Playlist
« If the world was ending » Julia Michaels, JP Saxe
« Running low » Shawn Mendes
« Golden thing » Cody Simpson
« Ocean between us » The Icarius account
« Empty space » James Arthur
« Cloud » Before you exist
PARTIE NUMERO DEUX: rallumer les étoiles
Chapitre numéro seize
Point de vue d'Illium
« Qu'est-ce qu'il se passe ici ? » dis-je en atterrissant sur le sol.
L'air autour de nous est plus lourd que d'habitude. La ville semble s'être mise sur pause pour une raison que j'ignore encore et le silence règne, ce qui est inquiétant. La ville de la Grosse Pomme n'est pas réputée pour être silencieuse. Une sorte de brume flotte au-dessus du fleuve qui entoure le ponton sur lequel nous sommes. Des formes flottent sur l'eau sans que je ne les distinguent de manière précise. Un courant d'air m'interpelle, Jason atterrit à côté de moi et son regard balaye le paysage qui se déroule sous nos yeux. On dirait une scène extraite d'une mauvaise série télé ou si vous aimez les films d'épouvantes, elle est digne d'un de ces film. Aucun de nous ne prononce un mot face à ça. Il n'y a rien à dire, l'incompréhension sur nos visages est la seule réponse, si on peut appeler ça une réponse. Jason me laisse seul une minute face à ce triste spectacle pendant qu'il part se renseigner auprès de Venin qui se tient près d'un lampadaire. Le vampire semble inquiet. Ils discutent ainsi quelques minutes sans que je ne prête attention à ce qu'ils disent. Je regarde à nouveau le fleuve en me demandant le pourquoi du comment, Jason a été convié et Venin a été convié aussi. Le personnel de la Tour s'affaire à récolter des indices. Je n'ai pas su déterminer la cause de ce changement de couleur de l'eau. La Cascade ne laisse pas d'indices. Elle laisse des traces irréversibles. Je ne sais pas quoi dire. Il y a des scènes que l'on n'oublie pas lors de nos enquêtes et je pense pouvoir ajouter celle-ci à la liste.
« Pendant que tu étais dans les airs, as-tu vu ce qu'il flottait à la surface de l'eau ? ».
Non que les lumières des immeubles aient changé quoique ce soit mais il y a une étrange odeur quand j'ai survolé le fleuve. Ce n'est pas une odeur de pluie ordinaire. Quand il pleut, un parfum se dégage du sol et se mélange à l'air. Je n'ai pas non plus essayer d'effleurer l'eau de mes doigts au risque qu'elle soit brûlante, irritante ou toxique. Il y a eu des soucis avec l'eau potable deux semaines avant ce soir, on a fait distribuer de l'eau en bouteille le temps que le soucis soit réglé. On ne peut pas savoir ce que la Cascade est capable de faire dans ses moments-là. Je ne sais pas quoi répondre à l'ange aux ailes noires à côté de moi ni au vampire en costume et aux lunettes miroitantes qui revient vers nous.
« Non, la brume masque les objets en question. Qu'est-ce que c'est ? ».
« Des violons » intervient Jason. « Reste à savoir comment ils sont arriver là, ils sont probablement fichus ».
« Illium, peux-tu faire un tour pour voir les conséquences vu d'en haut ? On a besoin de renseignements. Le détroit d'East river est rouge. Jason va du côté du pont de Manhattan s'il te plait. Dmitri est déjà sur place ».
« Ok, je vais survoler la zone » répondis-je tandis que Jason se contente d'un hochement de tête.
