Buck s'était installé à la table de la cuisine de la caserne.

Il était arrivé il y avait déjà quinze minutes mais l'équipe était partie en intervention. Il avait remercié Pettersen d'avoir assuré les quelques heures de garde qu'il ne pouvait pas faire à cause de son rendez-vous et avait prit sa place en tant qu'homme derrière, le laissant rentrer chez lui pour se reposer.

Depuis, il cogitait.

Ces quatre dernières semaines étaient passées si vite. Déjà quatre semaines depuis qu'il avait aidé à donner naissance à son fils biologique. Quatre semaines depuis qu'il avait débarqué chez son meilleur ami en pleine nuit pour lui demander de l'aider à faire un bébé. Quatre semaines qu'Eddie faisait l'impossible pour lui permettre d'accéder à son rêve.

Et on pouvait dire qu'il avait vraiment fait tout ce qu'il pouvait pour l'aider, demandant l'aide de Carla et épluchant avec elle les formulaires à remplir et autres formalités administratives rébarbatives.

C'était lui aussi qui avait décroché ce rendez-vous à la clinique pour lui, pour qu'il se fasse une idée. Il lui avait même proposé de l'accompagner et Buck aurait bien aimé mais ça tombait en plein milieu d'une de leur garde et il ne voulait pas amputer l'équipe de deux de ses membres en même temps.

Son téléphone sonna et il vit que c'était son ami Connor. Il répondit en forçant un sourire sur son visage.

Maddie disait toujours que le sourire au téléphone s'entendait.

– Hey, quoi de neuf ? lâcha-t-il d'un faux ton enjoué.

« Devine qui rentre à la maison aujourd'hui ? »

Buck fit de son mieux pour ne pas laisser ses émotions le submerger. Connor semblait si heureux de pouvoir enfin devenir père qu'il refusait de lui casser le moral avec ses propres problèmes.

« Tu dis bonjour à ton parrain, Evan ? »

Ça aussi ça avait été un coup dur.

Bien sûr Buck aurait pu refuser qu'ils donnent son prénom à cet enfant mais il n'avait pas eu le cœur de dire non lorsqu'ils avaient dit que c'était une façon pour eux de le remercier pour son don. Et il n'avait pas dit non, non plus, lorsqu'ils avaient émis le souhait de le voir être le parrain de l'enfant, sachant qu'ils n'avaient plus ni l'un ni l'autre aucune famille.

Il avait accepté et il en souffrait encore plus.

– C'est un champion, sourit-il. Il va pouvoir entrer dans le grand monde.

« Je suis tellement heureux, Buck. »

– Je sais, mec.

« On va s'installer mais d'ici quelques semaines, on fera un barbecue avec quelques amis pour présenter Evan à tout le monde et on aimerait que tu viennes. On veut vraiment que tu fasses partit de la vie d'Evan. »

Buck ignora la douleur dans son cœur.

– Envoie-moi la date quand vous êtes prêt, sourit-il mécaniquement. Je me rendrai dispo.

Ou je pendrai une garde pour ne pas avoir à venir.

« Merci Buck. Bonne journée. »

– Ah toi aussi. Profite de ta famille.

« J'y compte bien. »

Buck raccrocha et posa son téléphone sur la table en entendant les camions revenir.

Il se replongea dans ses pensées moroses ignorant les pas dans l'escalier jusqu'à ce que Chimney apparaisse en haut des marches. Il se redressa et lui offrit un sourire de façade avant de lui rendre son salut.

Bobby lui lança un regard inquiet mais il lui sourit de nouveau et il retourna dans la cuisine. Eddie s'installa à ses côtés, l'interrogeant du regard. Buck jeta un œil au reste de l'équipe occupé de leur côté.

Son ami lui désigna les couchettes et il le suivit tentant de ne pas trop trainer sa vie.

