On souhaite de bonnes vacances pour ceux et celles qui en profitent et une bonne lecture à tout le monde :)


Chapitre 15

En réalité, ce n'est pas si horrible que je l'imaginais. Non pas que je pensais que tout ça finirait tôt ou tard avec du sang de cochon comme dans Carrie, mais j'avais dans l'idée que je serais complètement ridicule. Etrangement ce n'est pas le cas. Je me fonds parfaitement dans la foule, et pour être honnête je passe inaperçue entre toutes les tenues glamour et colorées que certaines ont osé porter. Complètement rassurée, je sens mes membres se détendre. Pour se contracter aussitôt lorsque David déboule sur moi, me tendant un verre en un sourire qui me laisse pantoise et rougissante.

« Merci, soufflé-je. »

Incertaine de ce qu'il faut dire pour mener une conversation je me mets à chercher un sujet frénétiquement. Pour briser le silence bien qu'avec la musique techniquement il n'y a pas de silence. Et la seule chose qui m'apparaît, c'est Oscar Wilde. Ce n'est pas une bonne idée.

« C'est pas aussi bien que l'année dernière ! Franchement, Darcy avait fait un truc de ouf, ils auraient dû reprendre l'idée de la fontaine à chocolat, et ce truc moldu avec des bulles là… champoingne ?»

Mon visage se tord en une grimace avant qu'un rire ne m'échappe.

« Du Champagne, corrigé-je en imitant le mouvement. Du shampoing c'est pour se laver les cheveux.

- Se laver les cheveux ? écarquille-t-il les yeux, à la main tu veux dire ? »

Les sangs-purs… Ils n'imaginent pas ce qu'on peut faire avec seulement ses dix doigts à sa disposition.

"C'est carrément bizarre ! Et super chiant ! s'exclame-t-il.

- Pas vraiment, secoué-je la tête amusée. »

Je reste un instant muette, les yeux sur mon verre. Impressionnée par cette soudaine assurance ? Le mot semble un peu fort mais disons que savoir qu'il est beaucoup plus à l'aise que moi à l'oral est en un sens extrêmement rassurant. Et je suppose que ma robe a un effet secondaire inattendu - néanmoins bienvenu !

« J'avais fini par croire que tu parlais à personne ! rit-il. »

Si, je parle mais à ceux qui comptent. Il n'a pas à le savoir.

" C'est… hum…, bafouillé-je mal à l'aise.

- C'est cool, t'inquiète ! T'as envie de danser ? lance-t-il de but en blanc. »

S'il y a bien une chose qui m'horrifie plus que tout - à part peut être de voir parler devant tout le monde - c'est probablement aller au milieu de danseurs pour maladroitement enchainer quelques pas guindés avant de me sentir profondément stupide, ridicule et complètement à côté de la plaque. Et de se faire renvoyer dans l'ombre du mur de laquelle on n'aurait jamais dû s'évincer pour on ne sait quel air un peu trop entraînant. On s'est assez moqué de moi dans la famille pour que je sache clairement que je ne suis pas une danseuse, loin de là. Danser ? Jamais.

Il m'attrape soudainement le poignet.

« J'adore cette chanson ! On y va ! »

Éblouie par son sourire, le cœur loupant un raté, je m'entends lui dire bêtement.

« D'accord. »

OoOoOo

Chris a toujours été un gentleman. Il le prouve encore ce soir en dansant avec élégance, sans le moindre faux pas ou la moindre raideur. Je ne sais d'où il sort ce talent, mais il est évident qu'Eliza fait des envieuses parmi les romantiques, et les amoureuses des valses des dessins animés des studios Disney. Je les observe, Cath a son bras enroulé autour du mien avec un sourire satisfait. Je ne commente pas, elle comme moi sommes d'accord sur ce point : ils sont adorables, bien que le premier venu puisse les trouver très mal assortis. Eh bien, l'opinion du premier venu m'importe peu sur ce sujet.

Cath me propose d'aller nous chercher à manger et s'éloigne alors que Marianne apparaît à mes côtés, la mine contrariée et l'air abattu. Elle jette un coup regard sur la piste, se perd dans la contemplation des danseurs. Jouant avec son verre avant de souffler.

"George est un crétin.

- Pardon ? froncé-je les sourcils.

