- Tu as fait quoi ?

Harry ne répondit pas, installé dans son fauteuil préféré, observant Drago aller et venir devant lui, furieux. Le blond ruminait et lui lançait de temps à autre un regard noir, son regard mercure semblant vouloir le transpercer.

- Malefoy…
- Oh non Potter. Tu ne vas pas essayer de m'attendrir comme ça ! Je veux des explications claires.
- Je ne vois pas pourquoi tu te mets dans cet état.

Drago se posta devant lui, les poings serrés, pâle hormis deux tâches rouges sur les joues, vibrant littéralement de rage.
- Peut être que je suis furieux parce que tu as décidé de faire libérer mon père ! Tu n'as pas pensé à m'en parler ? Tu ne t'es pas dit que j'étais légèrement concerné ?

Harry soupira et se leva, puis il l'enlaça de force, ignorant le raidissement du jeune homme. Il déposa un baiser sur sa joue, tendrement.
- Calme-toi. Ton père est un Mangemort reconnu, il a purgé une peine de prison, mais je ne pense pas qu'il soit dangereux désormais. Il…
- Tu n'as pas grandi avec lui, espèce d'idiot ! Comment peux-tu vouloir le faire sortir après qu'il ait tenté de te tuer ?

Harry caressa doucement le dos de Drago l'obligeant à se détendre légèrement.
- Je sais qu'il a tenté de me tuer. Mais… c'était la guerre. C'était… Peu importe Drago. Il… Je pense qu'il aime sincèrement ta mère, et qu'il… et que tu comptes pour lui.
- Il n'y a rien d'autre que ses foutus principes qui comptent ! Il n'a jamais…
- Drago. Il voulait que je te protège. Ce ne sont pas les paroles d'un homme…

Le blond soupira lentement.
- Tu es un foutu idiot sentimental ! Il sait parfaitement te manipuler visiblement, en faisant semblant de…
- C'est ton père…

Cette fois Drago s'échappa de l'étreinte et il releva sa manche pour exposer la marque des ténèbres.
- Ce père si aimant m'a poussé dans les bras d'un monstre. Sans toi, je serais à lui tenir compagnie à Azkaban, pour avoir obéi à ses ordres. Pour avoir suivi son éducation.
- Et maintenant, tu es libre de faire des choix et tu prouves que tu es quelqu'un de bien. Ton père était quelqu'un d'influent, Drago. Quelqu'un de respecté.
- Tu es stupide Potter ! Il va directement tenter de… manipuler du monde autour de lui. Il va vouloir retrouver sa puissance d'antan.

Harry lui fit un clin d'oeil malicieux.
- Bien évidemment, je ne suis pas stupide tu sais. Mais ta mère m'a promis qu'elle saurait le maîtriser.

Drago grogna de nouveau.
- Parce que ma mère était de mèche ?

Harry l'attira une fois de plus contre lui, et prit ses joues entre ses mains, avant de l'embrasser doucement, tendrement. Ils se fixèrent, les yeux dans les yeux, l'acier en fusion rencontrant l'émeraude.
- Je me doutais que tu serais furieux et récalcitrant. Mais contrairement à ce que tu penses, je ne suis plus aussi impulsif qu'autrefois. C'était mûrement réfléchi.
- Furieux et récalcitrant ? Tu ne peux pas savoir à quel point tu es au dessous de la vérité Potter !
- Tout le monde a droit à une seconde chance.
- Une seconde chance ? Il l'a déjà gaspillée à la fin de la première guerre ! Il a eu dix ans d'une vie tranquille et à la première occasion il a recommencé…

Harry soupira et l'embrassa une fois encore, ignorant la colère et le ressentiment.
- Je ne t'ai jamais parlé de la guerre. Nous avons soigneusement enterré le sujet, parce qu'il était trop douloureux pour tous les deux. Je ne voulais pas que tu te sentes coupable, et… peu importe. Il y a eu beaucoup de récits, de choses qui ont été racontés sur ce qui s'est passé.
- Arrête ! Je ne veux pas…
- J'étais dans sa tête. Littéralement. Dans la tête de ce monstre.
- Potter…
- Si ton père n'avait pas rejoint de nouveau les Mangemorts… il aurait été tué. Tout simplement. Tu peux lui reprocher d'avoir mis un peu trop d'enthousiasme, mais pas de l'avoir suivi. Il avait la marque.
- Tu compliques toujours tout. Il va tout détruire, Potter. Tout ce qu'on a.

