Depuis qu'il était réveillé, Stiles gardait un silence de mort et réagissait à peine lorsque Derek lui parlait. Il se contentait de l'observer d'un œil vide, morne et le laissait faire ce qu'il voulait. En fait, il n'était pas en état de faire quoi que ce soit. Derek pouvait très bien lui sauter dessus, qu'il n'essaierait même pas de se défendre. Emile l'avait brisé, définitivement. S'il avait réussi à survivre à ses agressions infantiles, il se savait depuis toujours faible et incapable de se reconstruire en cas de récidive. Enfin, s'il obtenait toute l'aide dont il avait besoin, peut-être, mais ce n'était pas dit. Son père ne l'avait jamais cru, ce n'était pas maintenant qu'il allait commencer et Derek… Il allait se lasser. Tout le monde se lassait des victimes, alors la justice ? N'en parlons même pas. Il avait cessé d'y croire lorsque son père avait enterré l'affaire pour protéger non pas lui, mais son meilleur ami, qu'il n'imaginait pas autrement qu'innocent, faisant passer son propre fils pour un horrible menteur.
Alors voilà. Stiles n'avait peut-être pas réussi à mourir, mais il avait tout abandonné. L'on pouvait faire de lui ce qu'on voulait, peu lui importait. Il n'était plus vraiment là, au fond. Il avait fini par atteindre, dans le secret le plus total, ce point de non-retour qu'il avait autrefois tout fait pour éviter.
De temps à autres, Derek allait et venait, il faisait des choses auxquelles Stiles ne faisait pas vraiment attention. Tout ce qu'il retenait, c'était qu'il avait des moments seuls. Des moments sans surveillance. Mais l'hyperactif n'en profitait pas. Il ne se levait pas, n'allait pas chercher de couteau, de médicaments – pourquoi Derek garderait-il des médicaments chez lui, de toute façon ? –, il restait là, vaguement allongé dans ce canapé. Le plus souvent, il fermait les yeux et se mettait en boule sous le plaid épais que le loup avait étalé sur lui. Belle attention, mais bien inutile. Aucune couverture ne pourrait diminuer le froid qui lui glaçait le sang dans ce corps qui ne lui appartenait plus vraiment.
Puis, Derek était bien mignon, mais le « protéger » ne servait à rien. Il ne comptait pas sérieusement le garder ici, au loft ou en tout cas, pas plus de quelques heures. Il avait une vie, lui aussi, et se retrouvait assez régulièrement à accueillir la meute, notamment pour les réunions, les soirées entre eux, tout simplement parce que… Son grand appartement était idéal et lui-même ne devait pas avoir beaucoup de temps pour lui. Alors s'encombrer d'un hyperactif complètement cassé ? C'était stupide et surréaliste. Stiles s'était déjà fait à l'évidence qu'il passerait sa prochaine nuit dans son lit et qu'Emile ne le rejoindrait, pour une fois, sans doute pas. Cependant, un autre problème se posait.
Noah.
Forcément, c'était Stiles qu'il allait accuser et Emile étaierait ses propos, sans aucun doute. Il ne verrait jamais d'un bon œil que son meilleur ami ait été passé à tabac… Même si c'était pour l'empêcher de toucher à son fils. De toute manière, il n'imaginerait jamais une chose pareille. Stiles se demanda vaguement si son père avait eu écho de l'état de son ami policier ou non. Dans tous les cas, il s'attendait à entendre son téléphone vibrer d'ici quelques minutes, ou bien quelques heures. Il entendrait la voix d'un shérif furieux qui lui demanderait ce qui lui avait pris, qui l'accuserait de tous ses maux, qui le penserait responsable. De ce fait, Stiles pourrait en vouloir à Derek car au final, son intervention allait lui causer plus d'ennuis qu'autre chose mais… Ce n'était pas grave, il avait l'habitude. En revanche, son collègue de meute risquait gros. Emile n'était pas du genre à subir sans rien dire. Une fois guéri et sa surprise, passée, le policier rechercherait Derek et tenterait éventuellement de lui en mettre une pour se venger. Le seul avantage de la situation, c'était le fait qu'Emile agirait seul. Ouvrir une enquête obligerait Derek à témoigner et l'ancien alpha n'était pas du genre à mentir pour protéger qui que ce soit. Il serait honnête. Le problème là-dedans, c'était que Noah lui retomberait immédiatement dessus. Il n'irait pas jusqu'à l'arrêter, mais… Il lui ferait bien comprendre que défendre Stiles ne serait pas dans ses intérêts.
