Chapitre 40 : Une décision difficile
Suite 88, Le Mark Hôtel, NY
Épuisé par une nuit d'insomnie et hanté par le dernier épisode qui avait frappé sa vie, Jarod avait choisi de tourner la page prenant ainsi une décision ferme et radicale : changer d'hôtel ! La suite autrefois partagée avec Mlle Parker s'était transformée en un sinistre sanctuaire de souvenirs affligeants, où chaque mur lui criait leur amour perdu, l'échec de leur histoire. Chaque recoin de cet endroit devenait une prison, alimentant ses larmes et sa douleur telle une ombre noire qui s'étendait sur chaque aspect de sa vie. Ici, tout lui rappelait la jeune femme. D'abord, la cuisine où elle avait fait brûler leur petit-déjeuner romantique si gentiment préparé. La salle de bain où elle adorait s'adonner à des jeux coquins. Le salon où elle pouvait rester des heures durant à contempler les lumières colorées de la ville. Et il y avait la chambre. Cette jolie chambre, leur refuge. Celle où elle était enfin elle-même, libre, joyeuse, parfois rêveuse voire amoureuse. Bien sûr il n'y avait pas qu'ici où la présence de la Miss s'était enracinée. Le couloir, le restaurant, le spa et la salle de sport. Tout était imprégné d'elle, de son odeur, de son sourire, de son souffle, Les moments heureux soudainement lointains s'étaient envolés en un éclat tout comme les rires complices, les regards échangés, et les étreintes tendres. C'était insupportable qu'il en devenait fou. Dans un effort acharné de se débarrasser de cette souffrance persistante, Jarod s'était mis en quête de trouver un nouvel abri, un havre exempt des échos déchirants du passé. Il était temps pour lui de prendre un nouveau départ. Il aspirait à un lieu neutre, purgé de toute réminiscence qui raviverait les plaies encore grandes ouvertes. Là où il pourrait respirer sans restriction, sans être étouffé par l'image de la jeune femme. De plus, il refusait de repartir dans l'Ohio. Faire face aux questions incessantes de sa famille et aux critiques perpétuelles d'Emily, de les voir heureux alors que lui-même était malheureux. Non ! Il en était incapable. Il entreprit donc de trouver un nouveau coin où poser ses valises. Il ne voulait pas se réveiller chaque matin en sachant que la Miss l'avait quitté et pourquoi ? En aucune façon, son excuse ne tenait la route ! À son avis, elle avait peur. Jarod savait qu'il ne pourrait guérir et avancer sans cette rupture nette avec elle et chaque minute dans ce lieu était un rappel cruel de la réalité qu'il voulait fuir à tout prix. C'était ainsi qu'il s'était alors souvenu d'un petit motel près de l'aéroport JFK, un endroit où sa mère avait séjourné peu de temps auparavant. Cette coïncidence n'échappa pas au caméléon. Certes, cet établissement laissait à désirer, mais aujourd'hui, pour lui, le luxe n'était plus d'actualité. Bagages en main, il regarda une dernière fois la suite avant de claquer la porte.
