Chapitre 25 : La soirée

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Mlle Parker et Jarod étaient arrivés dans la grande pomme en cette fin de vendredi après-midi. Ils avaient décidé de quitter Londres le matin même, prenant l'avion qui les ramènerait jusqu'à New-York. Ni l'un ni l'autre n'avaient l'air d'être perturbés par le décalage horaire. En entrant dans l'hôtel, Mlle Parker avait cette étrange impression de vibrer de l'intérieur, accrochée au bras du jeune homme, elle empruntait le long couloir qui conduisait à leur chambre. Elle avait un trop-plein d'énergie qu'elle avait hâte de dépenser durant les prochaines heures. Pendant le vol, la jeune femme n'avait cessé de bouger, elle avait été incapable de rester assise sur son siège. Ce qui avait amusé le caméléon. Elle était d'une telle vivacité. Il se réjouissait de la trouver de bien meilleure humeur. Depuis son retour de Paris, la jeune femme se montrait davantage démonstrative dans ses sentiments envers lui et elle avait moins peur de lui manifester son affection. Ses gestes tendres, attendrissants et sincères venaient sécuriser le regard chargé d'incertitude du caméléon. Ce qui le rendait plus optimiste. Jarod, lui, semblait être relativement calme et suffisamment décontracté et surtout en pleine forme, mais au fond de lui, il se sentait gagné par de l'inquiétude. « Et si tout ne se passait pas comme prévu ? » Elle arbora un large sourire et ses yeux, eux, scintillaient de satisfaction. La Miss accéléra le pas, le précipitant activement. « Allons ! Dépêche-toi, Jarod ! » Malgré son entrain, elle essaya avec difficulté de lui dissimuler son appréhension du moment sans succès. Elle était persuadée qu'une personne malveillante du Centre avait fait irruption ici. Jarod la rassura au mieux. Rien ni personne ne viendra interrompre leur week-end. Leur nuit. Ce moment si attendu. Et de toute façon, la Miss avait toujours son Smith Wesson sur elle. Au cas où !

En ouvrant la porte de la suite, la jeune femme, sursauta, les doigts sur ses lèvres légèrement ouvertes, elle était fascinée. Elle n'en croyait pas ses yeux. La Miss manifesta son émerveillement par un petit cri aigu. « Waouh ! Regarde ça, Jarod ! » Est-ce qu'elle rêvait ? Cette pièce était encore plus belle que la dernière fois où ils y avaient mis les pieds. Ou alors ce n'était peut-être pas la même. Elle regarda le chiffre affiché sur la porte. Si. C'était bien le numéro 88. Effectivement, c'était leur suite. Ils rentrèrent à l'intérieur. Jarod, le visage luisant, s'avança jusque dans la chambre pour y déposer leurs sacs. Il rejoignit Mlle Parker dans le salon quelques minutes plus tard. Devant l'enthousiasme de la jeune femme, il ne put s'empêcher d'éclater de rire. Un rire qui lui déclencha une vive douleur au niveau d'une de ses côtes. Elle se retourna vers lui.

« Merci d'avoir porté mon sac. Tu sais, que les bagagistes sont là pour ça.

- Je sais, mais ce ne sont que deux petits sacs et puis ça me faisait plaisir. Quoique, je me demande ce que tu peux bien transporter là-dedans.

- Tu ne le sauras jamais.

- Eh bien, tant que tu ne transportes pas des bouts de cadavres, ça ira. Alors ce que tu vois te plaît.

- C'est incroyable, Jarod. Comment as-tu fait pour organiser tout ça ? Surtout à distance.

- Tu tiens vraiment à le savoir ?

- Pas si tu ne veux pas me le dire.

- On verra plus tard.

- Tu te donnes tellement de mal pour nous…

- Nous ? C'est un mot qui résonne comme une douce mélodie. Mais plus sérieusement, tu es contente ?

- J'apprécie énormément tout ce que tu fais pour moi. Jarod. Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que je ressens.

- Tu n'as pas besoin de me dire quoi que ce soit, te savoir heureuse me suffit amplement.

- Pourquoi tu te montres toujours aussi gentil avec moi ? Je ne suis pas sûre de le mériter.

