Chapitre 24 : Souvenirs

Résidence de M. Parker. Londres, Angleterre

« Jarod, j'ai quelque chose à t'annoncer. C'est très important. Ce qu'il y a, c'est que je ne sais pas par où commencer. Tu vois, il y a tellement à dire que…

- Dis-le-moi simplement. De quoi s'agit-il ? De ton petit frère ?

- Mon petit frère ? Non, Jarod, il n'est pas mon petit frère.

- Mais alors qui est-il, Parker ?

- Je l'ignore. Ce que je sais, c'est qu'il n'est pas mon frère. Il ne l'a jamais été, Jarod. C'est toi qui avais raison, et ce, depuis le début.

- Pourtant, Parker, ce petit te ressemble. Vous avez le même sourire. J'en suis intimement convaincu. Oui, c'est le même sourire.

- Non Jarod, il ne me ressemble pas.

- Tu en es certaine ? Il nous faudrait une confirmation…

- Attends-moi là.

- Où vas-tu ?

- Je reviens, j'en ai pour quelques minutes. »

Sans dire un mot, la jeune femme tourna les talons quittant la pièce. Le caméléon la suivait d'un regard béant. Il commençait à s'agiter. Ne tenant plus en place, il faisait les cent pas. Parfois, seulement, parfois, il avait du mal à faire face à son imprévisibilité. Il ne savait jamais à quoi s'attendre avec elle, c'était un défaut dont, avec le temps, il s'était accommodé. Ne la voyant pas revenir tout de suite, il fouilla dans la poche de son pantalon pour en ressortir son téléphone. Tout en passant un coup de fil, Jarod déboutonna le haut de sa chemise. Il se frotta la nuque. Les paupières closes, il prit une profonde inspiration. Il ne souhaitait qu'une seule chose, c'était que le temps s'accélère, il semblait pour le jeune homme que la Miss s'était absenté une éternité. Après un court instant, elle réapparut, un sourire discret égayait son visage. Elle lui tendit dans un premier temps, l'enveloppe qui contenait le courrier de son père. Tandis qu'il lisait à haute voix la lettre, Mlle Parker se tenait debout, raide, les mains posées sur ses hanches. Elle releva la tête vers le plafond. Jarod prêta attention au moindre gros soupir qu'elle poussait, il la sentait tendue jusqu'à son maximum. Elle se déplaça tout autour de lui, s'arrêtant pour se placer à ses côtés, haussant les sourcils, tapant du pied. Il entendait le claquement du talon haut de sa chaussure frapper le parquet. Elle se pencha juste au-dessus de son épaule.

« Tu as fini ? Qu'en penses-tu ? marmonna Mlle Parker.

- Alors c'était ton père le commanditaire du meurtre de Thomas.

- Tu ne t'en doutais pas, Jarod, ne serait-ce qu'un peu ?

- Non. Je ne le pensais pas capable d'autant d'insensibilité. Surtout à ton égard.

- De cruauté, tu veux dire !

- Je pensais que Raines était derrière tout ça, ou ton frère Lyle, mais certainement pas ton père. Enfin, tu es sa fille…

- Était. Il est mort ! le corrigea-t-elle.

- Je suis sincèrement désolé, Parker. Tout ça, c'est à cause de moi. La perte de Thomas, ta souffrance, ce que tu subis depuis de trop longues années et aujourd'hui encore. Je ne peux m'empêcher de me sentir responsable.

- Tu n'as pas à être désolé, tu n'as pas à t'en vouloir, Jarod. C'est moi. Je n'aurai jamais dû entamer une liaison avec Thomas. J'aurais dû y mettre un terme dès le moment où…

- Où ça commençait à devenir sérieux, c'est ça ? Tu ne pouvais pas savoir Parker.

- Je savais au fond de moi, qu'il fallait que je le laisse sans aller. Quand il m'a proposé de partir dans l'Oregon avec lui, j'ai d'abord refusé, parce que je pensais que c'était la seule façon de le protéger. Mais après notre conversation, ce jour-là… Tu t'en souviens, Jarod de notre conversation téléphonique ?

- Oui, bien sûr, que je m'en souviens.