Je dis ça sans grande conviction car je ne vois pas ce que je peux trouver dans le secteur, il y a un brouillard épais cette nuit. Les immeubles scintillent comme des points lumineux flous. Le fleuve est entièrement rouge. Quand Dmitri a évoqué la Cascade, je ne pensais pas être confronté à ça. Elle laisse des traces partout. L'eau est rouge. Rouge comme du sang mais je doute que l'Archange de Chine ait décidé de se venger en changeant l'eau du détroit par de l'hémoglobine, ce qui semble l'être en tout cas car on en sait encore rien, il faut attendre les résultats des analyses de l'eau. Cette vision me donne froid dans le dos. Je n'ai jamais vu une scène aussi glauque de ma vie. L'atmosphère parait comme mise sur pause. Le ciel devient sombre au fil des minutes, j'ai intérêt à rejoindre le ponton avant de me perdre dans ce brouillard. J'inspecte les alentours sans rien constater d'autre de plus grave. L'eau est lisse. Sa couleur est foncée et la texture de l'eau semble épaisse sans que je n'en détermine davantage d'indices. Une goutte me tombe sur la tête. Sur l'instant, je ne dis rien, si la pluie décide de se manifester je ne peux rien faire. Sauf que l'eau est plus légère de ce qui me tombe sur la tête, la texture ici est plus épaisse et elle a une odeur de fer. Contre toute attente, j'atterris le premier sur le lieu dont Dmitri nous a parlé, le parc donne sur l'East river, une vue imprenable à 180 degrés sur les buildings. Trois véhicules des équipes de la Tour sont présents, la police aussi. Venin est spectateur de la scène comme Jason qui vient d'atterrir à côté de moi. Il me tend des mouchoirs pour que je m'essuie un peu.
« Il pleut du sang » constatais-je. « L'eau est rouge comme du sang ».
« Des échantillons ont été recueillis » répond Venin.
« La Cascade ? » demande l'ange aux ailes noires.
« Possible. En tout cas, elle va se perpétrer encore. Le sang qui tombe du ciel, qui recouvre l'eau, d'autres phénomènes vont se manifester. Ça va Campanule ? ».
« Je…Je ne me sens pas très bien » dis-je.
Je dois m'éloigner de mes camarades. Penser et respirer en même temps est difficile. Ma tête tourne. Ma respiration est saccadée et je ne sais plus quoi penser. Le monde me semble hors de portée, j'ai envie de m'asseoir et de mettre mes mains sur mon visage. Ne plus penser aux éventuelles conséquences de la Cascade qui plane encore au-dessus de la ville, au-dessus de nos tête en général. Je doute que ce soit le bon moment d'y penser.
Je me penche pour essayer de vomir mais rien ne viens, je tente de fermer les yeux et de me concentrer sur ma respiration quelques secondes. J'ai l'impression que tout part en vrille autour de moi. La Cascade est en train de se manifester et visiblement ma santé empathie; idem pour ma santé mentale. Les idées encore floues, je me redresse et m'adosse à un arbre pour tenter de profiter de la fraicheur de la nuit. Mon front est perlé de sueur. La nuit va être longue si l'enquête dure. Je m'en veux de m'être écarté dix minutes. L'ombre d'un vampire ne me fait même pas lever la tête. J'enlève le sang de mes yeux comme je peux et froisse mon sweat pour l'éponger.
« Ça fait combien de temps que tu es malade ? ».
« Je… ».
« Ton bras ».
Venin a raison, mon bras scintille. Le tatouage est certes caché sous un bandage car je masque mes coupures sur la peau pour n'éveiller aucun soupçon, je prétexte des foulures, une brûlure liée à un court circuit d'un changement d'ampoule mais il scintille à travers. Inutile de mentir, je suis très mauvais à ce jeu. Comme si changer une ampoule était quelque chose de dangereux pour moi alors que je manie des armes et que j'affronte les déluges d'une Archange folle alliée. C'est un moyen de noyer le poisson en ce qui concerne mon mal-être. Mon sang ne fait qu'un tour quand j'y jette un œil. Le bandage n'est plus blanc, il est fluorescent. Rien de bon je présume. Je détourne le regard vers le vampire et répond quelque chose de banal pour inquiéter personne. Peut-être aussi est-ce une réponse pour me rassurer le temps d'une seconde. Aucune idée et je n'ai pas le temps d'y réfléchir cette nuit.
