Chapitre 1

Les premières lueurs du jour avaient tout juste commencé à apparaître lorsqu'il s'était réveillé.
Il avait mis à contribution toutes ses capacités en furtivité acquises au cours de ses dernières années pour sortir du lit sans déranger le sommeil de la jeune femme couchée à côté de lui, et avec laquelle il avait passé la nuit.

Il s'empressa de se rhabiller, avant de se diriger vers le sac à main de son hôtesse qui avait été négligemment balancé sur le canapé. Il en fouilla délicatement le contenu à peine quelques secondes avant d'en sortir un trousseau de clés et de passes magnétiques. Et toujours sans faire presque aucun bruit.

Ses Chefs lui avaient spécifié que l'objet de leur quête se trouvait dans un bâtiment doté d'un système de sécurité moldu dernier cri. Et comme leur équipe de "grosses têtes" n'avait pas encore eu la possibilité de tester les éventuelles réactions de cette technologie à la magie; ils avaient jugé plus sage d'adopter une approche majoritairement moldue.

Il sortit alors - dissimulée dans une poche intérieure de sa veste - sa baguette magique avec laquelle il fit une parfaite copie carbone du trousseau avec l'aide d'un sortilège de duplication informulé.

Après quoi, il rangea l'original à sa place et la copie fraîchement effectuée dans une des poches externes de sa veste.

Toutefois, il n'en fit pas de même tout de suite avec sa baguette, car il venait d'avoir l'idée de laisser un petit cadeau à la jeune femme.

Toujours sans qu'aucun mot ne sorte de sa bouche, il fit apparaître une magnifique rose blanche ainsi qu'une petite note disant: "Prend bien soin de toi".

Il était conscient que le coup de la rose était terriblement cliché; mais si elle pouvait remonter un peu plus le moral de cette chic fille, en plus du moment qu'il lui avait offert: alors au Diable les potentielles moqueries.

Il avait quitté l'appartement et l'immeuble aussi discrètement et silencieusement qu'un fantôme.
Il avait décidé d'aller directement aux locaux qu'il ciblait tant qu'il était encore si tôt. À cette heure-ci, les seuls obstacles humains qu'il pourrait y rencontrer étaient les deux vieux gardiens fatigués et le personnel de ménage.

Un vrai jeu d'enfant à esquiver! Même sans magie! D'autant plus qu'il était dorénavant en possession des clés de la baraque.

Et concernant ces dernières, à dire vrai, il ne lui aurait pas été nécessaire d'aller jusqu'à laisser la fille le ramener chez elle pour les obtenir. Il aurait pu très facilement les lui subtiliser dans son sac - pendant qu'elle était occupée à pleurer dans le verre qu'il lui avait offert dans le bar où il l'avait approché - au sujet de son salaud de patron. Il lui aurait ensuite juste fallu prétexter un passage aux toilettes, les dupliquer là-bas, revenir les remettre à leur place ni vu ni connu, et enfin partir un peu plus tard.

Néanmoins, au fur et à mesure qu'elle s'était confiée à lui, il avait vraiment eu de la peine pour elle; et avait amèrement regretté que son ordre de mission ne fut pas d'éclater ce type. Merlin savait à quel point il ne supportait pas ce genre de raclure de fond de chiotte!

Mais pour revenir à sa tâche: non seulement le personnel déjà présent à cette heure dans le bâtiment ne lui posèrent aucun problème, mais les caméras de surveillance non plus. Deux jours auparavant, l'équipe des "grosses têtes" avait réussi à pirater les plans des lieux afin de savoir où elles étaient placées. Il y avait potentiellement eu les deux dernières qui auraient pu être embêtantes. Même avec un sort de désillusion. Le type chargé de garder les yeux fixés sur les écrans de contrôle aurait quand même trouvé bizarre de voir une porte et un coffre s'ouvrirent tout seuls. Fort heureusement, il avait en sa possession un petit gadget bien utile. Cela ressemblait à une sorte de pastille - savant et ingénieux mélange entre technologie moldue et magie - que lorsqu'on la collait sur une caméra elle continuait de diffuser les dix dernières minutes enregistrées sans que le time-code ne s'en trouve altéré.

