Draco se méfiait d'elle et rejetait son aide, mais Megan ne renonçait pas. D'une certaine façon, elle était soulagée que Draco ne soit « que » devenu Mangemort : au moins n'avait-il pas été mordu par Greyback en représailles de l'échec de Lucius l'été dernier. Désormais, elle devait découvrir quelle tâche lui avait confié Voldemort. Cela lui permettrait de s'assurer de la sécurité de ses amis, mais également de lui venir en aide. S'il le fallait, elle était prête à faire le travail à sa place. Ce qu'il n'aurait bien sûr jamais fait pour elle. Mais elle avait la chance d'être entourée de personnes fiables et saines, ce qui n'était pas son cas. Il avait été son roc pendant son enfance tourmentée chez les Boyd, le moment était venu de lui rendre la pareille. Bien sûr, Draco ne fit rien pour lui faciliter la tâche. Il l'évitait plus encore qu'avant, s'entourant de plus en plus souvent de deux filles laides à l'apparence boudeuse que Megan était certaine de n'avoir jamais vues, et Crabbe et Goyle semblaient avoir pour mission de la tenir à distance, mais Megan ne laisserait pas tomber. Elle finirait par percer son secret.

Malgré les drames qui se jouaient dans la vie de Draco, la vie poursuivait son cours à Poudlard. Les équipes de Quidditch de Poufsouffle et Gryffondor s'entraînaient plus dur que jamais, McLaggen poursuivait Potter partout en critiquant les aptitudes de ses nouveaux coéquipiers qu'il était persuadé de surpasser en tout point et en suggérant de nouvelles stratégies, et lorsqu'il n'était pas là, Brown prenait le relai afin d'essayer de déterminer avec Potter quel degré d'importance Ron donnait à leur relation. La réponse était proche de zéro, et Megan apprit avec amusement que ce dernier faisait systématiquement semblant de dormir lorsque sa petite amie venait lui rendre visite à l'infirmerie. En revanche, il était parfaitement éveillé lorsque Hermione venait le voir, et Megan était soulagée de constater que l'incident avait visiblement ressoudé leurs liens. Il était plus que temps que ces deux-là regardent en face leurs sentiments, pensait Megan, persuadée d'être experte en la matière.

Madam Pomfrey n'autorisa pas Ron à assister au match, le 8 mars, aussi Megan se rendit sur le terrain en la seule compagnie d'Hermione et de Ginny. Il n'y avait pas beaucoup de vent, les nuages étaient épars et, de temps à autre, un soleil aveuglant se mettait à briller.

- J'espère que McLaggen va se prendre un Cognard, commenta Hermione lorsqu'elles se séparèrent de Ginny pour aller s'installer dans les gradins.

- Et j'espère que Smith va se casser un bras, ajouta Megan avec légèreté. Poussez-vous, c'est nos places ici.

Deux deuxième année s'étaient installées sur le banc que Megan et ses amis avaient l'habitude d'occuper. Lorsque leurs regards se posèrent sur la tristement célèbre élève de sixième année, elles ne cherchèrent pas à protester. Hermione semblait si légère en ce moment qu'elle ne rabroua même pas Megan pour ses mauvaises manières.

Megan balaya du regard les gradins remplis. Elle ne vit nulle part les cheveux blonds de Draco, pas plus que les sales têtes de Crabbe et Goyle ou de ces deux filles bizarres. Il était probablement occupé à sa mission. Megan hésita à quitter le stade pour partir à sa recherche, mais il pouvait être n'importe où dans le château quasiment vide, et elle ne voulait pas laisser tomber Hermione. Rongeant son frein, elle regarda sa montre.

- Qu'est-ce qu'ils fabriquent, le match aurait déjà dû commencer depuis cinq minutes.

Son mécontentement dut s'entendre, car les équipes entrèrent alors sur le terrain sous des acclamations et des huées assourdissantes. Potter et McLaggen semblèrent se disputer, puis chacun prit sa place et les deux capitaines se serrèrent la main. Au sifflet de Madam Hooch, tous les joueurs frappèrent le sol du pied et décollèrent. Potter était monté plus haut que tous les autres et fila autour du terrain à la recherche du Vif d'or.