- Crois-moi, tu mérites bien plus encore. Ce que tu vois-là, ce n'est qu'une infime partie de ce que je veux t'offrir.

- Je ne veux pas que tu m'offres plus. Je ne veux que toi, Jarod. Rien que toi.

- Et je ne veux que toi, déclara-t-il en l'embrassant, cependant rien ne m'empêchera de te faire plaisir. Et j'adore te voir sourire.

- C'est toi qui me fais sourire.

- Je voudrais juste que pour une fois tu sois toi-même, que tu retrouves cette joie de vivre qui autrefois te caractérisait tant. Ne serait-ce que le temps d'un week-end.

- Avec toi, c'est si facile. Tu ne te soucies jamais de rien. Oui, tu es insouciant, Jarod.

- Et c'est mal ?

- Non. Ce n'est pas ton insouciance qui pose problème, ce sont les conséquences.

- Je te propose de laisser les problèmes et les conséquences à la porte. Non, à l'extérieur de l'hôtel ! Et si tu veux tout savoir, je ne me soucie que d'une seule et unique chose.

- Laquelle ?

- Toi ! »

Mlle Parker s'approcha d'un vase en cristal garni d'un bouquet de roses rouges disposé au centre de la table. Elle se pencha pour en inspirer profondément le bienfait de leur essence. Ce parfum si fraîchement, si puissamment exquis entra par ses narines pour se loger directement dans son cœur. C'était comme si elle s'était évadée oubliant momentanément tout le reste. Elle regarda le caméléon. Désarmée, elle ne trouvait rien de plus à dire, elle tomba dans ses bras l'embrassant à mainte reprise. Il était vrai que Jarod lui avait sorti le grand jeu. Il avait tout planifié jusque dans les moindres détails. Il voulait s'assurer que cette soirée resterait inoubliable pour elle comme pour lui. À Londres, bien des heures après avoir fait sa réservation à l'hôtel, Jarod en avait profité pour téléphoner à Sydney pendant que la Miss avait le dos tourné. Il avait besoin d'une faveur. Jarod lui avait demandé de décorer la suite avec subtilité, élégance et bien sûr avec une touche de romantisme, mais sans en faire trop et dans la plus grande discrétion. Sydney, heureux, de pouvoir se rendre utile auprès de Jarod, avait accepté, et sans dire un mot à Broots, il avait quitté Blue Cove pour New-York. Seulement, le psychiatre avait dû se heurter à quelques complications, mais rien de définitif. Jarod avait bien insisté, peu importe ce que cela coûterait au caméléon, il fallait que tout soit impeccable, voire magistral. Des bougies pour profiter de lumières tamisées. Des fleurs. Une compilation de musique romantique pour l'occasion. Il avait également pensé au repas, une carte du menu était exposée près du bouquet de roses. Celui-ci serait servi en temps et en heure, dès que les deux tourtereaux seraient prêts à dîner. La table nappée d'un rouge passion était déjà dressée par un très beau service. Une bouteille de champagne, d'excellente marque, placée dans un seau à glace. Jarod était plus que satisfait et de voir le visage de la jeune femme s'illuminer n'avait pas de prix. Elle lui dit en le taquinant :

« Jarod. Avec tous ces excès, tu vas finir par ruiner le Centre ! La dernière fois, Lyle n'avait pas trop approuvé tes extravagances. Remarque, on s'en fiche !

- Pas ce soir.

- Quoi ?

- Je voulais que tout soit parfait pour toi. Je voulais t'offrir cette soirée, ce week-end moi-même. Je ne veux pas que tu penses que je ne suis pas capable de te préparer une soirée romantique sans emprunter un dollar au Centre. Je sais que ce n'est pas aussi parfait que la première fois… Mais peut-être qu'en rajoutant quelques…

- Non Jarod, en aucune façon, je n'ai pensé ça. Je suis très touchée des efforts que tu fais, vraiment. Je trouve ça monstrueusement parfait. Tu es parfait. Ne change rien ! Et surtout ne change jamais.

- Ça te fait vraiment plaisir ?

- Oui, ça me fait sincèrement plaisir.

- Tu ne dis pas ça uniquement pour te montrer aimable ?