Du coup grâce à ça, il pu facilement maîtriser la caméra filmant la porte du bureau à l'extérieur, de même que celle braquée sur le coffre à l'intérieur de la pièce. D'ailleurs, il eut un ricanement sardonique en voyant ce dernier.

"Ce type est décidément un minable sous toutes les coutures - songea t-il. Il doit probablement se la péter partout d'avoir un système de sécurité haut de gamme, alors qu'il range ses documents sensibles dans un modèle de coffre-fort moldu datant de presque deux siècles. Ça ne m'étonnerait pas qu'il pense que ça lui donne un genre"

Il eut juste à lancer un petit alohomora et le tour fut joué. En plus, ce qu'il était venu chercher lui fut à la limite jeté directement dans ses bras, puisqu'il n'y avait qu'un classeur à l'intérieur.

Toutefois, il prit tout de même quelques instants pour en consulter le contenu, avant de se lancer des fleurs. Et plus il avançait dans sa lecture plus un sourire satisfait et mauvais se dessinait sur son visage, car au vu de ce qu'il y avait là-dedans, cette gentille fille allait bientôt être débarrassée de ce connard et de ses sales pattes baladeuses. Sans compter qu'il savait maintenant comment ça se passait dans les prisons moldues. Et la perspective que ce fils de troll allait probablement goûter à sa propre médecine dans les douches le réjouissait.


Hermione avait connu mieux comme début de semaine de cours. Elle avait eu du mal à se concentrer plus de cinq minutes durant toute la journée. Déjà que la veille, elle avait peiné à rédiger ses deux dissertations. Elle avait eu aussi un sommeil rempli de cauchemars. Sa conversation avec Ginny l'avait faite ruminer sur pas mal de choses extrêmement pénibles et dérangeantes. Et plus particulièrement concernant la mort de Drago Malefoy, et de la façon assez abrupte dont elle l'avait apprise.

Elle n'avait pas besoin d'une pensine pour s'en souvenir; car bien que ça faisait trois ans, elle s'en rappelait aussi clairement que si ça venait tout juste de se passer.

Cette tragique nouvelle était tombée publiquement le jour du procès de Lucius Malefoy qui ne se déroula nullement dans le calme, puisqu'à peine rentré dans la salle, le prisonnier avait aussitôt explosé en hurlant avec haine au gens des autorités présents qu'ils avaient un sacré culot de le juger alors que son fils venait de mourir, et que c'était eux qui l'avaient tué.

Bien entendu, plusieurs hoquets de surprise et murmures d'incompréhension s'étaient fait entendre. D'ailleurs, avec Harry et Ron ils s'étaient tous les trois regardés l'air ahuri en se demandant de quoi le père Malefoy parlait.

En entendant ça, une membre du Mangenmagot avait rapidement bondit sur ses pieds, et avait assené sèchement à Lucius que lui non plus ne manquait pas de toupet pour faire son cirque alors que lui et son copain psychopathe, reptilien et faux sang-pur étaient bien plus responsables qu'eux du suicide de son fils.
Ce qui bien entendu, au lieu de faire baisser d'un ton l'interpellé, ne fit que l'enrager encore davantage, et qu'ils furent par conséquent obligés de le faire sortir, pendant qu'il tentait de maudire sur les dix prochaines générations le truie qui avait eu l'outrecuidance de lui dire ça.

Néanmoins, ça n'empêcha pas le procès - qui de toute façon n'avait été là que pour la forme - de se dérouler quand même. Le Mangenmagot n'avait pas jugé sa présence obligatoire dans la mesure où la sentence avait déjà été décidée, car le coup de l'impérium ne marcherait pas deux fois; et que le théâtre du père fou de chagrin ne ferait pas non plus fléchir leur décision.