- Il… Il… s'étouffe-elle de colère, il pense que je suis une névrotique qui fait prendre des proportions énormes à des agressions sans importance. Sans importance Fred ! ça veut dire quoi ? Que les né-moldus n'ont pas d'importance ? Mon père était né-moldu ! »

Ses beaux yeux se mettent à briller de larmes de rage et de frustration. Éberluée par cette soudaine montée d'émotions je reste muette, à la dévisager. Elle agrippe ma main tout en continuant à déverser un flot de paroles.

« Ca veut dire que si jamais on s'en prenait à moi il ne me défendrait pas ? »

Par défendre je sais qu'elle entend qu'il se drape de toute sa virilité et qu'avec son amour pour elle pour bouclier il aille la venger, quitte à se faire blesser par un sortilège un peu vicieux. Marianne a des fantasmes chevaleresque quand il s'agit de demoiselles en détresse.

« Je suis sûre qu'il te défendrait, tenté-je de la rassurer doucement.

- Ah ! Moi mais pas les autres victimes ! C'est un égoïste ! Je le déteste ! Il ne m'aime pas, il pense que je suis une gamine capricieuse, il… il… »

Brusquement, elle éclate en sanglots et tourne les talons pour faufiler entre les élèves. Il n'est pas le prince charmant, mais personne ne l'est Marianne. Je ravale mes paroles, ce serait cruel de lui dire ça maintenant. Ça serait comme lui asséner le coup de grâce.

Je jette un regard dépité à David qui discute avec Cath près du buffet. Je les y rejoins en rougissant, mal à l'aise et inquiète avant de lui dire en le regardant bien dans les yeux. Pour qu'il comprenne que ça n'est pas lui, pas de sa faute. Et que ce n'est pas une fuite.

« Marianne n'est pas très bien, je vais aller la voir. Je suis désolée.

- Ah, fait-il sans entrain, d'accord…

- Je reviens, lancé-je vivement en rougissant.

- Elle revient ! affirme Cath. Sinon on ira te chercher, Freddy !

- D'accord, lui sourié-je. »

Le cœur un peu lourd, je leur tourne le dos et me fraye un chemin jusqu'aux toilettes. C'est une rivière de froufrou et de paillettes qui m'accueillent, une effluve de parfums m'assaille tandis que les piaillements de mes camarades retentissent hors de la pièce exiguë. Je percute une rousse et son talon se plante dans mon pied. La deuxième s'écrie avec agacement.

« Fais attention où tu marches ! »

Je rougis, baisse la tête et me confond en excuses pour éviter l'esclandre et les regards réprobateurs.

« Je suis désolée, désolée…

- Frederika ? »

Marianne éjecte d'un coup de coude la rousse, la fait taire d'un regard et m'entraîne avec elle dans le premier toilette venu. Elle tremble, je ne saurais dire si c'est de colère ou de tristesse.

« Je vais le quitter. »

A cet instant, j'ai la sensation désagréable que la conversation va s'étirer. Un brin coupable, je m'adosse contre la porte et l'écoute sans rien dire.

OoOoOo

J'ai trop vite supposé une conversation longuette, et c'est avec étonnement qu'un quart d'heure plus tard Marianne se décide à sortir de sa retraite. Le maquillage à nouveau impeccable et la mine déterminée, prête à aller se confronter à son petit ami « immature, borné et arriéré ». Une vague de ravissement me saisit lorsque je la regarde s'éloigner et c'est soulagée de pouvoir profiter un peu du bal que je me mets en quête de Cath et David. Mais la chance n'est pas de mon côté, au lieu d'eux, et dans la masse pourtant compacte des danseurs se balançant plus ou moins en rythme sur une musique langoureuse, je repère Réginald et Susan.

Ils ne me voient pas, à vrai dire venant de lui, est-ce vraiment étonnant ? Il n'a jamais fait attention à moi. Je me détourne, agacée de ma propre naïveté et de la réalité. Et m'éloigne pour me faire soudainement alpaguer par John, qui ne parait pas des plus enthousiastes.

« Où est Cath ? »

Figée, je reste inerte à le dévisager. Rougissant de la brutalité de sa question. Une fille qui passe à proximité s'écrit alors, ravie de pouvoir s'exposer comme celle qui sait toujours tout :

« Elle parlait avec Tilney ya deux minutes ! »

Je coule un regard inquiet vers John dont les traits se durcissent. Je ne le savais pas aussi possessif que cela, il ne s'agit que d'une conversation avec un camarade de sa maison. Je disparais alors de son attention et il s'éloigne à grandes enjambées énervées s'emparer d'un verre. Bien que je ne sois pas certaine que le jus de citrouille soit un anesthésiant du tonnerre.