- Eh bien, j'ai changé d'avis. Il voulait me donner une chance de tout recommencer, de laisser le Centre derrière moi, et moi, je ne voulais plus de cette vie-là. Celle de parcourir le pays à la recherche du caméléon. Reprendre le contrôle de ma vie, avoir une existence paisible et ordinaire, c'est ce dont je désirais.

- Et tu m'aurais oublié définitivement.

- Non. Tu vois, c'était ça le problème, peu importe où je serai parti et avec qui, je ne t'aurais jamais oublié, Jarod. Et depuis quelques jours, je me rends compte que je n'étais pas aussi amoureuse de lui que je le… Seulement lui, il était là. Ne va pas croire que j'ai voulu te remplacer, ou que je me sois servi de lui pour t'oublier. Je ne suis qu'un être humain, moi aussi, je voulais avoir la possibilité de mener une vie normale avec une personne qui n'avait aucun lien avec le Centre. Enfin ce que je veux dire, c'est que j'avais besoin d'un homme à mes côtés, de me sentir importante à ses yeux, de me sentir…

- Aimée ?

- Oui. Et quand Thomas est mort, mon rêve est mort lui aussi.

- Non, Parker, ne renonce jamais à ton rêve. Je te promets qu'un jour, tu finiras par trouver le bonheur. Tu finiras par vivre ton rêve, et j'en ferai partie.

- Jarod. Non, on ne pourra jamais avoir la vie qu'on désire tous les deux. C'est comme ça. Je m'y suis faite.

- Si tu savais à quel point, je m'en veux. Parce que finalement sa mort n'aura servi à rien.

- Thomas n'a été qu'une victime collatérale et si je l'avais quitté avant, il serait toujours là, aujourd'hui. Les choix que je fais, je les assume même si cela veut dire que je dois en souffrir, mais toi, Jarod, tu n'y es pour rien. Je voulais que tu le saches. Je suis la seule coupable dans cette histoire.

- Écoute-moi, toi non plus, tu n'y es pour rien. Je ne veux pas que tu te rendes coupable de sa mort. Tu n'es pas responsable. Nous sommes toutes des victimes collatérales du Centre. Ta mère, Thomas, ma famille, Ethan, toi et moi. Mais je sais qu'on est tous capable de se relever et d'y faire face. Quant à M. Parker, quoiqu'il ait pu faire, il restera toujours ton père. Et je n'ai aucun doute sur le fait qu'il t'aimait sincèrement.

- Comment peux-tu le savoir ?

- Parce qu'il me l'avait dit.

- Quand Jarod ? Quand mon père t'as t'il fait cette confession ?

- Dans l'avion. Juste avant de sauter de l'appareil, emportant avec lui les rouleaux. Il m'avait avoué qu'il aimait sa fille plus que tout sur cette terre. Ce sont ses propres paroles. Il n'y a aucune équivoque pour ce qu'il ressentait pour toi.

- Tu prends sa défense maintenant ?

- Non, je n'excuse aucun des actes qu'il a commis, mais je ne veux pas que tu doutes de l'amour de ton père… Ni du mien ! »

Mlle Parker se serra tout contre lui. Non, elle ne doutait pas de l'amour que lui portait son père. Pas plus que celui de Jarod d'ailleurs. Elle avait cette sensation d'être prise dans un ouragan d'émotion, elle oscillait entre rage, douleur et naïveté. La jeune femme était si en colère contre M. Parker qu'elle n'arrivait plus à y voir clair. Et pourtant, elle n'avait jamais été plus lucide qu'aujourd'hui. Meurtrie, elle ne croyait plus en rien. Exposée à une profonde vulnérabilité, elle souffrait. Le choc de la trahison, probablement. Seul le temps pourrait guérir ses blessures. Le temps et Jarod ! Prenant place sur le canapé, ils abordaient tous les deux, un sujet beaucoup plus sensible, le petit Parker, celui qui n'avait ni famille ni prénom. Celui qui n'était que le fruit d'une expérience et qui restait, à ce jour, introuvable. Jarod relisait la lettre comprenant de ce fait pourquoi la jeune femme était revenue ici. Elle voulait mettre la main sur ces fameux documents. « Cette femme est incroyable ! Quand prendra-t-elle le temps de penser à elle ? » pensa Jarod.

