Thomas n'aurait jamais imaginé qu'on mettrait un vrai lit à sa disposition, ni même qu'on lui accorderait le droit de jouir d'un tel confort. Depuis quand n'avait-il pas eu accès à des draps propres, un matelas correct et un oreiller moelleux ? Dans ses souvenirs, WICKED n'avait rien d'aussi confortable. Et pourtant, il n'avait pas dormi de la nuit. Parce qu'il était inquiet, nerveux, paranoïaque. Que cachait une telle bienveillance ? Elle ne pouvait pas être réelle, elle était forcément fausse ! On lui cachait quelque chose. Ses geôliers attendaient simplement qu'il baisse ses gardes pour… Pour lui faire quoi ? Il avait déjà tout perdu, on ne pouvait plus rien lui prendre. Son ex, son meilleur ami… Il lui restait ses quelques amis, sur l'île, son deuxième meilleur ami du nom de Minho, mais… C'était tout. Il n'avait aucune possession, n'avait plus rien de valeur. Ah, si.

Son sang.

Toujours son sang.

Mais ça, ses geôliers n'avaient pas besoin de l'amadouer pour l'obtenir, il suffisait de l'immobiliser et de lui prendre de force.

Alors oui, il avait passé sa nuit à angoisser dans son coin, sachant parfaitement qu'il était seul et que personne ne viendrait le rassurer, ce qui était logique étant donné qu'il était prisonnier. Toutefois, l'envie de dormir l'avait démangé à de nombreuses reprises. C'était même lui qui avait demandé à ces gens de le laisser dormir. Pourtant, il n'avait pas fermé l'œil de la nuit.

Ses yeux rougis la fatigue accumulée se posèrent sur le réveil à côté du lit.

11h.

Il était étonnant qu'on ne soit pas encore venu le lever. Toutefois, il s'attendait à voir l'un d'entre eux entrer de manière fracassante. Ils allaient tomber les masques, c'était certain et il n'avait pas envie de voir ça, même s'il n'aurait sans doute pas le choix. Il ferma les yeux. Il haïssait sa vie. Chaque jour qui passait était une torture qui lui rappelait sans cesse qu'il n'était plus rien et que les gens auxquels il tenait le plus n'étaient plus de ce monde depuis un moment.

Thomas pourrait se lever, aller les voir pour abréger ses souffrances, car il était certain qu'une fois qu'ils auraient eu ce qu'ils voulaient, ils se débarrasseraient de lui sans une once de pitié. Oui, il pourrait faire ça. Mais merde, depuis combien de temps n'avait-il pas été dans un vrai lit ? Il resserra la couette autour de lui et respira l'odeur douce de la lessive de l'oreiller. Ses yeux se fermèrent mais il ne dormit pas : il étouffa juste quelques larmes en espérant qu'on ne le regardait pas à travers l'image tressautante d'une caméra.

xxx

- Doucement, souffla Stiles. Force pas trop.

L'hyperactif fit péniblement quelques pas, soutenant son nouvel ami qui peinait réellement à marcher. Le souffle du blondinet était court et son visage adorable était crispé par la douleur à un point inimaginable. Non, définitivement, il n'y arriverait pas. Sortir ainsi était une mauvaise idée.

- Non, ça va pas le faire, lâcha le lycéen en secouant la tête.

Newt le regarda sans comprendre. Sincèrement, il faisait de son mieux, mais il fallait avouer qu'il avait beaucoup de mal à se mouvoir. Il protesta lorsqu'il vit que son invité tournait pour le ramener vers ce qui lui servait de lit. Cependant, Stiles campa sur ses positions et le rallongea de force, tout en faisant attention à ne pas lui faire mal.

- Stiles, je t'assure que…

- Non, Newt, tu peux pas assumer, le coupa Stiles. Vraiment, cherche pas, c'est pas prudent que tu sortes.