De plus, les journalistes présents dans la salle n'avaient même pas eu la décence de cacher leur délectation des évènements. Ils avaient tout de suite su qu'ils allaient faire leur beurre avec cette histoire.

Et ça avait beaucoup énervé et indigné Hermione. Alourdissant davantage l'énorme poid qui lui était tombé dans l'estomac à l'annonce du suicide de Drago Malefoy.

Mais l'instant où cette tragédie devint l'initiatrice de la descente aux enfers de sa relation avec Ron se manifesta dès le soir même.

Ils s'étaient tous les trois réunis au Square Grimmaurd pour être un peu tranquilles. Puis, ayant marre de l'humeur maussade de Harry et Hermione durant tout le reste de la journée, Ron avait craqué et fini par leur demander ce qu'ils avaient à faire une tête de six pieds de long. Le Survivant avait eu le malheur de lui répondre qu'il se sentait assez mal par rapport à Malefoy. Et le rouquin n'avait rien trouvé de mieux à lancer avec un mépris nullement contenu qu'il ne comprenait pas pourquoi il faudrait être désolé pour lui après tout ce qu'il leur avait fait voir durant leur scolarité. Que de toute façon, c'était bien mieux comme ça; et qu'au moins, le monde serait définitivement débarrassé des Malefoy.

Hermione avait été tellement choquée et horrifiée par ses propos qu'elle en était restée sans voix.

Néanmoins, ça ne l'avait pas empêché de réagir, car elle l'avait giflé tellement fort qu'il avait dû se rattraper à quelque chose pour ne pas finir sur le sol. Après quoi, elle avait couru en quatrième vitesse jusqu'aux toilettes pour y vomir. La fureur qu'il lui fit ressentir avait au moins eu le mérite de l'aider à se soulager un peu du poids qu'elle avait sur l'estomac.

Bien qu'elle n'avait pas été là pour voir la réaction de Harry, elle savait qu'il n'avait rien dit non plus; mais avait quand même gratifié Ron d'un regard noir, avant de venir prendre soin d'elle.

Ils en avaient ensuite parlé entre-eux deux; et son frère de cœur le lui avait alors confié qu'il se sentait un peu coupable du suicide de Malefoy.
Sur le moment, elle n'avait pas trop compris pourquoi; mais il lui avait alors expliqué qu'il s'en voulait de ne pas avoir un peu plus insisté auprès des autorités sur l'inutilité d'enfermer Drago alors qu'il leur avait bien spécifié qu'il ne représentait aucune menace, et qu'en plus il lui avait sciemment plusieurs fois sauvé la vie.

Toutefois, ils lui avaient répondu qu'ils en étaient parfaitement conscients; mais que comme il était catalogué comme mangemort auprès de la population, ils avaient jugé préférable - dans l'espoir de préserver une certaine paix sociale - de l'incarcérer quand même, le temps que tout le monde se calme et pansent un minimum leurs blessures.

Bien que Harry avait saisi l'idée, il n'avait cependant pas vu où était la nécessité de le couper de tout et tout le monde. De totalement l'isoler. Aucune visite ni aucun courrier. Rien de chez rien.

Et c'était là qu'il s'en voulait. Parce que le fait d'avoir privé Drago de tout, même de sa mère qui était le seule chose qui le faisait encore tenir alors qu'il était complètement détruit, fut probablement ce qui l'amena à commettre son geste. Si le Survivant avait un peu plus poussé pour qu'il soit simplement placé en résidence surveillée avec sa mère, il serait peut-être encore en vie.

Hermione avait bien compris son sentiment de culpabilité, car elle-même en ressentait un. Elle avait sans doute même encore plus honte que lui dans la mesure où elle avait à moitié oublié Malefoy, et n'avait nullement songé - contrairement à son amis - à glisser aussi un mot en sa faveur. Et peut-être que sa parole cumulée à celle de Harry aurait fait se passer les choses différemment.

Par ailleurs, quand on y regardait bien: en pointant directement du doigt les autorités, Lucius Malefoy n'avait eu complètement tort. Bon! Lui et l'autre serpent étaient certes les plus gros coupables dans l'histoire. Mais le Ministère avait aussi sa part de responsabilité. N'en déplaisait à celui-ci!