Et puis, c'était à ce moment précis que Derek se lasserait.
Stiles ne croyait pas en la réincarnation et pourtant, il se demandait ce qu'il avait bien pu faire dans ses vies antérieures pour mériter une telle existence. N'était-il voué qu'à souffrir ? Était-il simplement là pour satisfaire les besoins d'un pervers ? Subir en silence ? Souffrir en secret ? L'ironie du sort voulait même que son unique tentative de suicide n'ait pas abouti. Non parce qu'il n'était pas prêt à retenter l'expérience de sitôt. Pas parce qu'il avait peur, simplement… Même ça, il n'en avait plus envie. Il n'avait plus le goût à rien, pas même la mort. Il n'était plus qu'un corps, et rien d'autre. Qu'on ne lui demande pas de réfléchir ou d'essayer de jouer la comédie, il en était incapable. C'était pour cette raison qu'il laissait complètement voir à Derek son vrai visage. Parce qu'Emile l'avait définitivement brisé et que Stiles ne pouvait plus faire le moindre effort de dissimulation. Son monde intérieur était fait de ténèbres et de ronces, une forêt cauchemardesque sans sortie, sans fin, un labyrinthe mental dans lequel il resterait prisonnier jusqu'à son dernier souffle.
La silhouette de Derek s'intégra dans son champ de vision et se rapprocha. Il entendit vaguement sa voix, comprit les mots « manger », « pâtes », « important ». Le reste n'était pas d'un grand intérêt. Mais rien qu'à l'idée d'ingurgiter quelque chose, ses entrailles se serrèrent. Il avala difficilement sa salive et cette simple action lui rappela la manière dont sa gorge avait été malmenée tant elle le brûlait. Il se rappela les doigts, l'urgence, tous ces cachets que Derek l'avait forcé à régurgiter… Et frissonna. Il refusa de songer à ce qui avait poussé le loup à le sauver, tout comme il refusa d'imaginer qu'il pouvait l'apprécier d'une quelconque manière. Sa psyché était à mal et il était hors de question pour lui de se laisser bercer par un pauvre sauvetage. Il allait retourner en enfer incessamment sous peu, alors autant ne pas glaner quelque espoir que ce soit. A ses yeux, la chute n'était pas terminée, loin de là, et il en était parfaitement conscient.
Il vit les lèvres du loup bouger, mais continuait de ne pas écouter ce qu'il disait. Si Derek tenait à parler à un mur, grand bien lui fasse. En ce jour funèbre, Stiles n'était pas de bonne compagnie et doutait de l'être à nouveau un jour. De toute manière, il ne vivrait sans doute pas assez longtemps pour cela. Il connaissait Emile et était plus que conscient du risque grandissant qu'il encourrait. Un jour, le policier déraperait. Il aimait la violence, en raffolait comme personne. C'était inscrit en lui, comme un gène destructeur : il avait ça dans le sang. Alors oui un jour, ou peut-être une nuit, Stiles finirait par s'éteindre dans ses bras, dans cette étreinte aussi perverse que morbide, synonyme de cauchemar sans fin.
Stiles laissa Derek faire lorsque celui-ci le fit se redresser. C'était drôle, de ne plus vraiment se sentir soi-même. Il avait l'impression d'être… Une poupée, juste une poupée. Désarticulée, cassée, brisée, mais une poupée. Quelque chose dont on pouvait se servir aisément, sans aucun problème. Quoi que Derek ferait, il ne résisterait pas, ne broncherait pas, ne grimacerait pas. Il ne put toutefois s'empêcher de tressaillir lorsque le loup passa un bras dans son dos et le ramena contre lui, debout. D'un seul coup, l'ouïe de l'hyperactif redevint parfaitement fonctionnelle, comme si le bouchon mental qu'il s'était créé avait brusquement disparu.
- Tu peux marcher ? Entendit-il.
