Chapitre 18 : Réconciliation

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Une berline noire s'arrêta brusquement devant le bâtiment. Cet hôtel, où il y avait encore quelques jours, elle s'était retrouvée là, en sa compagnie… Non, elle devait arrêter de penser à lui, et l'oublier, une bonne fois pour toute. Jarod devait déjà sûrement être très loin maintenant. Descendant de voiture, elle claqua la portière du côté conducteur. Et tout en soulevant ses lunettes de soleil, elle marmonnait un mélange de mots dans un jargon totalement incompréhensible qu'elle seule comprenait. En cet instant, un verre de whisky ou une cigarette n'aurait certainement pas été du luxe.

En entrant dans le hall, la jeune femme, tête baissée, les lunettes de soleil sur les yeux, se dirigea directement vers l'ascenseur, ne voulant pas être repéré. Que se passerait-il si quelqu'un de l'hôtel la reconnaissait ? Que se passerait-il si le Centre venait à découvrir… ? Comment devait-elle, appeler ça ? Un béguin ? Une amourette ? Une histoire ? Une liaison ? Elle secoua la tête, haussant les épaules, essayant de chasser ces idées noires de son esprit. Cela n'avait plus aucun intérêt, Jarod l'avait déjà remplacé. Oui, il l'avait remplacé par une écervelée toute rousse ! Soit. La relation avec son caméléon était bel et bien terminée !

Elle laissa ses deux acolytes partir à la recherche d'informations. Une photo de Jarod à la main, le psychiatre se renseigna auprès d'un réceptionniste.

« Bienvenue Messieurs au Mark Hôtel. En quoi puis-je vous être utile ?

- Bonjour Monsieur, nous recherchons, cet homme, nous savons qu'il est venu ici. L'avez-vous déjà vu ?

- Oui, je le reconnais. Je me souviens parfaitement de lui, il était accompagné d'une jeune femme, une magnifique brune. Ils faisaient un très joli couple, d'ailleurs.

- Pourrions-nous voir la chambre qu'il occupait ? C'est très important.

- Quelqu'un a déjà réservé cette suite. Je peux vous en proposer une autre si vous le souhaitez…

- Non, nous ne voulons pas réserver. Voyez-vous, nous recherchons notre ami, et tout me laisse à penser qu'il nous aurait laissé un indice sur sa prochaine destination. Nous ne resterons que quelques minutes.

- Tenez, voici la clé, il occupait la suite 88. Faîte vite. Je ne voudrais pas me faire taper sur les doigts ! Toutefois, je ne crois pas que vous puissiez y trouver quoi que ce soit. Vous savez, ici les chambres sont nettoyées dans la matinée…

- Dites-moi, aurait-il laissé quelque chose à la réception ? Un petit colis ou une lettre ?

- Non. Il n'a rien laissé. Autant lui que sa compagne ne sont restés que très peu de temps.

- Merci de votre accueil.

- Une brune, a-t-il dit ? Il a dû sûrement se tromper ! remarqua naïvement Broots.

- Sûrement oui. » répondit Sydney, le grand sourire aux lèvres, les yeux braqués vers la Miss. Il savait.

Mlle Parker, Broots et Sydney étaient arrivés devant la suite qui était de nouveau libre, et une fois de plus, Jarod avait pris la fuite. La jeune femme se sentait très mal à l'aise, il y avait peu de temps encore, elle s'était retrouvée dans cette partie de l'hôtel, ici dans cette même pièce, dans les bras de son caméléon. Des bribes de souvenirs de cette soirée lui revenaient en mémoire. À quel moment avait-il invité cette rouquine dans cette chambre, avant ou après l'avoir invitée, elle ? Selon l'heure et la date de la vidéo, c'était bien des jours après leurs rendez-vous. Il s'était moqué d'elle, encore une fois. Pourquoi s'était-elle infligé une douleur supplémentaire ? Pourquoi avait-il fallu qu'elle revienne ici, à New-York ? S'attendait-elle à le revoir ? Et si elle le revoyait, que pourrait-elle bien lui dire ? Mlle Parker soupira. Tous les trois cherchaient des indices sur le départ précipité du caméléon. Elle prit un magazine posé sur le lit et le feuilleta sans même le lire. Il n'y avait rien. Rien d'intéressant !

« On devrait se dépêcher, quelqu'un a réservé la suite.

