Stiles n'avait pas prononcé un mot depuis leur réveil à tous les deux, en début d'après-midi. Mais il ne fuyait pas, et restait ouvert… A sa manière. Il ne quittait pas Derek des yeux, où une peur sans nom régnait. Il se souvenait parfaitement bien de cette nuit, de tous les mots qu'il avait prononcés, de toutes ses larmes, des bras du loup, de cette douceur étonnante dont il avait fait preuve, de cette présence dont il continuait de l'abreuver. Il se souvenait de chacune de ses pensées, de son abandon total dans les étreintes désespérées de l'ancien alpha.
Et maintenant, il ne savait pas quoi faire.
Il enchaînait les contradictions et à force, il se demandait combien de temps Derek allait le supporter. Le renverrait-il chez lui avant que son père ne le réclame ? Il pourrait supporter de dormir dans sa chambre, théâtre d'horreurs, tant qu'il n'y aurait personne pour le rejoindre dans son lit. Ce serait supportable. Quant au reste… Il lui faudrait partir lorsqu'Emile reviendrait et pourtant, il n'en serait peut-être pas capable. Le policier avait toujours eu une grande emprise sur lui et l'avait brisé de telle sorte que Stiles… Ne pourrait jamais lui résister. Il n'avait jamais pu le faire quand il était encore… Combattif. Alors maintenant ?
Derek déposa une tasse de thé devant lui et Stiles hocha la tête en guise de remerciement. Après cette nuit, il avait peur de le déranger. Parce qu'il savait que le loup s'était endormi après lui, ne serait-ce que pour lui tenir compagnie et le soutenir le temps qu'il se calme. Cela avait pris des heures, alors il tenait à essayer d'alléger le fardeau qu'il représentait, même si c'était plus que difficile dans son état. S'il pouvait restreindre ses gestes et mouvements devant lui, il ne pouvait s'empêcher de penser, de réfléchir. Honnêtement, il ne savait pas quoi faire. Il devait profiter du répit qu'on lui laissait, histoire de, peut-être, reprendre du poil de la bête. Mais comment faire ? Stiles savait qu'il allait repasser à la casserole, tôt ou tard. Ainsi, pourquoi chercher à aller mieux en sachant que tout recommencerait ? Ses efforts se révèleraient vains. A quoi bon essayer ? Il le voulait néanmoins, et resserra inconsciemment ses doigts sur la tasse qu'il n'avait même pas encore entamée.
- Je t'entendrais presque penser d'ici.
Stiles sursauta et lâcha brusquement la tasse qu'il n'avait, heureusement, pas décollée de la table. Son cœur battait vite. Il releva un regard à la fois perdu et apeuré vers Derek, qui le fixait avec une fatigue non feinte et un abattement… Qui se devinait.
- D-désolé, balbutia-t-il avant de baisser les yeux.
Il devait la boire, cette tasse de thé. Si Derek la lui avait donnée, ce n'était pas pour qu'elle lui réchauffe les mains. Stiles eut la boule au ventre. Il voulait juste être supporté, histoire de gagner un jour ou deux sur ce qui était prévu au niveau de son séjour ici. Repousser l'inévitable. Essayer de rendre son retour plus facile. Il fallait qu'il ait le temps de se préparer mentalement. S'il s'écoutait, il lui faudrait des mois – et encore. Puisqu'il avait le regard baissé et fuyant, il ne vit pas l'expression de Derek, qu'il s'imaginait ennuyée, agacée par les erreurs qu'il enchaînait. Il pourrait vérifier, chercher à se rassurer, mais il ne le fit pas, tout comme il refusa de céder à ce dont il avait cruellement besoin.
Retrouver la chaleur de ses bras.