Pour ce qui était de la deuxième fois où Drago Malefoy avait été la plus grosse pomme de discorde entre Hermione et Ron, mais également le dernier clou dans le cercueil de leur couple, fut lorsqu'elle lui avait fait part de sa décision suite à son petit écart avec Lavande.
En ce qui concernait ce détail, elle avait été mise au courant par Neville qui les avait surpris au Chaudron Baveur dans une situation qui n'appellait à aucun malentendu. Et le jeune homme avait été tellement furieux contre Ron qu'il n'avait pas pu laisser passer ça - malgré son amitié avec lui - et s'était empressé d'aller le balancer à Hermione.

Mais malgré sa tromperie, elle n'avait pas décidé au départ de rompre définitivement. Elle avait plutôt pensé préférable qu'ils prennent complètement leurs distances durant un certain temps, et d'en profiter pour réfléchir et tout mettre à plat calmement chacun de leur côté.
Et ce fut lorsqu'elle le lui annonça que ça avait rapidement dégénéré. Après tout, c'était lui qui avait brandi le spectre de Drago Malefoy alors qu'il n'avait absolument rien à voir dans l'histoire.

Cependant, Hermione avait tout de suite compris pourquoi il l'avait invoqué. Il savait qu'elle ne lui pardonnait pas ses paroles suite à sa mort, et qu'il avait dû penser que c'était bien plus à cause de lui que de Lavande qu'elle avait voulu le quitter.
Mais en même temps, ça avait été tellement facile pour Ron de se cacher derrière le fantôme de quelqu'un qu'il avait détesté, et de tout rejeter sur lui pour ne pas assumer ses propres conneries.
Ce qui lui valut en récompense de cette stratégie une nouvelle gifle magistrale.
Du coup, avec sa réaction à la con il avait tout gagné, puisqu'il avait une fois de plus tellement écœuré et déçu Hermione, qu'elle avait finalement opté pour la rupture définitive, alors qu'à la base elle avait seulement décidé d'une pause.
Suite à ça, elle ne lui avait plus adressé la parole pendant plus d'un an.

Et en y réfléchissant bien, elle trouvait encore pratiquement trois ans après drôlement cocasse que Drago Malefoy - qui n'avait rien fait ni rien demander au vu de sa condition - parvienne à se dresser entre elle et Ron que tout semblait pourtant destiné l'un à l'autre. On le leur aurait prédit ça pendant qu'ils étaient encore à Poudlard: l'école toute entière aurait sûrement à coup sur hurlé de rire. Même les gargouilles.


Après une nouvelle longue et éprouvante journée de travail, l'homme qui venait de rentrer chez lui se traîna jusqu'à son salon où il utilisa sa baguette pour allumer la cheminée et se servir un verre.
Après quoi, il se laissa lourdement choir dans son fauteuil préféré en lâchant un soupir à déraciner un arbre.

Il songea qu'il était probablement trop vieux pour ses conneries. Il lui arrivait aussi fréquemment de se demander s'il n'avait pas des tendances masochistes pour s'infliger à lui-même autant de boulot.

"Et en plus, il suffit que j'y pense pour qu'il me tombe dans les bras" - souffla-t-il après avoir senti une petite vibration contre son torse.

Sa journée n'était apparemment pas encore totalement finie.
Il sortit alors doucement - habilement dissimulé dans sa robe de sorcier - un téléphone portable qu'il actionna afin de consulter le message qu'il venait de recevoir.

Celui-ci disait:

"Odin,

Le champ est prêt à être labouré! Loki est rentré au nid et nous a ramené un joli petit sac de graines! Et au vu de la qualité de ces dernières, la récolte devrait être excellente!

Frigga"

L'homme sourit avec satisfaction en buvant une gorgée de son whisky pur-feu. Une tonne de travail l'attendait certes encore. Mais ça en valait tellement la peine au bout du compte.

à suivre