Stiles s'éveilla avec une lenteur assez étrange, comme s'il sortait d'une anesthésie. Autant dire que c'était loin d'être agréable. La surface dure sur laquelle il se trouvait n'était pas non plus des plus confortable puisqu'il s'agissait vraisemblablement d'un sol. Un sol ? L'hyperactif ouvrit brutalement les yeux et ne peina pas à s'habituer à la lumière ambiante puisque la pénombre régnait, là où il se trouvait. Il y avait tout juste assez de lumière pour lui permettre de distinguer les choses. Stiles tourna la tête de tous les côtés pour observer ce qui l'entourait. C'était une pièce, large, sale. Dans un coin se trouvait une espèce de matelas qui avait sans doute été blanc par le passé, avec une couverture sombre et un semblant d'oreiller. Non loin de là, on pouvait apercevoir des boîtes de conserve avec un semblant d'ustensiles de cuisine. Tout au bout, dans un coin, Stiles vit ce qui pouvait s'apparenter à un mini-frigo branché à une prise en mauvais état. Ok, il se trouvait dans le repère d'un squatteur mais la question était surtout la suivante : comment était-il arrivé ici ? En tous les cas, mieux valait ne pas trop traîner et s'en aller rapidement, au risque de se retrouver aux prises avec un squatteur mal luné qui aurait décidé de faire de Stiles son quatre-heures.
Stiles voulut se lever rapidement, mais une douleur fulgurante parcourut l'entièreté de son corps, à tel point qu'il gémit et révisa son jugement : il valait mieux y aller doucement, même si ça signifiait augmenter les risques de croiser le squatteur lorsqu'il s'en irait. Alors, il y alla très lentement en grimaçant et en se mordant la lèvre inférieure pour ne pas faire de bruit. Qui sait, peut-être que l'habitant de ces lieux était déjà près d'ici et s'apprêterait à ouvrir la porte d'une minute à l'autre. Alors, si Stiles devait être surpris, il préférait gagner un peu de temps, quelques minutes. Ce serait déjà bien et lui laisserait peut-être le temps de trouver un plan, une échappatoire, quelque chose. Tout en se mettant péniblement en position assise, Stiles réfléchit à autre chose. Était-il arrivé ici seul ou l'y avait-on amener ? Et si ce n'était pas l'antre d'un squatteur, mais une cellule qui serait en l'occurrence la sienne ? Que lui voulait-on ? Stiles se pinça l'arête du nez en fermant fortement les yeux. Toutes ces questions lui faisaient mal à la tête et l'empêchaient de réfléchir.
Soudain, un bruit sourd stoppa toutes ses réflexions inutiles et infructueuse. Le rythme cardiaque de Stiles s'emballa et le temps sembla s'arrêter. Il y avait quelqu'un. Stiles était fini, il le savait. Il avait trop mal partout pour bouger correctement et n'avait aucune arme à portée. Si l'on ajoutait à cela son incapacité à se battre correctement parce qu'il ne connaissait aucun art martial, facile de penser qu'il était dans de beaux draps. Plus beaux que ceux de la couche à quelques mètres de lui, ça c'était sûr.
Stiles recula péniblement jusqu'à finir par se coller contre le mur derrière lui, comme s'il pouvait le protéger. Tout ce qui comptait pour lui était de se mettre dans un coin et d'espérer ne pas se faire voir. Tant pis pour sa douleur.
Et la porte s'ouvrit.
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Scott était comme un fou. Il se vêtit rapidement et enfila ses chaussures sans même prendre la peine de faire ses lacets. Tant pis s'il ne s'était pas parfumé même s'il aimait ça malgré son odorat surdéveloppé, tant pis s'il n'était pas coiffé et qu'il ne ressemblait à rien. Sa mère, en plein service en ce début de matinée, venait de lui envoyer un message.
Après une nuit et une journée d'inconscience, Stiles s'était réveillé. Elle n'avait pas encore eu le temps de passer le voir mais avait reçu l'information de la part d'une collègue à qui elle avait demandé d'être au courant. Bien évidemment, elle avait tout de suite appelé Scott qui allait sans doute sécher les cours mais ce n'était pas grave. Elle tolérait son absence parce qu'il s'agissait de son meilleur ami qu'ils avaient retrouvé inconscient au Nemeton et… Avec une multitude de fractures déjà guéries. Melisssa McCall ne pouvait que se montrer tolérante dans cette situation. Elle connaissait Stiles depuis tout petit et l'aimait comme s'il s'agissait d'un deuxième fils alors elle comprenait.
Alors, Scott s'arma de son téléphone et envoya un message sur le groupe de la meute qu'ils avaient créé il y a peu de temps pour faciliter la communication et le partage d'informations en cas d'urgence. Et pour lui, le réveil du stratège de la meute en était une. Parce qu'il était un pilier. Parce qu'il était essentiel.