- Et voilà que Smith de Poufsouffle prend le Souafle, annonça une voix rêveuse qu'on entendit résonner dans tout le stade. C'était lui qui était chargé du commentaire la dernière fois et Ginny Weasley lui a volé droit dessus en le heurtant de plein fouet. À mon avis, elle l'a sans doute fait exprès – on aurait dit, en tout cas. Smith avait été très désagréable avec Gryffondor je pense qu'il doit le regretter maintenant qu'il joue contre eux… Oh, regardez, il a perdu le Souafle, Ginny le lui a pris, je l'aime beaucoup, elle est très sympathique…

Megan se dévissa le cou pour regarder l'estrade du commentateur. Impossible de ne pas reconnaître ces longs cheveux d'un blond sale, ou le collier de bouchons de Bièraubeurre.

- Quel taré a laissé Loony Lovegood commenter le match ? sursauta-t-elle, ahurie.

Assise à côté de Lovegood, McGonagall paraissait légèrement mal à l'aise, comme si elle commençait à regretter son choix.

- Ne l'appelle pas comme ça, répondit Hermione qui ne pouvait cependant retenir ses rires. Oh, je suis vraiment triste que Ron rate ça !

- … mais maintenant, c'est ce gros joueur de Poufsouffle qui lui a repris le Souafle, je n'arrive pas à me souvenir de son nom, quelque chose dans le genre de Bibble… Non, Buggins…

- Il s'appelle Cadwallader ! dit le professeur McGonagall d'une voix forte.

La foule éclata de rire, et quelques instants plus tard, Cadwallader marqua. McLaggen, trop occupé à critiquer Ginny à grands cris pour s'être fait prendre le Souafle, n'avait pas vu la grosse balle rouge lui passer à côté de l'oreille droite. Megan regarda Potter faire volteface et hurler quelque chose à son gardien, qui avait lui aussi l'air furieux.

- Et maintenant, Harry Potter se dispute avec son gardien, commenta Lovegood d'un ton serein tandis que s'élevaient des tribunes des acclamations et des quolibets lancés par les Poufsouffle et les Serpentard. Je ne pense pas que ça puisse l'aider à trouver le Vif d'or mais peut-être qu'il s'agit d'une ruse très habile…

Avec ce qui semblait être un juron, Potter exécuta un demi-tour et repartit autour du terrain à la recherche de la minuscule balle d'or. Ginny et Demelza marquèrent chacune un but, donnant ainsi aux supporters rouge et or une occasion de hurler leur joie. Puis Cadwallader égalisa avec un nouveau but, mais Lovegood ne semblait pas l'avoir remarqué. Elle paraissait se désintéresser de choses aussi bassement matérielles que le score et s'efforçait plutôt d'attirer l'attention de la foule sur la forme particulière d'un nuage ou sur l'éventualité que Zacharias Smith, qui n'avait pas réussi jusqu'à présent à conserver le Souafle plus d'une minute, soit atteint d'une maladie appelée la « perdantinite ».

- Soixante-dix à quarante en faveur de Poufsouffle ! aboya le professeur McGonagall dans le mégaphone de Lovegood.

- Ah bon, déjà ? dit la jeune femme d'un ton rêveur. Oh, regardez, le gardien de Gryffondor a une batte à la main.

- Mais qu'est-ce qu'il fait ? s'écria Hermione, effarée.

McLaggen, pour des raisons qu'il était seul à connaître, s'était emparé de la batte de Peakes et semblait lui montrer comment il convenait d'expédier un Cognard en direction de Cadwallader qui arrivait vers eux.

- Ton ex fait des siennes, commenta Megan qui ne s'était jamais autant amusée pendant un match.

Potter, qui avait découvert la situation grâce aux commentaires lunaires de Lovegood, fonça sur McLaggen en hurlant juste au moment où il donnait un grand coup de batte au Cognard qu'il envoya dans la mauvaise direction. Hermione poussa un cri déchirant. Potter avait reçu la balle dans la tête.

- HARRY !

Hermione bondit sur ses pieds et s'agrippa à la balustrade si fort que ses jointures blanchirent. Coote et Peakes, les deux batteurs de l'équipe, filèrent droit sur leur capitaine et le rattrapèrent en pleine chute vertigineuse, puis l'accompagnèrent au sol.

- Megan, vite, viens ! s'exclama Hermione en tirant sa meilleure amie par la manche dans les marches qui menaient au terrain. Vite !