INN-Hotel - JFK Airport 154-10 S Queens, 11434, NY
Une fois installé dans l'ancienne chambre qu'avait occupée tantôt sa mère, Jarod avait ressenti un soulagement. Les murs fins n'avaient pas de mémoire, pas d'émotion, pas d'histoire enfouie entre leur brique froide. Quoique. C'était un endroit frais, presque impersonnel, et c'était exactement ce dont il avait besoin pour panser ses maux. Toutefois, il ne pouvait pas effacer Mlle Parker de son esprit. Ça aurait été trop facile. Même absente physiquement, son empreinte était profondément ancrée en lui. C'était comme si elle l'avait marqué au fer rouge. Oui, au fer ! C'était certain, pour lui, il se réveillerait chaque nuit, chaque matin en pensant à elle, en se demandant pourquoi leur relation avait déraillé de manière aussi tragique. Solitaire, Jarod, assis sur le lit, replié totalement sur lui-même, se laissa aller à son chagrin sans jugement. Embrasé d'une ténacité inflexible, il se nicha devant son ordinateur, la photo du bébé à côté de lui. C'était vrai que ce petit ange, son propre fils lui ressemblait, ce qui le faisait sourire. L'instant d'après, son visage s'assombrissait. Pourquoi ne pouvait-il pas avoir les deux ? Les néons blafards le pressaient sans tarder dans sa mission qu'il s'était lui-même assignée, soulignant les lignes de fatigue qui accentuaient chaque contour de son visage. Ses doigts aussi agiles que vifs, s'égaraient avec adresse sur son clavier, pourfendant l'obscurité numérique à la recherche d'une piste qui le guiderait vers son enfant et vers la mère. Les heures s'évanouissaient sans qu'il ne les remarque oubliant de penser au repas du soir, tandis qu'il était fortement focalisé sur l'écran lumineux. Des documents s'ouvraient, des connexions se tissaient alors que Jarod explora de fond en comble les cheminements capricieux d'Internet. Ses compétences de caméléon, acquises au fil des années, lui permettaient d'accéder à des informations inaccessibles. Son regard, perçant et vorace, scruta chaque pixel, chaque once de données, chacune des réponses. Photographies, noms, adresses, liens, rien n'échappa à l'œil avisé de l'expert qui jonglait entre dossiers, fichiers, labyrinthes de réseaux sociaux et archives confidentielles. Il avait même interrogé ses contacts au FBI. Des hypothèses concernant la mère de l'enfant émergeaient en lui, surtout une en particulier. Non, c'était impossible, pas elle ! Celle-ci, il la raya définitivement de la liste qu'il avait établie, s'efforçant à dénouer les fils complexes qui s'entremêlaient autour de cette affaire. Dans la pièce, on entendait seulement le bruit du ventilateur de l'appareil alors que son cœur manqua un battement au moment même où quelque chose apparaissait sous ses yeux. D'une main tremblante, il avait agrandi les images qui prenaient forme devant lui : une photo embryonnaire, une autre prise à environ trois mois après la naissance du bébé Parker ainsi que celle de l'ADN. La joie et l'émerveillement de découvrir l'existence de ce nourrisson étaient tempérés par la douleur de réaliser qu'il avait été tenu à l'écart de la vie de son fils. Il ne savait pas quoi dire, il se demandait à quel point ce petit être avait grandi depuis. Pourtant, malgré son insistance, il se heurta constamment à des impasses, des portes closes qui se refusaient à lui donner les clés de la vérité. L'absence de résultats concrets pesait atrocement sur les épaules de Jarod. Chaque dead-end rencontré était une gifle qui le ramenait à la dure réalité, le bébé restait introuvable, et à ce jour, le nom de la mère demeurait inconnue. Cependant, Jarod n'était point homme à se laisser abattre devant une difficulté. Il n'avait pas joué sa dernière carte.
Une nuit. Tout à coup, il ouvrit les yeux, réveillé par la faible lueur dorée de la lune qui illuminait encore sa chambre. Il avait une drôle de sensation familière. Il était persuadé que Mlle Parker était là, près de lui. Il la chercha d'un regard hagard, mais il ne trouva que le silence, le néant. Il repensait à leur dernière conversation, ressassant les "et si" qui tournaient en boucle dans sa tête. Et si les choses avaient été différentes ? Jarod se redressa lentement, s'appuyant sur le dossier du lit, les yeux rivés sur le plafond. Il repassa en revue le moindre petit détail, la moindre inflexion de voix, le moindre geste, essayant désespérément de comprendre où les choses avaient dérapé, où ils avaient perdu le fil qui les reliait. Il était pris de doute et de culpabilité, se demandant s'il aurait pu faire les choses différemment, s'il aurait pu éviter cette rupture douloureuse. Malgré le fait qu'il respectait la décision de Mlle Parker. Il comprenait que l'amour ne suffisait pas toujours à résoudre tous les problèmes, et que certaines histoires devaient prendre fin pour permettre à de nouvelles de commencer. Mais voilà, l'homme-caméléon n'était pas du genre a lâcher prise. Il se leva presque en sautant de son lit, se jurant à lui-même de la reconquérir.
Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991
Deux nuits plus tard. Elle était assise à une table, éclairée par une petite lampe à faible intensité. Elle était entourée de plusieurs cartons appartenant à son défunt père. Ces boîtes renfermaient des objets de son passé, des photos d'elle-même, de ses parents et d'autres personnes plus ou moins connues ainsi que de nombreux dossiers accumulés au fil du temps. Depuis son retour de New-York, elle était résolu a découvrir l'identité de la mère du nourrisson. Bien qu'elle avait mis un terme à sa relation avec le caméléon, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter de son sort et de celui du petit. La rupture avec Jarod avait provoqué un vide immense dans son cœur, elle était dévastée comme si on lui avait ôté une partie d'elle. La douleur était si intense qu'elle avait du mal à se concentrer, se posant inlassablement mille et une question. C'étaient toujours les mêmes questions. Est-ce que Jarod pensait à elle ? Souffrait-il autant qu'elle ? Était-il encore amoureux d'elle ? La détestait-il ? Comment gérait-il leur séparation ? Avait-il trouvé une autre femme à aimer ? Cette incertitude la tournaillait, et chaque réponse qu'elle imaginait lui causait une nouvelle pluie de larmes. Elle se laissait aller à l'idée que Jarod était devenu sa drogue, la seule personne capable de combler le manque d'amour qu'elle avait ressenti toutes ces années. Elle avait l'impression de se consumer de l'intérieur. « Non, ressaisis-toi, Parker ! Ce n'est pas le moment de déprimer ! » s'écria-t-elle de vive voix. Elle reprenait les investigations, elle avait bon espoir de trouver des explications dans les affaires de son paternel. Elle prit donc l'initiative de fouiller, plongeant ses mains à l'intérieur, déplaçant les objets un par un. Des dossiers portant des noms de patients et de chercheurs du Centre et de ses annexes attiraient son attention. Les piles de feuilles allaient des rapports médicaux aux relevés financiers en passant par des notes adressées au Triumvirat. Chaque document qu'elle examinait était une éventuelle pièce du puzzle qui pourrait sans doute changer sa vie et celle de son ancien amant. Elle sillonnait les pages les unes après les autres, et ce, avec minutie, lisant avec attention un ancien courrier, lorsqu'elle entendit du bruit provenant de l'extérieur.
Pendant ce temps-là, une silhouette marchait en direction de la maison. Dans le noir, on ne pouvait différencier clairement qui se cachait derrière cette figure étrange, mais il était évident que cette personne venait voir la Miss. Cette dernière, dissimulée derrière le rideau de sa fenêtre, aperçut des pas se rapprocher de plus en plus. L'anxiété la saisit alors qu'elle s'efforçait de distinguer qui pouvait bien se trouver là, à quelques mètres. L'inconnu s'avançait lentement, montrant petit à petit une forme familière. C'était Jarod ! Oui, il était revenu à Blue Cove dans l'espoir de retrouver la jeune femme. Selon lui, c'était le moment idéal pour tenter de rétablir le contact entre eux. Sans faire de bruit, il leva la main, hésitant à frapper. Il pouvait entendre à travers le bois le son de sa respiration suivit de sanglots. Des coups tonnaient contre la porte de son domicile. Il souhaitait fortement la convaincre de redonner une chance à leur relation, à leur couple, sachant pertinemment que découvrir la vérité sur le bébé était une épreuve difficile autant pour elle que pour lui. Il voulait également la tenir informée de ses recherches. Mlle Parker, elle, se tenait de l'autre côté, elle écoutait en silence les paroles de Jarod. Dans un dialogue à sens unique, il exprimait ses sentiments, sa volonté de tout réparer. Sa voix portait l'émotion contenue depuis leur séparation.