L'alpha enfourcha sa moto et roula aussi vit qu'il le pouvait jusqu'à l'hôpital, sans se soucier des limites de vitesse, si bien qu'il faillit causer un accident sur la route.
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Stiles ne s'attendait clairement pas à ça. C'était un jeune homme encapuchonné aux vêtements légers qui entra péniblement dans la pièce. Malgré son ouïe tout à fait humaine, Stiles entendait parfaitement son souffle erratique, sa respiration laborieuse. Il referma la porte et enclencha de multiples semblants de verrous avant d'appuyer sur un interrupteur. L'hyperactif cligna des yeux parce que l'air de rien, ça changeait complètement de la pénombre qu'il avait connue depuis son réveil. Et étrangement, sa peur diminua. Parce que l'intrus n'avait pas l'air en assez bon état pour le buter, ce qui voulait dire que Stiles pourrait s'enfuir plus ou moins facilement. Parce qu'avec lui, tout était possible et chaque situation pouvait s'inverser. Parfois, sa maladresse lui jouait des tours et il arrivait souvent que son côté gauche le mette dans des situations pas possibles… Comme celle-là ? Non, là ce n'était pas de sa faute, si ?
Malgré l'impotence flagrante de l'individu, Stiles trouva rassurant de rester contre son mur. Peut-être que s'il priait assez fort, il finirait par se fondre à l'intérieur. Pour une fois, peut-être qu'une divinité quelconque pouvait lui laisser avoir de la chance. Et le pire, c'est que ça ne serait pas trop demander parce qu'il était généralement assez poissard. Un peu de changement ne serait pas de mal. Il arrêta cependant de tergiverser lorsque l'individu releva la tête avec une lenteur pas possible et retira sa capuche. Stiles avait raison, c'était bien un jeune homme, blond de surcroît. Ses yeux si foncés qu'ils en paraissaient presque noirs semblèrent exprimer un soulagement palpable.
- Tu es réveillé…
Une voix faible, désespérée, heureuse. Comme quelqu'un qui aurait retrouvé un vieil ami.
Stiles fronça les sourcils et ne se décolla pas de son mur salvateur et toisa l'intrus avec curiosité. La peur était moindre, mais il se méfiait. Les traits du visage de son vis-à-vis auraient pu être doux, s'ils n'étaient pas déformés par… Par quoi en fait ? Était-ce de la douleur que Stiles était en train de discerner ? Et ces cernes…. Depuis combien de temps le blondinet n'avait-il pas dormi une nuit plus ou moins complète ? Oui, malgré sa situation incertaine, Stiles se souciait déjà de ce mec. C'était son côté trop gentil qui ressortait. Parce que le pire, c'est qu'il ne le sentait pas mauvais. Peut-être était-ce la faiblesse apparente de cet inconnu qui lui faisait penser ça. Toutefois, Stiles décida de rester sur ses gardes car cette impotence pouvait être feinte. Et pas besoin de rappeler que ses capacités de combat était si peu excellentes que l'on pouvait clairement les considérer comme inexistantes.
- Tu lui ressembles tellement… Souffla l'inconnu en faisant un pas.
Stiles se tendit et tenta finalement clairement de se fondre dans le béton du mur. La tentative était pathétique mais au moins, l'hyperactif essayait.
- … Mais tu n'es pas lui, n'est-ce pas ?
Un sourire terne et faible étirait ses lèvres sèches.
- Je... Je sais pas de qui tu parles, fit sincèrement Stiles avant d'ouvrir les yeux en grand.
Sa voix était rauque et tremblotante, trahissant ainsi encore plus son manque d'assurance… Comme s'il n'avait pas parlé depuis un moment et peut-être que c'était effectivement le cas. Il fallait également penser que la situation dans laquelle il se trouvait n'était pas des plus rassurantes. Il se trouvait il ne savait où, avec un inconnu. Il y avait mieux comme situation.
- Je sais et… Désolé, j'ai pas réussi à… T'amener sur le lit. Je suis pas… Très en forme, s'excusa le blond avec un sourire contrit.
Mollement mais toutefois d'un geste libérateur, il fit tomber au sol tout un attirail que Stiles n'avait pas remarqué jusque-là… Avant de se laisser lui-même choir, contre le mur sur le côté. La manière dont il se laissa glisser en grimaçant laissa entrevoir à Stiles la possibilité que, peut-être, cette faiblesse n'était pas feinte. Sa peur diminua encore un peu alors que le blond fermait les yeux et pressait d'une main le milieu de sa poitrine d'un geste douloureux. Stiles hésita à se lever pour aller lui porter secours. De toute façon, que pourrait-il faire à par risquer de se faire planter par une lame perdue ?
Le blond rouvrit doucement les yeux.
- Je m'appelle Newt, si jamais ça peut t'aider à arrêter de te méfier de moi… Articula-t-il avec ce sourire toujours aussi faible.