« On sait maintenant que Brigitte et ton père n'étaient pas les parents biologiques de l'enfant.

- Tu n'as rien d'autre à m'apprendre ? Jarod, si tu veux mon avis, ça me soulage qu'elle n'est était que la mère porteuse.

- Pourquoi se servir de Brigitte comme mère porteuse ? Était-elle au courant des projets de son mari à son encontre ? Je ne pense pas, quoique… Je ne comprends pas.

- Nous sommes en train de parler de Brigitte, il n'y a rien à comprendre.

- Non, Parker. On parle d'un être humain, d'une femme, d'une mère.

- Ce n'est pas sa mère Jarod ! Elle ne l'a jamais été et elle ne le sera jamais !

- Mais elle a porté cet enfant pendant neuf mois. Ça ne compte pas pour toi ? Je sais qu'elle a commis des crimes, les plus horribles qu'on puisse imaginer, néanmoins, elle lui a donné la vie.

- Non Jarod, elle a pris celle d'un homme !

- Et elle a donné la vie à ce bébé au prix de la sienne ! Parker, ça compte.

- Jarod, je ne veux pas paraître insensible. Mais ça n'excuse pas les fautes antérieures.

- Tu as raison. Je ne voulais pas réveiller d'anciennes blessures. Je sais que ces souvenirs sont encore très douloureux pour toi, mais il faut admettre qu'avant de mourir, elle a laissé là, un beau cadeau.

- Oui, peut-être. N'en parlons plus, tu veux bien. Il y a d'autres sujets de conversation beaucoup plus intéressants que Brigitte, glissa-t-elle, elle déposa sur le lobe de son oreille un petit bisou.

- Attends Parker, il y a quelque chose dans cette lettre qui m'interpelle.

- Quoi ?

- Pourquoi ton père parle de moi ? Qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans ?

- Je me suis posé la même question, figure toi. Je crois qu'il se sentait coupable. Cette lettre, c'était une façon pour lui de demander pardon. Et c'est ce qu'il a fait. Pourquoi attendre la fin de sa vie pour dire qu'on éprouve des regrets ?

- Je ne sais pas, Parker. Certaines personnes ont du mal à dire ce qu'elles ressentent. Et ton père n'a pas échappé à la règle. Dis-moi, tu as découvert quelque chose sur Genius ? »

Elle lui fit un non-catégorique de la tête. Elle lui expliqua qu'elle avait confié à Broots la tâche de chercher tout ce qui était digne d'intérêt concernant le projet. Pour l'instant, elle n'avait aucune nouvelle à ce sujet. Elle lui avoua franchement les raisons de sa venue ici. Son défunt père, dans sa lettre, mentionnait des documents qu'il avait pris soin de dissimuler dans son coffre. Des documents qu'il lui aurait laissés, À moins qu'il avait peut-être prévu de les faire disparaître, de les brûler avant sa mort. C'était bien son style. Effacer toutes traces afin de ne pas être découvert. Pourquoi ne l'avait-il pas encore fait ? N'avait-il pas eu le temps ? Elle avait autre chose à lui dire.

« Je m'en doutais.

- Jarod, ce n'est pas tout. Broots a découvert que le Centre s'était fait livrer du matériel médical et des équipements de haute sécurité.

- Et où a eue lieu cette livraison ?

- C'est là que le bât baisse. On a aucune information pour l'instant, mais Broots poursuit ses recherches.

- Je sais qu'il finira par trouver. Et tu connais le contenu de ces documents ? As-tu une petite idée de ce que c'est ?

- D'après le sens de ces paroles, je dirais peut-être une procuration et d'autres papiers de ce genre. Je ne sais pas. Je ne suis pas sûre.

- C'est une possibilité que l'on va vérifier toute suite. Où est ce coffre, Parker ?