- Sydney, on ne restera que quelques minutes, ensuite, on mettra les voiles !

- C'est étonnant que Jarod ait justement choisi ce numéro ?

- De quoi parlez-vous Sherlock ?

- Je parle du chiffre 88. Vous savez que Jar…

- Je n'ai pas envie de vous entendre encore me dire à quel point Jarod est fasciné par le 8.

- Vous allez bien ? Vous êtes toute pâle.

- Sydney, arrêtez de me materner ! Je n'ai plus dix ans. Alors Broots, notre petit génie, aurait-il laissé son carnet rouge derrière lui ?

- Non, Mademoiselle, cette fois-ci, il n'a rien laissé, à part ceci, c'est pour vous. Tenez ! Il lui remit une petite enveloppe. Mlle Parker se mit à l'écart, il reprit, qu'est-ce que c'est ?

- Je vous en pose des questions, moi ?

- Aujourd'hui, vous n'êtes pas à prendre avec des pincettes, rétorqua-t-il.

- Votre informateur, c'est peut-être trompé Broots. En-tout-cas, s'il était là, il n'y est plus. Et de toute évidence, il n'a rien laissé derrière lui. C'est une pure perte de temps. J'espère qu'il va bien, s'exclama Sydney déconcerté.

- Excellente analyse docteur Freud. Mais rassurez-vous, je suis sûre que votre petit génie va très bien. Alors il est inutile que vous restiez ici. Aller rendre la clé à l'accueil, et rentrez !

- Mais et vous Mademoiselle ?

- Broots, sombre crétin, depuis quand vous discutez mes ordres ? Moi, je vais rester quelques minutes ici et ne vous inquiétez pas, je claquerai la porte en partant. Vous, de votre côté, retournez au Centre et concentrez toutes vos recherches sur Genius. Maintenant, du vent ! Quant à nous Sydney, il faudra qu'on se parle dès mon retour.

- Et quand reviendrez-vous ?

- Quand je l'aurai décidé. Et si jamais on me demande… Inventez ! »

Après le départ de Broots et de Sydney, seule, la jeune femme était là, face à la fenêtre, songeuse, se demandant où Jarod était, ce qu'il faisait, avec qui il était, regrettant les dernières paroles qu'elle avait eu à son égard. Elle ferma les yeux pour se remémorer sa conversation avec lui. Elle s'était montrée beaucoup trop dure avec lui et elle s'en voulait terriblement. Elle aurait dû lui dire ce qu'elle ressentait vraiment pour lui, avant de le laisser repartir. Pourquoi n'arrivait-elle pas à lui dire clairement les choses ? Jarod devait sûrement la prendre pour une folle ! Mais depuis quand se souciait-elle de ce que Jarod pouvait bien penser d'elle ?

« Que le caméléon et sa rouquine aillent au diable !» pensa-t-elle.

La jeune femme sortit de l'enveloppe, un objet. Elle ouvrit un écrin rouge qui contenait un magnifique collier en argent. Il était plutôt fin et assez discret. Ce n'était pas n'importe quel collier. Il était assez représentatif de leur relation, il véhiculait un message très fort évoquant un sentiment inconditionnel de leur amour. Ce collier était décliné en double infini, positionné de manière verticale sur lequel était inscrit leurs deux initiales. Elle l'adorait, non pas parce que c'était un bijou comme elle les aimait, mais parce qu'il venait de lui, de l'homme dont elle était éperdument, secrètement amoureuse. La sonnerie de son téléphone portable retentit, elle décrocha aussitôt :

« Allo ?

- Tiens, ça change, de ton fameux quoi habituel.

- Jarod !

- Je suis surpris que tu ne m'aies pas oublié.

- Comment serait-ce possible ?

- Es-ce que ça veut dire que tu penses à moi ?

- Ne prends pas tes désirs pour la réalité, petit génie ! Mais si tu savais dans quel endroit, je me situe, tu trouverais la situation assez ironique.

- Et si je te disais que je sais exactement où tu te trouves en ce moment même ?

- Comment pourrais-tu le savoir, Jarod, tu n'es qu'un caméléon, pas un devin !