Avec beaucoup moins de précipitation, Megan la suivit. Tous les joueurs étaient rassemblés autour de Potter, étendu au sol, inconscient.

- Je vais te refaire la gueule à grand coups de battes, moi aussi ! rugissait Ginny, que les joueurs de l'équipe de Poufsouffle retenaient à grand peine pour l'empêcher de se jeter sur McLaggen.

- Miss Weasley, votre langage ! s'exclama sévèrement McGonagall, qui arrivait à son tour en compagnie de Madam Hooch. Vous autres, accompagnez Potter à l'infirmerie, tout de suite.

Les deux batteurs glissèrent un bras de Potter sur leurs épaules, et commencèrent à avancer vers le château, les pieds de Potter traînant sur le sol inégal. Furieuse de voir son ami aussi mal traité, Hermione se précipita vers eux et, d'un coup de baguette, fit apparaître un brancard sur lequel ils déposèrent Potter, puis elle prit la direction du château d'un pas vif en le faisant léviter, l'équipe de Gryffondor sur les talons. Seuls McLaggen et Ginny étaient restés en retrait, en compagnie de Megan.

- Un mois de retenue, McLaggen, annonça McGonagall, gonflée de colère. Un gardien qui prend la batte d'un coéquipier pour envoyer un Cognard sur son capitaine, du jamais vu !

- Professeur, je n'ai pas fait exprès-

- J'espère bien, McLaggen !

- Je voulais juste montrer à Peakes comment faire-

- Visiblement tu ne sais pas comment faire, alors la ferme ! lui hurla Ginny.

- Miss Weasley, je ne le répéterai pas : surveillez votre langage ou vous écoperez vous aussi d'une retenue ! Le match est terminé, ajouta McGonagall d'une voix forte qui s'adressait à tout le stade. Poufsouffle est déclaré vainqueur avec trois-cent-vingt points contre soixante.

Il n'y eut pas les acclamations qui accompagnaient d'ordinaire les vainqueurs d'un match. La façon dont celui-ci avait tourné court semblait avoir fait oublier aux supporters les enjeux de la compétition. Ginny écumait de rage. Megan l'empoigna par le bras avant que Zacharias Smith s'en mêle et qu'elle ne commette un regrettable meurtre devant toute l'école.

- Ils n'en valent pas la peine, affirma-t-elle tranquillement en l'entraînant vers les vestiaires. Va prendre une douche et tu iras voir Potter ensuite.

- Tu as vu le coup qu'il a pris ?

Sa voix tremblait, mais Megan n'était plus sûre qu'il s'agissait uniquement de colère.

- Il aurait pu le tuer !

- Les risques du métier.

Lorsque la poursuiveuse ressortit des douches des vestiaires, elle semblait un peu plus calme. Au dehors, le silence était revenu maintenant que tous les élèves avaient quitté le stade. Les supporters de Poufsouffle étaient mitigés : bien qu'ils aient gagné, ils ne devaient cela qu'au forfait de l'équipe adverse. Ginny renfila ses robes de sorcière puis les deux jeunes filles reprirent la route du château.

- Pourquoi le match a commencé en retard ? demanda Megan pour rompre le silence.

- Harry est arrivé en retard.

- S'il n'avait pas envie de jouer, il aurait mieux fait de ne pas venir, ça aurait évité tout ce fiasco.

- Il a été retardé parce qu'il a croisé Malfoy avec deux filles, répliqua Ginny, agacée. Tu ne veux pas le lâcher un peu ? J'en ai marre de faire l'arbitre entre vous deux.

Megan ne répondit pas, car elle était envahie d'une sourde sensation de jalousie. Elle n'ignorait pas ce que pouvait faire un garçon de son âge avec deux filles dans un château déserté. Alors ce n'était même pas pour sa mission qu'il avait séché le match ? Megan fut prise de l'envie de renoncer à lui apporter son aide il ne la méritait visiblement pas.

- Harry et Ron vont encore rater un cours de transplanage, fit observer Ginny tandis qu'elles approchaient des grandes portes. La semaine dernière, on était déjà tous à l'infirmerie… Je me demande ce qu'ils vont inventer la semaine prochaine. J'espère que personne ne va vraiment mourir, cette fois.

