se rendit au chevet de Ron dès qu'elle eut finit son petit-déjeuner (son premier repas depuis vingt-quatre heures) le dimanche matin, et eut eu la joie de le trouver conscient, bien que fébrile, adossé à ses oreillers, l'air ennuyé.

- Enfin ! s'exclama-t-elle en lui jetant un petit paquet, qu'il ne parvint pas à attraper au vol et tomba sur son ventre en le faisant grimacer. J'ai cru que tu allais continuer à dormir jusqu'à la fin de l'année pour essayer d'esquiver les examens.

- Ça n'aurait pas été une mauvaise idée, admit Ron. Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en soupesant le paquet.

- Ton cadeau. Tu n'étais pas très disponible hier pour que je te l'offre. Et tu avais oublié ça aussi sur ton lit, ajouta-t-elle en lui donnant sa montre avec plus de délicatesse. Joyeux anniversaire, Ronald.

- Oh, merci ! Tu parles d'une journée d'anniversaire, grommela-t-il en essayant de passer la montre à son poignet.

Mais ses doigts tremblaient et il ne cessait de faire tomber l'accessoire sur son lit. Megan s'agaça et la lui attacha elle-même.

- Très seyant, commenta-t-elle. Comment ça va ?

- Bof bof, admit Ron en admirant le reflet du soleil sur le cadran. J'ai super mal au ventre, Madam Pomfrey me force à avaler une horrible potion et je n'arrive pas à manger quoi que ce soit. Il paraît que j'ai eu de la chance…

- Ouais, un peu. Tu te souviens de ce qu'il s'est passé ?

- Je me souviens que j'ai avalé un foutu philtre d'amour – ne ricane pas comme ça ! Je me souviens aussi que Harry m'a emmené voir Slughorn, et qu'il m'a remis d'équerre. Mais ensuite… c'est un peu flou.

- Slughorn a ouvert une bouteille d'hydromel, mais elle était visiblement empoisonnée. Un poison bien costaud… ça t'a étouffé.

Ron se massa machinalement la gorge, comme soulagé de sentir l'air y passer à nouveau.

- Ce qui compte, c'est que tu es de retour parmi les pauvres mortels, affirma Megan en ne souhaitant pas évoquer l'épisode du bézoard. D'ici une semaine, tu devrais être sur pied !

- Je vais rater le match de Quidditch, se lamenta Ron.

- Ouais, tout le monde ne parle que ça. C'est McLaggen qui va te remplacer.

- Quoi ? tonna Ron avec le peu de forces dont il disposait.

- C'était le deuxième meilleur après toi aux qualifications. Mais ne t'inquiètes pas, Potter le sortira de l'équipe dès que tu seras remis. Ça ne fait plaisir à personne de jouer avec lui. Ouvre ton cadeau.

Satisfait, le jeune homme s'exécuta. Ses yeux s'agrandirent de surprise en découvrant son contenu.

- Oh, waouh, Megan ! Ils sont super beaux ! Je n'en avais jamais eu ! Ils pèsent lourd comme des vrais… C'est des vrais ? En gobelin ?

- Ouais, en gobelin, sourit la jeune femme. Pour que tu sois tout beau à ton mariage avec Brown.

Ron se renfrogna.

- Il faudrait que je fasse quelque chose pour ça, marmonna-t-il.

- Oui, s'il te plaît. Bon, Potter ne devrait pas tarder, et je n'ai pas envie de le voir, alors salut !

- Eh attends, et euh… et Hermione ? Elle va venir ?

- Je ne sais pas, Ronald, commences par rompre avec Brown, ça la fera peut-être venir. Bye !

Elle avait une tâche à accomplir, une tâche désagréable qu'elle repoussait depuis longtemps, mais qu'elle devait désormais assumer. Le tout étant déjà de le trouver. Elle traversa l'école et descendit en direction des cachots. Elle n'était rentrée qu'une seule fois dans la salle commune de Serpentard, au cours de sa deuxième année, sous l'apparence de l'horrible Pansy Parkinson grâce au Polynectar. À l'époque, le mot de passe était « Sang Pur », un choix intéressant compte tenu du contexte de décimation des nés moldus dans l'école. Il était probablement différent aujourd'hui. Megan s'arrêta devant le mur qui dissimulait l'entrée et baissa les yeux sur le serpent gravé dans le sol. Celui‑ci s'animait lorsqu'un élève énonçait le mot de passe et ses anneaux géants révélaient la porte cachée.

- Seigneur des Ténèbres. Pouvoir. Ambition. Mangemort. Morsmordre. Domination. Nagini. Fourchelang. Suprématie. Immortel ?

Aucun des mots de passe que tenta Megan ne fonctionna. Frustrée, et craignant d'être surprise en train d'échouer, elle poussa un profond soupir et s'éloigna en remontant le couloir. Cette partie du château se situait sous le lac noir. Les couloirs n'étaient éclairés que par des lanternes fixées au mur, dont la luminosité vacillait lorsque le vent parvenait à s'engouffrer dans le dédale de corridors. Étonnamment, il n'y avait aucun élève. Il était encore tôt pour un dimanche matin, et la plupart d'entre eux devaient être dans la Grande Salle ou dans leur salle commune. Mais Megan n'avait pas vu Draco au petit-déjeuner un peu plus tôt. D'ailleurs, elle le voyait de plus en plus rarement aux repas.