Me sentant aussi à l'aise qu'un poisson hors de l'eau seule au milieu de la foule, je rase les murs pour me trouver un siège. Par chance, la chanson du moment retentit et la majorité des élèves se précipitent sur la piste. Je m'assois quand à moi avec soulagement, ramenant nerveusement une mèche derrière mon oreille. Toutes ses belles robes, ça me rappelle le bal des débutantes de la bonne société londonienne de l'année dernière auquel fort heureusement je n'ai pas eu à participer, n'ayant pas atteint l'âge requis. Un foisonnement de tulle, de paillettes et de velours luisant sous les chandelles. Le ciel étoilé de la grande salle finit de parfaire toute la féérie du moment. Les danseurs ondulent comme les flammes des bougies, je me laisse sereinement bercée par la mélodie. C'est un peu comme dans les bals des grands romans, magiques et étrangers. Où l'histoire du héros culmine ou choie, comme une figure de valse.

Aucune trace d'un visage connu hélas. Heureusement, à l'abri des regards je ne souffre pas trop du malaise de cet abandon. Je repère James avec sa cavalière, sa capitaine me semble-t-il, visiblement ravie de faire embrasser plus ou moins discrètement contre un pilier. Je détourne les yeux, gênée. Et finis par retrouver le visage souriant et passioné de David sur la piste, dansant avec ce que je suppose être ses amis. Instinctivement ma main se relève pour lui adresser un signe. Gênée, je baisse aussitôt la tête. Laisse-le un peu vivre Frederika, il n'est que là pour te tenir compagnie non plus. Et puis je ne suis pas une danseuse enflammée comme semble l'être le reste de sa bande…

J'en profite pour l'observer discrètement. Mon cœur a un raté alors que mon regard se fixe sur la courbe de ses lèvres. Je brûle. Mais pas comme Réginald où dominait une langueur désespérée. Je brûle simplement. Toute l'énergie et l'assurance qu'il dégage dans le moindre de ses mouvements me fascinent. C'est de la fascination. Et probablement de l'attirance physique, rougissé-je. L'arc de sa mâchoire est très séduisant. Le constat me fait rougir de plus belle.

Brusquement sa silhouette se plante devant moi, je retiens mon souffle et relève la tête pour ébaucher un sourire maladroit.

« Qu'est-ce que tu fais là dans ton coin ? s'exclame-t-il.

- Eh bien… je… »

Et la première chose qui me sort de l'esprit c'est : j'attendais qu'il me remarque. Et le simple fait qu'il le fasse me laisse perplexe. Etrangement ce qu'il sort de la bouche et encore plus improbable :

« J'ai bien envie de danser, soufflé-je.

- Cool ! Parce que c'est un slow ! fait-il avec un sourire ravi. »

Je change aussitôt de couleur. Mais trouve au fin fond de mon ventre la force de me lever et de le suivre. L'imminence du contact rapproché se fait ressentir en palpitations frénétiques et regard fuyant de ma part. Sans me prévenir, il pose ses mains sur ma taille. Je me fige instantanément, les bras ballants.

« ça va ? fronce-t-il les sourcils. »

Je plonge mon regard au sol et mécaniquement pose mes doigts sur ses épaules.

« Oui. »

Je crains de ne pas avoir écouté une seule note de la chanson tant j'étais préoccupée par le contact de sa peau sur ma robe. Et je me prends soudainement à penser que j'espère qu'il ne trouve pas la poésie ringarde.

J'espère vraiment.

OoOoOo

Cette soirée ne s'est pas passée comme je l'entendais. Tout d'abord ma propension à rougir et à bafouiller ne m'a pas faite passée pour une imbécile. Du moins à ce qu'il semble. Je glisse un coup d'œil dans sa direction mais il reste imperturbable dans son enchantement face à l'ingénieuse invention qu'est le briquet. Touchée qu'il me raccompagne, soyons réaliste tout comportement de gentlemen m'émeut autant que l'attention me gène. Une boule tiède s'accroche à mon ventre, ronronnant d'un plaisir égoïste et coupable.