« Je sais que tout est compliqué entre nous depuis que nous avons su pour l'enfant et que ça a été un choc pour toi. Mais je veux que tu saches que je suis prêt à tout faire pour arranger les choses. Tu me manques Parker. J'ai besoin de toi comme tu as besoin de moi et peu importe ce qui se passera, je serai toujours là pour toi. Je n'abandonnerai pas. Il y a quelque chose que je veux te dire, des éléments que j'ai découverts concernant le petit. C'est dans cette enveloppe. C'est un peu léger, c'est vrai, mais c'est un début. Ces renseignements, je veux les partager avec toi, pour que nous puissions avancer ensemble. On est une équipe, tu t'en souviens ? Je comprends que tu aies besoin de temps, de recul, mais je t'en prie, ne me ferme pas la porte... Oh, je vois, tu as décidé de ne pas me répondre. Ce n'est pas grave. J'attendrai toute la nuit s'il le faut ! »
Le silence persistait, et Jarod attendait fébrilement un signe de sa part. Faire preuve de patience et de persévérance, voilà une nouvelle devise ! Il ne partirait pas tant qu'elle ne lui aurait pas donné l'opportunité de s'expliquer et de lui montrer à quel point il tenait à elle. Face à l'absence de réponse, Jarod avait choisi une solution des plus audacieuses néanmoins des plus radicales. Il décida de camper devant chez elle. Assis sur les marches des escaliers, il observait le ciel étoilé, imaginant que la jeune femme se précipiterait vers lui l'accueillant les bras ouverts. Il refusait de quitter les lieux tant qu'elle n'aurait pas capitulé. L'attente était longue et pénible. Quant à Mlle Parker, en entendant les paroles du caméléon, elle s'était mise pleurer, se couvrant le visage dans le pli de son bras, partagée entre l'envie de le laisser entrer et la crainte de retomber à nouveau dans ses bras. Tous ses sentiments contradictoires rendaient sa décision difficile. Alors qu'elle s'apprêtait finalement à franchir le seuil pour lui céder le passage, l'ombre du caméléon avait déjà disparu dans la nuit. Elle baissa la tête. C'était trop tard. Sur le perron, à ses pieds, Mlle Parker aperçut une grande enveloppe marron déposée par Jarod. Elle la récupèra. Que contenait-elle ? Elle s'écroula sur le canapé avec le pli. Celui-ci renfermait des détails croustillants relatifs à l'enfant, des éléments qu'il avait découverts au cours de ses fructueuses recherches. Elle l'ouvrit hâtivement. Parmi les nombreux papiers, se trouvaient des photographies partielles du garçonnet, des photocopies des documents médicaux avec des références codées, des extraits de rapports évoquant le projet Genius et d'autres en lien avec celui-ci ou encore avec le bébé, ainsi que des notes manuscrites de Jarod sur lesquelles étaient écrites quelques-unes des pistes qu'il avait suivies jusqu'ici. Et comme à son habitude, elle se soumettait au jeu de Jarod. Elle devait suivre les indices qu'il avait semés sur son chemin. Ceux-ci étant, elle se retrouvait avec de nouvelles questions à explorer agissant ainsi comme un catalyseur, incitant Mlle Parker à s'investir davantage dans cette enquête et à poursuivre ses propres recherches afin de percer le mystère entourant le bébé Parker.
INN-Hotel - JFK Airport 154-10 S Queens, 11434, NY
Quelques jours plus tard à New York. Jarod n'avait toujours pas de nouvelles de Mlle Parker. Il essaya par tous les moyens de la joindre, malheureusement, toutes ses tentatives avaient été vaines. Dans sa chambre d'hôtel, le téléphone à la main, il composa le numéro de Sydney au Centre attendant que son ancien mentor décroche.
« C'est moi, sa voix était monotone.
- Jarod, je suis content de t'entendre, je me suis fait beaucoup de souci.
- Ah oui, vraiment Sydney ? Vous étiez inquiet ? Alors pourquoi n'avoir rien fait ? il regarda sur son ordinateur des photos de lui et du petit Parker cherchant des comparaisons ou des différences entre eux.
- Tu parles du bébé ? Je suis désolé, je n'étais pas au courant. Je viens de l'apprendre.
- Tout est de ma faute. Ces simulations sur le clonage, la manipulation génétique... Toutes ces simulations que j'ai effectuées pour vous. Vous, vous les êtes appropriées pour vous en servir contre moi ! il cria à travers le mobile.