Ce qui s'était passé cette nuit-là avait été une erreur. Pourtant, Stiles savait qu'il n'aurait pas pu se retenir de craquer plus longtemps. Mais maintenant qu'il avait goûté à la douceur d'une étreinte sincère, à la sensation exquise d'être écouté même s'il n'avait pas dit grand-chose… Forcément, il en voulait encore. Sauf que ce n'était pas comme ça que le monde fonctionnait. Derek avait ses affaires, ses préoccupations. Il le garderait ici jusqu'à ce que son père le réclame et c'était déjà beaucoup. Avec un manque d'envie évident, Stiles se força à boire quelques gorgées non sans grimacer. Le liquide lui faisait du bien, dans le fond, réchauffant sa gorge sèche et irritée. C'était l'idée d'avaler quelque chose qui lui donnait la nausée.
Il reposa fébrilement la tasse sur la table sans relever les yeux une seule fois. Il n'avait pas honte, il était la honte. Son corps était souillé jusqu'à la moelle et son esprit, brisé en des morceaux indénombrables. Là, dans la même pièce que Derek, il se sentait de trop. Face à cet homme qui l'avait veillé toute la nuit et recueilli sans hésiter malgré leurs différends… Il avait l'impression de ne pas avoir le droit de faire quoi que ce soit. A ses yeux, la moindre erreur lui serait fatale. Il était en train de craquer peu à peu, cette nuit n'était que la première étape. Un peu plus, et il allait définitivement tomber. Le pire, c'est qu'un simple mot de Derek pouvait le mettre à terre. Un seul et unique mot. Paradoxalement, Stiles avait besoin de rester dans le même périmètre que lui. Près de lui. A portée de ses bras… Qu'il ne rejoindrait plus. C'était mal. Il ne pouvait pas abhorrer les étreintes d'Emile et adorer celles de Derek. Certes, les intentions n'étaient pas les mêmes… Mais… Il raisonnait difficilement et sa souffrance déformait pour lui certains pans de la réalité. S'il laissait un homme le toucher, il acceptait le reste. Or, il ne voulait pas de ce fameux reste. A cela s'ajoutait la culpabilité de déranger Derek, d'avoir bousillé sa nuit et de le monopoliser malgré lui depuis qu'il était là.
- Ce qu'il s'est passé hier soir, enfin cette nuit…
- Mhm ?
- Je suis désolé, souffla l'hyperactif. Je sais que je t'ai réveillé.
Derek haussa les épaules. De cela, il s'en fichait. Pour lui, ce n'était pas important. Il s'attendit alors à ce que Stiles se perde à nouveau dans ses pensées. Que nenni.
- Je te conseille de… Soit de me faire dormir en bas, soit de… Je sais pas, en fait, murmura-t-il, complètement perdu. De mon côté, je te promets d'être plus discret.
- Plus discret ? Répéta Derek, un air perplexe se peignant sur son visage.
- Ouais, je… Je pensais pas faire de bruit cette nuit mais puisque tu es venu, c'est que je n'ai pas fait attention. Je suis vraiment désolé pour ça.
Il se sentait mal à cause de ce qu'il se sentait obligé d'avouer. Atrocement mal. L'envie d'aller se calfeutrer dans la chambre qu'il occupait à l'étage était là, plus présente que jamais. Mais par respect pour Derek, il devait dire ce qu'il avait à dire, avant que le loup ne s'imagine que, peut-être, il cherchait à attirer son attention. C'était ce que son père avait cru, sept ans plus tôt. Derek n'était pas forcément différent et Stiles n'avait absolument pas besoin de réentendre les mots qui avaient conditionné son mensonge sur le long terme.
- Pareil, tout ce que je t'ai dit… Ouais, c'est des bribes de ressentis que t'avais pas forcément envie d'entendre. Comme si ça suffisait pas, je t'ai pris pour quelqu'un d'autre… Soupira-t-il douloureusement. Désolé, je t'ai vraiment bousillé ta nuit.