Elles se séparèrent dans le hall d'entrée, Megan n'ayant aucune envie de se rendre au chevet de Potter et estimant que sa sœur s'occuperait de relater les événements à Ron. D'après les informations qu'elle recueillit en laissant traîner ses oreilles auprès des autres élèves, Potter souffrait d'une fêlure du crâne, mais était en train d'être réparé par l'infirmière, qui n'en était pas à son premier grave accident de Quidditch. D'ailleurs, dès le lendemain, lui et Ron quittèrent l'infirmerie.

- Vous saviez que Dean et Ginny s'étaient disputés hier ? annonça Hermione alors qu'ils descendaient dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner.

Hermione semblait si heureuse de s'être réconciliée avec Ron qu'elle se laissait aller aux commérages.

- Ah bon, pourquoi ? demanda aussitôt Potter.

Ils s'engagèrent dans un couloir où il n'y avait personne, à part une toute petite fille qui contemplait une tapisserie représentant des trolls en tutu, en face de l'entrée cachée de la Salle sur Demande. Elle sembla terrifiée en voyant approcher des élèves de sixième année et laissa tomber la lourde balance de cuivre qu'elle tenait à la main.

- Ne t'inquiète pas, dit gentiment Hermione qui s'avança aussitôt vers elle pour l'aider. Voilà… Reparo, dit-elle en tapotant avec sa baguette la balance brisée.

La fille ne la remercia pas et resta plantée là à les regarder s'éloigner. Ron lui jeta un coup d'œil par‑dessus son épaule.

- Ils les font de plus en plus petits, commenta-t-il.

- Ne t'occupe pas d'elle, dit Potter avec impatience. Alors, Hermione, pourquoi Ginny et Dean se sont-ils disputés ?

- Oh, Dean a rigolé à cause du Cognard que t'a envoyé McLaggen, répondit Hermione.

- Ça devait paraître drôle, estima raisonnablement Ron. Ça t'a fait marrer aussi, non ? ajouta‑t‑il en se tournant vers Megan.

- C'était à la fois très drôle et très gênant, reconnut l'intéressée.

- Ça n'était pas drôle du tout ! protesta Hermione avec véhémence. C'était terrible et si Coote et Peakes n'avaient pas rattrapé Harry en plein vol, il aurait pu se faire très mal !

- Il ne fallait quand même pas que Ginny et Dean se séparent pour autant, insista Potter. Ils sont restés ensemble ou pas ?

- Oui… Mais pourquoi tu t'y intéresses tant ? demanda Hermione en observant Potter d'un regard aigu.

- Je ne veux pas avoir d'autres ennuis dans mon équipe de Quidditch ! répondit‑il précipitamment.

Mais Hermione continuait de le fixer d'un air soupçonneux, et Megan voyait clair dans son jeu. Allait ‑elle se retrouver seule lorsque Ron et Hermione, et Ginny et Potter auraient accepté leurs sentiments et passeraient à leur tour leur temps à se bécoter entre les cours ? Fred, George et Kevan ne lui avaient jamais autant manqué.

- Harry !

Tous les quatre se retournèrent.

- Ah, salut, Luna.

- Je suis allée te voir à l'infirmerie, dit Lovegood en fouillant dans son sac. Mais ils m'ont annoncé que tu étais sorti…

Elle mit dans les mains de Ron une sorte d'oignon vert, ainsi qu'un gros champignon tacheté et une quantité considérable d'une substance qui ressemblait à de la litière pour chat, puis trouva enfin un morceau de parchemin sale qu'elle tendit à Potter.

- On m'a dit de te donner ça.

Une nouvelle invitation à se rendre chez Dumbledore.

- Ce soir, dit Potter lorsqu'il eut déroulé le parchemin.

- J'ai beaucoup aimé ton commentaire du dernier match ! annonça Ron à Lovegood tandis qu'elle reprenait le champignon et la litière pour chat.

L'enchantement du mégaphone était suffisamment puissant pour que la voix porte jusqu'aux fenêtres ouvertes de l'infirmerie. La fille eut un sourire vague.

- Tu te moques de moi ? demanda-t-elle. Tout le monde a dit que c'était une horreur.

- Non, je suis sérieux ! assura Ron. Je n'ai jamais pris autant de plaisir à écouter un commentaire de Quidditch !

- C'était le seul commentaire digne de succéder à Lee, renchérit Megan, qui n'avait pourtant pas pour habitude de faire des compliments à Lovegood.

- Au fait, qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Ron en tenant à hauteur d'œil la chose en forme d'oignon.

