Thomas suait à grosses gouttes et enchaînait les exercices. Il aimait le sport, il aimait bouger, il aimait se sentir en forme. S'il n'avait pas le corps d'un apollon, le sien restait toutefois très athlétique et l'on ne pouvait douter de la présence de ses muscles finement dessinés. Il était fin, mais pas sans rien. Et la situation qu'il vivait actuellement le stressant un tantinet, il s'était décidé à faire du sport le plus souvent possible. Il était hors de question qu'il continue à laisser ses journées passer sans rien faire. S'il avait décidé d'accorder un minimum sa confiance à Derek, il restait tout de même encore un peu sur ses gardes. Ce monde, il ne le connaissait pas, et ces gens, non plus. D'ailleurs, qu'est-ce qui lui disait que tout ça était bel et bien réel ? WICKD avait les moyens de créer des simulateurs très sophistiqués, donnant l'impression de se balader dans un monde bel et bien réel. Toutefois, Thomas doutait de cela. Toutes les sensations étaient bien trop réelles pour qu'il soit en train de diriger son esprit via un ordinateur quelconque. Son corps était engourdi, ses bras endoloris, mais il continuait. En fait, il avait bien l'intention de se donner à fond durant cette petite séance de sport improvisée. S'il atteignait ses limites, c'était bien, mais les dépasser serait encore mieux. Se déchirer ainsi lui évitait de trop penser et se faire des nœuds au cerveau – il ne demandait que ça. Mentalement, il était déjà fatigué alors qu'au final… On ne le traitait pas mal. Il avait ses libertés, on ne lui avait jamais interdit directement de sortir, on lui disait de manger ce qu'il voulait, mais… Rien à faire, son esprit se fatiguait à le convaincre qu'on lui voulait du mal. S'il acceptait certaines choses et qu'il gagnait chaque jour des preuves de la bienveillance de son hôte et de ses amis, il n'arrivait pas à y croire à cent pour cents. Il attendait que quelque chose de mauvais se passe, qu'on lui révèle leurs vrais visages. S'il devait lui arriver quelque chose, ce serait latent et insidieux.
Thomas entendit distinctement la porte du loft coulisser en grinçant comme à son habitude, mais il ne s'arrêta pas dans sa lancée. Il continua ses tractions sans se soucier de la potentielle présence de ses pseudos geôliers. Quoique, il commençait à avoir chaud, sincèrement et son t-shirt… Était trempé. Pour être honnête, Thomas devrait s'arrêter. En effet, cela faisait un moment qu'il travaillait son corps, qui avait bien besoin d'une pause. Comme sentir un tissu mouillé frotter contre sa peau commençait à être sérieusement désagréable, il lâcha la barre de tractions de Derek et retomba un peu lourdement sur ses pieds avant de se retourner vers… Derek, Lydia et une jeune femme qu'il n'avait pas souvent aperçue, Malia.
- Salut, lâcha-t-il, visage et ton fermés.
Il ne voulait pas qu'on pense qu'il avait totalement baissé sa garde. Son but, c'était de montrer qu'il acceptait potentiellement leur présence, à condition qu'on ne le prenne pas pour acquis.
Mais il fut déconcerté. Déconcerté, oui, parce que les trois jeunes gens face à lui le regardaient d'un air médusé, comme si… Comme si quoi ? Comme s'il avait fait quelque chose de spécial, ou quelque chose qui n'était pas dans ses habitudes.
- Bonjour Thomas, finit par articuler Derek qui ne cachait tout de même pas sa surprise.
Il savait que le jeune homme faisait du sport de temps à autres, mais… Pas à ce point. Des tractions. Il faisait des tractions. Ce n'était pas juste une pompe par-ci par-là. Le brun était luisant de sueur, les muscles de ses bras se voyaient d'autant plus qu'il venait de les solliciter.
- Tu vas… Bien ?
C'était la seule chose que Derek avait trouvée à dire pour briser le silence entre eux. Thomas hocha simplement la tête et demanda au loup s'il pouvait retirer son t-shirt parce qu'il était trempé. D'ordinaire, il ne s'en serait pas soucié, mais là… Quelque chose le retenait. Derek lui dit qu'il ne voyait aucun problème à cela, sans lui révéler que ça l'arrangeait pour ce qu'il avait à vérifier. Thomas se retourna, retira son t-shirt et alla le poser sur le dossier d'une chaise. Lydia écarquilla les yeux, mit ses mains sur sa bouche entrouverte. Malia fronça les sourcils.
Derek resta plus ou moins de marbre. Non, en fait, il était bien trop surpris par ce qu'il avait sous les yeux pour réagir réellement. Même s'il savait pertinemment que ce jeune homme n'était pas Stiles, il ne pouvait pas s'empêcher de comparer. Il avait déjà vu Stiles torse nu, bien avant l'attaque du wendigo et se souvenait parfaitement de son torse plat d'où les pectoraux sortaient à peine, les épaules un peu fines et frêles, les bras un peu musclés mais sans plus. Stiles n'était physiquement pas faible à proprement parler, mais il y avait tout de même une sacrée différence avec le corps athlétique et hâlé de Thomas.