- Tu me connais, ce n'est pas mon genre. Écoute-moi, aussi loin que je me souvienne, personne ne s'était donné autant de mal pour moi. Personne n'a jamais fait tout ce que tu fais pour moi. Peut-être est-ce vrai. J'essaie de me montrer aimable, gentille ou bien tout simplement que je te suis reconnaissante pour tout ce que tu fais pour moi. Je ne sais pas. Est-ce que ça a vraiment une si grande importance ? Non. Et maintenant, Jarod, Embrasse-moi ! »

Il l'attrapa par la taille et l'embrassa. Après ce baiser qui avait l'air interminable, elle le repoussa gentiment. Elle lui annonça qu'elle avait quelque chose d'important à faire. Qu'est qui était plus important que leur étreinte ? Avait-elle déjà oublié leur belle soirée en perspective ? Tout était prêt. Avait-elle changé d'avis ? « C'était beaucoup trop tôt pour elle. » pensa Jarod déçu. Elle lui assura qu'elle en avait au minimum pour deux heures et demi, peut-être même plus. Il s'étonna. Qu'allait-il faire pendant plus de deux heures dans une chambre d'hôtel, sans elle ? Il lui proposa donc de se joindre à elle.

« Une balade en amoureux, ça te dit ?

- Jarod, il ne vaut mieux pas.

- Ah, c'est le mot amoureux qui te dérange ? Je ne le prononcerai plus si tu me permets de t'accompagner.

- Tu peux arrêter de parler une seconde. Non. Tu ne peux pas venir avec moi.

- Pourquoi pas ? Sans vouloir te paraître trop indiscret, je pourrais savoir ce que tu caches ?

- Jarod, n'insiste pas. Je t'en prie.

- Moi qui pensais qu'on passerait le week-end ensemble. Voilà que tu t'en vas de ton côté. Si je ne te connaissais pas aussi bien, Mlle Parker, j'aurais pu croire que tu venais jusqu'ici pour rejoindre un ancien amant.

- En effet. C'est une possibilité à envisager.

- Tu es sérieuse ? Tu me dis ça comme ça ? Tu as un autre amant ?

- Si j'en avais un, je n'irais certainement pas te le dire. Tu as encore tellement de choses à apprendre Jarod. Comment peux-tu être aussi intelligent et naïf à la fois ?

- Tu pourrais me les apprendre toutes ces choses dont tu parles ?

- On verra. Écoute, tu n'as qu'à en profiter pour aller te promener. Va à Central Park !

- Me promener ? À Central Park ? Sans toi ?

- Oui ! Je ne te demande qu'une seule chose, Jarod. Je ne veux pas que tu sois là quand je rentrerai. Est-ce que tu peux faire ça ?

- Évidemment, si c'est ce que tu veux. Mais comment je saurais si toi, tu es rentrée avant moi ?

- Appelle-moi d'ici deux heures et demie, et je te dirais où j'en suis.

- Laisse-moi te dire, Mlle Parker, que je te trouve très énigmatique.

- Et tu adores ça !

- Disons que tu sais entretenir le mystère.

- J'y vais. Il vaut mieux que ce soit moi qui la garde, elle prit la clé magnétique.

- Et comment je fais ?

- Tu claqueras la porte en partant. Et surtout ne t'avise pas de me suivre !

- Sinon quoi ?

- Je m'occuperai de ton cas !

- Mais encore ?

- Je prévoirai de te faire souffrir mille morts. Tu seras condamné à endurer les pires souffrances et a ….

- À te faire l'amour éternellement ? Quelle souffrance ! Regarde Parker, j'ai le cœur qui saigne rien qu'à l'idée de souffrir.

- Idiot ! » s'exclama-t-elle en s'esclaffant de rire.

