Eddie émergea difficilement de son sommeil.

Cela faisait déjà trois semaines que Buck avait emménagé avec lui et Christopher car son appartement n'était pas adapté pour un bébé. Eddie savait que la véritable raison était qu'il avait peur de mal faire et que sa présence le rassurait.

Et Eddie adorait littéralement ça.

Avoir Buck et Junior avec lui au quotidien était un vrai bonheur. Buck était impliqué dans tous les aspects de sa paternité, même s'il avançait avec prudence dans ses sentiments. Ils étaient tous les deux conscient que sa mère pouvait se réveiller et récupérer son fils sans que ni l'un ni l'autre ne puisse s'y opposer.

Buck ne voulait pas être blessé encore une fois alors il avançait avec prudence.

Bien qu'adapté à la vie de famille, la maison d'Eddie restait assez petite. Ils avaient installé un berceau pour Junior dans sa chambre et ils la partageaient parce que Buck avait catégoriquement refusé qu'Eddie se fasse exclure de sa propre chambre.

Eddie aimait dormir avec Buck.

Il aimait son doux ronflement, et sa façon d'enfoncer sa tête dans son oreiller. Il aimait aussi quand il se réveillait avec son bras sur le ventre et sa jambe entre les siennes. Buck dormait sur le ventre et il prenait toute la place dans le lit mais Eddie ne pourrait plus se passer de sa présence à ses côtés.

Pourtant, quand il ouvrit les yeux, Buck n'était pas à ses côtés.

Il se redressa sur un coude et vit à la lueur des lampadaires de la rue que Junior n'était plus dans son berceau. Il tendit l'oreille mais il n'y avait pas un bruit dans la maison. Il attrapa son portable et retint un gémissement de désespoir quand il vit qu'il n'était que trois heures du matin.

Il se leva silencieusement et rejoignit le salon dont la lumière était allumée.

Il y avait quelques nuits il avait surpris Buck en train de donner le biberon à Junior en lui parlant à voix basse. Il n'avait pas compris ce qu'il disait et Buck lui avait fait remarquer en le taquinant que c'était impoli de l'écouter livrer ses secrets.

Il lui avait expliqué que c'était une tradition dans sa famille, que lui avait apprise sa grand-mère paternelle. Comme quoi les secrets les mieux gardés étaient ceux soufflés à l'oreille des bébés.

C'était logique puisqu'ils ne parlaient pas mais Buck lui avait raconté cette histoire comme quelque chose de sacré et Eddie avait aimé sa façon de le lui raconter, comme s'il partageait avec lui un secret de sa famille.

Quand il arriva dans le salon, Buck était assis sur le canapé et Junior dormait sur son épaule alors qu'il faisait défiler les pages de son téléphone d'un geste expert du pouce. Eddie se contenta de les regarder et de graver cette image dans son esprit.

C'est à ce moment précis qu'il comprit que oui, il voulait ça avec Buck.

– Je t'ai réveillé, murmura soudain Buck le faisant revenir à la réalité.

– Non, admit-il sur le même ton. Ton absence l'a fait.

Il quitta le pas de la porte et s'approcha du canapé.

– Tu devrais le coucher, tu sais. Il doit s'habituer à dormir dans un lit ou tu vas passer toutes tes nuits ici...

– Ouais je sais mais il a eu du mal à faire son rot. Il se tortille toujours après manger et je faisais des recherches pour savoir pourquoi. Ça pourrait être des coliques.

– Les coliques le feraient hurler de douleur.

– Pas mon petit gars, s'amusa Buck. Il ne pleure jamais, c'est un vrai guerrier.

– Ouais, confirma Eddie ému par la fierté de Buck. C'est un guerrier.

Ce qu'il redoutait le plus était arrivé.

Buck s'était irrémédiablement verrouillé sur son fils biologique et la séparation serait tellement dur pour lui. Mais Eddie serait là, il l'épaulerait, l'aimerait et lui donnerait autant d'enfants qu'il en voudrait.

Il s'installa à ses côtés en silence.

– On va trouver une solution, lui promit-il alors qu'il levait les yeux sur lui. Si Kameron se réveille, on trouvera une solution.