Mais le plus flagrant et ce qui lui sauta tout de suite aux yeux, ce fut l'absence totale de cicatrice de morsure sur son épaule. Elle était lisse et simplement, comme le reste de son corps, parsemée ici et là de grains de beauté. Des cicatrices, Thomas en avait quelques-unes mais elles étaient étranges. Il en avait quelques-unes dans le dos et le torse, assez linéaires, comme des coupures dues à des traces de coups de fouets. Il avait quelques petites brûlures aussi, sur les hanches, un peu rondes. Ses bras étaient plus ou moins épargnés : des cicatrices quelconques, il en avait un peu, mais elles étaient si discrètes qu'il était difficile de les remarquer dès le premier coup d'œil – surtout si l'on prenait en compte le fait que Thomas retroussait rarement ses manches et ne portait pas souvent de t-shirts.
L'image d'un guerrier, d'un combattant sauta aux yeux de Derek. Thomas en était un, sans aucun doute. Un combattant qui avait donné tout ce qu'il avait pour survivre.
Thomas croisa les bras sur son torse et fit tout pour ne pas céder à la gêne qui le guettait. Il détestait être regardé ainsi et avoir toute l'attention sur lui : il préférait rester dans l'ombre, c'était là qu'était sa place.
- Vous me matez ou ça se passe comment ? Non parce que sinon, je peux remettre mon t-shirt plein de sueur sans aucun problème, railla-t-il pour cacher sa gêne et son malaise.
En réalité, il avait totalement perdu l'envie de continuer son sport et son seul désir était de prendre une douche. Non seulement l'eau chaude apaiserait ses douleurs musculaires, mais il pourrait aussi faire disparaître cette sueur qui le rendait tout collant et surtout se soustraire de ces regards médusés qu'il trouvait particulièrement gênants.
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Le silence ponctué de râles de morts ponctuait le quotidien de Stiles. Oh, bien sûr, il avait Newt, avec qui il entretenait parfois des conversations fort intéressantes. Oui, mais Newt faiblissait et malgré les médicaments que Stiles trouvait et ramenait parfois de ses nombreuses sorties à l'extérieur du Q.G, son état n'allait pas en s'améliorant.
Alors forcément, les conversations s'amenuisaient. Elles étaient moins longues, moins nombreuses.
Et Stiles sombrait dans cette solitude qu'il abhorrait tant, qu'il exécrait presque tout autant que le silence.
Ses seules échappatoires, c'étaient ces sorties qu'il s'accordait. Il fallait être honnête, elles étaient fort dangereuses mais en attendant, il se rendait un peu utile et pimentait sa vie, qui semblait s'être arrêtée depuis son réveil dans ce monde fini. Ce monde duquel il était impossible d'entrevoir une once d'espoir. Stiles était réaliste : de la nourriture, des médicaments, il en trouvait en cherchant bien. Oui, mais pour combien de temps ? Quand viendrait le jour où ses mains se refermeraient sur du vide, où les maisons et appartements abandonnés ne livreraient plus aucun trésor ? Finirait-il réellement sa vie dans ce monde où la mort était reine ?
Reine parce qu'elle était là, partout, tout autour de lui. Elle marchait, titubait, courait parfois, lorsqu'elle entendait du bruit. Et Stiles marchait avec ces âmes déchues, au milieu d'elles, parce qu'il n'en avait rien à faire. Il avait trouvé des astuces pour passer inaperçu, notamment en restant parfaitement silencieux et en s'étalant du sang de ces anciennes vie sur ses vêtements. Ça puait, c'était dégoûtant, mais ça fonctionnait. Son odeur était indétectable, comme si elle était morte, elle aussi. Et il avançait, sans réel but, comme ses compères à moitié décomposés. Au loin, il entraperçut un « fondu » comme disait Newt, un fondu un peu différent des autres. Celui-ci n'avait plus de jambes, plus de bassin. Il se traînait sur le sol à l'aide de ses bras et ses tripes coloraient le béton gris clair de noir. Stiles faillit souffler du nez, mais la partie de sa conscience encore éveillée l'empêcha de le faire. Il était en plein milieu d'une rue, entouré de zombies qui, s'ils étaient actuellement inactifs, ne manqueraient pas de se jeter sur lui et de le déchiqueter à la première erreur. En fait, ce qu'il faisait était suicidaire en soi, mais c'était Stiles et à l'intérieur, il était mort.
Newt était gentil, très sympa, adorable, mais Newt allait mourir. Lui aussi, quand il y pensait. En fait, personne ne pouvait survivre à ce monde déjà ravagé par la mort. Parfois, il se demandait combien de temps il lui restait : après, il s'imaginait tout un tas de scénarios de morts possibles. L'avantage c'est qu'ici, personne ne pourrait l'empêcher de choisir son destin le jour où il déciderait de le mettre en œuvre. Pour l'instant, il choisissait de rester, pour Newt, parce qu'il avait été seul, lui aussi, trop longtemps. Mais lorsqu'il s'en irait… Stiles ferait de même. Ne voyant aucun moyen de revenir dans son monde à lui, il était obligé de s'adapter.
Stiles décida d'aller explorer un immeuble qu'il ne connaissait pas, histoire de passer le temps et de voir s'il pouvait dégoter quelque chose d'intéressant. Le premier étage ne lui fournit qu'une pauvre boîte de conserve ainsi qu'une pauvre bouteille d'eau croupie. Le second lui permit de se procurer une écharpe, tout le reste étant plus ou moins déchiré.
Stiles décida de se poser un peu au troisième étage après avoir vérifié que tout était vide de toute présence hostile. Il se barricada dans ce qui semblait être une chambre d'enfant et s'allongea sur le petit lit aux draps bleus constellés de nuages blancs. Ereinté par son exploration ainsi que sa vie, il ferma l'œil et se laissa emporter par un sommeil hasardeux qu'il n'avait pas conscience de retarder à chaque fois.