- Dans son bureau. »

Tout en lui montrant le chemin vers le bureau de M. Parker, elle lui expliqua que le coffre était à code. Et bien qu'elle avait essayé toutes les combinaisons auxquelles elle avait pensé, elle n'avait toujours pas réussi à l'ouvrir. Mais maintenant que le caméléon était là, tout était encore possible ! Et la flatterie marchait sur le jeune homme, ses compliments lui mettaient le feu aux joues.

« Et c'est avec ça, Parker que tu comptais ouvrir le coffre ? demanda-t-il, agitant l'arme de la Miss qu'il venait de trouver sur le meuble.

- Tu sais Jarod, une seule balle suffit !

- Garde tes balles, ma belle ! Ce dont tu as besoin, c'est de mon intelligence !

- Oui, mais toi et ton intelligence vous n'étiez pas là tout à l'heure.

- Quels sont les codes que tu as essayés ?

- Les dates d'anniversaire, celles des naissances et des morts.…

- Ah oui, je vois, les dates les plus classiques. Il me semble que tu as oublié une date très importante !

- Plus importante que ces dates-là ? Je ne crois pas qu'il y ait plus important, Jarod.

- Pas pour toi, mais pour ton père oui ! Aurai-je droit à une petite récompense si je parviens à ouvrir le coffre ?

- Disons, Jarod que je saurais te montrer ma gratitude.

- Alors j'ai intérêt à me surpasser.

- Ouvre vite !

- Vos désirs sont des ordres, Chère Mlle Parker.

- Humm. »

Mlle Parker regardait d'un œil attentif le caméléon. Elle leva une de ses mains pour serrer légèrement sa gorge. Et s'il n'arrivait pas à l'ouvrir ? Jarod commença à taper le code, un numéro à quatre chiffres sur le pavé dédié à cet effet. Il attendait quelques petites secondes avant de saisir le prochain chiffre et ainsi de suite, le temps que les données soient traitées. Une fois la saisie terminée, il appuya sur ladite touche entrée. Immobile, la respiration bloquée, Mlle Parker cessa tout mouvement, la bouche légèrement entrouverte, elle resta sans voix. En attendant le son du clic, Jarod, l'air confiant, mais le cœur battant, ouvrit la porte du coffre. Tout joyeux, tout sourire, il déclara sur un ton plus que satisfait.

« Et voilà le travail ! Alors qu'est-ce qu'on dit à son petit génie ?

- Comment as-tu fait, Jarod ?

- Ce n'est pas vraiment ce à quoi je pensais.

- Ah non ? Et à quoi tu pensais ?

- Un "merci" pour commencer. Ou "Jarod, tu es si merveilleux, qu'est-ce que je ferais sans toi ? " Je te laisse le choix du compliment.

- C'était quoi la combinaison ?

- La date de la création du Centre. Plus précisément l'année de sa création.

- Alors c'est vrai, tu es un vrai prodige ?

- C'est ce qu'on dit de moi ! N'est-ce pas la raison pour laquelle tu me cours après, depuis cinq longues années ? À moins qu'il y avait là une autre raison ?

- Comme laquelle ?

- Tu voulais avoir ton caméléon pour toi toute seule.

- Tu rêves, le prodige !

- Je ne crois pas être si loin de la vérité. Avoue, ce petit exploit mériterait bien un doux baiser, non ? suggéra-t-il en lui faisant un clin d'œil. Je veux parler de la récompense. Tu sais ta gratitude…

- Approche-toi ! »

Mlle Parker qui était jusque-là restée à l'écart de Jarod, s'avança dans sa direction. Il se rapprocha un peu plus près d'elle. Elle l'attrapa par le col de la chemise pour l'embrasser lorsque les yeux de la jeune femme s'étaient élargis, elle s'éloigna de lui, reculant de deux pas, la main sur sa poitrine, les doigts écartés, elle fixa avec étonnement l'intérieur du coffre.

« Et mon baiser ?

- Je n'arrive pas à y croire, Jarod ! Regarde !

- Il n'y a rien, Parker. Il n'y a aucun dossier, aucun document. Rien. Le coffre est vide !

- Il m'a une fois de plus roulé ! Ne me dit pas que mon père m'a encore menti ? Il n'aurait pas fait ça, hein ?