- Oh, c'est une Ravegourde, répondit la fille qui fourra dans son sac le champignon et la litière pour chat. Tu peux la garder si tu veux, j'en ai plusieurs. Il n'y a rien de plus efficace contre les Boullus Goulus.

Et elle s'éloigna, Ron pouffant de rire derrière elle, sa Ravegourde à la main.

- Je l'apprécie de plus en plus, Luna, annonça-t-il lorsqu'ils eurent repris leur chemin vers la Grande Salle. Je sais qu'elle est cinglée mais c'est dans le bon…

Il s'interrompit brutalement. Lavender Brown l'attendait au pied de l'escalier de marbre, la mine furieuse.

- Salut, dit Ron, un peu nerveux.

- Venez, murmura Potter à Megan et à Hermione, et tous trois s'empressèrent de filer.

Ils eurent cependant le temps d'entendre Brown s'exclamer :

- Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu sortais aujourd'hui ? Et pourquoi est-ce qu'elle était avec toi ?

Megan surprit le sourire victorieux de Hermione et agita la tête avec amusement. Elle sautillait presque lorsqu'ils arrivèrent dans la Grande Salle et s'installèrent pour le petit déjeuner. Ron semblait à la fois boudeur et agacé lorsqu'il apparut une demi-heure plus tard à la table du petit déjeuner, et bien qu'il fût assis à côté de Brown, ils n'échangèrent pas un mot pendant tout le temps qu'ils restèrent ensemble. Hermione tentait de se comporter comme si tout cela lui était complètement indifférent, mais elle jeta à plusieurs reprises des sourires et regards complices à Megan. Toute la journée, elle parut d'excellente humeur et le soir, dans la salle commune, elle consentit même à regarder (en d'autres termes à achever de rédiger) le devoir de botanique de Potter, une chose qu'elle avait obstinément refusé de faire jusqu'alors car elle savait que le garçon laisserait Ron copier sur lui.

- Merci beaucoup, Hermione, dit le garçon en lui donnant une tape sur l'épaule. Oh, il faut que je me dépêche si je ne veux pas être en retard chez Dumbledore…

Elle ne répondit pas et se contenta de barrer d'un air las quelques-unes des phrases les plus faibles du devoir de son ami. Avec un grand sourire, il se hâta de sortir par le trou du portrait.

- Je pense qu'ils ont accumulé suffisamment de retard dans leurs études pour devoir redoubler leur année, pendant que tu ne parlais plus à Ron, affirma Megan, qui s'était enfoncée comme à son habitude dans le gros fauteuil qui faisait face à la cheminée.

- Ne parle pas de malheur, soupira Hermione en corrigeant l'une des transitions du devoir.

Pendant un long moment, Megan écouta les bûches crépiter dans la cheminée, la plume d'Hermione gratter le parchemin, sa meilleure amie soupirer, et les élèves de Gryffondor s'échanger des cartes Chocogrenouille, s'inquiéter pour leurs examens à venir et la date de sortie de la prochaine collection de robes de soirée du Sorcier Huppé, ou se disputer bruyamment sur celui qui serait le plus légitime à être président du club de sortilèges l'année prochaine. Puis les éclats de voix finirent par s'éteindre et, comme souvent, les deux jeunes femmes se retrouvèrent les dernières debout. Megan s'était plongée dans une profonde réflexion sur le nombre de petites amies que pouvait avoir eu Charlie qu'elle connaissait sans le savoir.

- Tu crois qu'ils l'ont fait ? Ron et Lavender ?

La question tira Megan de ses pensées dans un sursaut. Les yeux écarquillés de consternation, elle pivota sur elle-même et se pencha par-dessus le haut dossier du fauteuil pour observer Hermione.

- Quoi ?

- Me fais pas répéter…, marmonna Hermione en jetant des coups d'œil dans les recoins de la pièce comme si elle craignait d'y découvrir un élève qui aurait attendu dans noir et le silence tout ce temps. Est-ce qu'ils ont… tu sais ?

- Tu penses vraiment que Ron serait venu m'en parler, si c'était le cas ?

- Je ne sais pas, tu es celle qui as… eh bien… le plus d'expérience.

- Ça c'est sûr, s'esclaffa Megan.