« C'est pas cette année que l'équipe de Murdoch va gagner la coupe, affirme-t-il, il a sélectionné un attrapeur qu'est une buse ! Avec deux mains gauche en plus ! Il trouverait pas un chaudron dans la salle de potions !

- Tu… Tu ne soutiens pas ton équipe ? soufflé-je avec étonnement.

- Ces bras cassés ? Ils valent rien ! Depuis que Malefoy est parti ya rien à en tirer de toutes façons !

- Tu supportes Gryffondor ? murmuré-je avec humour.

- Nan ! J'ai encore un peu de fierté quand même ! Serdaigle a un capitaine qui déchire, j'parie ma baguette qu'elle va être sélectionnée en équipe nationale ! »

Je ne peux m'empêcher de me faire la réflexion qu'un tel avis lui a sûrement valu quelques regards hautains et désapprobateurs des Serpentards.

« Et toi t'es pour qui ?

- Oh… eh bien…. à vrai dire, rougissé-je nerveusement, je ne suis pas une adepte de Quidditch.

- Sérieux ? T'es pote avec Marianne Dashwood pourtant ! T'es fan de quoi alors ? »

Je lève les yeux. Surprise de le voir aussi attentif à ma réponse. Je rougis d'avance de la seule réponse qui s'impose à mon esprit.

« Quoi c'est un truc pas trèèès recommandable ? se moque-t-il, Des scrouts à pétard ? Des ronflak cornus ? D'Harry Potter ? »

Je lâche un rire. Non certainement pas d'Harry Potter…

« De poésie. »

Il se fend d'un sourire et je ne saurais dire s'il se moque ou non.

« C'est pas très étonnant en fait ! »

Quoi ? Ma mine s'assombrit, un peu inquiète. Sûrement que je suis le genre qui finit vieille fille, avec trois chats, pour avoir trop longtemps lu et pas assez vécu.

« C'était pas une critique hein ! s'empresse-t-il.

- D'accord, hoché-je la tête. »

Je m'autorise à prendre sa remarque comme un compliment. Avec désappointement je constate que nous sommes devant le portrait somnolent de la grosse dame. Rigide et gênée, je me balance maladroitement d'un pied sur l'autre en sachant pas ce que l'on attend de moi dans ce genre de situation. Mon éducation reprend mécaniquement les commandes.

« J'ai passé une excellente soirée. »

Je le dévisage nerveusement, attendant un geste de sa part pour pouvoir me réfugier dans mon dortoir. C'est médusée que je sens tout à coup la pression de sa bouche sur la mienne. Instinctivement je ferme les yeux. Un bourdonnement strident emplit ma tête tandis que je suis prise d'une intense bouffée de chaleur. Mon corps entier s'affole, restant pourtant résolument statique. Trop surprise pour réagir alors qu'il m'embrasse doucement. Une foule de questions me traverse l'esprit. La seule réflexion cohérente qui s'impose au milieu de cette torpeur c'est… Réagis Frederika ! Ne reste pas plantée là comme un vulgaire pantin.

Lentement, les joues en feu, je réponds à ses lèvres. Avant de totalement perdre pied dans les sensations. L'odeur est celle qui m'enveloppe en premier. Une odeur que mes capacités actuelles me rendent incapable de décrypter. Une odeur masculine, agréable. Puis la chaleur qui se propage jusqu'à m'engloutir. Une crispation douloureuse et euphorique me saisit le coeur alors que je sens son torse contre ma poitrine. Ce nouveau contact fait tout exploser. Je suis amoureuse d'un garçon et me laisse par dépit embrasser par le premier venu ! Ce n'est pas bien. Pas bien du tout !

Je me détache brusquement, le repoussant avec honte.

« B… Bonne… Bonne nuit, murmuré-je. »

Sans lui adresser le moindre regard, de peur de lire sur son visage quelque chose qui me ferait encore plus de peine. Et me rongerait de culpabilité, quoi que ça soit déjà le cas… Je me précipite à la suite de deux filles qui se glissent derrière le tableau.

Je me réfugie le plus vite possible dans dortoir, montant précipitamment les escaliers. Inconsciente de l'after bal dans la salle commune. Dans mon lit, je m'enfuie sous mes couvertures. Trop confuse pour savoir quoi penser à part que je suis la pire des gourgandines.