- Non, je ne crois pas qu'il t'ai menti. En-tout-cas pas cette fois-ci. Sinon pourquoi te dire où chercher si son intention n'était pas celui de t'aider.

- Je ne sais pas Jarod, tout ça n'a aucun sens. Et on est toujours dans une impasse. On ne s'en sortira jamais.

- Tiens ! Qu'est que c'est que ça ? Regarde, Parker ! Il y avait ce gant au fond du coffre.

- Un gant… ? Montre-moi ça.

- Pourquoi ton père aurait-il laissé son gant à l'intérieur de son coffre ?

- Parce que Jarod, ce n'est pas le sien !

- Tu veux dire que…

- Ce que je veux dire, Jarod, c'est que quelqu'un est passé ici avant nous et je sais qui sait ! »

Bien que Jarod se doutait de la personne en question, il insista pour savoir à qui elle pensait. Qui serait venu ici avant elle ? Qui aurait dérobé ces satanés documents ? Qui était au courant de ces papiers ? Qui connaissait l'existence de ce coffre ? Mlle Parker l'embrassa pour le faire taire. Il posait un surnombre de questions et elle, elle était beaucoup trop fatiguée pour y répondre dans l'immédiat. Cette journée l'avait carrément épuisée. Ces derniers événements lui avaient demandé énormément d'efforts, l'avaient plongée dans un flot d'émotions, et dans un déluge de larmes. Elle refusa de lui dire quoi que ce soit. En revanche, elle demanda à Jarod de bien vouloir lui faire confiance. Elle allait prendre les choses en main et peu importe la difficulté à laquelle elle se heurterait, elle y ferait face. Désormais, plus rien ne pourrait l'arrêter. Elle était prête à affronter tous les obstacles pour retrouver le petit garçon. Jarod était conquis par la manière dont elle gérait la situation et sa détermination forçait l'admiration. Il lui promit d'être là à ses côtés. Il l'attira à lui, elle reçut de la part du jeune homme un baiser tendrement amoureux.

« Non, je ne veux pas que tu me fasses de promesse, Jarod. Je veux que tu retrouves ta mère. Elle a des réponses à te donner… À nous donner. Je veux savoir ce qu'elle sait au sujet de ma mère. J'ai l'intuition que Margaret sait où elle se trouve.

- Je te promets que je vais la retrouver et je la ramènerai. Mais je ne veux pas que tu espères. Il est possible que ta mère ne soit pas en vie.

- Jarod, c'est ma mère. Je suis sûre qu'elle est toujours vivante.

- Non, ne te fais pas d'illusions, tu risques de te faire du mal. Je partirai dès la fin de notre week-end.

- Notre week-end ?

- Oui, tout à l'heure, j'ai appelé l'hôtel. Ne me dis pas que tu as changé d'avis, Parker ?

- Je ne changerais pas d'avis. Pas cette fois. Et toi ?

- Moi, j'ai attendu ce moment toute ma vie alors, non, je ne changerais pas d'avis.

- Bien. Voilà une chose de réglée !

- Je veux que toi, tu me promettes à ton tour, de ne prendre aucun risque et d'être très prudente quoique tu entreprendras de faire.

- Je te le promets, Jarod. Tu as faim ? On peut commander quelque chose, si tu veux ?

- Non, pas pour moi, mais toi si tu veux…

- Viens, suis-moi.

- Où m'emmènes-tu ?

- Viens, Jarod ! »

Elle le prit par la main, l'entraînant à l'étage jusqu'à sa chambre. Jarod se demandait où elle voulait en venir. Il l'observa faire le tour de la pièce touchant doucement le cadre, le portrait de sa mère. La voix calme, elle lui dit en faisant un tour sur elle-même.

« C'est ma chambre.

- C'est très joli.

- Je n'ai jamais emmené qui que ce soit ici.

- Tu veux dire que je suis la première personne à y entrer ?

- Tu es le premier que j'invite. Je ne sais pas si tu as une idée de ce que ça signifie pour une fille !

- Je suis très touché, Parker. En fait, je ne sais pas quoi te dire.

- Mais tu n'as rien à me dire, Jarod. Je voulais juste partager ce moment avec toi.

- Quel moment ?

- Attends, tu vas voir.