- Suis ton intuition, Parker ! »

Guidée par son intuition, elle ouvrit la porte. Il était là, sur le seuil, les bras croisés, appuyé contre l'encadrement, son portable à la main, un grand sourire aux lèvres s'était dessiné sur le visage du jeune homme. Elle le dévisagea de son regard malicieux, ravie de le revoir. Alors que tous deux raccrochaient leurs téléphones, Mlle Parker, elle, s'écarta pour laisser entrer le caméléon. Depuis leur dernière entrevue, ils ne s'étaient pas reparlé. Elle devait lui dire ce qu'elle avait sur le cœur même si cela lui paraissait compliqué, elle se devait de le faire, il fallait qu'il sache ce qu'elle éprouvait pour lui. Allait-elle vraiment lui avouer ses sentiments ? Mlle Parker prit la parole :

« Comment savais-tu que j'étais là ?

- J'ai vu Sydney et Broots sortir de l'hôtel.

- Tu me suis maintenant ?

- Qu'est-ce que ça fait Parker d'être là proie au lieu d'être le prédateur ?

- Et depuis quand tu m'espionnes ?

- Depuis mon évasion du Centre.

- Je n'ai plus envie de jouer, Jarod. Ce petit jeu ne m'amuse plus.

- Ça tombe bien, parce que je n'ai plus envie de jouer moi non plus... Mais enfin, qu'est-ce que tu fais, Parker ? Si tu cherches Sydney et Broots, à mon avis, ils doivent être sûrement loin, maintenant, lui demanda-t-il alors que dans le long couloir, elle regardait tout autour d'elle.

- C'est curieux, je ne vois pas ta fiancée à ton bras. Elle n'est pas venue avec toi ? Tu ne veux pas la présenter à ton amie ?

- Ma fiancée ? Mon amie ? Mais de quoi tu parles ?

- Je parle de cette jeune femme rousse que tu as emmenée ici, dans cet hôtel ! Tu sais, dans ce même hôtel, dans cette même suite, ou tu m'as invité, ou toi et moi, nous avions passé la soirée ensemble ou je t'ai fait entièrement confiance, ou je me suis confié à toi ou je me suis abandonné dans tes bras… Je croyais que ça comptait pour toi, en fait, tu t'es fichu de moi !

- Serait-ce une pointe de jalousie que je décèle dans le ton de ta voix ? Alors, non Parker, je ne l'aurais jamais emmenée ici.

- Arrête de me mentir, Jarod ! On vous voit tous les deux sur une vidéo, tu étais avec elle, tu lui tenais la main et elle, elle te dévorait du regard ! C'était écœurant. Parmi toutes les humiliations que j'ai subies de ta part, celle-ci était la pire !

Mais enfin pour qui se prenait-il ? Elle se retourna, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Elle, jalouse ? À ce moment-là, elle n'avait qu'une seule envie, c'était de l'étrangler, sans doute, c'était ce qu'elle aurait fait si la jeune femme n'avait pas eu des difficultés à respirer, essayant malgré tout de retenir ses larmes. Si elle le pouvait, elle prendrait la fuite à toute vitesse. Les lèvres serrées, elle ne disait mot. Jarod s'approcha doucement d'elle, la serrant tendrement, ses mains étaient si apaisantes qu'elles avaient un effet calmant sur la Miss. Il recula se saisissant du visage de la jeune femme.

- Je l'ai fait venir, c'est vrai, mais pas ici, pas dans cette chambre. Je lui avais donné rendez-vous au bar de l'hôtel. Il fallait que je sois clair avec elle. J'avais des choses à lui dire. Et pour être honnête avec toi, j'ai mis un terme à cette relation. Ça n'avait plus aucun sens.

- Pourquoi ?

- Parce qu'il n'y a qu'une seule personne qui m'intéresse. Toi, Parker ! Et crois-moi quand je te dis que je ne l'ai pas emmené ici. Je sais ce que cet endroit représente pour nous, je ne t'aurais jamais fait ça.

- Alors quoi ? demanda la jeune femme en s'éloignant de lui.

- Alors c'est avec toi et seulement toi avec qui je veux être. Je ne savais pas que tu étais du genre à être jalouse. Parker, tu me surprendras toujours.

- Non, je t'arrête tout de suite. Je ne suis pas jalouse et surtout pas de cette rouquine. Non mais tu l'as vu ?

