En entendant le hurlement tout sauf mélodieux de l'hurluberlu qui partageait sa vie, Drago leva les yeux au ciel. Harry n'avait jamais su arriver avec discrétion et il commençait à être habitué. Et même à trouver ça… attachant.
Cependant, en prenant conscience qu'il n'était pas parti depuis assez longtemps - même si la petite sauterie organisée devant Azkaban avait tourné court - il sentit son coeur se serrer, et il craignit le pire.

Un bref instant, il imagina que son père avait eu un coup de folie, et qu'il avait tenté de fuir. Ou qu'il avait attaqué quelqu'un. Ce n'était pas le style de son père - ce dernier préférait attaquer dans le dos, en toute discrétion - mais Azkaban pouvait rendre fou même le plus sensé des hommes…
Il repoussa fermement cette idée en se dirigeant d'un pas rapide en direction du salon, préférant penser que personne n'était venu à la libération de Lucius Malefoy et que les choses avaient été plus rapide que prévu.

Cependant, Harry était accompagné de son père et il était totalement débraillé, baguette en main. Il n'eut pas besoin de poser de question pour deviner que quelque chose avait mal tourné en voyant son regard sombre et le léger tremblement qui agitait sa main - probablement dû à la retombée d'une brusque poussée d'adrénaline.
Ignorant Lucius Malefoy - il lui en voulait toujours d'avoir méthodiquement gâché sa vie et son avenir - il se précipita vers son compagnon, incapable de dissimuler son inquiétude et il passa ses mains sur ses bras, comme pour chercher une blessure.
- Qu'est ce qui s'est passé ?

Son ton tranchant et agacé contrastait singulièrement avec la douceur de ses mains, et avec l'inquiétude qui transparaissait dans son regard acier. Il sentit Harry s'appuyer légèrement contre lui, comme pour puiser un peu de réconfort.
- Nous avons été attaqués.

Drago renifla d'un air méprisant, se retenant de faire un commentaire sur l'impopularité de son père. Il aurait pu le prédire qu'une ancienne victime de Lucius viendrait exiger des comptes… Il sentait le regard de son père sur lui, mais il se refusait à tourner la tête, à le regarder ou le saluer.
Il savait qu'il devrait se confronter à lui, mais il avait l'impression de ne pas être prêt encore.

Harry l'enlaça doucement - probablement en sentant sa fébrilité - et embrassa tendrement sa tempe, avant de murmurer à son oreille.
- Je vais bien Drago. Nous allons bien. Pas de blessé, juste une belle frayeur et un sacré bordel.

Le blond s'obligea à relâcher ses muscles et à se détendre, fermant un instant les yeux pour reprendre le contrôle de ses émotions sur le point de déborder. Puis il soupira et s'écarta presque à contrecoeur avant d'offrir un rictus moqueur au brun.
- Je t'avais prévenu Potter.

Pour tout réponse, il reçut un sourire amusé et il leva les yeux au ciel. Ce fichu brun était tellement… prévisible dans ses réactions.

Après une grande inspiration, il se tourna vers son père, vidant son visage de toute expression, détaillant l'homme qu'il avait autrefois tant admiré.
- Père.

Son ton froid ne fit pas réagir l'homme, qui le scrutait avec attention. Lucius se redressa finalement, et hocha légèrement la tête.
- Drago. Je suis heureux de te voir ailleurs que dans une cellule crasseuse.

Un éclat de colère passa dans le regard gris et Harry enlaça leurs doigts, pressant doucement sa main comme pour lui signifier son soutien inconditionnel. Drago hocha sèchement la tête et eut un rictus mauvais.
- C'est généralement ce que l'on récolte quand on se place du mauvais côté de la loi.

Harry intervint, probablement de crainte de les voir s'entretuer en guise de retrouvailles.
- Lucius ? Votre femme doit être impatiente de vous retrouver, et vous avez probablement envie de profiter d'un peu de confort. Il y a une connexion directe entre la cheminée du Manoir et notre appartement. Dans les deux sens. Compte tenu de ce qui vient de se passer je vous conseille de ne pas sortir pour le moment, au moins tant que nous n'en saurons pas plus.

L'homme laissa échapper un grognement vague et se dirigea d'un pas raide vers la cheminée. Dos aux deux jeunes hommes, il s'immobilisa un instant.
- Je suppose que j'aurais de vos nouvelles rapidement ?

Harry répondit, avec douceur.
- Dès que nous aurons de nouvelles informations. Et nous viendrons rapidement au Manoir pour nous assurer que tout va bien. Mais n'hésitez pas si vous avez besoin de nous.

L'instant d'après, l'homme avait utilisé la cheminée, prononçant "Manoir Malefoy" d'un ton sec, sans croiser le regard de son fils.