- Non, tu n'y es pour rien.
- Vous avez raison. Tout est de votre faute !
- Je t'en prie, calme-toi. Crois-moi Jarod si j'avais su, je m'y serais opposé. Jamais je n'aurai laissé faire une telle chose.
- Parker ne veut plus me voir. Elle refuse de me parler. On était heureux et amoureux et aujourd'hui, je n'ai plus rien parce que vous, Sydney, vous ne les avez pas empêchés.
- Jarod, je sais que tu es en colère, mais tu dois comprendre que nous ne sommes pas tous responsables de ce qui s'est passé. Je vais tout faire pour arranger la situation entre toi et Mlle Parker. Et t'aider aussi à retrouver ton fils. Tu peux compter sur moi. Tu ne perdras ni l'un ni l'autre.
- C'est facile à dire, Sydney, mais c'est trop tard, je n'ai plus confiance. Je ne sais pas comment tout cela va se terminer. J'ai l'impression d'avoir tout perdu. Parker m'a demandé de choisir entre elle et lui. Je n'ai pas pu me résoudre à faire ce choix. Maintenant, elle est partie, et je ne sais même pas si je peux la récupérer. Tout est si compliqué.
- Non, Jarod, n'abandonne jamais ton enfant.
- C'est une partie de moi qui a été volée. Je ne peux pas accepter ça. Je ne peux pas accepter que quelqu'un d'autre ait décidé de ma vie à ma place.
- Cet enfant est le tien. Quant à Mlle Parker, elle est encore sous le choc. Laisse-lui du temps pour gérer la nouvelle.
- Que dois-je faire maintenant ? Comment retrouver mon fils sans le moindre indice ?
- Nous allons continuer nos recherches, Jarod. Nous allons mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour le retrouver. Je te le promets.
- J'espère que vous dîtes vrai, Sydney. Parce que je ne peux pas vivre sans savoir ce qui lui est arrivé, sans savoir qui est sa mère, sans savoir si je pourrai un jour le tenir dans mes bras, il passa ses doigts sur l'écran, l'image de son fils, le sourire aux lèvres.
- Tu auras cette chance, Jarod. Je te le promets. »
Tous deux raccrochèrent en même temps. Le psychiatre, préoccupé par la conversation avec le caméléon, réfléchissait à une solution. Il se devait d'agir. Il sentait la détresse du jeune homme et était conscient des erreurs commises par l'organisation. Ils étaient allés beaucoup trop loin. Il était temps de réparer les dégâts. Sydney se leva et quitta son bureau en coup de vent se rendant chez Mlle Parker.
Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991
Le psychiatre arriva chez Mlle Parker. La porte était entrouverte. La jeune femme trop absorbée pour levé les yeux vers lui l'invita à rentrer. Ce qu'il fit, observant avec stupéfaction les cartons éparpillés dans toute la maison. Il remarqua immédiatement qu'elle avait entamé de son côté sa propre enquête. Des tonnes de boîtes remplies de dossiers étaient dispersées sur le sol. Il s'approcha d'elle avec admiration, notant ainsi son sérieux dans cette histoire. Il se pencha vers elle, intéressé. Avait-elle mis la main sur quelque chose d'intéressant ? Elle daigna enfin le regarder souriant légèrement. Il s'agenouilla près d'elle. Le psychiatre fronça les sourcils. Il semblait que certaines vérités échappaient encore à leur portée. « Sydney, ces cartons ne contiennent que des dossiers sur le projet Caméléon. Si vous en avez besoin, prenez-les ! Ils ont utilisé l'ADN de Jarod pour leurs propres expériences, pour concevoir un enfant. Il n'y a rien sur le projet Genius, rien sur la mère du bébé ou son identité. Tout est centré sur… » Sydney n'était pas surpris le moins du monde. Plus rien ne l'étonnait. Il profita de cette occasion pour aborder un sujet ultrasensible afin d'en apprendre davantage sur le conflit actuel et de pouvoir aider au mieux le jeune couple. Il adopta un ton compatissant.