Il s'en voulait, réellement. Mais il n'avait pas envie de partir. De s'éloigner de Derek. Si cette fameuse nuit lui avait bien fait comprendre une chose, c'était le fait qu'il avait réellement besoin de l'avoir à ses côtés. Sa présence… L'air de rien, elle lui faisait du bien. Jamais elle ne réparerait toutes ces choses brisées en lui, mais elle lui permettait de se reposer un peu, de penser à autre chose qu'à des mains sur son corps. Et dire qu'il s'était méfié de lui, au début ! Bordel, Derek avait empêché Emile d'abuser de lui, encore. Il l'avait sorti de sa maison et depuis, il prenait soin de lui. Comment imaginer qu'il puisse lui faire du mal ? La seule chose que craignait Stiles à l'heure actuelle, c'était de l'irriter, le déranger et provoquer son départ précipité du loft. Derek serait dans son droit, bien sûr, et l'hyperactif respecterait sa décision. Il ne dirait rien. Ne lui en voudrait jamais. Parce qu'il n'était pas un cadeau et savait que la nuit suivante ne serait pas bien meilleure que celle qui venait de passer.
Stiles se connaissait assez pour savoir que le repos n'était plus pour lui. Depuis que toute cette horreur avait recommencé, ses rêves se muaient en cauchemars, coupaient son sommeil en morceau, et il pleurait. Il pleurait parce que c'était tout ce qu'il pouvait faire.
- Stiles… Entendit-il.
Derek avait comme… Soupiré. Stiles se crispa. Pourquoi avait-il envie de s'effondrer, là, maintenant ? Parce qu'il était détruit ? Parce qu'il avait essayé de mourir ? Parce que Derek avait failli assister à une scène des plus sordides ? Parce qu'il l'aidait ? Parce qu'il l'avait étreint comme si sa vie en dépendait cette nuit ? Si peu de choses contenaient ses larmes à l'heure actuelle. Juste un semblant de motivation, ainsi qu'une marée de peur. Il en était là. A lutter pour simplement éviter de pleurer devant Derek. Un début d'après-midi, même pas une heure après s'être réveillé.
Stiles était descendu bien bas.
- Tu penses réellement que… Mais oui, bien sûr que tu le penses, soupira le loup.
- D-désolé, souffla l'hyperactif sans réellement chercher à comprendre de quoi Derek parlait.
Il s'agissait sans doute d'une forme de reproches. L'hyperactif devait se reprendre au plus vite et pensa aussi fort qu'il le put à la manière dont les bras de l'ancien alpha s'étaient refermés cette nuit sur lui. A cette douceur, cette tendresse, ce soutien. Y repenser était bien moins efficace qu'en profiter à nouveau, mais c'était tout ce qu'il avait. En fait, il y songea tellement fort qu'il eut l'impression de quitter le sol, la chaise. De se retrouver à nouveau contre ce corps chaud, ces bras resserrés autour de lui.
- Il va payer, entendit-il vaguement alors qu'il fermait les yeux. Je te jure qu'il va payer.
Mais Stiles avait l'impression que c'était l'inverse qui se produirait. Qu'il allait payer, lui, d'avoir eu un moment de répit. Il sentait le mauvais pressentiment parcourir tout son être, imprégner son âme de ce poison paranoïaque.
- Je ne te lâcherai pas, tu m'entends ?
Les bras se resserrèrent autour de lui, comme pour appuyer les paroles emplies de perspectives auxquelles Stiles voulait s'accrocher. Oui, il le désirait sincèrement, mais avait-il seulement la possibilité de le faire ? Tout avait déjà basculé et rien n'était immuable. Il pouvait sombrer, encore, tomber toujours plus bas. Parce que rien n'était fini.
- Tu me supportes pas, souffla-t-il en se pelotonnant contre ce corps si chaud.
Son besoin de lui était fou. Derek l'aidait à respirer, à ne pas s'étouffer dans ses malheurs, ses pleurs, ce brouillard suffoquant. Paradoxalement, Stiles devait essayer de se rationaliser, de se dire que ce soutien ne serait vraisemblablement pas éternel. Si son père l'avait lâché, Derek le lâcherait aussi. Alors, il se protégeait autant que faire se pouvait. Sa remarque était une manière de faire confirmer ses impressions et de garder à l'esprit que le loup le laisserait tomber dès lors qu'il effleurerait du doigt l'entière vérité. Mais au lieu de se détacher de lui comme il le faudrait – s'habituer à ce genre d'affection le mènerait à sa perte –, ses doigts se resserrèrent sur le haut de l'homme, se crispant au point de pincer la peau. Derek ne dit rien. A ce niveau-là, une si faible douleur physique ne l'atteignait pas.