Quartier de l'Upper East Side, Manhattan, New York

Après avoir embrassé le caméléon, la jeune femme quitta l'hôtel. Lui, la suivre ? Quelle drôle d'idée ! Jamais il ne se serait permis ! La jeune femme parcourait l'une des rues commerçantes de Madison Avenue. Elle fit irruption dans l'une des boutiques de grands créateurs. Elle recherchait une magnifique tenue. Quelque chose qui aurait suscité de l'intérêt chez Jarod. Alors que la vendeuse lui proposa son aide, Mlle Parker l'envoya au diable poliment. Non, elle savait exactement ce qu'elle voulait. Elle jeta son dévolu sur une robe. C'était précisément celle-ci et pas une autre ! Et que serait une tenue parfaite sans chaussures ? La voici vadrouillant en pleine rue au milieu d'inconnus à la recherche d'une paire de talons hauts assortie à ce qu'elle porterait ce soir. Elle flânait en chemin observant les couples, leur comportement, leur attitude. Elle se moquait d'eux, mais elle réalisa bien assez vite qu'elle devenait comme toutes ces autres femmes amoureuses. Avait-elle peur de tomber dans les pièges de l'amour ? Confondait-elle le rêve et la réalité ? Confondait-elle le désir et l'amour ? Se consolait-elle sans le savoir auprès du seul homme qui était prêt à lui donner un amour inconditionnel ? Sa manière à lui de l'aimer entièrement, de l'accepter telle qu'elle était, sans réserve, avec ses défauts et ses qualités. Serait-elle en mesure de l'aimer de la même façon que lui ? Elle secoua la tête. « Inutile de penser à ça maintenant ! »

Le Mark Hôtel, NY

Boîtes en main, elle retourna à l'hôtel. Mlle Parker, à l'accueil, demanda à ce qu'on lui montât ses paquets dans la chambre. « Aussitôt dit, aussitôt fait ! » avait répondu le jeune réceptionniste à l'accent européen. Par la suite, elle se dirigea tout d'abord vers le spa de l'hôtel. Elle opta pour un massage intégral. C'était l'idéal pour dénouer toutes ces tensions douloureuses, et améliorer son bien-être. Autant dire que c'était plutôt bénéfique autant pour son corps que pour son esprit. Dieu seul sait à quel point elle en avait affreusement besoin. Environ trois quarts d'heure plus tard, elle en ressortit complètement apaisée et reposée. Elle passa au salon de coiffure pour une mise en beauté. Une fois terminée, elle retourna dans la suite et fila directement dans la chambre.

Central Park, New York, NY, États-Unis

Jarod, lui se promenait seul à Central Park comme lui avait suggéré Mlle Parker. La tête baissée, il réfléchissait à voix basse, les mains dans le dos, il traînait des pieds. Qu'est-ce que la Miss mijotait ? Lui préparait-elle une petite surprise ? Non, ce n'était pas son genre ! Il releva son visage, portant son attention sur deux jeunes personnes, comme elles semblaient être très amoureuses. À tous les trois voire quatre pas, ils s'arrêtaient pour s'embrasser. Jarod rigolait intérieurement de la situation, s'imaginant lui et Mlle Parker à la place de ce couple se donnant des baisers toutes les trente secondes… Leurs lèvres auraient vite fait de prendre feu ! Immobile, son regard avait viré d'un côté à l'autre. Ses yeux brillaient, à la vue d'une petite famille. Un bébé qui faisait ses tout premiers pas sur l'herbe verte sous les applaudissements et les encouragements de ses parents. Jarod souriait en admirant ce spectacle. Puis, sur un banc, un vieux couple discutait de tout et de rien. Est-ce que ce sera comme ça, un jour, entre eux ? Tous les deux formant une famille, avoir un enfant, une maison, un vrai travail et plus encore. Est-ce que cette vie commune à tout le monde, serait-elle aussi pour eux ? Est-ce que Mlle Parker aussi aspirait-elle à cette vie-là ? Est-ce qu'elle aussi, désirait-elle vieillir à ses côtés ? Une larme s'échappa de son œil. Il s'éloigna du parc sans quitter le petit garçon des yeux. Quelle heure était-il ? Après avoir vérifié l'heure à sa montre, le téléphone serré dans sa main, il se décida à appeler la Miss. Elle décrocha à la troisième sonnerie.

« C'est moi. Tu as fini ?

- Non !

- Non ? Qu'est-ce que tu prépares là-haut qui te prenne autant de temps ?

- Jarod… Je…

- Je vais vraiment finir par croire que tu ne veux pas qu'on passe la soirée ensemble.

- Ça n'a rien avoir, petit génie.

- Tu sais, Parker si tu as changé d'avis, je comprendrais.

