Quand Buck arriva moins d'une demi-heure plus tard Kameron s'était rendormie.

Il s'installa à ses côtés attendant qu'elle revienne à la conscience. Elle allait mieux, bien qu'encore pâle, mais son visage se plissait, signe qu'elle n'était plus dans le coma, car elle réagissait à un rêve.

Buck était heureux qu'elle soit vivante.

Et on pouvait dire qu'elle revenait de loin. La dernière fois qu'il était venu lui rendre visite, il avait amené Junior pour pouvoir lui dire au revoir et maintenant son état était à l'opposé de ce qu'il était quelques jours plus tôt.

Mais Buck était surtout terrifié.

Qu'allait-il se passer maintenant ?

Comment allait-il pouvoir faire fonctionner sa famille ?

Kameron le laisserait-elle même encore faire partie de la vie de Junior ?

Son esprit fonctionnait à toute vitesse et il allait finir par devenir fou. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser que c'était terminé, qu'il avait tout perdu, que la seconde chaussure était tombée.

Il ne pouvait pas en être surpris, c'était toujours comme ça que ça se passait avec lui.

Ce n'était pas vraiment une question de chance, c'était une question de statistiques. Quand les choses allaient trop bien, quelque chose finissait toujours par foirer. Il avait compris avec les années qu'à force de jouer avec le hasard, de le contourner pour en faire ressortir le meilleur possible, celui-ci parvenait toujours à lui faire subir un violent revers.

C'était injuste parce que pourquoi avoir ce don si ce n'était pour tenter d'arranger les choses ? Il ne faisait rien de mal mais il en payait toujours le prix fort.

– Buck ? souffla soudain la voix d'Eddie en entrant dans la chambre.

– Eddie ? croassa-t-il en essuyant ses larmes. Mais qu'est-ce que tu fais là ? Où sont les enfants ?

– Les enfants sont à la maison avec Bobby et Athena, le rassura-t-il. Quant à la raison de ma présence, elle est évidente. Je suis là pour toi.

– T'étais pas obligé.

– Ne fais pas ça, le réprimanda-t-il. Ne te ferme pas à moi, pas maintenant.

– Je suis désolé, c'est juste… Je suis dépassé par tout ce qui se passe, par…

– Je sais, murmura-t-il en s'installant à ses côtés. C'est pour ça que je suis là. Mon tout nouveau fiancé a besoin de moi pour ne pas tourner en spirale.

Buck eut un rire mouillé qui fit se resserrer la main d'Eddie sur son épaule.

– On est fiancé depuis un moment, lui rappela-t-il.

– Je sais mais je n'étais pas sûr que tu savais que c'était toujours d'actualité. J'ai préféré m'assurer que tu le savais.

– Merci, articula-t-il.

Eddie le fit venir entre ses bras même si ce n'était pas pratique dans cette position mais Buck en avait besoin et il plongea son nez dans son cou inspirant son odeur profondément.

Le tumulte de son esprit ne devint plus qu'une légère houle.

Eddie dessinait de doux cercles dans son dos, détendant également son corps. Ses peurs étaient plus fortes que jamais mais la présence d'Eddie le rassurait. Il avait ce sentiment de sécurité quand il était entre ses bras, comme si Eddie avait le pouvoir de tout arranger. Il savait logiquement que ce n'était pas le cas, mais il avait besoin d'y croire même si c'était seulement pour quelques secondes.

Eddie resta avec lui le reste de la soirée. Kameron glissa dans et hors de la conscience quelques fois de plus avant qu'Eddie ne sorte leur récupérer de quoi manger.

Buck sursauta lorsque que Kameron gémit et ouvrit les yeux sans les refermer.

– Hey, souffla-t-il faisant se tourner son regard vers lui.

– Buck ? croassa-t-elle.

– Hey, ça va. Ok ? Tu vas bien.

– Qu'est-ce… qui s'est… passé ?

– T'as eu un accident, lui répondit-il. Mais tu vas bien maintenant.

– Evan ? sursauta-t-il.

– Il va bien. Il est à la maison et il va très bien. Je te le promets.

– D'accord, souffla-t-elle en reposant sa tête sur son oreiller. Dis à Connor que je l'aime.

Buck se figea.