- Respire, Stiles, respire…
Le ton de Derek était doux et sa voix, lente. Stiles ne se rendit compte qu'à cet instant qu'il avait commencé à hyperventiler. Son cœur battait la chamade, une multitude de sueurs froides courant sur sa peau si sensible. Peut-être que quelques larmes humidifiaient ses joues, il n'en était pas certain.
- Doucement, Stiles.
Oui, doucement. Il devait se calquer sur le rythme cardiaque du loup qui l'étreignait, loup qu'il ne craignait plus vraiment. Loup dont la présence lui devenait indispensable. Il l'avait compris cette nuit, alors que Derek était venu le rejoindre et qu'il avait passé des heures à l'écouter, le câliner, le calmer. Le tout, sans le juger, le critiquer, s'agacer. Bordel, Stiles avait réellement besoin de lui. Il était un phare éclairant la nuit perpétuelle de son esprit dont les morceaux flottaient péniblement dans sa tête. Chaque fois, une vague les recouvrait mais un effort de sa part les ramenait difficilement mais sûrement à la surface.
Stiles fit de gros efforts, respirant lentement et se calquant sur la démonstration que lui faisait Derek sans jamais l'éloigner. Et lorsqu'il se fut calmé, l'hyperactif sentit soudainement l'épuisement l'écraser comme une chape de plomb. Son front atterrit contre l'épaule de Derek tandis que ses doigts desserrèrent leur prise sur le haut malmené. Il avait les yeux fermés et se sentit faiblir, comme si à la fatigue mentale s'ajoutait celle, plus insidieuse, de son corps. Pas inattendue, mais fourbe tout de même. Et, plus par nécessité que par choix, il se laissa aller contre ce corps rassurant, ce torse qui ne lui était pas synonyme de prison. Ses jambes décollèrent du sol sans qu'il ne fasse rien et il sentit la chaleur se déplacer légèrement. Les mains migrèrent sous les cuisses de l'adolescent qui ne protesta pas et passa ses bras autour de ce cou sans jamais rouvrir les yeux. Le loup avança, le porta sans même qu'il s'en rende compte. S'il n'était pas déjà épuisé par tout ce qu'il avait vécu, Stiles lui aurait fait remarquer leur position étrangement intime. Avec un sourire, peut-être. Une intonation sarcastique, une sorte de moquerie gentillette.
Et puis, juste comme ça, Stiles se déconnecta de la réalité.
xxx
Stiles fronça les sourcils alors qu'il émergeait en douceur. Il avait la bouche pâteuse, les membres lourds et la tête douloureuse. Mais ce qui le réveillait n'était pas l'impression d'avoir dormi assez longtemps pour le mettre en forme. Non, il s'agissait d'un poids sur son ventre. Un poids léger, mais assez important pour titiller le semblant de curiosité qu'il lui restait. D'un geste mou et lourd, Stiles sortit sa main de sous ce qui semblait être un plaid et alla tâter son ventre.
Sauf qu'il n'avait pas le souvenir d'avoir un ventre aussi poilu. Aussi doux. Doux comme de la soie.
Stiles fronça d'autant plus les sourcils en réalisant qu'il ne pouvait techniquement pas sentir son ventre directement, puisqu'il sentait désormais nettement la couverture étalée sur tout son corps. Il avait le souvenir des cheveux de Derek, doux également, mais pas à ce point-là – d'autant plus que penser à ses cheveux était aussi étrange que mal venu. Là, c'était… En tâtant un peu plus, l'hyperactif en déduisit définitivement qu'il s'agissait de poils. Mais des poils de quoi ? Décidant d'en avoir le cœur net et outrepassant sa fatigue loin d'être évaporée, Stiles ouvrit les yeux et se redressa légèrement.