- Parker, ce soupçon de jalousie, je trouve ça plutôt positif pour nous. Et le fait que tu le sois, ne serait-ce qu'un petit peu, prouve à quel point tu tiens à moi. Ça me donne d'autant plus envie de vivre des choses aussi excitantes soient-elles avec toi et je ne voudrais partager ça avec personne d'autre que toi. Mais tu sais, tu n'as pas à être jalouse de qui que ce soit, tu es la seule qui compte à mes yeux. Et je suis sincèrement désolé si tu t'es sentie humiliée. Tu me pardonnes ?

- Humm. Voyons voir. Ça va te coûter un max. Mais tu as raison, sur un point, je suis un peu, je dis bien, un peu jalouse.

- Tu n'as pas à l'être. Il n'y a que toi et il n'y aura jamais personne d'autre que toi ! Je vois que tu as trouvé mon petit cadeau ?

- Oui, mais Jarod, on n'a pas fini notre conversation et ne t'attends pas à ce que je te pardonne et que j'oublie aussi facilement.

- Tu veux qu'on continue à se disputer ?

- Oui… Non… Oui ! Arrête, tu m'embrouille ! Ne crois pas que cette fois-ci, tu vas t'en sortir avec un cadeau et de belles paroles. Ce serait trop facile !

- Parker, regarde-nous, on se dispute comme un vieux couple.

- Non, non, non, on n'est pas un couple…

- Ah non ? Mais alors, qu'est-ce qu'on est ?

- Deux amis !

- Oui, mais deux amis proches, très proches et très attirés l'un par l'autre, murmura le jeune homme, en lui donnant quelques baisers par-ci par-là.

- Attirés l'un par l'autre ? Et qui te dit que je suis attirée par toi ?

- D'abord, tu penses à moi, oui, Mlle Parker, tu penses à moi, c'est incontestable. Ensuite, là, tu es envahie par de la nervosité et à chaque fois que tu te trouves à mes côtés, tu rougis, tu me fais de grands sourires, de très beaux sourires. Je peux sentir ton cœur s'emballer, je sais qu'il ne bat que pour moi. Quant à tes yeux, je retrouve cette petite étincelle qui s'illuminait autrefois. J'ajouterai même que là tout de suite, tu te sens un petit peu gêné.

- Ah oui ? Et comment peux-tu le savoir ?

- Parce que je ressens la même chose que toi.

- Tu es nerveux, toi aussi ?

- À chaque fois que je me trouve à tes côté. Parker, le collier, il ne te plaît pas ?

- Si, il est parfait.

- Pourquoi tu ne le portes pas ? »

Elle ne savait plus quoi dire. Alors, en galant homme, il lui retira l'écrin de ses mains, prenant le bijou et toute en subtilité, il l'embellissait le cou de la jeune Miss, profitant de caresser tendrement sa nuque qu'il embrassa avec délicatesse. Elle passa ses doigts sur le symbole du double infini. Elle était touchée, jusqu'à maintenant, c'était le plus beau cadeau qu'il ne lui avait jamais offert et pourtant, il voulait en faire plus. S'il pouvait, il lui rendrait la seule chose dont elle désirait réellement. Elle avait le menton tremblant, les paupières tombantes, le regard coupable, et malgré son caractère bien trempé, il était impossible pour Jarod de résister à cette jolie frimousse d'ange. Il l'embrassa. Elle s'éloigna de lui.

« Il est magnifique.

- Ne sais-tu pas à quel point tu es belle ?

- Jarod… Je suis désolée.

- Pourquoi ?

- Pour tout. Tout d'abord, l'autre soir quand tu es venu à la maison. Je n'ai pas supporté que tu me prennes pour une chose fragile. Et ça n'avait rien à voir avec le fait que tu m'aies rejeté.

- Vraiment ? Pourtant, tu étais tellement hors de toi que j'ai cru que tu allais me fusiller sur place.

- Oui, peut-être. Quoi qu'il en soit, je n'aurai pas dû agir de manière aussi impulsive. Et j'ai honte de t'avoir giflé. Et puis quand Ethan était là, je me suis montrée odieuse avec toi. Pardonne-moi.

- Mlle Parker s'excuse ?

- Oui, mais attention, n'en prends pas l'habitude. En fait, ces derniers jours, j'ai appris beaucoup sur moi-même. J'ai réalisé que depuis de nombreuses années, j'étais dans l'erreur.

- Je suis heureux de l'apprendre. Je suppose que ça dû être difficile de faire face à la réalité. Je suis très fier de toi, Parker.