« C'est rien » dis-je simplement pour ne pas me rendre à l'évidence.
Le vampire est dubitatif mais je ne souhaite pas répondre à sa question. Essayer de noyer le poisson n'est pas une bonne idée je sais. La solution de facilité par excellence. Ne pas croiser son regard plein de questions me serre déjà le ventre. Cacher mes émotions est difficile ce soir, je me sens atteint non seulement parce que la Cascade fait des siennes mais que mon corps réagisse aussitôt me fait peur. Ça signifie que je ne suis plus totalement maître des événements et de ce qu'il se passe dans mon corps, dans mon esprit n'en parlons pas. C'est flippant. La Cascade décide de mon sort et je ne suis toujours pas près à voir la réalité en face, même au bout de six mois maintenant. Six mois que ma vie a pris un autre tournant et je ne me suis toujours pas fait à cette idée. Ma respiration est en apnée et je ne sais plus quoi penser. Ma vie est devenue une montagne russe. Une montagne russe que je ne peux pas contrôler.
Je rejoins le reste de l'équipe de la Tour auprès de Venin qui ne me quitte pas des yeux. Il a beau être attentif aux discours de l'équipe qui est en train de prélever de l'eau du fleuve, du sang sur le sol, du sang sur les arbres. Même sous ses lunettes de soleil qui ne quittent jamais son nez, je devine son inquiétude à mon sujet. C'est l'une des premières fois où l'anxiété me ronge à ce point et où la Cascade refait surface. Me concernant, rare sont les effets secondaires en public, Venin en a assisté à un. Les nausées ne me quittent pas depuis une semaine et je n'en parle pas, de peur de me retrouver de nouveau dans une salle d'examen pour en apprendre plus. Me retrouver encore une fois au sein du Refuge avec le regard de Nisia braqué sur mon cas à ne plus savoir quoi faire de moi et de Keir qui se demandera quel sera le prochain effet secondaire sur la liste à me faire tourner la tête, non merci.
Inutile de dire que cela ne m'enchante pas.
Me montrer utile est ce qui me motive à passer au-dessus de cette épreuve. Je ne suis sur pied que depuis six mois. Il me reste des marches de l'escalier à monter avant de me sentir mieux dans ma peau et mieux dans ma tête. Je m'essuie le front d'un revers de manche, me passe la main dans mes cheveux humides et me retourne vers Venin près à continuer à travailler le restant de la nuit. On a jusqu'au lever du jour pour récolter tous les indices nécessaires sans laisser de traces pour les habitants le lendemain matin quand ils reprennent leur vie respective. On vit dans un monde où l'on se mêle à eux sans problème. Nous avons de la chance que ça se passe bien.
« Tu as du nouveau ? » demande Venin à un scientifique habillé en blouse bleue.
« L'eau a une réaction étrange » dit-il en enlevant ses lunettes de protection.
« C'est-à-dire ? ».
« Il n'y a pas que de l'eau, c'est un mélange avec une substance inconnue qui circule en ce moment, je l'ai déjà vu au laboratoire d'analyse sur une affaire en cours. Les molécules sont différentes, si on ajoute le sang mêlé à l'eau je dois dire que c'est une première dans ma carrière ».
« La Cascade ? ».
« À première vue oui, reste à le prouver scientifiquement ».
« Le phénomène va t-il s'accentuer ? ».
« Les analyses le diront plus tard ».
« Ça risque de se propager ? ».
« Si on n'arrête pas le phénomène oui ».
« Il faudrait réduire l'Archange de Chine en cendres pour ça. Et encore. » souffle Venin avec l'acquiescement du scientifique de la Tour.
L'ombre de Jason plane au-dessus du fleuve.