Harry resta longuement silencieux, le gardant contre lui, refusant de le lâcher. Puis il murmura, tout contre l'oreille de Drago.
- Il ne pourra pas m'éloigner, parce que je ne me laisserai pas faire. Tu sais comme je suis déterminé…
- Têtu.

Harry gloussa doucement.

- Je préfère déterminé. En tous cas, quoi qu'il dise, il ne pourra pas me faire fuir. Je te connais Drago. Je sais le pire de toi, comme le meilleur.
- Le pire ?
- Tu étais un petit connard prétentieux.

Malgré lui, Drago laissa échapper un rire nerveux, et cogna faiblement l'épaule de Harry sans pour autant quitter ses bras. Sa colère retombait, laissant place à la fatigue. Il ferma les yeux lorsque Harry déposa ses lèvres sur les siennes, répondant à son baiser avec plaisir.

Le brun déposa ensuite un baiser léger sur sa joue, à peine un effleurement, faisant frissonner son compagnon. Puis il prit la parole, avec douceur.
- Drago. Le problème c'est que tu l'admirais sans condition. C'était ton père et tu étais si fier de lui. Et puis tout s'est effondré lorsqu'il a été envoyé à Azkaban la première fois, lorsqu'il était au Ministère…
- Essayant de te tuer.
- Tu lui en veux pour ça, mais tu l'aimes malgré tout. Il va être libéré - je pense sincèrement que Kingsley va se rendre compte que c'est la meilleure solution pour ramener le calme dans le monde magique - mais il ne pourra pas intervenir dans ta vie. Tu seras celui qui décidera…
- Tu ne le connais pas.
- Peut être. Mais je te connais. Tu es libre maintenant. Tu es indépendant, tu vis ici, avec moi, et si tu refuses de le voir, c'est ton droit.
- Et si je veux le faire venir ici ?
- Et bien il devra s'accommoder de ma présence. Et de mon envie de t'embrasser ou de te toucher.

Drago rougit légèrement, et secoua la tête.
- Tu es cinglé Potter.
- Possible. Non c'est même sûr. Je suis fou de toi.

Cette fois le blond se figea, yeux écarquillés, fixant le visage rieur mais sérieux de Harry. Les yeux verts montraient cependant la peur d'être rejeté, et l'attente de sa réaction.
Harry lui avait déjà montré son affection à de multiples reprises. Ils ne perdaient jamais une occasion de s'embrasser ou de s'effleurer, un peu comme des adolescents. Ils se découvraient, à leur rythme.
Lorsqu'ils avaient arrêté Diggory et retrouvé Hermione, Harry lui avait dit clairement qu'il l'aimait, mais il avait pensé que c'était l'intensité du moment, le soulagement d'en avoir terminé avec tout ce danger qui planait au dessus de leurs têtes. Ils n'en avaient jamais reparlé, comme s'il n'y avait pas besoin de mots.

En une fraction de seconde, il se rappela de leur histoire commune. Leur rencontre. Leur opposition constante, leurs insultes. Leurs batailles incessantes. Lorsqu'il avait refusé de livrer Harry à sa tante cinglée, lorsque Harry lui avait sauvé la vie en plongeant au cœur du feudeymon sans hésiter. Lorsqu'ils étaient devenus coéquipiers. Il se souvint de son cœur qui s'emballait lorsque Harry se jetait au devant du danger, de sa colère à l'idée de le perdre. Il se souvint de Harry venant le sauver quand il avait été enlevé, de son soulagement en le voyant.
Ils étaient liés. Définitivement.

Harry aurait pu rejeter ce qu'ils avaient, mais il l'avait pleinement accepté. Avec son enthousiasme habituel.
Il s'agrippa à lui, submergé par l'émotion, et il eut un sourire tendre, se noyant dans le vert de ses yeux.
- Et bien… je dois l'être aussi pour supporter toutes tes lubies. Fou de toi.

Le visage du brun s'éclaira, heureux et soulagé. Il n'y avait pas besoin de plus.

Comme Harry l'avait prévu, Shakelbot avait fini par suivre sa proposition et annoncer en grande pompe la réhabilitation de Lucius Malefoy sous prétexte qu'il avait eu une conduite exemplaire à Azkaban et que sa famille était parfaitement intégrée à la société sorcière.
Bien évidemment l'aristocrate ne s'en tirait pas aussi bien que ça : il serait régulièrement contrôlé à domicile et il aurait des travaux d'intérêt général à effectuer.