Il ne lui faisait aucun reproche, il énonçait simplement un fait important. S'il était effectivement nécessaire de sortir de cet abri en ce jour pour chercher un semblant de nourriture, ce serait sans Newt. Sa blessure guérissait vraiment lentement et il était épuisé. Non seulement cela faisait un moment qu'il ne mangeait pas à sa faim mais en plus il dormait peu. La douleur qu'il ressentait la plupart du temps était telle qu'elle le réveillait. En changeant ses pansement, Stiles avait fait attention d'appliquer les conseils que lui avait donnés Melissa, un jour où Lydia s'était blessée. Il avait bien regardé, et elle ne s'infectait pas. Non, le problème, c'était vraiment que son hôte avait besoin de repos en grande quantité. Il fallait qu'il se ménage et qu'il reprenne des forces. Un jeune de son âge ne devrait pas avoir le visage aussi émacié et des cernes si prononcés. Newt était mal en point depuis des semaines et il s'était débrouillé seul, au détriment de sa santé.

Alors oui, même s'il le connaissait à peine, Stiles était inquiet. Sincèrement. Ce jeune homme lui inspirait de la sympathie, il ne ressentait rien de mauvais en lui. L'hyperactif avait un don pour cerner les gens, c'était tel qu'il se trompait rarement. Concernant la meute et les différents antagonistes infiltrés qu'ils avaient dû affronter, Stiles n'avait fait aucune erreur et avait débusqué tous les traîtres en avance – sur le coup, on ne le croyait pas, mais qu'importe, il avait chaque fois la conscience tranquille. L'adolescent pouvait jurer sur sa vie que Newt était gentil. Pourquoi l'aurait-il recueilli, sinon ? Il ne lui demandait rien, se rationnait pour le laisser manger, lui et rouspétait lorsqu'il voulait prendre soin de sa blessure en changeant pansements et bandages lui-même. Newt disait qu'il n'avait pas à faire ça, que ce n'était pas la peine, mais Stiles n'en démordait pas. Et puis il fallait dire qu'il n'avait pas beaucoup de difficultés à faire respecter ses décisions. Le blondinet était trop faible physiquement pour s'opposer à lui. Sa blessure le rendait incapable de faire quoi que ce soit qui demandait des efforts et le manque de nourriture paralysait presque son corps. A ce niveau-là, Newt ne se rationnait plus : il s'était carrément trop privé. D'où la nécessité pour Stiles d'aller chercher de la nourriture le plus rapidement possible.

L'avantage d'être ici, avec ce presque inconnu, c'était que Stiles était toujours occupé et se retrouvait rarement à penser à la meute. Cela lui arrivait, bien sûr, mais pas assez souvent ni assez longtemps pour qu'il déprime. Il y avait toujours quelque chose à faire dans ce petit endroit qui avait dû être, par le passé, un appartement et Newt était une occupation à part entière. Stiles l'épaulait pour chaque chose et devait même l'aider à se laver de temps à autre même s'il le laissait faire en ce qui concernait les endroits intimes. Il se retournait et attendait que le blondinet termine ses affaires. Il lui faisait à manger, réchauffait certaines conserves, avait notamment entrepris de nettoyer certains coins et d'aérer un peu les semblants de draps. Puisque Newt devait rester les trois quarts du temps alité et qu'il n'avait pas de draps ni de couvertures de rechange, tout ce que pouvait faire Stiles, c'était de les aérer un peu, les secouer, ce genre de choses. Le temps, Newt restait assis, le dos calé contre l'un des quatre murs de la salle, avec son sac à dos et la veste de Stiles pour avoir un minimum de confort. Il avait peu de forces, était trop affaibli par ces semaines passées seul à se débrouiller, à survivre avec cette blessure importante.

- Tu vas me dire tout ce qu'i savoir pour survivre dehors et moi je vais y aller, d'accord ? Fit Stiles en regardant le blondinet dans les yeux.