« Parker, je sais que c'est difficile pour vous de faire face à tout cela. Cependant, je ne peux m'empêcher de me demander si votre décision de quitter Jarod était uniquement motivée par la peur de perdre ce petit garçon.
- Il vous a téléphoné, c'est ça ? elle se releva.
- Il est dans un tel état ! Il croit qu'il a fait quelque chose de mal.
- Il est venu ici. Il voulait arranger les choses. Mais Sydney, c'est trop tard, elle se dirigea vers sa cuisine. Café ? il hocha la tête.
- Ne lui tournez pas le dos maintenant, Parker.
- Pour tout vous dire, je ne sais pas comment réagir face à la situation. J'ai du mal à accepter que Jarod soit le père de cet enfant.
- Pourquoi ? il accepta la tasse qu'elle lui tendit.
- Parce que cela signifierait qu'il aurait une part de moi que je ne pourrais jamais avoir.
- Vous êtes déstabilisée, Parker. J'irai même jusqu'à dire que vous éprouvez une certaine envie où plutôt de la jalousie envers Jarod, parce que cet enfant ne vous appartient pas. Peut-être pourriez-vous m'expliquer ce qui vous a poussé à demander à Jarod de renoncer à son fils ? Est-ce que cela a un lien avec vos propres sentiments et vos appréhensions concernant la maternité ?
- Oh, vous alors ! Vous n'arrêtez donc jamais Sydney ? Vous savez, j'ai toujours pensé que je ne voulais pas être mère, que je n'étais pas faite pour cela. Mais je me rends compte que je suis attachée à ce bébé. Ce que je ressens pour lui est très fort… Vous ne pouvez pas comprendre, elle se frotta les tempes, elle avait la migraine.
- Les liens du sang ne sont pas la seule mesure de l'amour et de la famille, Parker. Je le sais mieux que quiconque. J'ai élevé Jarod comme mon fils, et je l'aime comme tel, même si nous ne partageons pas de lien génétique. Avez-vous envisagé de fonder une famille avec Jarod ? Je veux dire quand le bébé aura été retrouvé.
- Oh, non, ça n'arrivera jamais ! Je ne suis pas faite pour avoir une vie normale. Je suis destinée à être une personne brisée, incapable de trouver le bonheur dans une relation ou une famille. C'est ça la malédiction !
- Personne n'est condamné à une vie de souffrance, Parker. Nous sommes maîtres de notre destin, et vous avez le pouvoir de choisir le vôtre. Ne laissez pas la peur vous dominer.
- Vous savez ce que je ressens pour Jarod et j'adore ce petit garçon, et plus encore maintenant que je sais qu'il est son fils, mais je ne peux pas renoncer à qui je suis pour mener une vie qui ne sera jamais vraiment la mienne, répondit-elle fermement. Je ne veux pas me forcer à être une personne que je ne suis pas. Je ne peux pas faire semblant.
- Alors il va falloir faire un choix, Parker. Si vous refusez de vous impliquer dans la vie de cet enfant, il faudra le laisser partir. Laissez-le partir avec Jarod ! il lui rendit la tasse. Merci pour le café. »
Restaurant, Blue cove, Delaware
Dans les jardins du Centre. Sydney, les mains derrière le dos, rassembla ses idées. Son téléphone serré dans ses doigts, il contacta discrètement un établissement réputé de Blue Cove afin d'organiser une soirée pour les amants. Pour ce faire, il avait prévu une table pour deux personnes dans un coin calme du restaurant, éclairé par des chandelles et avec une vue insaisissable sur la baie. Enfin, la soirée arriva, et Sydney s'assura que tout était parfaitement en place. Tantôt, il avait envoyé un message à la jeune demoiselle lui donnant rendez-vous à l'endroit dît à une heure bien précise et de demander sa table réservée sous un pseudonyme « Le Dragon. » Il fit de même avec le caméléon. Mlle Parker arriva la première et fut conduite par un brave serveur de type hispanique jusqu'à sa table. C'était isolé et très intime. Mais à quoi le psychiatre jouait-il ? Elle remarqua le décor romantique. Puis, Jarod entra à son tour. Il balaya la salle du regard, à la recherche de Sydney, mais à la place, il trouva la Miss. Il fut surpris de la voir assise seule, un verre de vin rouge à la main, sa peau étincelait à la lumière des bougies. Les yeux du caméléon faillirent sortir de leurs orbites et son cœur avait failli exploser de joie au plaisir de la revoir.