- Je n'ai pas changé d'avis, Jarod. Attends une vingtaine de minutes avant de monter dans la suite. D'accord ? Je te le promets, tu ne le regretteras pas.

- Je te laisse une demi-heure, Parker, pas une minute de plus. Après quoi, je monte !

- Une demi-heure. »

Elle avait raccroché. D'habitude, c'était l'inverse. Il n'avait plus de doute. Mlle Parker préparait quelque chose. Mais quoi ? Il valait mieux arrêter d'y penser sinon il deviendrait fou avant d'avoir passé la nuit avec elle...

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Une demi-heure plus tard. Jarod trouva la porte légèrement entrouverte. Il l'a poussa. Son cœur battait à la chamade. Il jeta un regard incrédule dans les alentours avant de rentrer dans la suite. Toutes les lumières étaient éteintes, seules les bougies étaient allumées. La pièce principale semblait être déserte et relativement silencieuse. Il n'y avait aucun bruit, à part une musique en fond sonore. Qu'est-ce qu'il se tramait par ici ? Il appela la jeune femme. « Parker, tu es là ? Parker, où te caches-tu ? » Soudain, elle apparut. C'était comme si elle émergeait d'un nuage de fumée. « Ici, je suis juste là, Jarod. » Il releva la tête vers elle, ses yeux faisaient des ronds. Bouche bée, il resta cloué sur place. Tout à coup, il se sentit vertigineux. Elle était vêtue d'une robe de soirée, longue, rouge, échancrée derrière le dos, avec une fente latérale remontant jusqu'au-dessus de sa cuisse. Ses cheveux parfaitement brushés et ses lèvres à la couleur d'un rouge bordeaux la rendait glamour, séduisante et extrêmement désirable. C'est elle qui s'avança vers le caméléon faisant un tour lentement sur elle-même. Il lui lança un sourire timide. Une fois ses esprits retrouvés, il l'examina de plus près. Elle lui demanda :

« Comment tu me trouves ?

- Oh, tu… Tu es… Hmmm…

- Tu ne sais plus quoi dire ?

- Tu es à couper le souffle ! Je ne t'ai jamais vu aussi rayonnante que ce soir. Non, je me suis mal exprimé. Tu es toujours rayonnante, mais encore plus maintenant. En réalité, je ne trouve pas de mot assez fort pour te décrire.

- Tu te débrouilles très bien Jarod. Alors c'est une bonne surprise ?

- Oui. Tu es une femme absolument époustouflante. Mais pourquoi ? Tu n'étais pas obligée.

- Après ce que tu as fait, c'était la moindre des choses. Je voulais en faire tout autant.

- Eh bien, c'est une excellente surprise.

- En fait, si tu veux la vérité, je voulais…

- Tu voulais me séduire ? Avoue-le ! Je suis séduit. Conquis.

- Je voulais te plaire, lâcha-t-elle sans gêne.

- Tu me plais. Tu me plais réellement, Parker. Et j'espère que cette nuit, tu me donneras l'occasion de te le prouver.

- Oh. C'est une requête ? Ou une promesse ?

- Les deux ! Et ce sera une nuit merveilleuse. Sache, en-tout-cas que je te trouve sublime.

- Je retiens le compliment.

- Parker, j'apprécie énormément cette prise d'initiative de ta part. Celle de te faire belle juste pour moi. As-tu d'autres surprises de ce genre en réserve ?

- Si je te le disais, il n'y aurait plus de surprise Jarod ! Mais je suis ravie du résultat escompté que ça a eu sur toi. Je sais maintenant que je ne te laisse pas insensible.

- Non, je ne suis pas insensible, loin de là. Tu ne me laisses pas indifférent et je me rends compte que de t'avoir là, près de moi, ce soir, est une véritable chance. Je t'avoue que lorsque je suis remonté et que j'ai vu la porte entrouverte, j'ai eu peur.

- De me voir quitter l'hôtel ? Jarod, je ne peux pas t'empêcher de penser ça de moi. Je doute beaucoup ces derniers temps et je ne sais pas toujours ce que je veux, mais jamais je ne serai partie sans même te donner une explication ou te dire au revoir. Je croyais que tu me connaissais mieux que ça.

- Oui, c'est bête de ma part. Je n'aurai pas dû me laisser envahir par mes craintes.