- Stiles, répondit simplement l'intéressé, les yeux écarquillés…
… Parce qu'il venait de remarquer le sang s'écoulant lentement sur les doigts de son interlocuteur.
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Scott eut le plaisir de retrouver Lydia, Derek et Jackson à l'hôpital. Dans un sens, il en était soulagé. Tout le monde n'avait pas pu venir, certes. Au moins, il n'était pas seul et c'était tout ce qui comptait. Il avait beau être un True Alpha, il n'en restait pas moins un loup et il avait besoin de sa meute pour avancer. Stiles aussi avait besoin d'elle. C'était un humain mais il y avait sa place, sans doute plus que quiconque.
Enfin, une infirmière les autorisa à rendre visite au patient de la chambre cent quarante-cinq. Elle les prévint toutefois qu'il avait besoin de calme et qu'elle ne devrait même pas les autoriser à rentrer tous en même temps mais que Melissa McCall lui avait clairement dit qu'elle le devait. Et comme la mère de Scott était plutôt bien respectée dans cet hôpital – c'est qu'elle a du charisme –, elle l'écoutait.
Alors, les jeunes gens ne se firent pas prier… Et deux yeux couleur whisky se mirent à les fixer avec perplexité.
- Stiles ! Je suis tellement heureux de te voir, s'exclama Scott, un grand sourire collé au visage.
Il avait eu tellement peur pour lui qu'il en avait à peine dormi. Que se serait-il passé si Derek ne lui avait pas ordonné d'arrêter la mission ? S'il n'avait pas reçu ces messages de Stiles ? Tout aurait pu arriver mais Stiles était là, à l'hôpital, en sécurité avec une partie de la meute.
- Doucement McCall, lui rappela Jackson en détournant les yeux et en croisant les bras sur sa poitrine pour ne pas montrer sa réelle inquiétude.
Sauf que Stiles, lui, ne souriait pas. Il restait affreusement neutre… Et silencieux. Il n'avait pas prononcé un mot depuis son réveil, leur avait-on dit. Derek fronça les sourcils. Un Stiles silencieux n'était pas Stiles ou du moins… Pas à ce point. Scott, n'ayant pas vraiment remarqué que son meilleur ami ne semblait pas aussi heureux que lui de le revoir, s'avança, tout content. Le brun se redressa et se recula un peu dans le lit. La défiance était sans doute le seul sentiment qui l'animait à cet instant. Et cette défiance surprit tout le monde présent, même Lydia qui savait son ami revêche, mais pas à ce point.
- Stiles, c'est nous, tu n'as pas à avoir peur. Tu n'es plus au Nemeton mais à l'hôpital de Beacon Hills, tenta-t-elle de le rassurer.
Elle fit un pas, doucement, comme pour ne pas effrayer ce petit écureuil prêt à se défendre. Parce que c'était exactement ce à quoi ressemblait Stiles à ce moment-là. Derek se tendit instantanément mais ne fit rien, se contentant de rester sur le qui-vive. Jackson, lui, regardait la scène, perplexe, un sourcil haussé. Scott perdit son sourire mais ne désespéra pas. Sans se rapprocher, il essaya toutefois de calmer le jeu :
- Bon, d'accord, peut-être qu'on est un peu trop pour ton réveil, c'est vrai… Peut-être qu'on… Qu'on devrait être moins nombreux pour le moment.
- Non, c'est pas ça, rétorqua doucement Derek, en pleine réflexion.
Parce que ce regard sauvage rempli d'animosité, il ne l'avait jamais vu chez Stiles ou du moins, pas celui qu'il connaissait. C'était comme si c'était… Quelqu'un d'autre.
- Vous… Vous approchez pas et laissez-moi partir, cracha brusquement l'adolescent en se reculant un peu plus au fond du lit.
Une voix grave, profonde. Très grave. Trop grave. La voix de Stiles n'était-elle pas censée être un peu plus aigue ? Et ce regard, toujours plus sombre, toujours plus… Sauvage. L'adolescent semblait prêt à bondir, à se battre, les poils hérissés, tel un chat.
Un félin apeuré, à en juger les tremblements quasi imperceptibles de ses membres et de sa mâchoire serrée.
Scott, complètement perdu, eut l'air triste. Pourquoi son meilleur ami rejetait-il sa meute ? Pourquoi le rejetait-il lui ? Et où voulait-il partir ? Il était à l'hôpital parce qu'il avait besoin de soins, en était-il seulement conscient ?
- Mais enfin, Stiles… Commença-t-il doucement.
- Je ne suis pas Stiles ! Cria soudainement le brun. Je ne sais pas qui vous êtes, je ne sais pas ce que vous me voulez mais ce que je sais, c'est que je veux que vous me laissiez partir !
C'était un cri déchirant qui venait du cœur, du désespoir à l'état pur, de ceux qui avaient passé leur vie à être enfermés et manipulés.
