Genre imposé : romance
Période : antique
« Il avait fait bâtir des palais somptueux pour elle. Cultivé des jardins merveilleux aux mille variétés. Mais elle ne voulait que la simplicité d'un homme et non celle d'un empereur. Une rencontre nocturne sous le secret… »
Note de l'auteur : figurez-vous qu'il est assez complexe d'amener un vaisseau spatial là-dedans, surtout en aussi peu de mots. Je me suis néanmoins fait plaisir avec un crossover, même si j'ai pris un fandom finalement très évident.
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Ombres et rêve
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Ce n'était pas prudent. Elle le savait. Lorsqu'elle parvint à l'entrée du patio noyé dans les ombres, son cœur battit plus vite. Serait-il là ? Aurait-il bravé les gardes ? Au matin, quand elle l'avait croisé au bord des rives du fleuve, elle lui avait chuchoté les horaires des patrouilles. Il avait promis. Elle l'avait cru.
Bruissement. Elle sursauta. Bien sûr elle avait remarqué qu'il s'intéressait davantage à son statut au sein du palais qu'aux sentiments qu'il éveillait chez elle, bien sûr elle avait compris qu'il se servait d'elle pour parvenir à ses fins, mais elle s'était prise à rêver pour la première fois depuis longtemps et se berçait de l'illusion qu'il accepterait qu'elle parte avec lui.
— Tu es venue.
Un frisson lui parcourut l'échine. Elle était venue et il était venu. Son corps se tendit vers lui, mais il recula dans la pénombre, félin et magnétique et à la fois gauche dans sa tunique un peu trop courte pour lui, distant et ombrageux et en même temps comme… emprunté. Hors de propos. Il avait un éclat perdu au fond du regard et l'air de s'être égaré dans ce monde sans le comprendre, et c'est ce qui le rendait aussi attirant.
— Où sont les quartiers de ton seigneur ? reprit-il.
Il parlait avec lenteur en écorchant presque chaque mot, avec un accent étrange qui invitait au voyage. Elle frissonna encore.
— Je vais te guider, dit-elle.
Son maître l'aimait. Son maître avait fait d'elle sa favorite. Elle aurait pu se gorger de puissance et de privilèges, elle aurait pu jouir de l'opulence et se perdre en frivolités, mais malgré les attentions dont elle était l'objet elle n'avait jamais pu se défaire de l'impression qu'elle n'était, justement, qu'un objet.
Elle était jeune et désirable, mais aux confins des salles immenses elle avait entendu des domestiques évoquer celles qui l'avaient précédée et qui avaient été abandonnées dès que leur beauté avait commencé à s'étioler.
Ce n'était pas la vie qu'elle voulait.
Elle lui prit la main et il ne la repoussa pas, et son ventre s'emplit d'une chaleur magnifique qui la convainquit que tout était possible.
Il était un aventurier, un voyageur. Il était la liberté.
Elle déchanta à peine fût-elle entrée dans l'antichambre de la suite seigneuriale. Ils étaient attendus.
— En ces lieux, je vois tout et je sais tout. Pensais-tu me dissimuler ta traîtrise ? Pensiez-vous pouvoir me surprendre ?
À la lumière chiche des lampes à huile, son maître jetait des ombres effrayantes sur les murs.
— Voilà un bien piètre assassin, cracha-t-il.
Elle frémit et pria pour une mort rapide tandis que ses rêves s'envolaient.
Elle ferma les yeux et attendit son châtiment.
Qui n'arriva pas.
Il était un voyageur, un aventurier, nimbé d'une aura de mystère et de ténèbres. Il brandissait un objet de métal lisse et brillant à la forme improbable, telle une hache dont la lame serait la poignée. Il parla sans peur avec son prononcé étrange, et son maître recula.
— Je ne vous tue pas si vous me fournissez ce dont j'ai besoin… Du naquadah, car c'est ainsi que vous l'appelez. Assez pour faire repartir mon, euh… char stellaire.
Il buta sur le dernier mot. Peut-être avait-il voulu dire autre chose. Les chars stellaires appartenaient aux dieux, tout le monde savait ça.
Elle se souvint des rumeurs qui couraient sur son maître. Qu'il vivait depuis plus de mille ans. Qu'il était un dieu déchu. Elle avait vu ses yeux s'illuminer d'or quand il était en colère, elle l'avait vu soulever un garde incompétent par la seule force de sa volonté. Elle l'avait craint.
Elle se demanda si le voyageur était un dieu, lui aussi. Elle se demanda s'il était déchu. Elle espéra que non.
— Je ne céderai pas à la menace d'un vulgaire mortel, siffla son maître. Prépare-toi à mourir !
Il y eut un éclair. Elle cria.
Il y eut le bruit sourd d'un corps qui s'effondre au sol.
Il y eut le silence.
Elle plaqua ses mains sur sa bouche. Son maître était mort. Le voyageur déclenchait la foudre.
Elle resta pétrifiée tandis qu'il ouvrait une armoire, un coffre, se saisissait d'un sac de toile et y glissait une pleine poignée de galets irisés. Elle se secoua quand il revint près d'elle, qu'il la frôla sans vraiment la voir, qu'il entrebâilla la porte de l'antichambre pour jeter un coup d'œil prudent dans le couloir.
Il s'apprêtait à partir.
Elle lui saisit le bras.
Il cilla, se figea, puis esquissa un léger sourire qui la fit chavirer. Il lui était inaccessible. Elle le savait.
— Je ne t'offrirai pas ce que tu veux, dit-il. Si tu restes, ses richesses sont à toi. Si tu es avisée, tu seras reine. Si tu viens…
Elle le regarda. Elle vit la liberté.
— Si je viens, que trouverai-je ?
— Le futur.