- Tes craintes ?

- Qu'est-ce que tu veux Parker, à force de passer du temps avec toi, tu as fini par me contaminer ! Attends-moi. Je reviens dans une quinzaine de minutes.

- Où vas-tu ? Qu'est-ce que tu fais ?

- Mlle Parker, tu n'es pas la seule à avoir prévu une telle tenue pour notre petite soirée.

- J'ignorais que tu avais prévu quelque chose, quoiqu'il en soit, dépêches-toi !

- Je me dépêche et je te promets qu'après je m'occuperai exclusivement de toi. »

Il fila comme une flèche directement sous la douche la laissant seule. Une douche glacée, rien de tel pour remettre ses idées en place ! Il fallait bien se l'avouer, cette femme savait s'y prendre pour faire perdre tous ces moyens à un homme. Il lui avait fallu faire preuve de beaucoup de courage et de bonne volonté pour se retenir de lui arracher sauvagement sa robe. « Non, enlever ! Enlever ! Enlever ! » se répéta-t-il. Il ressortit aussitôt de la salle de bain puis s'en alla dans la chambre s'arrêtant au passage pour l'observer. Il sortit de la penderie un ensemble de costume noir que Sydney avait pris soin de lui choisir. « Il a plutôt bon goût, » pensa le caméléon en enfilant les vêtements le plus vite possible. Mlle Parker devait sûrement s'impatienter. Une chose dont elle avait horreur, c'était qu'on la faisait attendre. Un instant après s'être fait tout beau, le voici aux côtés de la jeune femme.

« J'espère ne pas avoir été trop long.

- Tu es tout pardonné. Jarod, ce soir, je te trouve vraiment très élégant et très beau ! Je suis sous le charme.

- Ah oui ? Tu es charmé à quel point ?

- À ton avis ? J'ai demandé à ce qu'on nous serve le dîner, ça ne te dérange pas ?

- Non, tu as très bien fait. Je ne sais pas toi, mais moi, je me sens extrêmement nerveux, troublé, mais néanmoins heureux. Et toi, ressens-tu la même chose que moi, Parker ?

- Je te mentirais si je te disais que je ne ressentais pas la même chose.

- C'est la première fois que toi et moi, nous passons une soirée romantique ensemble. L'autre fois, on a été interrompus.

- Mais Jarod, qu'est-ce que tu racontes ? Nous avons déjà passé la soirée ensemble. Tu oublies la nuit dernière.

- Non Parker, je ne l'ai pas oublié, comment pourrais-je ? D'ailleurs, il faut que je te dise, c'était très agréable de t'avoir dans mes bras.

- Et c'était très agréable pour moi d'avoir dormi avec toi. À vrai dire, c'est la première fois que je dors dans les bras d'un homme sans avoir fait l'amour au préalable avec lui… Oh, ce que je suis sotte, je n'aurai pas dû dire ça ! Je ne voulais pas dire ça ! Oublie ce que je viens de dire !

- Qu'est-ce que tu as dit ? Tu n'es pas sotte. Je trouve ça même charmant venant de toi.

- J'ai été maladroite. Ça ne m'était encore jamais arrivé avant ce soir. Je crois que je suis encore plus nerveuse que je ne le pensais.

- Allons, détends-toi, Parker ! Je ne vais pas te croquer. Enfin pas tout de suite.

- Tu sais comment parler aux femmes, toi !

- Aux autres femmes, je ne sais pas, mais avec toi, tout me vient naturellement.

- Jarod, tu connais tout de moi, de certaines de mes relations, de celle que j'ai entretenu avec Thomas… Je me demandais si tu as eu beaucoup d'aventures ? Tu es tombé souvent amoureux ? Sois honnête avec moi.

- Je le suis toujours. C'est un peu délicat de parler de ça avec toi. Si tu veux tout savoir, il n'y a pas eu tant de femmes que ça dans ma vie, mais rassure-toi Parker, à mes yeux, tu es la seule qui compte réellement.

- Ça veut-il dire que ces autres femmes ne comptaient pas pour toi ?