Potter avait embrassé Cho Chang une fois dans sa vie, et elle pleurait en parlant de son ex Hermione avait eu une brève aventure avec Viktor Krum et n'avait fait que semblant de fréquenter McLaggen, et Ron n'avait jamais réussi à distinguer les filles des garçons (à part Fleur) avant que Brown ne décide de se gluer à lui i peine quelques mois. Son groupe d'amis ne se distinguait effectivement pas par leur succès en matière amoureuse. Mais après tout, ils n'avaient qu'à peine dix‑sept ans.

- Alors ? insista Hermione. Je sais que toi et Kevan…

Toutes deux n'en avait pas reparlé depuis cette fois, en quatrième année, mais Hermione n'était pas dupe. Elle ne connaissait toutefois pas l'existence de Cal, ni des rêves que son amie faisait sous l'influence du whisky Pur Feu.

- Tu veux la réponse que tu as envie d'entendre, ou la vraie réponse ? interrogea Megan, toujours perchée sur le dossier du fauteuil.

Pendant quelques secondes, Hermione réfléchit, sa plume suspendue à quelques millimètres du devoir de botanique de Potter, l'encre coulant par gouttes sans qu'elle ne s'en aperçoive.

- La vraie, finit-elle par décréter.

- Ok. Ronald a dix-sept ans, les hormones qui dansent la polka, et une fille avec des formes tout à fait acceptables se colle à lui vingt heures sur vingt-quatre depuis quatre mois. Ils se sont totalement envoyés en l'air, et c'était sûrement nul, et ils n'en ont sûrement jamais reparlé depuis.

Hermione prit une profonde inspiration en écarquillant légèrement les yeux, mais Megan continuait sur sa lancée :

- Elle a certainement foncé demander conseil à Patil, qui a eu – de ce que j'ai entendu – une horrible expérience tout à fait similaire avec Clarke Goldell de Poufsouffle, elles ont dû se donner de très mauvais conseils et du coup Brown a dû commander l'ensemble qui était en promotion dans Sorcière Hebdo pour relancer la machine et elle le harcèle avec ça depuis entre les cours –

- Stop, stop, stop ! la coupa Hermione d'une voix suraiguë en se plaquant les mains sur les oreilles. Je ne veux plus jamais t'entendre parler de tout ça !

- Tout ça quoi ?

L'intéressé, ses cheveux roux en bataille, venait d'apparaître par le trou dissimulé derrière le portrait de la Grosse Dame. Hermione n'avait jamais été aussi rouge.

- C'est toi qui m'as demandé, fit remarquer Megan avec un haussement d'épaules avant de se laisser glisser le long du dossier du fauteuil pour reprendre sa place. Où est-ce que t'étais passé, Weasley ?

- Je faisais un tour.

Hermione posa un regard suspicieux sur son ami.

- Je n'étais pas avec Lavender, crut-il bon de préciser. Au contraire, j'essayais de l'éviter… Où est Harry ?

- Avec Dumbledore. Il ne devrait plus tarder maintenant.

Effectivement, le garçon surgit à son tour du trou dissimulé par le portrait une quinzaine de minutes plus tard, l'air grognon.

- Ça ne s'est pas bien passé ? s'enquirent Ron et Hermione.

- Si, si, mais… Dumbledore était très déçu que je n'aie pas le souvenir de Slughorn.

- Ça alors, toi qui as pourtant déployé des trésors d'ingéniosité pour y parvenir, railla Megan qui ne se souvenait pas avoir entendu Potter essayer quoi que ce soit depuis son échec cuisant en cours de potions deux mois plus tôt.

- La ferme, gronda Potter.

- Qu'est-ce que vous avez fait, ce soir, Harry ? le pressa Hermione pour changer de sujet.

Avec un regard noir en direction de Megan, le garçon se laissa tomber sur le plus petit fauteuil qui faisait face à sa camarade.

- On a parlé de ce qu'avait fait Riddle après Poudlard… Il a eu tous ses ASPIC, brillamment, et tout le monde s'attendait à ce qu'il fasse une brillante carrière – au ministère, probablement –, mais il voulait être prof de Défense contre les forces du Mal à Poudlard. C'était… le seul endroit où il se soit jamais senti chez lui, expliqua Potter avec un malaise apparent, comme s'il était gêné par cette ressemblance qu'il partageait avec Voldemort. Et puis, d'après Dumbledore, il voulait continuer à percer les mystères du château, et probablement savourer l'influence qu'il aurait eu sur les élèves, qu'il aurait pu recruter comme une armée.

