Chapitre 28 : Et confidences

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

La soirée se rapprocha à grands pas. Jarod et Mlle Parker n'étaient pas sortis de la suite de toute la journée. Ils avaient préféré profiter de ces instants de calme, de bonheur. Pour la soirée, ils avaient prévu de la passer au restaurant de l'hôtel. S'aérer un peu l'esprit ne leur ferait que le plus grand bien. Habillés, ils étaient prêts à sortir. Quand tout à coup, Mlle Parker reçut un message de Sydney lui demandant de lui téléphoner le plus tôt possible. Elle toussa légèrement avant de composer le numéro, tenant l'appareil dans sa main, le bloquant entre son oreille et son épaule droite. La jeune femme souffla aussitôt qu'elle vit le caméléon, devant elle, semait une cascade de baisers à la naissance de son décolleté pour aller vers ses épaules en passant par son cou. Elle ne s'opposa pas le moins du monde à cet engouement de sa part et pour cause, elle estimait cela grisant. Elle lui maintenait l'arrière de la tête pour ne pas qu'il mette fin à ce délicieux supplice. « Oh, tu devrais t'arrêter, Jarod. Je suis en communication… Oh, et puis zut, continue… Là… Oui, juste là ! » Elle s'arrêta de gémir aussitôt en entendant la voix de Sydney à l'autre bout du fil.

« Ici, Sydney à l'appareil.

- C'est moi, Sydney. Comment allez-vous ? avait-elle demandé mielleusement.

- Bonsoir, bien merci. Je ne voulais pas vous déranger tous les deux, en vous envoyant ce message, mais il y a une chose que vous devriez savoir.

- Nous deux ? Vous savez que je suis avec Jarod, alors ?

- Oui, mais ce n'est pas le propos. Je tenais à vous informer moi-même que j'ai dû mettre Broots au courant.

- Au courant de quoi ? Ne me dites pas que Broots est au courant pour Jarod et moi ? Sydney, je vous ai demandé de ne rien dire !

- Je n'ai rien dit concernant votre relation, j'ai essayé de détourner la chose.

- Vous lui aviez menti ?

- Non, je n'ai pas menti, je n'ai pas corroboré ses dires. C'est différent, mais il s'en doute. À votre retour, se serait bien que vous lui en parliez.

- Merci de m'avoir prévenue. » elle raccrocha.

En parler à Broots ? Au petit bonhomme tout dégarni ? Voilà que Sydney avait perdu la raison. Et pourquoi ne pas le crier sur tous les toits ou mieux encore pourquoi ne pas envoyer des faire-part à tous les employés du Centre y compris son frère jumeau et l'emphysémateux ? Non, bien que Sydney crût bien faire, il ne réfléchissait pas assez. Et puis surtout elle voulait garder cette liaison secrète. Rien que pour eux. Moins de personnes étaient au courant de leur relation et plus longtemps elle pourrait profiter de chaque moment passé avec Jarod. La voyant légèrement inquiète, ce dernier lui demanda si elle voulait toujours sortir. Elle hocha la tête. Ce n'était qu'un problème de rien du tout. Un problème auquel elle allait trouver une solution en un rien de temps. « Allons-y. » Ils sortirent en claquant la porte.

Ils franchissaient les portes du restaurant de l'hôtel, plongeant dans une ambiance élégante et raffinée. La salle à manger était spacieuse et tout illuminée par une verrière, baignée d'une douce lumière qui accentuait les détails de la décoration et les nuances chaudes de bronze qui recouvraient la pièce. Les notes de musique en fond sonore semblaient être idéales pour cette occasion. Jusque-là, tout était parfait. Le couple fut conduit par un serveur vers un endroit paisible et surtout à l'abri des regards indiscrets. Les jeunes tourtereaux s'installèrent autour d'une table joliment dressée, décorée de bougies et de fleurs fraîches, créant une atmosphère intime et romantique, propice à l'échange de regards langoureux et de sourires timides. Mlle Parker avait les joues légèrement rosées, ses yeux étincelaient d'une lueur vive, tandis que Jarod, amoureux, affichait un sourire empreint de douceur. Le serveur s'approcha d'eux pour leur proposer une boisson. Le caméléon commanda une bouteille de leur meilleur vin rouge, de préférence avant que les amoureux ne se laissaient tenter par un apéritif dînatoire, composé d'une multitude de mets tous plus gourmands les uns que les autres. En attendant, ils ne manquèrent pas de discuter de choses et d'autres se laissant porter par le charme et l'ambiance de la soirée.