Il secoua la tête. Non, ses jambes ne tenaient pas. Elles tremblaient comme jamais. Stiles n'avait rien avalé depuis le repas du midi, au lycée, le dernier repas qu'il comptait partager avec ses amis avant de disparaître. Puis, il y avait eu sa tentative, et celle de Derek, bien plus fructueuse dans sa réalisation. Il avait été forcé de vomir, de régurgiter le peu de choses qu'il avait dans le ventre. A cela s'était ajoutée une énième agression de la part d'Emile, même si celle-ci n'était pas allée à son terme. Alors non, il n'avait aucune force, aucune énergie. Finalement, c'était son corps entier qui tremblait tant il était affaibli.
Derek prit les devants et le porta sans autre forme de procès, avec une facilité telle que Stiles eut vaguement l'impression de ne rien peser. Bien vite, il se retrouva les fesses posées sur une chaise, devant une table, une assiette. L'hyperactif baissa les yeux et vit les pâtes, la sauce, l'œuf au plat. La nausée revint en force. Il n'avait pas envie de manger, pas du tout…
- Mange un peu, quémanda Derek en prenant place face à lui.
… Mais il s'exécuta sans rechigner, dans une attitude de complète obéissance même s'il ne comprenait pas vraiment à quoi cela pouvait rimer. Quelle était l'idée de Derek ? Lui offrir son dernier repas tranquille avant de le ramener ? Stiles releva doucement ses yeux sur l'horloge murale de la cuisine. Vingt et une heures. Emile avait dû faire entendre sa version depuis longtemps. Pourtant, Stiles n'avait reçu aucun appel. Peut-être celui-ci l'attendait-il de pied ferme à la maison, dans sa chambre. Peut-être même n'avait-il pas nettoyé le parquet, de manière à mettre la violence qui avait eu lieu ici en évidence, pour mieux lui mettre le nez dans la merde. Oui, tout cela allait encore se retourner contre lui.
L'hyperactif eut quelques difficultés à avaler sa première bouchée, il déglutit bruyamment à cause de sa gorge passablement irritée. Derek le couvait d'un regard bien plus inquiet qu'auparavant, tout simplement parce que… Parce qu'il ne le reconnaissait pas. Le silence de Stiles était inhabituel, c'était certain, mais cette manière qu'il avait de se comporter, de se laisser faire, de… D'agir en marionnette ne lui plaisait pas le moins du monde. Ce qu'il avait en face de lui… Ce n'était pas Stiles. Aucune des attitudes qu'il avait en ce jour n'était normale. Une image survint à nouveau dans son esprit et il la repoussa aussi efficacement que possible. Il refusait de le revoir essayer de se donner la mort. Mais ses mots tournaient dans son esprit, encore et encore, le questionnant sur le bienfondé de ses actions.
« Je ne veux plus vivre, Derek. »
Le cœur du loup rata un battement alors qu'il les entendait comme si Stiles venait de les prononcer, de sa voix rauque et cassée. Mais il n'avait pas ouvert la bouche. Il ne l'avait pas ouverte une fois depuis son réveil.
Son silence était terrifiant.
Derek ne mangeait pas. A vrai dire, c'était tout juste s'il avait pu grignoter quelque chose pendant que l'adolescent se reposait. Il lui avait fallu un peu de temps pour mettre de l'ordre dans ses idées et accepter que son inquiétude prenait le pas sur tout le reste. A bas les a priori, à bas cet agacement qui naissait automatiquement en lui lorsqu'il le voyait entrer dans son champ de vision comme autrefois. Stiles n'était vraisemblablement celui qu'il avait longtemps prétendu être, cachant derrière ses diatribes acerbes et ses monologues infinis des choses bien plus sombres et inimaginables qu'il n'y paraissait.
Stiles ne termina pas son assiette. A vrai dire, c'est à peine s'il mangea la moitié de son plat, dont la dose n'était déjà pas bien énorme. Prendre davantage, c'était au-dessus de ses forces. Sa gorge le brûlait et son estomac semblait se balancer dans tous les sens. Si l'on ajoutait à cela que le fait de se tenir plus ou moins droit sur sa chaise était un effort en soi… Presque comme s'il avait compris le message, Derek vint le débarrasser et le ramena dans le salon, sur le canapé. Stiles ne dit pas un mot, le laissa complètement faire et s'enroula dans la couverture même s'il ne comprenait rien à son attitude globale. Il laissa néanmoins sa tête reposer sur l'agréable coussin du canapé et ferma les yeux. Peu importait l'heure à laquelle Derek le ramènerait, il n'aurait qu'à le secouer un peu.