Eddie le fit entrer et referma la porte alors que Buck se laissait tomber sur le lit. Il vint s'installer à ses côtés en fronçant les sourcils avec cet air inquiet qu'il détestait.

– Ça s'est si mal passé ? s'enquit-il.

– C'est foutu Eddie, souffla-t-il.

– Pourquoi ? Je veux dire, si c'est une question d'argent…

– Non pas d'argent. Je peux payer. Et ils ont dit qu'ils avaient un grand choix d'ovules. J'avais l'impression d'être au supermarché.

– Je sais que ce n'est pas ce à quoi on s'attend pour avoir un enfant mais c'est un passage obligé…

– Ouais, je sais. Ils ont dit aussi qu'il avait beaucoup de mères porteuses qui pourraient porter le bébé sans problème.

– Alors qu'est-ce qui cloche ?

– Ils ont des obligations, Eddie et je dois voir une assistante sociale qui va vérifier que je suis apte à être un parent.

– Où est le problème ? sourit-il. Tu es plus qu'apte.

– Mais je suis seul et j'exerce un métier dangereux avec des horaires décalés. La personne que j'ai vue m'a prévenu que mon dossier avait très peu de chance d'être accepté.

Buck vu la réalisation passer sur le visage d'Eddie.

– Ouais, ou je trouve une femme qui accepte de vivre avec moi et de faire un enfant avec moi…

– Sauf que tu veux un bébé pas une femme… Et ce sont tes propres termes.

– Je vais peut-être devoir revoir mes exigences à la baisse, sourit-il tristement.

– Et t'emprisonner toute ta vie avec une personne que tu n'aimes pas vraiment ? Ce n'est pas une option, Buck. Tu en souffrirais et ton enfant aussi.

– Ma seule autre option est d'arrêter d'être pompier, de prendre un travail de bureau et de prier pour que ça suffise pour que mon dossier soit accepté.

– Là encore tu serais malheureux, affirma Eddie. Ce métier c'est ta vie.

– Je sais, lâcha-t-il les larmes aux yeux. C'était un beau rêve, hein ?

– Buck…

– Ça va aller. Je ne suis peut-être pas fait pour ça après tout.

– N'importe quoi ! s'insurgea Eddie. Tu es fait pour ça, c'est une certitude. Tu seras même un super papa. Tu l'es déjà.

– Je sais et merci. Pour tout ce que tu as fait, Eddie. Pour avoir essayé même si ça n'a rien donné. Je suis content de t'avoir pour ami.

– Epouse moi ! lâcha soudain Eddie.

– Quoi ? s'enquit-il perdu.

– Tu as dit que tes chances augmenteraient si tu étais marié, c'est bien ça ?

– Euh… oui.

– Alors épouse-moi !

– Quoi ? Mais…

– Ecoute-moi ! le coupa-t-il. On s'entend bien, on se connait sur le bout des doigts et on élève déjà un enfant ensemble. Peu importe que notre métier ait des horaires difficiles, notre famille fonctionne Buck. C'est ta meilleure carte.

– Tu ferais ça… pour moi ? lâcha-t-il d'une toute petite voix.

– Je ferai absolument tout pour toi, tout comme tu fais déjà tout pour moi.

– Je ne sais pas quoi dire Eddie…

– Essaie un « oui », se moqua-t-il.

– Tu es vraiment sûr ? insista-t-il sincèrement inquiet qu'Eddie se rende compte qu'il faisait une erreur.

– Plus que sûr.

– Alors d'accord, sourit-il soulagé.

– Ouais ?

– Ouais, je crois bien. Merci, vraiment.

Eddie le laissa le serrer dans ses bras et Buck était tellement reconnaissant.

Bien sûr, ils avaient encore des tas de choses à discuter et à réfléchir mais Buck reprenait espoir et c'est tout ce dont il avait besoin pour le moment.

Il se séparèrent et la cloche sonna les faisant se précipité vers le camion sans un mot de plus.