Ce dernier point avait fait ricané Drago, qui avait du mal à imaginer son père servir la soupe à des miséreux dans l'allée des Embrumes. Il s'y était fait finalement, probablement en voyant la joie de sa mère à l'annonce du retour de son époux.

Harry lui avait proposé d'aller chercher son père à la sortie d'Azkaban en sa compagnie - Shakelbot avait exigé du Sauveur sa présence - mais Drago avait décliné, préférant rencontrer Lucius dans un cadre plus intime. Il n'était pas du genre à s'exposer et il se doutait qu'il serait observé s'il se présentait à la libération de son père.

Harry attendait donc devant la prison sorcière, mains dans les poches, près de Shakelbot, ignorant le murmure des journalistes qui se tenaient en groupe près d'eux, attendant le discours du Ministre. Au moins, Harry avait obtenu de ne rien avoir à dire en public…

Lorsque Lucius apparut, Harry réprima un sourire. L'homme avait eu le droit de se raser et il portait les vêtements que Narcissa avait envoyé au lieu de l'uniforme des prisonniers. Hormis sa maigreur et ses cheveux un peu trop longs, l'homme n'avait en rien perdu de sa superbe.

Sans la moindre hésitation, Harry avança pour lui serrer la main, et l'homme lui adressa un sourire moqueur.
- Monsieur Potter. J'ai appris que je vous devais ma… soudaine réhabilitation.
Harry ricana.
- Je ne pensais pas que Kingsley s'en vanterait. Il n'était pas vraiment en accord avec ma proposition au début pourtant.
- Et à quoi dois-je cette soudaine clémence du Sauveur du monde magique ?
- Il fallait cesser de créer un fossé entre les anciens Mangemorts et le reste de la population magique pour retrouver une certaine unité. Étant donné mes liens avec votre fils, j'ai naturellement pensé à vous…

Lucius l'observa avec attention, masquant soigneusement toute réaction. Puis il regarda autour d'eux et fronça légèrement les sourcils.
- Mon fils n'est pas venu ?
- Il préférait vous voir en privé, une fois que vous serez chez vous. Ou chez nous, bien évidemment, si vous souhaitez nous rendre visite.
L'homme pinça les lèvres, et hocha sèchement la tête, mais il ne fit pas la moindre remarque. Il avança en compagnie de Harry vers le Ministre à qui il serra également la main.

Aussitôt les journalistes les entourèrent, hurlant des questions, aussi bien à Lucius Malefoy qu'au Ministre. Visiblement, l'aristocrate déchu attisait les passions, et Harry leva les yeux au ciel lorsqu'une jeune femme proposa à l'homme d'écrire ses mémoires, notamment son séjour à Azkaban.

Bien qu'en apparence distrait, Harry gardait l'œil sur tout ce qui se passait autour de lui, ses réflexes d'Auror toujours en éveil. Ce fut probablement ça qui leur sauva la vie, ou au moins qui évita un potentiel drame.
Il vit immédiatement le sort fuser vers eux, et il bouscula le Ministre avant de faire tomber au sol Lucius, le maintenant plaqué au sol d'une main de fer. L'homme jurait et ruait, mais il se calma immédiatement en comprenant qu'il venait d'échapper de peu à une attaque.

Aussitôt, les Aurors qui se tenaient à distance intervinrent et le Ministre fut évacué, tandis que les journalistes fuyaient dans un désordre sans nom.
Baguette en main, Harry gardait Lucius au sol tout en surveillant les alentours. Il laissa échapper un ricanement moqueur sans pour autant relâcher sa vigilance.
- Et bien, vous allez finalement voir votre fils plus tôt que prévu. Il va être ravi de nous voir arriver…

Avant de comprendre ce qui se passait, Lucius sentit la main de Harry Potter agripper fermement son poignet puis la sensation du transplanage et il maudit le Sauveur pour sa façon si cavalière de le traiter.

Il reprit son souffle en entendant Potter crier à ses côtés, visiblement habitué à se comporter ainsi.
- Malefoy !
Il allait faire une remarque sur son éducation limitée - quelqu'un de bien né n'aurait jamais hurlé ainsi en ameutant tout le voisinage - mais l'arrivée brusque de son héritier, sourcils froncés, visiblement habitué à ce comportement, le fit taire.

Drago était si différent qu'il ne put que le dévisager alors que les deux jeunes hommes discutaient, Harry relatant l'incident d'un air détaché alors que le blondinet évitait soigneusement le regard de son père, préférant s'assurer que son compagnon n'était pas blessé avec une inquiétude palpable.