Et quelques minutes plus tard, il se sentit effectivement doucement secoué. Il ouvrit avec paresse ses yeux fatigués et les posa sur le visage inquiet du loup. Il songea avec amertume qu'il n'avait pas à être aussi préoccupé : le trajet serait court et Stiles ne lui demanderait rien, pas même la moindre protection. Ce n'était pas la peine. Et puis, l'envie de s'en sortir et de se préserver était morte en même temps que le peu d'innocence qui lui restait. Il aurait peut-être la paix un, deux, trois jours maximum, et après ? Après, tout reviendrait à la normale. Emile rétabli, il reprendrait là où il s'était arrêté.
Stiles ne faisait pas partie de ceux que l'on sauvait, mais bien de ceux qui pourrissaient dans l'ombre.
La main de Derek baissa doucement la couverture.
- J'ai changé les draps, en haut. Peter ne dort plus ici depuis des semaines.
Et même si l'insinuation était claire, Stiles refusa de la comprendre. Il le regarda, sans âme, prononça tout juste le mot « cool ». Comme si là où couchait Peter l'intéressait. Enfin bon, plus rien ne suscitait le moindre intérêt chez lui. Pourquoi Derek s'était-il pointé pour le sauver, déjà ?
- Tu me ramènes à quelle heure ? Demanda-t-il faiblement en refermant les yeux.
Au départ, il n'y eut aucun son et Stiles sentit plus Derek se figer qu'autre chose. Quoi, c'était le fait qu'il s'était mis à parler qui le surprenait tant que ça ? L'hyperactif ne chercha même pas à comprendre.
- Stiles, regarde-moi.
L'adolescent sentit une main se poser sur son épaule et la chaleur qu'elle diffusa dans tout le haut de son corps l'empêcha de se crisper. Il rouvrit péniblement les yeux et ancra ses prunelles mortes dans celles de son vis-à-vis. Quel était cet éclat dans ces orbes bleutées ? Presque automatiquement, Stiles cessa d'y accorder de l'importance. Se détacher de tout, c'était si facile et si… Nécessaire.
- Je ne te ramènerai pas chez toi.
La voix chaude de Derek l'enveloppait, et en même temps, elle claquait. Parce que le ton était sec, affreusement sec et la main sur son épaule, si grande…
- Pourquoi ? Demanda-t-il, de sa voix cassée. T'as des plans pour moi ?
Derek fronça les sourcils, perplexe. Stiles, lui, ne ressentait rien. On pouvait bien lui faire ce qu'on voulait, il n'en avait rien à cirer. Tant qu'il était simplement au courant… Quitte à se faire charcuter mentalement, autant regagner sa chambre, un endroit qu'il connaissait bien. Il n'avait pas besoin de relier le loft à son malheur. Remarque, Derek non plus. Mais si celui-ci décidait de le garder pour lui… Que pouvait-il faire à part laisser les choses se dérouler comme le loup l'entendait ? Il n'avait jamais réussi à se défendre contre Emile, un simple humain. Alors un lycanthrope ? Non. Et puis de toute manière, il avait définitivement perdu l'envie de se battre.
- De quoi tu parles ?
- Tu l'as vu faire, tu as vu à quel point c'était simple. T'as envie de le remplacer ? Demanda distraitement l'hyperactif alors que sa gorge lui faisait un mal de chien. Vas-y, t'as le champ libre.
Il ne le regardait plus. Ses yeux plus noisette qu'ambrés se fixaient dans le vide, dérivaient de temps à autres, mais évitaient le visage de Derek comme la peste. Lui qui avait si longtemps gardé le silence se retrouvait à débiter des âneries dont il se fichait royalement. Il avait manqué une occasion de quitter ce monde, mais son âme s'en était déjà allée. Enfin, c'était ce qu'il pensait.
- Stiles… Entendit-il à peine.