Grâce à la carte du Maraudeur, qu'elle avait longtemps utilisée avec les jumeaux avant qu'ils ne décident d'en faire cadeau à Potter trois ans plus tôt, Megan connaissait tous les passages secrets de Poudlard. Elle savait donc qu'un chemin se dissimulait derrière la toile tendue à l'angle, près du tableau de Bertie Bott., et s'y glissa. Elle gravit alors l'escalier qui la ramènerait rapidement dans la partie principale de l'école. Alors qu'elle montait les marches, les mains enfoncées dans les poches de sa robe de sorcier, des bruits étouffés lui parvinrent, suivis d'un grand fracas, comme si quelque chose de grand venait de s'effondrer. Alerte, Megan saisit sa baguette magique et suivit les bruits jusqu'à l'une des portes qui longeait l'escalier. Elle avait déjà exploré toutes ces salles, qui ne contenaient que du matériel de ménage, des fournitures scolaires usées abandonnées et des toiles d'araignée. Mais lorsqu'elle poussa la porte, elle eut la surprise de tomber nez-à-nez avec Draco.

Derrière lui, ce qui semblait avoir été un placard en bois était réduit en miettes. Son visage amaigri était déformé par la colère, un sentiment qui s'amplifia lorsqu'il vit Megan entrer dans la salle exiguë.

- Qu'est-ce que tu fous là ? s'exclama-t-il vivement.

- Je te cherchais, figures-toi, répondit-elle sans émoi. Lassé de passer tes nerfs sur les première année, tu fais ça sur le mobilier, maintenant ?

- Fous-moi la paix.

- Pas avant d'avoir eu des réponses.

- Je n'ai rien à te dire.

- Oh, si. Et tu vas tout me dire. Qu'est-ce qui s'est passé avec Katie ? Et surtout, qu'est-ce qui s'est passé avec Ron ?

- Va te faire voir, ça n'a rien à voir avec moi !

- Alors avec qui ? Qu'est-ce que tu bricoles depuis cet été ? Je t'ai vu chez Borgin & Burke, je t'ai entendu demander qu'on te mette quelque chose de côté. Je sais que Snape t'a proposé son aide pour ce truc que tu prépares.

- Fous-moi la paix, Megan !

Dans un mouvement de baguette rageur, Draco fit exploser les vieux pots en terre cuite empilés dans un coin de la pièce. Mais ce n'était pas comme ça qu'il allait impressionner Megan, spécialisée dans les explosions depuis bien longtemps. Elle resta campée devant lui, furieuse, sa baguette toujours à la main.

- Je n'irai nulle part tant que je ne saurai pas ce que tu fais. Ron est mon ami, et si tu crois que je vais te laisser lui faire du mal sans réagir, alors on se connaît encore moins que je ne le pensais !

- J'en ai rien à foutre, de Weasley ! cracha Draco. Et je n'ai rien à te dire !

- Potter t'espionne, tu le sais ça ? Depuis le début de l'année il est obsédé par le fait de découvrir ce que tu fais. Il a tout un tas de théories à ce sujet. Et il en a parlé à Dumbledore.

Draco prit une profonde inspiration, et Megan le vit trembler légèrement. Elle ne l'avait jamais vu dans un tel état. De près, il était encore plus inquiétant. Ses cheveux étaient ébouriffés, son visage livide et creusé, de profonds cernes sous ses yeux, et il paraissait aussi fébrile que Ron. Ron qui avait failli mourir hier.

- Pour l'instant, personne ne prend Potter au sérieux, mais ça ne va pas durer, poursuivit-elle. Et maintenant que ça a touché Ron, c'est devenu mon problème. Et je ne suis pas aussi facile à berner que l'Élu.

Le jeune homme laissa éclater un rire froid.

- L'Élu, répéta-t-il, tu penses vraiment que c'est ce qu'il est ? Qu'il peut vaincre le Seigneur des Ténèbres ?

- Honnêtement, je ne pense pas non. Mais il aura forcément son utilité, et Voldemort le sait.

Draco serra les dents et esquissa un geste pour reculer d'un pas. Il n'était plus que l'ombre de lui‑même.

- Qu'est-ce qu'il t'a fait ? souffla Megan. Je sais ce dont il est capable, je peux –

Elle tendit la main pour le toucher, mais Draco se déroba et recula jusqu'au fond de la pièce.

- Tu ne sais pas, murmura-t-il.

- Ah oui ?

Megan attrapa la manche gauche de sa robe de sorcier et la tira d'un coup sec, révélant aux yeux de Draco la Marque des Ténèbres qui ondulait paresseusement sur sa peau blanche. Draco déglutit. Puis, lentement, il fit le même geste. Il y avait le même symbole sinistre gravé dans son avant-bras. Megan sentit une sensation glaciale traverser sa colonne vertébrale. Potter ne s'était pas trompé.