« Parker ? Que se passe-t-il ici ?
- Je me pose la même question, il s'assit en face d'elle, curieux de découvrir qui était à l'origine de cette plaisanterie.
- C'est un coup de Sydney, je présume ! Je suis ravi que tu sois là.
- Jarod, je ne sais pas ce que ce Dr Freud manigance, mais je crois qu'il vaut mieux que je m'en aille, elle se leva pour partir.
- Non. Tu restes ! il lui attrapa le poignet. J'ai fait le chemin jusqu'ici alors puisque nous sommes là, nous allons mettre les choses au clair. Je veux parler de nous. De notre relation. Cette façon d'agir ne nous mènera nulle part. S'il te plaît, assieds-toi.
- Le petit, il est là, lui. On ne peut pas faire comme s'il n'existait pas, elle reprit sa place et son verre de vin.
- J'ai beaucoup réfléchi, tu sais. Il n'est pas question de faire comme s'il n'existait pas, Parker, bien au contraire, mais je refuse que ça se termine comme ça entre nous… Qu'y a-t-il de si drôle ? elle émit un petit rire moqueur voire hypocrite.
- Tu veux entendre la théorie de Sydney ? Oui, tu veux l'entendre ! Tu vas voir, il y a vraiment de quoi rire. En fait, Jarod, Sydney, pense que je suis jalouse de toi. Que je t'envie. Et en te voyant ce soir, j'ai réalisé qu'il n'avait pas tort. À toi, la vie te sourit. Tu as tout ce dont tu désires : une famille aimante, une liberté que je n'ai jamais vraiment connue, et maintenant un fils. Ton fils. Moi, je n'ai plus rien. Plus de famille, plus de liberté, ni enfant, ni amant. Je n'ai plus rien. Je suis vide, maudite, comme si la malédiction des Parker me poursuivait où que j'aille.
- Dis-moi, pourquoi veux-tu tellement cet enfant ? Par amour ? Par jalousie ? Par remords ? Pourquoi Parker ?
- Jarod, je me suis attachée à lui, c'est vrai. Je ressens comme une connexion avec lui.
- Pourquoi ? Parce que tu l'as tenu dans tes bras, en premier ?
- C'est difficile à expliquer, mais dans la lettre de mon père, il m'a confié la responsabilité de veiller sur lui. Je me dois de le protéger, de lui donner une vie meilleure, de m'assurer qu'il grandisse dans un environnement sûr. Tu comprends ? C'est une promesse que je me suis faite et que je compte tenir.
- Un endroit sûr ? Avec le Centre, Raines et Lyle ? C'est une blague ? Parker, ta vie est remplies de cadavres, ce n'est pas très sain pour un enfant, ironisa-t-il.
- Et toi, Jarod, quelle vie comptes-tu lui offrir ? Celle d'un fugitif ? Il sera obligé de se cacher, de vivre dans une caravane et de changer d'école toutes les semaines, tous les mois. Il n'aura jamais d'amis, il sera toujours seul. Le pauvre petit bonhomme n'aura personne à qui se confier. Il sera triste et malheureux. C'est cette vie-là que tu veux que ton fils ait ? La même que la tienne ?
- Au moins, il sera libre ! Je ne veux pas te forcer à renoncer à cette promesse, Parker, mais moi, je n'abandonnerai jamais mon fils, et je prendrais toujours soin de lui !
- Je suis heureuse de te l'entendre me le dire. Jarod. Je ne veux pas que tu l'abandonnes. Jamais. Pas même pour moi ! » elle lui prit la main. Le premier geste tendre depuis plusieurs jours.
Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991
Une fois le dîner terminé, Jarod fit preuve de galanterie en proposant de raccompagner Mlle Parker chez elle. Ils se promenaient main dans la main sous la lumière argentée de la lune se laissant transporter par la magie du moment. Arrivés devant la demeure de la jeune femme, ils s'immobilisèrent. Le climat entre eux était sous haute tension. Jarod lui lança un regard alors qu'elle tentait de détourner ses yeux des siens. Il prit une grande inspiration avant de murmurer à demi-voix. « Cette nuit, je ne veux pas te quitter. J'ai besoin de te sentir près de moi. Cette nuit, je veux te faire l'amour. » Mlle Parker, elle aussi, submergée par cette vague de désir, acquiesça d'un mouvement de tête, ses yeux exprimaient la vivacité de ses pulsions. D'une douce caresse, elle prit la main de Jarod et l'entraîna à l'intérieur, là où les murs garderaient les secrets de leur histoire. Le salon se présentait à eux dans toute sa splendeur, Face-à-face, leurs deux corps s'approchèrent sans plus attendre, leurs lèvres s'unissaient dans un long baiser, leurs gestes étaient d'une impatience enflammée, nourrissant un désir qui brûlait en eux, un embrasement, une invitation à l'extase. Guidés par un besoin irrépressible, ils se laissèrent tomber sur le canapé, tandis qu'ils se soumettaient l'un à l'autre…
« Qu'est-ce qu'on vient de faire Jarod ?
- Nous venons de nous réconcilier, il était penché au-dessus d'elle.
- Oh, je vois. Eh bien vu ton ardeur, je veux bien me disputer encore un peu avec toi !
- Pour ma défense, j'étais très inspiré.
- Jarod, merci pour l'enveloppe.
- Ce n'est pas grand-chose, mais c'est mieux que rien.
- Je suis certaine qu'on le retrouvera et je serai là pour t'aider. Je voulais te dire, c'est un beau petit garçon ton fils, elle regardait avec nostalgie la photographie du nourrisson.
- Je n'arrive pas à croire que c'est le mien.
- Moi, non plus ! Je suis sincèrement heureuse pour toi, Jarod. Tu mérites d'être père, d'avoir cette expérience de famille. C'est un cadeau extraordinaire.
- Tu trouves qu'il me ressemble ?
- Oh oui ! Il a tes yeux. Et plus encore. Par exemple. Ses petites expressions, la façon dont il fronce les sourcils quand il est concentré. C'est toi. C'est exactement toi. C'est étonnant de constater à quel point il te ressemble déjà.
- Oui, il a mes yeux. C'est incroyable de voir une partie de moi dans son regard.
- Et je crois aussi voir une autre partie de toi en lui, elle passa ses bras autour de son cou. Il a quelque chose de spécial, quelque chose qui rappelle cette sensibilité que je vois en toi.
- C'est étrange de penser que j'ai contribué à créer cette petite merveille, malgré les circonstances et malgré moi ! À vrai dire, je n'imaginais pas être père de cette façon. Mais maintenant, il est là. Et toi, Parker, tu fais partie de lui. Que tu le veuilles ou non. Tu as été la première à le tenir dans tes bras à sa naissance. Je veux que tu aies une place dans sa vie.
- Jarod, j'ai bien réfléchi, tu sais, c'est vrai, je t'envie énormément, mais je n'aurai jamais dû, l'autre jour, te demander de faire un tel choix. C'est toi qui as raison, il ne peut pas vivre avec moi. Ce n'est pas sa place. Et je n'ai pas le droit de le priver d'une vie normale, loin du Centre. Le laisser s'en aller, c'est la décision la plus difficile que j'ai eue à prendre.
- Et nous, Parker ?
- Nous ? Nous continuerons de vivre notre relation dans la clandestinité. Parce que je n'ai pas l'intention ni l'envie de te laisser partir. Tu es tout ce qu'il me reste, Jarod. » elle l'attira à lui enfouissant son visage au creux de son cou. On pouvait apercevoir des larmes coulaient le long de ses joues alors qu'elle fermait lentement ses paupières.
Elle avait renoncé au petit caméléon pour son bien, pour le protéger du Centre telle une véritable mère l'aurait fait.