La voix de Derek était étranglée par une émotion qui lui paraissait étrangère et à laquelle il ne s'attacha pas. Il aurait pu parler, ajouter une bêtise de plus, mais sa gorge était trop douloureuse pour qu'il continue de se forcer. Il sentit Derek le débarrasser sur plaid et le prendre dans ses bras, encore. Un bras dans son dos, l'autre derrière ses genoux. Il ressentit la montée des marches, la ligne droite d'un couloir. Ses yeux voyaient, sans regarder. Les images ne pénétraient pas le cerveau de Stiles. Elles n'avaient pas de sens et n'en auraient jamais. A quoi bon ? Il retrouva sa position initiale, à l'horizontale, sur cette fois-ci un matelas de qualité, bien plus confortable que le canapé. Mais il s'en fichait. Il s'en fichait parce que de toute manière, il savait qu'il passerait à la casserole, encore. Alors, le confort lui importait peu. Il s'attendit à sentir les grandes mains de Derek passer sur son corps, relever ses vêtements, puis le détruire. Il s'attendit à sentir ses lèvres venir déposer une multitude de baisers empoisonnés sur sa peau pâle, sur ses quelques bleus qui faisaient tache. Il s'attendit à la déchirure, toujours plus douloureuse que la fois précédente. Il s'attendit à la déconnexion qu'il avait vécu chaque fois que c'était arrivé. Il était humain, et faible. C'était si simple de l'immobiliser, de le faire plier à la moindre volonté souveraine. Une fois de plus, Stiles regretta de s'être raté. Sa descente aux enfers avait été si rapide… Quelques jours avaient suffi. Oui, si rapide…
Une fébrile étincelle de vie se ralluma faiblement en lui. Derek ne devait pas faire ça. Stiles ne voulait pas… Pas que sa vision de lui change. Il voulait… Que Derek Hale reste Derek Hale, juste un loup grincheux qu'il aimait autrefois taquiner. Un ours mal luné qui le plaquait contre des murs selon son bon vouloir. Qui faisait tout le temps la gueule. Qui grognait à la moindre de ses paroles. Il voulait… Continuer de le voir comme un allié, quelqu'un de confiance.
Il ne voulait pas qu'il le touche.
Sa gorge se serra. Ses yeux s'embuèrent. Pourquoi avait-il dit tout ça ? Pourquoi lui avait-il donné le feu vert ? Derek n'était pas du genre à profiter de la faiblesse d'autrui, mais… Mais il s'était offert, complètement détruit. Et le loup… N'avait aucune raison de ne pas se faire plaisir. La nausée le reprit alors que ses yeux décidaient d'enfin se poser sur le loup. Il s'était rapproché, dangereusement. L'image du loup mal léché mais protecteur commença à se fissurer et Stiles se maudit pour être venu au monde. Il vit la main, la si grande main se rapprocher…
… Et la sentit se poser sur sa joue rougie par la gifle d'Emile avec délicatesse. Les doigts essuyèrent les larmes qui avaient commencé à couler. Stiles ne voyait plus que la silhouette vague de son visage tant sa vue était envahie par l'eau traîtresse. Il s'était trompé. Il ressentait toujours les choses.
- Je ne te ferai rien, entendit-il encore.
Rêvait-il ou la voix de Derek était enrouée ? Il n'en avait aucune idée mais poussa son visage dans cette main si chaude alors même qu'il continuait de la craindre.
- C'est fini, Stiles. C'est fini.
L'hyperactif ferma fortement les yeux et secoua la tête. Non, il était incapable de croire à ce doux mensonge.
La suite, il ne s'en souvint pas vraiment. En fait, il avait complètement lâché les rênes tant il était difficile pour lui de contenir ce qui le submergeait avec une puissance folle. Tout ce dont il était sûr, c'est qu'il avait entendu la voix de Derek, plus douce que jamais. Il n'avait pas vraiment compris ses mots, pas vraiment retenu quoi que ce soit. Seul subsistait ce son chaleureux bien que teinté de tristesse et cette douceur… Non, Derek n'avait pas profité de lui, il en était certain. Il l'avait juste… Correctement installé sous les draps et veillé avec patience jusqu'à ce qu'il s'endorme. Le reste n'avait plus aucune importance.
Pas même ce téléphone qui, un étage plus bas, n'arrêtait pas de vibrer.