« Rends-toi compte, Parker, c'est la première fois que nous sortons ensemble en tant que couple. Ce dîner aux chandelles, c'est exactement ce qu'il nous fallait. Je sais que tu ne veux pas rendre ça officiel, mais je trouve qu'on fait des progrès.

- Disons qu'on est sur la bonne voie.

- Parker, tu sembles être préoccupée depuis ta conversation avec Sydney. Tu veux peut-être m'en parler ?

- Broots a des soupçons sur nous. Tu sais ce que ça veut dire ?

- Ça veut dire qu'on va devoir se montrer plus prudent à l'avenir.

- Non, Jarod ça veut dire qu'il y a une chance pour qu'une autre personne du Centre soit au courant pour nous deux.

- Écoute-moi, peu importe le nombre de personnes qui seront au courant pour nous, ça n'a aucune importance…

- Comment peux-tu dire que ça n'a aucune importance ? Ça en a pour moi. On pourrait ne plus jamais se revoir, Jarod.

- Parker, il est hors de question que je laisse qui que ce soit me séparer de toi. Alors rassure-toi, on fera ce qu'il faudra le moment venu. De toute façon, dans l'immédiat, il est inutile que nous nous en préoccupions.

- Comme je voudrais que tu aies raison.

- Et si on laissait cette histoire de côté au moins pour ce soir. Je n'ai pas envie de penser au Centre. Je ne veux penser qu'à toi, qu'à nous. On passe si peu de temps ensemble que je ne veux pas le gaspiller. »

Le Centre, Blue Cove, Delaware

Broots avait passé toute la journée, ainsi que la nuit dernière, à surveiller les allées et venues du Centre. Ses yeux bouffis et fatigués se fermaient lentement alors qu'il restait collé à son écran d'ordinateur, guettant chaque entrée et sortie, dans l'espoir de voir le psychiatre ou même Mlle Parker faire une apparition. Il était déterminé à prouver à ses amis qu'il était tout aussi capable que Jarod, même s'il devait encore y passer la nuit. Dans un moment d'inattention, il attrapa sa tasse de café et avala une gorgée brûlante lui faisant lâcher un cri de douleur : « Ouah, ouh, c'est chaud, c'est chaud ! » Il fut soulagé lorsqu'une main compatissante lui tendit un mouchoir en tissu, c'était le psychiatre, souriant et toujours bienveillant.

« Vous devriez rentrer chez vous, Broots. Il est tard et ça fait des heures que vous n'avez pas bougé de votre ordinateur.

- Sydney, je rentrerai chez moi quand je serai sûr que Mlle Parker aura vu ça, d'ici là je préfère rester ici.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Regardez là, vous voyez. C'est l'endroit où le Centre s'était fait livrer leurs marchandises.

- Mais il n'y a plus rien là-bas, tout a été détruit…

- Peut-être que ce dépôt ne leur a servi que de lieu de livraison.

- C'est fort probable, oui. L'adresse est toujours valide.

- Vous croyez que l'enfant serait là-bas ?

- Non, même si c'est un lieu isolé, ce n'est pas un endroit pour un enfant.

- Si vous voulez mon avis, Sydney, je ne pense pas que les intérêts de l'enfant soient la priorité du Centre.

- Non effectivement, mais ce n'est pas le genre du Docteur William Raines de passer tout son temps dans un entrepôt.

- Alors que fait-on, maintenant ?

- Je vais envoyer une équipe de nettoyeurs là-bas sur place. On verra bien ce qu'ils y découvriront.

- Mais enfin, Sydney, vous savez bien que Mlle Parker a horreur que l'on se rende sur les lieux avant elle !

- Attendons de voir ce qu'il en retourne, mais, je crois que cette piste ne nous mènera nulle part.

- Alors retour à la case départ ?