- Pourquoi ? s'exclama faiblement Megan. Pourquoi ? répéta-t-elle avec de la colère dans la voix.

- C'est un honneur ! répliqua furieusement Draco. Le Maître ne choisit pas n'importe qui-

- Un honneur ? répéta Megan. Une condamnation à mort, oui ! Je te l'ai déjà dit, Voldemort se fout qu'on vive ou qu'on meure, tant qu'on fait ce qu'il attend de nous ! Il te tuera-

- Tu crois que je ne le sais pas ? rugit Draco. Qu'il me tuera ? Je n'ai pas le choix, tu comprends ?

- Pas le choix de quoi ? Qu'est-ce qu'il attend de toi ?

- Tu crois que je vais te le dire ? Tu as peut-être la Marque des Ténèbres, mais tu n'es pas l'un des nôtres ! Tu as choisi ton camp !

- Et j'ai choisi le bon ! Voldemort n'a même pas réussi à tuer Potter, cette nuit dans le cimetière ! Un gamin de quatorze ans tout juste bon à jeter Expelliarmus, et il a survécu ! Il n'est pas ce que tu crois, et il ne gagnera pas, tu comprends ? Il va encore échouer, comme la dernière fois, et il t'entraînera dans sa chute !

- De toute façon, c'est trop tard, murmura Draco. On n'a pas tous le loisir de changer de camp.

- Bien sûr que si ! s'énerva Megan. Je m'en assurerai ! Si tu fais le bon choix-

- Il tuera ma mère.

Megan déglutit. Narcissa l'avait trahie, plusieurs fois, mais elle avait longtemps rempli le vide qu'avait laissé sa mère à sa mort.

- Et il me tuera moi aussi, ajouta Draco avec fatalité. Tu parles comme si c'était facile et évident. Mais il est puissant. Et ne pense pas qu'il va perdre. C'est toi qui as pris la mauvaise décision, Meg. Maintenant, je dois remplir ma mission.

- Quelle mission ? demanda Megan entre ses dents serrées.

- Tu crois que je vais te le dire ? rit Draco. Tu courrais tout raconter à Dumbledore et aux autres. Je ne peux pas te faire confiance. Je n'ai jamais pu te faire confiance.

- C'est moi qui ne suis pas fiable ? rit Megan. Qui a disparu du jour au lendemain quand je suis rentrée de force à Gryffondor ?

- Tu n'as pas l'air malheureuse, grinça Draco. Tu n'étais avec Weasley, toute la journée, hier ? Vous ferez un parfait couple de traîtres à leur sang, que ce soit avec lui ou avec Garrow.

- Donc c'était bien toi.

Il fallut plusieurs secondes à Megan pour calmer la bulle de colère qui enflait dangereusement en elle. Elle n'avait jamais réussi à renoncer complètement à Draco, il avait toujours été un membre de sa famille, au fond d'elle. Mais Ron était un ami fiable, honnête, et innocent.

- C'était pas Weasley la cible, si ça peut te rassurer, ricana froidement Draco.

Un sortilège échappa à Megan, mais Draco le dévia d'un grand mouvement du bras. Tous deux s'affrontèrent du regard, furieux.

- Quoi que tu doives faire, fais-le, je m'en fous, gronda Megan. Mais laisses les autres en dehors de ça. Si ça touche encore une seule fois les Weasley, ou Hermione, tu m'auras sur le dos. Et tu sais que tu ne fais le poids.

- Les choses ne sont plus comme avant.

- Sans blague.

Ils continuèrent à se dévisager, jusqu'à ce que Megan rompe le contact avec un cri de rage.

- Si tu as si peur que Voldemort te tue si tu échoues, alors laisses-moi t'aider !

Sa propre réaction la décevait. Pourquoi n'arrivait-elle pas à le haïr comme elle aurait dû, alors même qu'il venait d'avouer qu'il avait fièrement rejoint les rangs des Mangemorts et qu'il était responsable de l'empoisonnement de Ron ? Des flashes de son rêve dans la Salle sur Demande l'assaillirent et elle brisa à son tour une vieille chaise à trois pieds abandonnée sur sa gauche.

- Je ne veux pas de ton aide.

- Mais tu en as besoin, asséna-t-elle.

Potter avait beau être orphelin, il était le fils de deux membres de la première génération de l'Ordre du Phénix, il avait été pris sous l'aile de figures paternelles saines comme Hagrid, Arthur ou Sirius, il avait été intégré à la famille Weasley, était entouré par des personnes fiables comme Hermione, il avait toujours été guidé sur le « bon chemin » par son entourage. Draco, lui, était né et avait grandi au milieu de Mangemorts qui ne lui avaient jamais laissé de choix. S'il en était là, aujourd'hui, ce n'était pas sa faute. Megan avait été « sauvée » par les manigances de Dumbledore, et elle voulait à tout prix offrir la même chance à Draco.

- Je peux t'aider.