Je reste à le regarder depuis le ponton. Les yeux sans point fixe, dans le vide et sans perspective. Rien ne peut changer, je suis dépend de la Cascade par inadvertance et ça fait mal de l'admettre. Mon bras me brûle un peu mais je n'y prête pas d'attention.
Le ciel se dégage un peu. J'ai l'impression que l'odeur de fer dans l'air s'en va un peu. L'atmosphère change pour laisser place à un autre aspect de la nuit, un chapitre se ferme et un autre s'ouvre.
« Des analyses seront faites rapidement » entendis-je plus loin. « Je n'ai jamais vu des instruments flotter sur l'eau, ils sont inutilisables ».
« Des instruments de grandes valeurs qui plus est, certains sont récupérables ? ».
« Pourquoi, tu connais un magicien capable de les sauver de l'eau sans les abîmer ? Ils sont déjà imbibés d'eau jusqu'à la corde » dit l'agent en enlevant ses gants et son masque chirurgical bleu.
« Il y a une boutique à l'angle de la Cinquième rue qui fait des miracles, si le bois n'est pas gonflé, les cordes peuvent être sauvées comme le bois s'il est retravaillé ».
« Je suis impressionné par tes connaissances en la matière ».
« C'est ça moque toi » rit-il en donnant un coup de coude à son voisin en blouse blanche.
Je reporte mon attention sur autre chose que sur cette conversation à propos des violons jetés dans le fleuve Hudson. Coïncidence ou non avec la Cascade, il faudra élucider cette affaire. Des violons jetés dans un fleuve rouge est quand même étonnant et par le plus grand des hasards, la Cascade est là.
De retour à la maison après avoir été congédié par Venin sous l'ordre de Dmitri, Jason est rentré dans son appartement à la Tour. Je prends quelques affaires de rechange pour mon appartement aussi. Le nez dans mes t-shirt du placard, je suis pris d'un haut le cœur. Chose rare depuis longtemps, je me sens pris de nausée. Je me dirige vers les toilettes en m'appuyant pour ne pas être déséquilibré. Cela fait longtemps que cet effet secondaire n'est pas venu toquer à ma porte. Sur l'instant je suis soulagé. Je me passe de l'eau sur le visage pour me rafraîchir et la fraîcheur de l'eau me fait du bien. Je recommence trois fois et l'effet de bien être que l'eau me procure sur la peau me soulage. J'entends une vibration de mon téléphone, sans doute un message de Venin. Je m'essuie les mains dans une serviette avant de rejoindre ma chambre, mon téléphone est branché. Venin m'explique juste que Vivek a trouvé l'origine de…je n'ai pas le temps qu'une nouvelle nausée me prend par surprise et je cours vers les toilettes. Même scénario qu'il y a dix minutes. Autant prendre une douche, j'ai chaud et j'ai besoin de me changer les idées. L'idée de prendre un médicament ne me vient pas au risque de le gâcher. Je veux me débarrasser des nausées avant d'en avaler un pour être soulagé plus tard. Pourtant j'ai soif. Je rince ma bouche pâteuse avant de me réfugier sous l'eau tiède de la douche qui m'accueille à bras ouvert. Mes pensées sont mises sur pause. Sur le moment, ça me fait du bien, elles étaient trop envahissantes. De nouveau, des frissons me parcourent le corps et j'ai peur que ça ne soit pas bon signe. L'idée de recommencer à avoir le haut le cœur me rend anxieux. Je souffle doucement, inspire, expire et ça ira. Plusieurs fois pour que ma respiration se régule et que mon état nauséeux se calme. Il est temps de sortir de la douche sinon je vais être en retard à la Tour. J'avale quand même de l'aspirine pour que les effets fassent leur travail sur le chemin. J'emporte des calmants aussi.