- Oui, mais Broots, c'est du bon travail. Je sais qu'on finira par trouver et cet indice n'est qu'un début. Ne vous découragez pas ! »

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Sous le regard discret du jeune homme, elle parcourait la carte du menu avec attention. Elle ne savait pas quoi choisir, c'étaient tous des mets aussi succulents les uns que les autres. C'étaient tous des plats classiques européens. « Il est difficile de faire un choix. » pensa la jeune femme. Devant l'hésitation de la Miss, il lui suggéra de prendre tout ce qui lui ferait plaisir. Après avoir passé commande auprès du serveur, Jarod et Mlle Parker entamèrent une discussion des plus intéressantes.

« T'ai-je dit ce soir que tu étais magnifique ?

- Hmmm juste une douzaine de fois, mais continue. J'adore te l'entendre me le dire. Jarod, je passe une merveilleuse soirée. Merci.

- Ma chérie, la soirée ne fait que commencer !

- Ma chérie ? Mais qu'est-ce que c'est que ce surnom, Jarod ? Tu n'as pas mieux dans ton répertoire ?

- Eh bien, oui, j'en ai quelques-uns en réserve.

- Comme quoi par exemple ?

- Comme par exemple, mon amour, mon grand amour, mon cœur, ma vie, mon rayon de soleil, mon trésor, ma bien-aimée, mon ange… Oublie le dernier… C'est, un peu classique, je le reconnais. Évidemment, ce serait mieux si j'avais la permission de t'appeler par ton prénom.

- Mais Jarod, c'est ce que tu as fait cette nuit.

- Effectivement, il est vrai que dans le feu de l'action, je me suis un peu emporté. Je te signale que toi, tu n'as émis aucune objection.

- Dans le feu de l'action, je n'ai pas eu le cœur à objecter.

- Et as-tu des préférences ?

- Tant que tu ne m'appelles pas "Ma chérie" tout me convient, même "Mon ange." Mais si tu en trouves un qui sort de l'ordinaire, ne te gêne surtout pas !

- Oui, en fait ce que tu voudrais, c'est un joli surnom qui te ressemble, unique, comme toi !

- C'est exactement, ce que je veux. À toi Jarod de faire preuve d'imagination.

- Ah oui, de l'imagination ? Si tu savais ce qui me passe par la tête, là tout de suite…

- Non ne me dis rien. Je ne veux pas savoir. Tu me le montreras tout à l'heure. Dis-moi, as-tu l'intention de repartir en France ?

- Non, je ne repars pas pour Paris. Ça ne servirait à rien. Je ne pense pas que ma mère y soit encore.

- Tu sais comment tu vas t'y prendre pour retrouver la trace de Margaret ?

- Je vais contacter Ethan, et ensuite, je le rejoindrai.

- As-tu une idée où elle peut être ?

- Non, elle peut être n'importe où et seule, mais elle sait aussi que si elle se sent en danger, elle pourra toujours retrouver mon père et Emily. Et d'après ce que j'ai compris, ma mère est toujours en contact avec Ethan. S'il a des nouvelles d'elle, il me le dira !

- Je sais que tu finiras par la retrouver et si tu as besoin d'aide, Jarod… Je serai là.

- Merci Parker, ça me touche ce que tu me dis, mais je ne veux pas que tu fasses quoi que ce soit qui pourrait te mettre en danger.

- Mais je veux t'aider, j'ai envie de t'aider… »

Le Centre, Blue Cove, Delaware

Broots, assis sur un fauteuil s'agitait dans tous les sens. On pouvait voir sur son visage l'expression abattue qu'il affichait depuis plusieurs heures. Il passa sa main derrière sa nuque pour la masser, il était raide et ses muscles tendus lui faisaient atrocement souffrir. Il se leva pour dégourdir ses jambes. Malgré les nombreuses tasses à café qu'il avait consommées, et ce, tout au long de la journée, il avait du mal à rester éveillé. Le front plissé, il faisait du sur-place dans la pièce. Broots se mit à douter de lui-même, de ses capacités, à résoudre le problème. Il n'arrivait plus à se concentrer. Peut-être que Sydney n'avait pas tort, il devrait sans doute rentrer chez lui au moins pour quelques heures, le temps de se reposer. Toute cette histoire sur le petit garçon le perturbait. Et voilà que maintenant, Mlle Parker était en compagnie de ce bellâtre de Jarod ! Non, il aurait décidément tout vu. Cependant, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine frustration. Ne tenant plus sur ses pieds, l'informaticien perdit aussitôt l'équilibre et trébucha, le corps en avant, il se cogna la tête contre le coin du bureau et s'effondra au sol. Alors que Broots revenait doucement à lui, il ouvrit des grands yeux lorsqu'il aperçut un minuscule objet qu'il n'était pas censé voir.