- Quelle horreur, souffla Hermione. Tous ces enfants…

- Dippet lui a refusé le poste, la rassura Potter, parce qu'il était trop jeune. Alors il est parti travailler chez Borgin et Burke.

- Borgin et Burke ? répéta Ron, surpris. Bon, c'est un endroit qui lui ressemble, mais vu ce que tu nous racontes, je l'imaginais dans quelque chose de plus… classe.

- Ouais, tout le monde a eu la même réaction, acquiesça Potter. Mais il ne faisait pas juste le comptoir, il était payé à amener des gens à vendre des choses de valeur. Comme l'a souligné Meganna avec admiration, il était charismatique, ajouta-t-il avec un regard appuyé vers l'intéressée.

La pique ne fit pas réagir Megan, et Hermione adressa à son ami une expression de reproche. Celui-ci finit par reprendre son récit :

- Dumbledore m'a d'abord montré le souvenir d'une elfe de maison, Hokey, qui travaillait pour Hepzibah Smith, une vieille sorcière qui habitait dans une maison qui ressemblait à… un croisement entre un magasin d'antiquités magiques et une serre. C'était assez pathétique, elle s'était apprêtée pour Riddle, et il lui avait apporté des fleurs. Il était venu négocier une armure, mais elle lui a montré une petite coupe d'or avec des poignées, qui avait appartenu à Helga Poufsouffle dont elle aurait été une lointaine descendante, et un gros médaillon avec la marque de Serpentard, que Burke avait visiblement acheté à la mère de Voldemort des années plus tôt. Vous auriez dû voir son regard…

- Comment ça ? s'enquit Hermione.

- On aurait dit que ses yeux avaient changé de couleur.

Megan tâcha de ne pas réagir. Elle ne savait pas que Riddle avait également cette réaction physique lorsque ses émotions prenaient le dessus. Il était pourtant normal qu'ils aient des similarités.

- Il avait l'air avide… et furieux que ces objets ne soient pas en sa possession. Ça n'a pas duré longtemps… Smith est morte deux jours plus tard. C'est Riddle qui l'a tuée, bien sûr, mais il a fait accuser son elfe de l'avoir empoisonnée par erreur, après avoir falsifié sa mémoire à elle aussi. Il a démissionné de Borgin et Burke, et il a disparu, avec la coupe et le médaillon.

- Il l'a tuée pour se les approprier ? s'effara Hermione.

- Oui. Comme je vous ai dit, il était très très attaché à tout ce qui touchait à Poudlard. Donc une coupe ayant appartenu à Helga Poufsouffle, et un médaillon ayant appartenu à Serpentard… D'autant que le médaillon venait de sa famille.

- Qu'est-ce qu'il a fait, ensuite ? demanda Megan.

- On n'en sait rien. Dumbledore n'a que des théories, mais visiblement, il a mené beaucoup d'expériences de magie noire. Quand il est revenu à Poudlard, dix ans plus tard, il avait changé, physiquement, à cause de ça. Il n'était pas encore comme maintenant, mais il n'était plus Tom Riddle. D'ailleurs, à ce moment-là, il avait commencé à se faire appeler Lord Voldemort. Mais Dumbledore a continué à l'appeler par son prénom, et ça se voyait qu'il était furieux.

- Il espérait qu'il aurait une espèce de révérence envers lui ? devina Hermione à voix basse.

- Il ne savait pas à qui il avait affaire, ricana Ron.

- Mais Dumbledore, lui, le savait, affirma Potter. Il savait quels Mangemorts l'attendaient à Pré-au-Lard, et où. Il a fait en sorte que Voldemort sache qu'il en savait beaucoup sur lui, que c'était toujours lui qui avait le dessus.

Un grognement méprisant s'échappa des lèvres de Megan. Dumbledore n'aimait rien plus que d'avoir le contrôle sur les autres. D'être celui qui sait, qui décide.

- Pourquoi est-ce qu'il est revenu à Poudlard ? demanda Ron, qui n'avait rien remarqué.

- Pour demander à nouveau à être prof de Défense contre les forces du Mal. Mais Dumbledore a refusé. Et c'est depuis cette fois-là que le poste est maudit : aucun professeur n'y est resté plus d'un an, depuis.