L'adorable vision qu'il avait sous les yeux le laissa bouche bée et la petite boule de poils, sans faire un bruit, bâilla d'une manière atrocement mignonne et se leva, avant de s'installer paresseusement contre sa hanche. Stiles se redressa encore un peu mieux, faisant couiner l'adorable petit chat qui se lova d'autant plus contre lui. Les yeux ronds, l'hyperactif ne put esquisser un geste et pas seulement parce qu'il ne s'attendait pas le moins du monde à se réveiller avec un minuscule félin au départ avachi sur son ventre. Le ronronnement de l'animal lui parvint assez vite et Stiles commença à comprendre sa propre réaction.
La douceur et la mignonnerie du chaton contrastaient avec son malheur actuel. Le petit félin se pressait contre lui avec une confiance inédite, une confiance que l'hyperactif ne s'accorderait pas lui-même. Et juste… Juste sa présence lui mit du baume au cœur. D'un geste délicat, Stiles attrapa le chat au pelage tigré qui, s'il couina, agacé, finit par se lover dans ses bras. Le jeune homme s'adossa confortablement contre le dossier du canapé et garda l'animal doucement pressé contre lui, déjà rendormi. La question de savoir ce qu'il faisait là lui traversa bien évidemment l'esprit, mais Stiles choisit sciemment d'éviter de se la poser directement. Le chaton lui offrait, plus ou moins directement, une échappatoire qu'il saisissait de bon cœur. La manière dont il était détendu dans la chaleur de ses bras le rendit toute chose. Sans être un chat, serait-il un jour capable de se lover sans crainte dans les bras de quelqu'un ? D'échanger une étreinte après l'amour ? De simplement faire l'amour ? De faire confiance au point de s'abandonner ? En soi, Stiles laissait déjà quelqu'un l'étreindre sans trop de crainte. Les bras de Derek avaient quelque chose de rassurant, de familier. Mais la manière dont il lui laissait le champ libre relevait davantage de l'ordre du besoin. Stiles n'arrêtait simplement pas de craquer, parce que ça n'allait pas, parce qu'il était tout bonnement en train de s'effondrer, lentement. Et là, juste le temps de quelques minutes, il tenait un chaton dans ses bras. Un chaton qui, sans le connaître, lui faisait aveuglément confiance. Se calant un peu mieux, l'hyperactif caressa d'une main l'adorable boule de poils qui semblait l'avoir d'ores et déjà adopté. Il ne sourit pas, mais une étincelle aussi fugace qu'étonnante apparut dans ses yeux encore un peu endormis. Stiles se sentait patraque, lourd, un peu pâteux, mais rien que quelques minutes de plus ne finirait par partiellement effacer.
- Stiles ? Oh, je suis désolé !
L'hyperactif sursauta et fit couiner le chaton, dérangé par le léger spasme que l'humain n'avait pu contrôler. Humain qui releva un regard incertain vers Derek.
- Je ne savais pas que… Que tu avais adopté un chat, souffla-t-il en baissant les yeux.
D'autant plus que c'était extrêmement récent. Stiles avait dû faire une petite sieste, dormir quelques minutes et il aurait pu parier que le chat ne se trouvait pas dans le loft avant son… Endormissement ? Sa perte de connaissance ? Stiles ne savait plus vraiment ce qu'il s'était passé pour qu'il se réveille sur le canapé, un chaton confortablement installé sur son ventre.
Le loup vint s'assoir à côté de lui, un air embêté collé au visage et approcha sa main du chat qui, en réponse, se cala d'autant plus contre le torse de Stiles. Pas comme s'il le fuyait. Plutôt comme s'il voulait montrer de manière claire qu'il n'était pas près de quitter le nid douillet qu'il s'était approprié de sitôt.
- Je l'ai trouvé en descendant les poubelles il y a une heure, je ne l'ai pas… Adopté. Tu n'es pas obligé de le garder sur toi, passe le moi, fit le loup en tendant les mains.
Consciemment ou non, Stiles resserra légèrement son étreinte sur le petit ange dans ses bras et secoua la tête.
- Non, je… Il est mignon. Il ne me gêne pas du tout, articula l'hyperactif.