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Le dîner s'était poursuivi dans la joie et la bonne humeur. Mlle Parker appréciait ce moment partagé avec Jarod et pour rien au monde elle n'avait envie d'être ailleurs qu'auprès de lui. Il égayait sa soirée et grâce à lui, elle avait oublié tous ses petits tracas de la journée. Ils étaient sur la même longueur d'onde. Elle prenait plaisir à l'écouter parler de tout et de rien. Elle rigolait à ses blagues qui d'ordinaire avaient tendance à l'énerver au plus au point. Et surtout, elle adorait qu'il lui fasse la cour. Jusqu'à aujourd'hui, personne ne l'avait courtisé avant lui. Certains hommes trouvaient ça beaucoup trop protocolaire. Soudain, le sourire béa, les yeux rivés sur le caméléon, la jeune femme était devenue distraite s'éloignant dans ses innombrables songes. Jarod l'interpella à plusieurs reprises avant qu'elle ne revienne parmi lui.

« Où étais-tu, Parker ?

- J'étais à des millions d'années-lumière d'ici.

- Tu aurais pu m'emmener avec toi. Pourquoi m'avoir laissé tout seul ?

- Oh Jarod, tu n'étais pas tout seul puisque tu étais là avec moi.

- Et on était où ?

- Ailleurs, c'était comme si on avait changé d'univers. On était tous les deux dans les bras l'un de l'autre.

- Eh bien, tout ça me semble parfait quoique un peu étrange.

- Dis-moi Jarod, tu n'as pas envie d'aller te promener ? De profiter de cette belle soirée ?

- Si, c'est une excellente idée. Allez, viens ma belle, mettons les voiles !

Jarod tendit sa main vers le haut faisant signe au serveur. Leur dîner serait additionné à leur note. Se relevant de table, il jouait les galants hommes avec elle, reculant sa chaise pour qu'elle puisse se lever, lui enveloppant délicatement ses épaules de sa veste et la laissa sortir du restaurant avant lui. Elle appréciait ces marques d'attention de sa part. À l'extérieur, elle lui prit le bras et déposa un tendre baiser sur sa joue. Le ciel était clair et les étoiles brillaient de mille feux. La lune était pleine et sa lumière douce illuminait le paysage. Mlle Parker et Jarod se promenaient main dans la main le long d'un chemin bordé d'arbres marchant lentement, admirant la beauté de la nuit, profitant de chaque instant passé ensemble.

- Où va-t-on Mlle Parker ?

- On se balade. Si tu savais à quel point, je me sens bien. Et c'est grâce à toi.

- Je suis content de le savoir. Et je m'en réjouis.

- As-tu déjà observé les étoiles, Jarod ?

- Oui, ça m'arrive assez souvent, mais avec toi, je les regarderai tous les soirs.

- Ah oui ? Alors viens. Suis-moi ! »

Le Centre, Blue Cove, Delaware

Broots prit le petit objet en question du bout de ses doigts et l'examina avec attention. Il fit de même dans le bureau. Il regardait dans tous les coins, dans chaque recoin, dans chaque tiroir. Il tourna plusieurs fois sur lui-même. Qui aurait bien pu faire une telle chose ? Sydney arriva et se moqua gentiment du bonhomme tout chauve. Il lui donna une légère tape dans le dos. Broots, sérieux, l'entraîna à l'extérieur de la pièce. Il lui tendit l'objet trouvé.

« Regardez-moi ça, Sydney !

- Où l'avez-vous trouvé ? le psychiatre jeta un coup d'œil sur l'objet.

- Là, à l'intérieur.