L'air embêté, Newt finit tout de même par acquiescer, il n'avait pas le choix, mais à une condition : que Stiles mange un peu avant de partir. Il se devait de prendre des forces pour affronter l'extérieur. Stiles accéda à sa condition, mais le berna. Il alla ouvrir une conserve et ne prit pas grand-chose, juste de quoi faire taire son ventre qui gargouillait. Le reste, il le donna à Newt.

Parce que Stiles avait pris une décision. A partir d'aujourd'hui, c'était lui qui se rationnerait, histoire que Newt puisse recouvrer ses forces et commencer à réellement guérir.

xxx

- Mange.

Thomas regardait son assiette avec méfiance. Elle était… Etrangement bien remplie et garnie. Son hôte, chez qui il avait dormi, s'installa face à lui, un plat similaire devant lui. Derek Hale n'avait pas l'air commode et pourtant, c'était bien lui qui avait été chargé par Scott de faire attention à « son meilleur ami » le temps qu'il trouve quelque chose pour lui faire retrouver la mémoire. Derek avait accepté en soupirant non pas parce que garder ce jeune homme l'embêtait, non. C'était la stupidité de son alpha qui l'agaçait. Il continuait de croire à l'impossible alors que les preuves étaient accablantes.

Cet adolescent n'était pas Stiles, il n'avait de commun avec lui que l'apparence, et encore. Tous ses traits étaient plus durs et où était passée son hyperactivité ? L'individu qui lui faisait face était d'un calme grandiloquent, même si son odeur trahissait toujours ce mélange de peur et d'angoisse immenses. A l'extérieur, il restait de marbre et ne semblait pas avoir de tic nerveux. Ses émotions étaient un mystère également et le lycan avait beau réfléchir, il n'avait aucune idée d'où pouvait provenir tant de négativité. Scott, de son côté, n'était pas objectif, contrairement à Derek : son meilleur ami lui manquait tellement qu'il prenait le premier sosie venu pour lui. Ce qui était toutefois surprenant, c'était l'endroit où ce Thomas avait été trouvé : au Nemeton. Là où Stiles se trouvait avant de disparaître. Et dire que Derek avait dû insister pour qu'il n'assiste pas au déjeuner… De midi.

Cette histoire était définitivement incompréhensible.

- Tu peux manger, répéta Derek, c'est pas du poison.

- Qu'est-ce que j'en sais ? Osa demander Thomas.

Provenant de Stiles, cela aurait pu sonner comme un défi. Mais ce jeune homme n'avait pas l'air d'être du genre à plaisanter. Non, il était diablement sérieux. Il se méfiait comme jamais. Derek haussa un sourcil et le regarda dans les yeux lorsqu'il lui dit le plus naturellement du monde :

- Tout sort de la même casserole. Si ta nourriture a du poison, la mienne aussi ce qui, je pense que tu peux le comprendre, serait complètement idiot.

Comme pour appuyer ses propos, Derek enfourna une sacrée bouchée qu'il mâcha tranquillement avant d'avaler, sans cesser de regarder Thomas. Il allait falloir qu'il gagne sa confiance, ne serait-ce que pour qu'il lui parle, parce qu'il était certain qu'il avait des choses à dire. Des choses qui pourraient peut-être les aider à savoir où se trouvait Stiles. Mais Derek pensait aussi à lui : il fallait avoir vécu sacrément de choses difficiles pour être aussi méfiant. Oui, le bêta avait envie de l'aider. Il y avait quelque chose en lui qu'il reconnaissait, qui faisait écho en lui. Quelque chose de cassé, de brisé. Derek avait été brisé par le passé et ses blessures intérieures guérissaient peu à peu. Celles de Thomas semblaient encore à vif.

Thomas le regarda un moment et finit par prendre une bouchée de son plat. La peur grandit dans son odeur même s'il avait faim – Derek avait entendu de légers gargouillis, quelques minutes plus tôt. Enfin, voyant qu'il ne se passait rien, il se détendit très légèrement.

Définitivement, il avait besoin d'aide et Derek espérait gagner assez sa confiance pour pouvoir la lui apporter.