- En-tout-cas, c'est décoré avec beaucoup de goût tout comme le reste de la maison.

- Il y a quelques années, mon père avait refait toute la décoration de la maison y compris cette pièce. Il pensait que ça faciliterait mon retour ici. Ça faisait très longtemps que je n'étais pas revenue dans cette maison.

- Depuis quand ?

- Depuis le décès de ma mère.

- Qu'est-ce que ça te fait de revenir ici après toutes ces années ?

- Ce que je ressens est assez contradictoire, Jarod, mais je suis très heureuse que tu sois là, avec moi. »

Dans son dressing, Mlle Parker tendit la main vers un vieil album. C'était une chance qu'il se trouvait toujours au même endroit. Assise sur le lit, elle fit signe à Jarod de venir la rejoindre. Côte à côte, elle feuilletait lentement les pages effleurant de vieilles photos. Et au fur et à mesure qu'elle faisait un retour en arrière sur son passé, ses yeux se remplissaient de larmes. Par moments, elle était prise d'un désir de revivre certains épisodes de sa vie. Et malgré les pertes brutales d'êtres chers et la douleur que cela lui avait été infligées, elle en éprouvait une grande joie, un immense bonheur d'avoir vécu ces instants qu'elle qualifiait de souvenirs précieux. Il écoutait d'une oreille attentive raconter des histoires d'autrefois. Elle riait. Elle avait ce léger sourire aux lèvres qui se dessinait sur son joli visage. Ses yeux s'illuminaient au fur et à mesure que ses pensées refaisaient surface. À chaque récit de ses événements si privilégiés, elle avait cette impression de ressentir les mêmes sensations, les mêmes émotions qu'elle avait éprouvées à cette époque comme un immense bonheur.

« Tu vois Jarod, sur cette photo-là, on était au zoo. Je me souviens que j'avais 5 ans. On y avait passé tous les trois la journée sur place. C'était merveilleux. Oui, ça l'était vraiment.

- Tu étais toute jolie.

- Ah oui ? Tu me trouves jolie ?

- Sur cette photo oui. D'ailleurs, c'est très simple, je n'ai jamais vu de petite fille aussi jolie que toi… Enfin, je veux dire… Tu es devenu une très belle femme. Et ce soir, tu es éblouissante.

- Tu te rattrapes bien.

- Je suis très content que tu partages tes souvenirs et tes sentiments avec moi. Tu me donnes l'impression de faire partie de tes souvenirs. Merci Parker.

- Je ne suis pas une personne qui s'ouvre aux autres avec autant d'aisance. Je ne suis pas non plus une personne qui montre ses émotions aussi facilement, mais avec toi tout me paraît si simple. Je peux tout te dire, je sais Jarod que jamais tu ne me jugeras. Je sais aussi que tu es le seul pour qui je compte réellement et… Je… Je crois que… elle chercha ses mots.

- Tu comptes vraiment pour moi. Si tu savais à quel point. N'en doute jamais.

- Tu sais, j'aurais aimé que tu connaisses ces moments-là. Les sorties en famille. Les rires et les pleurs... Tout ce que tu n'as jamais vécu avec tes parents. Je me rends compte que pendant toutes ces années, j'ai eu énormément de chance comparée à toi ou encore à Angelo. Et je me suis montré égoïste envers toi.

- Parker, c'est quelque chose qui me manquera toujours. On ne peut pas rattraper le temps. On ne peut pas remplacer ce qui a été perdu et je ne veux plus regarder en arrière. Désormais, je veux avancer… Avec toi. »

Détendue, elle inclina sa tête sur le côté, la laissant reposer sur l'épaule du caméléon. Elle souhaitait que les choses soient si différentes pour eux. Et elle regrettait tellement de ne pas pouvoir changer le passé, mais Jarod n'avait pas tort, il était temps d'avancer et de laisser le passé derrière soi. Submergé par la nostalgie, son regard se brouilla et causa une coulée de larmes. Tout en se remémorant ces souvenirs, ils perdirent tous les deux la notion du temps. Au bout du compte, c'était dans les bras l'un de l'autre qu'ils avaient fini par trouver le sommeil...