Même dans le ciel, habillé d'un autre sweat noir imprimé New-York acheté il y a cinq ans, je me sens dans un étrange état, je suis sûr que la Cascade me fait passer un message quelconque. D'ailleurs, Venin a vu que mon tatouage a scintillé ce soir. Les premiers symptômes d'état anxieux, d'état soumis à la Cascade a commencé depuis qu'elle réapparait ce soir. Même si j'ai des difficultés à la comprendre, j'essaie, je la subie plus qu'autre chose, en la refoulant parfois. Faire l'autruche n'est pas une solution, elle aide juste à faire abstraction un instant. Ce soir, elle se manifeste. Cela fait six mois que je suis sous sa contrainte. Les choses changent. Mes notes dans mes carnets m'aident à ne pas m'y perdre, à ne pas me noyer, autant pour noter mes symptômes et mes états d'âmes mais c'est surtout pour garder une trace, un fils conducteur. Je peux mettre mes idées sur le papier au moins, à défaut de les ressasser. Faudrait que j'aille voir Keir pour lui expliquer mes symptômes de ce soir ou alors Dmitri l'a déjà mis au courant via Venin ? Si je peux alimenter la science via mon cas personnel, je suppose que c'est positif. Mais je n'ai pas le temps de ressasser les choses, on a une enquête à mener. Et je veux me concentrer là-dessus pour l'instant. Je me remets dans la réalité, la ville brille sous mes ailes bleues. Je ne me lasse pas de la vue imprenable. La Tour se repère de très loin dans le ciel, je me pose sur un toit, regarde le paysage urbain une seconde et je me dirige directement vers le bureau de Dmitri. Il me repère tout de suite. Un courant d'air fait voler quelques feuilles et il en attrape une en vol.
« Tu fais une de ces têtes ».
« Bonjour à toi aussi ».
« Tu vas bien ? ».
Le regard penché sur ses documents, il attend une réponse précise et je n'en ai pas à lui donner alors je me contente de répondre quelque chose de bateau. De toute manière, cette Cascade me poursuit alors si je peux l'enterrer encore un peu dans le sable jusqu'à ce que j'obtienne des réponses. Et j'aimerai renouveler l'ordonnance de Keir au passage. Les boîtes de médicaments m'aident bien à tenir le coup. Vu mon état anxieux, les effets ne sont plus aussi planants. Mon corps s'habitue.
« Fatigué mais je suis debout ».
Nouveau silence d'une seconde avant qu'il n'en vienne au sujet qui le préoccupe aussi bien que moi. La Cascade n'a pas montré de signe spécifique depuis six mois.
« Venin m'a dit que ton bras brillait ce soir ».
Le sujet qui revient sur le tapis. La faible lueur de sa lampe ne me permet pas de voir son visage en entier et je suis prêt à attendre une réaction de ma part. Il est tard et honnêtement, je rêve d'une nuit de sommeil complète quitte à ne pas faire de rêve.
« Le tatouage fait des siennes en ce moment ».
Le sourire sarcastique de Dmitri est perceptible même quand il lève les yeux vers moi, il quitte son bureau pour venir à côté de la baie vitrée sur laquelle je m'appuie pour discuter ce soir. Les ailes repliées soigneusement dans le dos, collées à la fraîcheur de la vitre, la vue derrière moi donne une autre dimension à la scène. On va dire que les choses prennent une autre tournure pour moi en ce moment mais je me dois de rester objectif. Le vampire veut me rassurer sur la situation, sans me juger.
« Il est beau » souffle t-il. « Il signifie quelque chose ».
« Tu en sais plus ? ».
« Vivek travaille toujours dessus. On dit que ce type de tatouage est positif, il est le signe d'un nouveau chapitre de vie ».
« Ironie du sort. Je ne suis pas doué pour reconnaître les signes ».
« Si au contraire mon cher Campanule. Celui-ci est spécifique et je vois tous les changements qui s'opèrent en toi, tu as beaucoup de choses sur les épaules. Je sais que tu vas les surmonter, notre soutien est sans faille pour toi ».
« Je sais. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous » dis-je spontanément.
« Tu vas faire pleurer dans les chaumières » intervient Venin.