- Tu es fier de moi ? Tu es la première personne à me le dire.

- Je le suis vraiment, et je n'hésiterais pas à te le dire aussi souvent que tu auras envie de l'entendre.

- Alors dis-le-moi encore.

- Parker, je suis très fier de toi, extrêmement fier de toi. Tu sais, moi aussi, je dois t'avouer quelque chose, je me suis senti très mal, après notre dispute. Et ça n'avait rien avoir avec la gifle. C'est ce que tu m'as dit ce soir-là qui m'a le plus blessé. Et le pire, c'est que je n'arrive même pas à t'en vouloir.

- Je ne le pensais pas ou peut-être que je le pensais, sans y penser réellement. Est-ce que tu comprends ? Le fait est que j'étais si déboussolée que j'ai agi de la pire des façons. Et toi, Jarod, tu as eu raison de me repousser comme tu l'as fait, ce soir-là. Et il était préférable que tu t'en ailles, avant que nous ne commettions l'irréparable, parce que si on avait passé la nuit ensemble dans ces conditions, je sais que je l'aurai regretté. Et ce n'est pas ce que je veux.

- Parker, c'était encore un de tes moments de faiblesse. Ça n'a plus aucune importance. Et en ce qui me concerne, cette histoire est derrière moi. Fais-en autant. Tu sais que tu peux tout me dire. Tu peux me parler, si tu en ressens le besoin.

- J'étais perdue, je ne savais plus où j'en étais et toi, tu étais là, attentionné, bienveillant, gentil, je croyais qu'en agissant comme je l'ai fait, ça allait me permettre de reprendre le contrôle de la situation où du moins sur ce que je pouvais contrôler.

- C'est-à-dire ?

- Mes sentiments pour toi. Et moi, je ne peux oublier ce que j'ai fait...

- Pourquoi ?

- Parce que, Jarod, je ne supporte pas de me sentir perdre le contrôle. Tu sais, je ne suis pas une personne qui dit avec facilité ce qu'elle éprouve au fond d'elle, sans doute parce que j'ai du mal à le comprendre moi-même. Oui, j'avais du mal à comprendre. Je sais que ce que je vais te dire va beaucoup te surprendre tant, je n'avais jamais osé jusqu'à là te dire clairement ce que j'éprouvais pour toi. Je n'avais encore jamais ressenti ça auparavant ! Je croyais néanmoins avoir ressenti ce genre de sentiment pour Thomas, mais ça n'avait rien avoir, et pourtant Dieu seul sait combien j'ai été amoureuse de lui. Mais nous deux, c'est différent, c'est une évidence, je le sais aujourd'hui. C'est quelque chose que je sens au plus profond de mon être, toi aussi, tu le ressens, je le sais. Je ne voulais pas te le dire parce que j'avais peur des conséquences, non, pas pour moi… Pour toi, Jarod. Le fait est, que pendant toutes ces années où tu m'étais inaccessible, rendait les choses plus acceptables et c'était plus facile pour moi, d'ignorer mes sentiments, de faire comme si ça n'avait pas d'importance. Et plus tu me fuyais, plus je te suivais et moins je souffrais, parce que je savais que tu étais toujours là. Jusqu'à ces quelques jours passés sur l'île. Alors j'ai su. Je l'ai toujours su… Pendant, si longtemps, j'ai refusé de voir ou disons que je me suis refusée à croire que nous deux ça pouvait être possible, je pensais ne pas être digne de toi ou encore de ton amour, mais je sais maintenant que tout est possible, si tu es là, avec moi. Et puis, je ne me reconnais plus. Je suis sans défense et à chaque fois que tu es là près de moi, j'ai l'impression de perdre le sens de la réalité, je deviens irrationnelle. J'ai besoin de toi, et quand tu n'es pas là à mes côtés, c'est comme si on m'arrachait une partie de moi. J'ai peur de te perdre… Elle s'arrêta un instant pour reprendre son souffle. Elle reprit, qu'est-ce que tu m'as fait ?

- Moi, je n'ai rien fait. Mais toi, Parker, tu viens de te sauver ! »

Il l'attrapa par le bras pour l'amener à lui, c'était la plus belle déclaration d'amour qu'on ne lui avait jamais faite. À vrai dire, c'était la seule. Et même si elle n'avait pas prononcé les trois mots qu'il espérait un jour entendre, cette déclaration n'en restait pas moins mémorable à ses yeux.