Il avait peu, si peu envie de parler ! Tout ce qu'il avait l'impression de vouloir à cet instant, c'était caresser et cocooner ce petit chat dans un silence entrecoupé par une chose : ses ronronnements discrets. Il aimerait également faire cela en étant contre Derek. Mais ça, il s'interdit de continuer de le penser. Plus qu'irraisonnable, c'était contradictoire. En lui continuait de se jouer le parallèle maudit. S'il acceptait de laisser un homme être ainsi avec lui, il donnait presque raison à celui qui l'avait, et c'était d'autant plus visible dans sa manière de réfléchir, détruit. Peut-être penserait-il autrement si tout n'était pas aussi frais. Si cette ordure n'avait pas eu l'occasion de recommencer.
- T-tu lui as donné un nom ? S'entendit-il demander à un volume si bas qu'au départ, il ne sut s'il avait réellement prononcé ces mots.
- Non, je compte l'emmener chez Deaton dans la semaine. Je me dis qu'il est le plus à même de lui trouver une famille.
Stiles hocha simplement la tête sans la relever vers le loup, tandis qu'une tristesse inouïe l'envahit, pour il ne savait quelle raison. Sans doute parce qu'il adorait les chats, qu'il en avait toujours voulu un. Mais que son père avait toujours refusé. Son excuse ? Pas le temps de s'en occuper. L'hyperactif n'avait jamais osé le contrarier à ce niveau-là, tout comme il n'osait plus lui demander grand-chose depuis ses onze ans, au final. Pour être honnête, tenir ce petit chaton contre lui et sentir sa confiance aveugle lui faisait du bien. Dans une moindre mesure, certes, mais c'était un fait.
- Tu le veux ? Entendit-il.
Stiles, qui persistait à ne pas vouloir relever la tête et à éviter le regard de son protecteur, se maudit. Bien évidemment, le loup avait dû sentir son odeur, ses émotions. Et les avaient interprétées ainsi.
- Si… Si mon père ne faisait pas partie de l'équation… Je t'aurais sans doute dit oui, répondit-il en se positionnant mieux pour, d'une main, caresser la tête du petit félin. Dans le futur, si je finis par avoir mon propre chez moi, peut-être… P-peut-être que j'en prendrai un.
Stiles s'était confié sans réellement s'en rendre compte. Ses doigts allaient et venaient avec une délicatesse infinie sur la petite tête toute douce. Il entendait autant qu'il sentait le chaton ronronner et… Il aimait ça. Il aimait beaucoup ça. C'était un léger baume sur ses blessures intérieures, un vent frais refroidissant les brûlures volcaniques de sa psyché. Concentré sur sa tache, il ne vit ni n'imagina le regard que Derek avait posé sur lui. Un regard empli de peur, d'incertitudes. D'une souffrance qu'il peinait à contenir et c'était d'autant plus surprenant qu'il en avait pourtant l'habitude, lui qui portait le poids de la mort de sa famille sur sa conscience. Ce qui l'avait marqué ? Le « si » de Stiles. Un « si » qui signifiait bien plus de choses qu'il n'y paraissait. Le si de l'incertain, du doute. L'hyperactif n'était même pas sûr d'avoir un futur, un avenir. Il parlait peu, moins qu'avant, mais ses mots avaient toujours autant de portée. Une portée monstrueuse. A eux seuls, ils montraient au loup tout un monde qu'il ne soupçonnait pas. Ils lui donnaient un aperçu de l'état de la psyché de Stiles. Se retenant de poser sa main sur son épaule, il musela ses instincts lupins, ceux qui lui soufflaient de l'étreindre et de le câliner à n'en plus finir. Stiles avait eu beau se laisser aller contre lui, Derek n'oubliait pas qu'il se crispait à la plupart des contacts. S'il avait tendance à s'habituer lorsqu'ils venaient de lui, l'ancien alpha tenait à le mettre à l'aise.
- En attendant, commença-t-il après s'être raclé la gorge, tu veux lui donner un nom ?
Stiles stoppa ses caresses et pour la première fois, releva la tête vers le loup. Il manqua d'avoir un mouvement de recul. Si proche et si loin à la fois. Cette pensée fugace lui serra le cœur mais il refoula l'envie de retrouver ses bras et ce réconfort étrange qu'il semblait capable de lui apporter.