- Ça, veut dire que tu comptes plus pour moi que toutes les autres femmes réunis. Ça a été comme ça, il y a une trentaine d'années, c'est comme ça aujourd'hui et ce sera comme ça dans trente ans. Il n'y a jamais eu personne d'autre que toi. Maintenant, qu'on a éclairci ce point, ça te dit de porter un toast avec moi en l'honneur à cette belle soirée ?

- Fait toi plaisir, Jarod ! »

Elle sortit la bouteille du seau à champagne, et la tendit au caméléon. Celui-ci prit le soin de l'ouvrir. Il en versa le tiers d'un verre dans deux coupes, une pour elle et une pour lui. Ils portèrent un toast à eux, à leur soirée, à leur première nuit. Mlle Parker, collée à lui, l'embrassa, il recula. Elle avait senti ce je-ne-sais-quoi la frôler. Quelque chose de dur qui s'agitait dans la poche du pantalon du jeune homme. Curieuse de savoir ce qui remuait là-dedans, elle se rapprocha de lui glissant sa main à l'intérieur de la poche. Elle voulait savoir ce qu'il cachait. Alors que la main de Jarod rejoignit la sienne, leurs doigts, eux se chatouillaient, et bien qu'ils savouraient ce jeu de main, Mlle Parker retira la sienne précipitamment pour en ressortir une petite boîte. Les yeux révulsés, elle fixa le petit écrin d'un drôle de regard. Elle avait un gros nœud dans l'estomac rien que de penser à ce qu'il y avait dedans. Non, il n'oserait jamais ! Pourquoi fallait-il qu'il gâche toujours tout ? Elle ne voulait pas savoir. Comment allait-elle lui annoncer, sans le blesser, qu'elle ne pouvait pas accepter. Secouant la tête comme un prunier, elle lui rendit l'objet.

« Non, non, non, je ne peux pas accepter. Je suis désolée, mais tu sais, ce n'est pas le bon moment. C'est beaucoup trop tôt. Elle est merveilleuse, j'en suis sûre, mais je t'en prie, reprends-la, Jarod.

- J'ignorais qu'il fallait choisir un bon moment où encore une occasion pour offrir un cadeau à la femme de sa vie, avait-il dit en déposant la boîte dans la paume de sa main.

- Un cadeau ? Ce n'est pas une…?

- Une quoi ?

- Qu'est-ce que c'est ?

- Ouvre !

Elle ouvrit l'écrin avec une certaine inquiétude, elle redoutait d'y trouver un bijou auquel elle ne souhaitait pas donner de réponse dans l'instant. Mais visiblement elle se trompait. C'était des boucles d'oreilles en argent et serties de diamants très fins et qui n'attirait pas trop l'attention. Embarrassée, elle soupira de soulagement.

- Ouah. Jarod, elles sont fabuleuses, s'écria la jeune femme, mais comment as-tu su ?

- Tu te rappelles, ce sont les boucles d'oreilles que tu as vues dans la boutique l'autre jour, avant mon départ pour Paris. Tout à l'heure, avant de revenir, je m'y suis arrêté et j'ai pensé à toi.

- Tu t'en es souvenu ?

- Parker, je me souviens de chacune de nos conversations. De chaque moment passé avec toi. J'espère que tu n'es pas trop déçu.

- Déçu ? Non, je suis surprise. Je ne m'y attendais pas. Tu es fou, elles ont dû te coûter une fortune, la jeune femme inclina légèrement la tête d'un côté à l'autre afin d'insérer la tige des boucles d'oreilles dans le trou des lobes.

- Ce qu'elles ont coûté ne représente strictement rien. Elles te vont à ravir.

- Merci, c'est une très belle attention, et un magnifique cadeau.

- Au fait, qu'est-ce que tu ne voulais pas accepter ? Tu espérais autre chose ?

- Euh… Euh… Non ! » bégaya-t-elle.

Se mordillant la lèvre inférieure, elle se tut. Ses pommettes changeaient de couleur, elles passaient du rose au rouge. Comme elle se sentait d'un ridicule. Avait-il deviné qu'elle avait imaginé, un bref instant, que le caméléon lui faisait sa demande en mariage ? Alors qu'il la saisissait à bras-le-corps, elle approcha furtivement sa bouche de la sienne, afin de détourner la conversation par un long baiser, évitant ainsi de se trahir.