- Non, je voulais dire, où était-il placé ?

- Oui, je... En fait… Je n'ai pas fait attention ou je mettais les pieds et je suis tombé. Je me suis retrouvé par terre.

- Oh, mon pauvre ami. Et vous allez bien ? Vous ne vous êtes pas blessé au moins ?

- Non, non, non, rassurez-vous Sydney, je vais bien. Mais comme j'étais allongé au sol, mes yeux sont tombés eux aussi, directement sur le micro ! C'était sous le bureau.

- Quelqu'un nous espionne.

- Oui, mais depuis quand ? Pourquoi ? Et qui à placer ce micro dans ce bureau ?

- Nous sommes au Centre Broots, nous n'avons que l'embarras du choix.

- Je parie sur Raines !

- Je pencherais plutôt du côté de Lyle ! »

Sydney et Broots déambulaient dans les couloirs du Centre, échangeant quelques mots entre eux, lorsqu'ils aperçurent Lyle accompagné d'un individu plutôt antipathique. Cet homme grand et élancé avait des traits africains et un regard noir avec un air hautain. Il devait certainement s'agir d'un membre du Triumvirat. Les deux hommes avançaient rapidement, s'arrêtant brusquement en face du psychiatre et de l'informaticien. Broots se glissa avec discrétion derrière les deux individus tendant son oreille pour pouvoir écouter au mieux leur conversation et recueillir des informations pouvant confondre ce voleur de bébé.

Summit Rock, Central Park West, NY 10024, États-Unis

Elle avait entraîné le caméléon sur le point le plus élevé de Central Park, situé dans l'ouest du parc, à la hauteur de la 83e rue et que l'on surnommait Summit Rock. Du côté sud, les escaliers qui menaient au sommet étaient creusés dans la roche. Perché en haut d'une petite falaise située en diagonale, on pouvait apercevoir juste en face le superbe immeuble d'appartements de Beresford. C'était un lieu d'une beauté saisissante, le plus isolé et le plus calme du parc offrant une vue grandiose sur l'architecture environnante. La scène paraissait irréelle, comme si elle sortait tout droit d'un rêve. Assis sur un rocher, la tête légèrement penchée en arrière, les yeux levés vers le ciel, ils contemplaient les étoiles avec admiration.

« Tu as raison, Parker, c'est incroyablement magnifique.

- Tiens, regarde ! Elle leva son bras, pointant son index en direction du ciel étoilé. Celle-là s'est Arcturus, elle est l'étoile principale de la constellation du Bouvier. C'est la troisième étoile la plus brillante du ciel nocturne. Tu sais comment on la reconnaît ? En fait, c'est très simple, elle est parfaitement reconnaissable grâce à sa lumière légèrement rougeâtre… Mais tu le savais déjà, n'est-ce pas ?

- Elle ressemble à un cornet de glace.

- Oui, en effet ! En y réfléchissant bien, ça y ressemble. Regarde celle-là, c'est celle que l'on nomme la grande Ourse… Mais ça aussi, tu le savais déjà.

- Je suis étonné. Comment en sais-tu autant sur les constellations ?

- C'est Thomas qui me les avait apprises…

- C'est vrai, Thomas était un grand passionné d'astronomie.

- Oui, il adorait regarder les étoiles. Et toi, Jarod, quelle est ta passion ?

- Devine ! il embrassa.

- Tu en as bien une ? Tout le monde a une passion dans la vie sans quoi celle-ci serait triste.

- Je n'ai pas vraiment eu le temps d'y penser pendant ses cinq dernières années. Et toi, quelle est ta passion, à part celle de me courir après.

- En fait, c'est stupide. On ne peut pas avoir de passion. Regarde la vie qu'on mène. Ce serait de la pure folie !

- Eh bien, si ce que je vis est de la pure folie, alors il n'y a pas de doute, je suis bien fou.

Détendu, il la tenait enserré affectueusement dans ses bras, profitant de la beauté de ce fabuleux spectacle qui était en projection devant leurs yeux. Il n'y avait aucun bruit. Tout était silencieux et paisible. C'était comme s'ils étaient seuls au monde. Bercée par ce doux silence, elle ferma ses yeux, prenant une grande inspiration. Malgré la tragédie qui avait tantôt frappé sa famille des années auparavant, c'était la première fois que Mlle Parker avait le cœur léger et rempli d'espoir. Elle souriait.