« Et maintenant que fait-on, Jarod ?

- Eh bien, si on reprenait tout à zéro. On recommence tout.

- Qu'est-ce que tu veux dire par "si on reprenait tout à zéro ?"

- Après ce léger incident, l'autre jour, chez toi, j'ai réfléchi, ou plutôt devrais-je dire qu'Ethan m'a fait comprendre certaines choses.

- Lesquelles ?

- Je ne veux pas que tu te sentes prises au piège, je ne veux pas non plus que tu ressentes la moindre pression, si tu trouves que les choses vont beaucoup trop vite pour toi, on peut ralentir. Si tu as besoin de temps que ce soit une semaine, un mois, une année entière, peu importe le temps que je t'accorderai ça ne fera que renforcer mes sentiments pour toi, parce que je crois que notre histoire vaut la peine qu'on la vive, que notre amour mérite qu'on se batte pour lui. Parker, je veux que tu refasses confiance en l'amour.

- J'essaye, je te jure, j'essaye vraiment, mais c'est difficile de refaire confiance en l'amour quand on a tout perdu.

- Non, Parker, tu n'as pas tout perdu. Je suis toujours là et jamais tu ne me perdras. Te sens-tu prête à assumer notre relation ?

- Jarod, même si je sais qu'aujourd'hui, c'est toi que je veux, que j'y vois un peu plus clair dans les sentiments que j'ai pour toi, et que je ne me suis jamais sentie aussi heureuse qu'avec toi, j'ignore si j'ai besoin de plus temps, si je me sens prête à assumer notre histoire ou bien encore à la rendre officielle.

- Alors on va aller à notre rythme, après tout, on a tout le temps.

- Oui, on a tout le temps, mais Jarod, tu ne m'en veux pas ?

- Pourquoi devrais-je t'en vouloir ?

- Il y a tellement de raisons, qu'il faudrait toute une décennie pour les énumérer.

- Soit ! Mais pour moi, ça n'a plus aucune importance puisque tu es là. J'ai réservé la suite, pour 24 heures, ça te dit de rester avec moi ?

- Alors c'était toi ? J'aurais dû m'en douter. Après ma crise de jalousie, tu veux toujours que je reste ? Pourquoi Jarod ?

- Parce que je te veux auprès de moi.

Il la tenait légèrement penchée en arrière, l'embrassant langoureusement. Les yeux clos, elle ne savait plus trop quoi penser et à vrai dire elle ne voulait penser qu'à lui. N'était-ce pas ce qu'elle faisait déjà depuis plusieurs jours ? Depuis plusieurs semaines ? Depuis toujours ? Peu importe, il était là avec elle, sans aucun reproche de sa part, sans aucune animosité pour elle, sans aucun souci à l'horizon. Ils étaient revenus à l'heure point de départ, là où tout avait commencé entre eux, après leur retour de Carthis. À une différence près, maintenant ils savaient tous deux ce qu'ils voulaient. Elle lui souriait, mais d'un sourire qui le faisait complètement craquer. Et elle ça l'amusait.

- Alors ça te tente de rester avec ton caméléon préféré ?

- Faut voir !

- Ont été bien ici, l'autre soir, isolé du monde, non ?

- Jarod, ont été bien tant que personne ne savait où on était, mais ce n'est plus un endroit aussi sûr maintenant. Rien qu'en entrant dans l'hôtel, tout à l'heure, j'ai cru que j'allais être découverte.

- Tu n'as pas à te sentir coupable d'être heureuse. Et détrompe-toi, Parker, parce que les chances que le Centre nous retrouve ici sont quasi nulles. Combien de chance y a-t-il pour qu'ils reviennent fouiner ici une seconde fois ?

- Jarod, s'il y en a une, aussi infime soit-elle, alors tu peux être sûr qu'ils la saisiront !

- Personne n'est au courant pour nous deux ?

- Sydney est au courant. Je me suis confiée à lui. Mais je sais qu'on peut lui faire confiance, jamais, il nous trahirait.

- Dis-moi, tu veux rester ?

- Au péril de ma vie ?

- Mais tu veux rester ? avait-il répété avec insistance.

- Et comment !

- Tant mieux parce que j'ai des choses à te dire, et je préfère te les dire de vive voix, face à face, que par téléphone ou dans une lettre. »