Bien sûr, Kameron supposait que son fils se trouvait avec son mari, dans leur maison. C'était normal, elle venait de se réveiller d'un coma de quatre mois.

Bien sûr qu'elle était confuse.

Buck se demanda s'il devait lui dire maintenant pour son mari. Il savait que ce serait un choc, mais il savait aussi que s'il lui mentait maintenant, alors elle lui en voudrait plus tard pour ça. Elle ne verrait pas qu'il voulait seulement la protéger et c'était prendre le risque de perdre Junior plus tard.

– Kameron, l'accident a été… très violent et…

– Et j'ai un truc grave ?

– Non tu vas bien. Physiquement tu t'es bien remise. Tu auras de la physiothérapie pendant un moment mais ça ira, lui promit-il.

– Alors quoi ? C'est… ? C'est Connor ? C'est ça ?

– Je suis désolé, souffla-t-il quand il vit qu'elle avait compris. On n'a rien pu faire.

Buck s'attendait à une crise de larmes mais pas à l'explosion de violence de la jeune femme pourtant à peine réveillée. Les médecins et infirmières entrèrent immédiatement dans la chambre et le firent sortir.

– Qu'est-ce qui s'est passé ? s'enquit Eddie avec deux sandwichs dans la main.

– Elle s'est réveillée. Elle sait pour Connor et elle a… pété les plombs. Les médecins essaient de la calmer.

Eddie se contenta de prendre sa main pour le soutenir.

Il ne remit pas en cause sa décision d'être franc envers Kameron, contrairement au médecin qui avait dû lui administrer un sédatif.

Buck décida de revenir le lendemain matin avec Junior dans les bras.

Kameron avait besoin de son fils maintenant, quelque chose auquel se raccrocher. Junior était un peu bougon ce matin mais Buck savait que ça ne durerait pas.

Quand il entra dans la chambre, Kameron était réveillée.

Quand elle le vit son visage passa de la surprise à la gratitude avant de tendre les bras. Buck lui remit son fils et elle regarda son visage les yeux remplis de larmes.

– Tu as tellement grandit, souffla-t-elle. Mon petit amour, je ne te quitterai plus jamais. Il va vraiment bien ?

– Tout va bien.

– Les infirmières m'ont dit que tu étais resté avec lui, que tu me l'avais amené souvent aussi…

– Je ne voulais pas qu'il t'oublie. Il… il se souvient de ton odeur, il aime sentir ton cou.

Kameron corrigea sa position pour permettre à son enfant de sentir la peau de son cou et celui-ci attrapa sa chemise d'hôpital dans son poing en frottant son nez contre l'odeur réconfortante de sa mère.

– Merci pour ce que tu as fait pour lui et… Les infirmières, elles m'ont dit aussi que tu t'étais opposé à ce qu'on me débranche.

– Junior a besoin de sa mère, se contenta-t-il de répondre.

– Junior ?

– Oh… euh ouais. C'est comme ça que je l'appelle. J'ai dû mal à l'appeler par mon propre prénom, je ne trouvais pas ça naturel alors…

– Je comprends.

Elle reporta son attention sur son fils pendant quelques minutes avant de reprendre la parole.

– Les médecins pensent me faire sortir dans deux jours.

– C'est bien… je suppose.

– Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait pour moi, pour nous mais Evan et moi allons retourner dans le Kansas.

– Le… ? suffoqua-t-il.

– Je suis désolé mais c'est trop dur ici sans Connor, je ne pourrai pas. J'ai une vieille tante là-bas. Elle est d'accord pour nous accueillir.

Le Kansas, c'était bien trop loin de lui.

Son esprit tentait de calculer les possibilités de faire partie de la vie de son enfant sur une si longue distance mais son cœur hurlait de douleur et de désespoir. Il avait envie de pleurer, de crier, de frapper mais il resta immobile, tentant de canaliser sa douleur.

Ça faisait mal mais Kameron était sa mère et lui… il n'était rien, il n'avait pas le pouvoir de s'y opposer. C'était une bataille perdue d'avance et même s'il la tentait, au final c'était Junior qui en pâtirait.

Il n'avait pas le choix, il devait le laisser partir.

– Je comprends, souffla-t-il seulement.