– Elle a presque vingt-quatre pourcents de chances de se réveiller, affirma Buck. Ce sont de grandes chances.

Eddie fronça les sourcils.

Il ne considérait pas que vingt-quatre pourcents soit un bon taux de chance au même niveau que Buck et même s'il était d'un naturel bien plus pessimiste que Buck, ce qu'il retenait c'était la précision du taux. Pourquoi vingt-quatre et pas vingt-cinq ?

– Tu as parlé avec son médecin ?

– Euh..., ouais, répondit-il confus.

– Et c'est lui qui t'a dit qu'elle avait vingt-quatre pour cents de chances de s'en sortir ?

– C'est une moyenne, se défendit-il.

– Buck, est-ce que... Est-ce que tu as fait le calcul tout seul ?

– Je... Ce n'est pas ce que tu crois...

– Tu m'as dit que tu n'avais plus facilités en maths, que ton don était parti...

– Et c'est vrai, je suis de nouveau nul en calcul mental basique.

– Alors comment en es-tu venu à cette conclusion ?

Buck ferma les yeux et soupira.

Eddie garda le silence mais continua de le fixer. Il devait comprendre. Buck commença à tapoter son téléphone sur sa cuisse de nervosité et Eddie posa sa main sur la sienne pour le faire cesser.

– Buck, explique-moi !

– Je ne sais pas, admit-il. C'est juste mon cerveau qui fait ce truc et je ne sais pas comment ça fonctionne. Je lui donne juste des données des informations, je vois des trucs, des détails sans lien apparemment et il analyse tout et me donne un pourcentage de risque. Ça me permet généralement de savoir si je peux me lancer ou non.

– Et ça vient du foudroiement ça aussi ? demanda-t-il curieux et inquiet de cette nouvelle faculté chez Buck.

– Non, je suis comme ça depuis toujours. Quand j'étais petit... tu sais, je faisais des cascades. Mes parents me disaient toujours que je devais faire attention, que je devais mesurer les risques...

– Et tu les mesurais ?

– Ouais, juste ce qu'il fallait de chance pour me blesser, pour qu'ils me voient, tu sais.

– Tu le faisais exprès ? souffla-t-il complètement abasourdi.

– J'essayais d'attirer l'attention, répondit-il en haussant l'épaule que son fils n'occupait pas.

– Et tu fais ça à quelle fréquence ? Mesurer les risques je veux dire.

– Tout le temps, à chaque instant de ma vie, pour tout.

– Tu le fais au travail ?

– Ouais, admit-il dans un souffle.

– D'accord. Et c'est précis à quel point ?

– Tout dépend des données mais généralement c'est assez précis.

– Pour Kameron, tu as dit presque vingt-quatre pourcents de chance. C'est quoi le vrai chiffre ?

– Vingt-trois virgule quatre-vingt-sept, murmura-t-il.

– Putain ! C'est... merde Buck tu devrais être capitaine avec le don que tu as.

– Je ne pourrais jamais être capitaine, je ne pourrais jamais prendre la décision de mettre qui que ce soit en danger et j'en deviendrai fou.

Eddie pouvait comprendre ça.

C'était dans le caractère de Buck en plus de faire passer tout le monde avant lui et même si Eddie aimerait qu'il pense un peu à lui, il savait qu'il ne le changerait pas. Il devait juste être là et l'assurer au cas où.

Et puis, ça le frappa comme un train de marchandise en pleine face.

– Le foudroiement, lâcha-t-il livide. Tu savais que tu allais être foudroyé en montant là-haut.

– Non, je savais qu'il y avait un risque, mais il était minime.

– Combien ?

– Eddie...

– Combien Buck ?

– J'avais calculé qu'il y avait environ trente-sept virgule seize pourcent de risques que la foudre touche l'échelle.

– Et qu'elle te touche toi ?

– Dix-sept virgule zéro six, soupira-t-il.

– Pourquoi t'es monté alors ? lui demanda Eddie incrédule.

– Parce que si je ne l'avais pas fait, Chim y aurait été et il aurait été foudroyé à ma place. Il a une famille Eddie.

– Toi aussi t'as une famille, Buck, lui rappela-t-il.