- Qu'est-ce qui te fait sourire, mon amour ?

- J'étais en train de penser à ma mère. C'est la première fois depuis qu'elle nous a quittés que je ne me sens pas aussi triste à cette période de l'année.

- Non, Parker ne fait pas ça !

- Que je ne fasse pas quoi, Jarod ? Espérer ?

- Arrête ! Tu te fais du mal.

- Non, tu l'as dit toi-même, Jarod, ma mère serait encore en vie.

- Non, Parker, je n'ai jamais dit que ta mère était encore en vie. J'ai dit qu'on ferait tout pour le découvrir. Justement, je voudrais que tu n'espères pas trop.

- Alors toi, écoute-moi bien l'ami ! C'est vrai que je suis folle de toi, mais en aucune manière, je n'accepterai que tu t'immisce dans mes prises de décision. J'ai l'intuition que ma mère est toujours vivante, qu'elle est là quelque part. Et il est hors de question Jarod que je te laisse toi ou qui que ce soit d'autre m'empêcher de la retrouver, c'est clair ? Je préfère m'en aller. Et seule ! Tu n'as qu'à rentrer à l'hôtel sans moi ! » avait-elle dit en haussant le ton.Exacerbée, elle s'était relevée et sans en dire plus, elle s'en alla.

Le Centre, Blue Cove, Delaware

Dans les jardins du Centre, Sydney et Broots échangeaient leurs idées tout en marchant, discutant du mystérieux nouvel arrivant dans l'entreprise. Qui était-il et pourquoi était-il venu d'Afrique jusqu'ici ? Et pourquoi les surveillaient-ont ? Les yeux de Broots se rétrécissaient, il se frottait les tempes avec ses doigts puis tout à coup, il se raidit. Il s'immobilisa, comme figé sur place, revivant la conversation entre les deux hommes, cherchant désespérément à donner un sens à toute cette situation. Alors que Sydney continuait d'avance voyant que Broots ne le suivait plus, il s'arrêta à son tour et se tourna vers lui.

« Broots, tout va bien ?

- Je… J'étais en train de penser… Quelque chose auquel je n'ai pas prêté tout de suite attention m'est revenue en mémoire. J'ignore si c'est important pour nous ou pas.

- De quoi s'agit-il ? Vous savez, toutes les informations que nous serons susceptibles de découvrir sont importantes. Alors dîtes moi ce que vous savez.

- Sydney, tout à l'heure, cet homme dont on ignore encore le nom et Lyle parlaient de… Transfert, de maison, de commodité, de documents… Sur le coup, je croyais que c'était anodin mais quand il à parler de ce truc.

- Ce truc ? Vous parlez de l'enfant ?

- Du projet dont Mlle Parker fait mention depuis quelque temps.

- Le projet Genius. Oui évidemment. Tout devient clair maintenant. Le Triumvirat veut se l'approprier ! C'est en Afrique que le…

- Pourquoi Sydney ? Ce n'est qu'un bébé. À quoi pourrait-il leur servir ?

- Dans un premier temps l'étudier, ensuite faire de lui une personne qui…

- Ils vont se servir de lui comme ils se sont servis de Jarod. C'est monstrueux !

- Ont-ils parlé de la date ou de l'heure de ce transfert ?

- Non, mais j'ai entendu Lyle dire qu'il était préférable d'attendre quelques mois afin qu'il puisse développer au mieux ses capacités… Quel imbécile, je suis ! Bien sûr qu'il parlait de ce petit garçon.

- Ça suffit, Broots ! Arrêtez ! Arrêtez de vous sous-estimer. Nous avons fait beaucoup de progrès grâce à vous, nous avançons. À petit pas, mais nous avançons. Je vais faire suivre Lyle par Sam. Quant à vous, mon ami, rentrez chez vous, reposez-vous. Tâchez de dormir un peu et demain, vous reprendrez vos recherches ! »

Plus sûr de lui-même, Broots repartit d'un pas assuré. Il allait rentrer chez lui, comme le lui avait suggéré le psychiatre. C'était ce dont il avait besoin. Un grand coup de fouet et une bonne nuit de sommeil !