- Pourquoi… Pourquoi faire ? Articula-t-il.
Derek sembla gêné un instant, mais Stiles n'y fit pas plus attention que cela.
- Eh bien en attendant… Il va rester ici, on ne va pas juste l'appeler « le chat ». Par contre, essaie d'éviter les Caramel, Grisouille, Neige…
Un micro-sourire étira les lèvres de Stiles qui baissa à nouveau les yeux sur son joyeux fardeau tandis qu'une douce chaleur s'insinuait lentement en lui.
- Je suis d'accord avec toi, c'est cliché, lui assura-t-il, la voix toujours aussi basse. Par contre… Tu ne devrais pas me laisser le choix, j'ai tendance à privilégier les trucs ridicules au profit de choses plus… Normales.
- Fais-toi plaisir, dit simplement Derek, esquissant un très léger sourire à son tour.
En lui, son animal gémissait pitoyablement pour ne serait-ce que se rapprocher de l'hyperactif chez qui il sentait enfin quelque chose d'un tantinet positif. Le loup noir voulait lui lécher le visage pour lui montrer le bonheur qu'il ressentait.
- Ne m'encourage pas, le prévint doucement l'hyperactif, dont l'humeur continuait de s'alléger petit à petit.
- Tu as carte blanche, insista Derek.
- Je sais pas… C'est un mâle, une femelle ?
Il ne chercha même pas à vérifier, Derek non plus. L'un comme l'autre ne désirait pas déranger le petit félin pendant son sommeil bienheureux. Une chose était certaine : les bras de Stiles lui convenaient parfaitement. Et ce tableau, si simple et si futile, fit oublier à Derek, l'espace d'un instant, que tout allait mal. Mais la petite boule de poil, qui l'avait séduit lorsqu'il était allé descendre les poubelles, avait un pouvoir à nul autre pareil, celui de changer les idées de son protégé et par extension, les siennes.
- Au pire, Pyjama, ça va, peu importe le sexe, finit par lâcher l'hyperactif.
Derek haussa un sourcil, peu certain d'avoir compris ce qu'il avait entendu tant ce qu'avait sorti l'adolescent était… Incongru.
- Pyjama ? Répéta-t-il.
- Pyjama, confirma Stiles en continuant de câliner le chaton qui vivait sa meilleure vie.
L'expression de son visage ne changeait pas, et son regard restait fixé sur son précieux fardeau.
- C'est un prénom ça ? Demanda lentement le loup alors qu'il avait envie de rire, au fond.
- A partir de maintenant, oui.
Si les lèvres ne souriaient plus, la voix de l'hyperactif portait un peu plus. Elle était un peu moins soufflée et l'on sentait le sourire qui avait traversé l'odeur du châtain. Parce qu'il oubliait. Dans un sens, il oubliait. Il vivait une situation plus ou moins normale, légère, et son esprit entier se concentrait dessus, faisant passer tout le reste au second plan. Si Derek avait cru que la simple présence d'un chaton allait l'aider à s'ouvrir un peu ? Non, il ne l'avait même pas imaginé. Il avait juste récupéré ce petit être traînant près des poubelles en bas de l'immeuble et son cœur bien plus tendre qu'on ne l'imaginait avait pris le dessus. Il avait été incapable de se résoudre à le laisser juste là, cherchant péniblement sa nourriture parmi la nuée de déchets disponibles. Il lui avait ensuite donné un peu de lait, quelque chose qu'il pouvait manger… Et l'avait, bien plus tard, trouvé dans les bras de Stiles, dont il semblait s'être entiché. Stiles, qui continuait de l'inquiéter. Stiles, qu'il avait eu peur de laisser seul le temps de descendre les poubelles. Stiles, qu'il craignait de perdre à chaque instant. Stiles, qui serrait son cœur d'une bien étrange manière.
Stiles qui, enfin, s'autorisa un début de sourire timide alors que le chaton se blottissait paresseusement contre lui, enfouissant son minuscule museau rosé dans les plis de son t-shirt.