« Quelle entrée ».
« Je suis insomniaque, personne ne veut jouer aux cartes ».
« Logique, tu triches ».
« Moi ? Jamais ».
« C'est pour ça que tu viens me voir ? ».
« Notre charmant Campanule est de nouveau confronté à la Cascade ».
Pour que Venin enlève ses lunettes pour nous regarder tous les deux, c'est un événement. Il les garde le plus possible en public, sauf entre nous il lui arrive de faire une exception. Je ne sais pas où il veut en venir exactement, je me contente de patienter.
« C'est à cause de ce soir ? » s'interroge Dmitri en se frottant le visage.
« Si la Cascade se réveille encore, Campanule va se montrer sous un autre jour ».
« Vous êtes au courant que je suis dans là ? ».
« Désolé » souffle le vampire aux yeux atypiques. « On n'a pas encore eu les résultats de l'analyse de l'eau, elle est mélangée à une substance qui circule en ce moment ».
« Quel autre vampire suit l'affaire de près, Trace ? Janvier ? ».
« Trace je crois ».
« Et si ça se propage dans la nature, on est en danger ? ».
« D'après le scientifique que j'ai vu tout à l'heure, ça peut l'être pour les jeunes vampires pas les plus vieux comme nous. La substance attaque les neurotransmetteurs encore fragiles et désinhibent les esprits, les vampires agissent de manière étrange, il faut les surveiller de près ».
« Ok, il faut surveiller de très près les vampires ayant eu accès au processus d'éternité cette année. Des vampires récemment immortels ici ? ».
« J'en ai transformé un il y a sept mois » soufflais-je.
« Et il est en vie ? ».
« Aucune idée, il s'appelle Elliot je crois, à vérifier ».
« J'irai me renseigner ».
Je ressers l'emprise de mes bras autour de moi pour ne pas penser aux futurs dégâts que la substance encore inconnue circule dans cette ville. Je ne veux pas retrouver des vampires à peine né divaguer ou mort sur le trottoir ou des humains mordus et potentiellement contaminé par voie sanguine. On a assez à faire en ce moment. Je n'ai pas envie de voir des conséquences de la Cascade se répandre. Ce serait désastreux. On a déjà eu des épisodes partiels avant… avant que je ne sombre moi aussi dans cette spirale infernale. Une spirale dans laquelle j'ai l'impression de me noyer mais je ne l'exprime pas à voix haute, je garde ça dans un creux de ma tête et de mon cœur en miette.
Les deux vampires échangent un regard puis Venin quitte la pièce pour rentrer dans son appartement.
Le silence qui règne dans le bureau ne dure pas longtemps, le vampire millénaire se lève de sa chaise pour fermer la fenêtre et mettre un terme au vent nocturne qui m'empêchait de frissonner sous mon sweat.
« Tu n'as pas sommeil ? ».
« Tu as déjà vu un vampire dormir ? Non, j'ai du travail à terminer ».
« L'enquête prendra combien de temps ? ».
« Tant que la Cascade sera là et tant que tu ne cours pas de danger ».
« J'ai brillé ce soir ».
« Venin m'en a fait part, c'est une conséquence temporaire et j'espère que tu vas mieux ».
Je vois que Dmitri se tape la paume de la main contre son front comme s'il s'en voulait de me demander ça. Or, il le peut. C'est un vampire en qui j'ai entièrement confiance. Il peut me poser n'importe qu'elle question et j'estime que tous les Sept le peuvent. Chacun a le droit de s'interroger sur quelque chose à mon sujet. Je sais que le monde ne cesse de tourner peut importe les problèmes, il se met sur pause. Le mien par exemple est mis sur pause depuis six mois. Je prends soin de moi comme je le peux. Je ne me cache pas que c'est parfois difficile de me lever le matin car la seule chose qui m'intéresse est de rester enrouler sous la couette. Pour un ange, ce n'est pas habituel.