Summit Rock, Central Park West, NY 10024, États-Unis

Jarod toujours assis sur le rocher était bouche bée, incrédule, il se demandait encore ce qu'il avait bien pu dire ou faire pour la froisser. C'était quoi cette manie de toujours prendre la fuite au moment opportun. « Oh, à quoi bon de toute façon ? Elle n'en fait qu'à sa tête. » Il ne bougea pas. Avait-il bien entendu les paroles de la Miss ? « Elle était folle de lui ? » Ses lèvres s'étaient si élargies que l'on pouvait voir ses dents toutes blanches. Au bout de quelques minutes, il se décida à aller la rejoindre. Avec un peu de chance, elle aurait fini par se calmer. Malgré les lumières allumées des lampadaires qui sillonnaient le parc, il avait du mal à la voir. Mlle Parker perdue et seule à Central Park ? Et lui, son beau caméléon qui viendrait à son secours ! Cette réflexion laissa le petit génie pensif. Alors qu'il regardait tout autour de lui sans vraiment discerner quoi que ce soit, ses yeux, eux, virevoltaient d'un endroit à l'autre. Lorsque soudain, il vit la silhouette de la jeune femme flâner dans la pénombre. Il cria plus d'une fois son nom. Un léger sourire peignait son visage, elle fit semblant de ne pas l'entendre. Elle ne répondait pas à son appel. Elle voulait le faire mariner… Un petit peu ! Et bien qu'elle continuait à marcher sans prêter attention à Jarod, ce dernier, qui l'avait rattrapée, l'empoigna. Elle se retourna.

« Tu ne m'as pas entendu t'appeler ?

- Non, Jarod. Tu étais beaucoup trop loin pour que je puisse t'entendre ! Ne t'avais-je pas demandé de rentrer sans moi ?

- Enfin, Parker, je n'allais certainement pas te laisser seule dans ce parc en pleine nuit.

- Je sais me défendre, tu sais. Il est vrai que je ne porte pas mon arme sur moi, mais je suis tout de même en mesure de me défendre !

- Je n'en doute pas un seul instant, mon amour. De toute façon, où aurais tu rangé ton arme dans cette magnifique tenue, dis-moi ?

- La question n'est pas là, Jarod. Je croyais que tu me soutiendrais. Tu sais ce que ça représente pour moi et je pensais que toi, tu me comprendrais mieux que personne.

- Je te comprends, tu le sais ça. Je n'aurai pas dû te dire de ne pas espérer. Je ne me suis pas montré très compréhensif. Je ne veux pas te voir souffrir, c'est tout. Je m'y suis pris maladroitement. Excuse-moi. Mais sache juste que si Catherine est toujours vivante, je te soutiendrai quoi qu'il arrive. Parker, je te soutiendrai toujours.

- Je sais ce que tu penses. Tu penses que je me fourvoie et que je me berce d'illusion et d'espoir, mais, Jarod, c'est tout ce qu'il me reste. Et tant que je n'aurai pas la preuve irréfutable qu'elle soit bien morte alors je continuerai à espérer. Je ne cesserai jamais d'y croire !

- Je suis désolé.

- Moi aussi, je suis désolée. Je n'aurai pas dû m'emporter. Par moments, j'agis au quart de tour, sans réfléchir et je me sens…

- Tu es toujours folle de moi ?

- Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes, encore Jarod ? Parfois, j'ai du mal à te suivre, elle faisait mine de ne pas savoir ce dont il parlait. Elle regardait en l'air.

- C'était ce que tu as dit tout à l'heure. Tu as dit que tu étais folle de moi.

- Tu es sûr ? A mon avis, tu as dû mal comprendre. Ça n'a pas d'importance de toute façon, je ne m'en souviens pas.

- Oui. J'ai dû me tromper. On rentre ?

- Rentrons ! »

Elle le prit par le menton et y déposa un baiser sur sa bouche. En marchant dans l'allée fleurie qui les ramenait vers l'hôtel, elle lui offrit sa main et y mêla ses doigts à ceux de son amant.