« Si la substance se répand dans l'eau, les humains pourront la boire et les répercussions seront à quel point pour eux ? Ils mourront empoisonnés ? Ils seront contaminés et mis sous quarantaine ? ».
« L'enquête est inhabituelle. On n'a pas encore reçu les résultats d'analyses de traitement des eaux dans les canalisations de la ville. Si les humains la boivent, je crois que les répercussions seraient énormes. Nous pouvons nous contenir plus facilement qu'eux car nous sommes biologiquement différent et plus résistant ».
CQFD.
Il est évident qu'en temps qu'immortel on a des avantages. Je ne veux pas que la ville se transforme en quarantaine géante et que les gens cèdent à la panique.
« Je comprends » dis-je simplement.
Le reste de la journée va être long, le soleil se lève.
Les premières lueurs se reflètent dans les vitres du bureau. Les couleurs sont aussi belles qu'à l'heure du coucher.
Le vampire se lève de sa chaise et éteint les lumières tamisées. Il n'a pas arrêté de la journée et si ça se trouve depuis hier soir non plus. Travailler jusqu'à pas d'heures est son hobby numéro un. Après il nie l'évidence en disant que dormir est une perte de temps. Perso, c'est mon hobby, si en ce moment je pouvais gagner quelques heures de repos, je prendrais avec plaisir. Rester sous la couette est le meilleur truc du monde.
Le temps change, les nuages se dégagent et laissent place à un ciel dégagé.
« Désolé d'interrompre ce beau moment de contemplation mais j'ai les résultats de… » nous interrompt un vampire informaticien de génie.
Il entrouvre la porte du bureau, avance dans la pièce via son fauteuil roulant et nous tend un document venant du laboratoire d'analyse. Dmitri prend la feuille, la parcours des yeux et d'un geste, m'attrape la main pour se précipiter dans le couloir.
« Fermez toutes les canalisations de la ville, appelez les services de distribution d'eau de la ville d'urgence » crie-il en insistant sur le dernier mot.
Urgence.
On n'entend pas souvent ce mot.
Autant dire que je ne comprends pas du tout du pourquoi du comment il est paniqué. Je ne croise même pas le regard de Vivek qui nous suit derrière. Le vampire me serre la main si fort que je ne peux pas m'en dégager et que ce n'est pas le moment.
Son regard est paniqué. Le téléphone se met à sonner une première fois, il ne répond pas, il décroche la seconde fois et je le laisse parler à l'interlocuteur. Quand il raccroche, il me reprend par la main et m'amène jusqu'à l'ascenseur.
« Tu veux bien m'expliquer ce qu'il se passe ? ».
« L'eau est contaminée ».
« Quoi ? ».
« Tu as bien entendu Illium, l'eau est contaminée, on doit distribuer de l'eau. Vivek s'occupe de faire une bande annonce à diffuser dans les médias ».
« Comment l'eau peut-elle être contaminée ? ».
Les porte de l'ascenseur s'ouvre et il s'avance sans répondre à ma question. Je vois déjà l'agitation dans le quartier où nous sommes. Des voitures des autorités, des camions de la Croix Rouge ont les gyrophares allumés, des vampires de la Tour distribuant des bouteilles d'eau sont agités et échangent un mot avec les gens rassemblés en une longue file d'attente. Des enfants, des parents, des grands-parents sans doute, enveloppés dans les premiers vêtements enfilés qui prennent des packs d'eau avant de regagner leur domicile. Cette vision m'est familière puisque ce n'est pas la première fois qu'on fait ce type d'action. Pas en pleine Cascade mais c'est arrivé. Je balaye le quartier rapidement et constate que des camions de pompiers arrivent, des pompiers descendent et s'empressent de commencer une nouvelle distribution dans une rue parallèle à la Tour. Je suis tel un spectateur qui ne sait pas quoi faire. Concrètement il y a toujours à faire dans ce type de situation d'urgence.
Le Second de l'Archange s'échappe sans que je ne puisse le regarder. Il part. Me laisse seul parmi la foule jusqu'à ce qu'une voix connue m'interpelle.
« Hé Campanule, aide-moi à distribuer des bouteilles d'eau ».
L'ange aux ailes de diamants ne semble pas aussi stressé que moi, sans doute parce qu'il a eu des réponses. Je ne l'interroge même pas du regard et attrape un pack de six bouteilles que je donne à un couple de personnes âgées. La dame me sourit et l'homme encercle sa taille tendrement, comme pour lui dire que ça ira. Le couple est mignon. Je me projette un peu si j'avais été un humain, quel type de vue j'aurais eu. En attendant, les paroles d'Aodhan m'interpellent, il parle dans le vide, je l'écoute à peine.
« Tu n'as pas eu de brief ? » finit-il par me demander.
« Non » répondis-je simplement. « Je n'en ai pas eu ».
L'espion numéro un atterrit à côté d'Aodhan en silence et ses grandes ailes se replient aussitôt dans son dos. Il vient nous aider à la distribution des packs d'eau. Il prend la parole au bout de vingt minutes.
« La substance qu'on n'arrive pas à nommer se répand dans l'eau et contamine les humains. Elle est ingérée par toutes les façons possibles et les dégâts sont irréversibles ».
« Elle provient de la Cascade ? ».
« Oui ».
« Dans ce cas » dis-je en détournant la tête. « On a encore de la distribution à faire ».
Si la substance en question contamine l'eau, on mettra combien de temps à y mettre un terme ? Si elle se répand, une grande partie de la ville sera atteinte et les conséquences seront désastreuses. CQFD encore une fois. Il va falloir être vigilant. Empêcher cette propagation va demander un effectif conséquent de vampires capables de s'infiltrer dans les réseaux de trafic de cette substance. Je vais demander à Trace de s'y intéresser et ensuite on verra comment posséder, je ne peux pas l'accompagner sur le terrain. Si Janvier pouvait s'associer à cette enquête, ce serait bien. Avec l'aide de Vivek bien entendu car les trafics sont plus efficaces sur les réseaux sociaux.
C'est dans le bureau de Vivek en haut de la Tour que je parcours avec lui les pages Internet des trafiquants. Et les offres sont nombreuses, je suis choqué de découvrir un nouveau langage. Les codes utilisés sont subtils et seuls les connaisseurs en la matière peuvent les décrypter. Facile pour eux de se fondre dans le décor et de passer une commande qui passe inaperçue. Pas de trace. Les consommateurs se font discrets au même titre que les trafiquants. Si les effets secondaires sont tels qu'on les décrits, je ne donne pas cher des humains qui voudront s'y frotter. Les premiers décès chez les jeunes vampires ont déjà été recensé. Rien de surprenant au vu des effets et surtout de leur fragilité. Les pages affichent des articles, une vidéo apparait sur l'écran, Vivek l'agrandie au maximum et les images font déjà froid dans le dos. Les victimes sont des zombies qui hurlent de douleur avant de s'effondrer, en dix secondes chrono sur le sol noir. Les dégâts sont plus grands que je ne pensais. Cette nuit va être longue. Les créatures, appelons les ainsi sont inertes. Je sens que les scientifiques de la Tour vont être submergés de travail. Les premiers gyrophares arrivent. Des équipes télévisées sont déjà sur place et diffusent les images en temps réel. Je n'écoute même pas les commentaires. Je regarde les images bouché bée comme Vivek que j'entends à peine respirer.
Hey les amis, welcome to the part number two !
L'histoire évolue. Notre ange préféré va être confronté à quelque chose de nouveau et évidemment la Cascade refait des siennes. J'ai adoré écrire sur la nouvelle ange et sa famille qui rejoint l'histoire à la fin de la partie une. Introduire d'autres personnages, des familles notamment ça m'éclate.
Bonne lecture !