Une fois son père parti, Drago se relâcha légèrement, laissant apparaître son trouble et le mélange de sentiments qui l'agitaient. Colère, peur, inquiétude…
- Qu'est ce qui s'est passé exactement Potter ? Je croyais que c'était une formalité, que ça grouillait d'Aurors et de journalistes.

Harry ne se formalisa pas du ton agressif de Drago. Il ferma juste les yeux, s'obligeant à repasser la scène dans son esprit, pour en extraire le moindre détail, le moindre indice.
- C'était le cas. Nous étions entourés d'Aurors, surtout pour la protection de Shakelbolt et seuls les journalistes avaient été mis au courant de l'heure de sa libération. D'ailleurs ils étaient nombreux.
- Et bien ce n'est pas exactement courant d'être libéré de cette façon d'Azkaban.
Harry ignora l'intervention et reprit.
- Ton père est arrivé, et il a salué le Ministre. Puis les journalistes ont commencé à hurler leurs questions… J'ai été distrait un instant par une jeune femme qui proposait d'écrire ses mémoires, de romancer son temps à Azkaban…

Drago émit un hoquet outré et il se passa la main dans les cheveux avant de râler.
- Ils sont fous. Et stupides.
Harry ricana et reprit.
- Et un sort a fusé de nulle part.
- Dirigé vers qui ?
- Impossible à déterminer. Nous étions proches les uns des autres. Ton père et Kingsley côte à côte et moi juste derrière. Ça aurait pu être l'un de nous trois. J'ai poussé le Ministre et protégé ton père.

Les deux hommes échangèrent un regard sombre et Drago força Harry à s'asseoir dans son fauteuil. Il agita sa baguette, le front plissé, faisant apparaître une théière. Harry ricana.
- Le thé n'est pas la solution à tout… J'ai besoin de quelque chose d'un peu plus fort, je crois.
Drago le fusilla du regard, mais il le laissa se servir un verre d'alcool, lèvres pincées.

Même si Harry semblait ne pas avoir été affecté par l'attaque devant Azkaban, Drago le sentit s'agiter toute la nuit, englué dans des rêves désagréables visiblement. Il l'enlaça juste un peu plus fermement, somnolant pour veiller sur lui. Maudissant sa stupidité tout en sachant qu'il ne lui en voulait pas le moins du monde.

*

Lorsque les journaux sorciers relatèrent l'attaque qui avait eu lieu lors de la libération de Lucius Malefoy, ils romancèrent les choses, jurant que l'aristocrate avait été la victime ciblée et qu'il avait montré un courage héroïque, passant sous silence la réaction rapide et instinctive de Harry.
De monstre sanguinaire, Lucius Malefoy devenait soudain un héros incompris, emprisonné injustement. Sa libération et la présence de Harry Potter en personne - qui lui serrait la main cordialement - était une preuve de plus que l'homme avait probablement été un élément clé de la victoire de la lumière, oeuvrant en toute discrétion.

En lisant la critique dithyrambique, élevant Lucius au rang de héros, Harry haussa les sourcils, sidéré.
- C'est une plaisanterie ?

Drago ricana, et haussa les épaules.
- Faites confiance à mon père pour toujours retourner la situation en sa faveur. Il doit encore avoir des contacts qui lui devaient quelque chose. Il aime collectionner les dettes pour s'en servir au moment opportun.

Harry leva les yeux au ciel.
- Le rusé serpent. Donc, nous avons un espion qui a risqué sa vie pour la victoire, et qui a été emprisonné le temps que moi, Harry Potter, collecte les preuves pour le libérer ? Ainsi, j'aurais quitté les Aurors parce que j'étais mécontent de la lenteur du Ministère ?
- Visiblement. Et je peux d'ores et déjà parier que suffisamment de personnes y croiront pour empêcher Shakelbolt de le renvoyer en prison.

Loin de s'agacer de la manoeuvre, Harry gloussa.
- Finement joué. Et en une nuit à peine… ton père est un homme plein de ressources.

Le regard de Drago s'assombrit et il fusilla Harry du regard.
- Espérons juste qu'il ne se décide pas à reprendre ses rêves de grandeur…

Il était évident que "l'incident" ferait l'objet d'une enquête de la part du Ministère. Harry s'attendait à être convoqué ou à recevoir la visite d'un Auror. C'est pourquoi il ne fut pas vraiment étonné en voyant un Ron boudeur sortir de sa cheminée.
Son ami le fixa longuement et secoua la tête avec un grognement.
- Parfois je m'interroge sur ta santé mentale, mec. Kingsley m'a dit que c'était ton idée de faire libérer ce foutu Mangemort.

Drago lui envoya un regard moqueur et laissa les deux amis, après avoir salué Ron d'un signe de tête.
- Bonjour à toi aussi Ron. Comment va Hermione ?
Le regard bleu s'assombrit, et Ron grogna.
- Ne cherche pas à changer de sujet… Je sais que tu apprécies ta fouine mais de là à libérer son père…

Harry ricana.
- C'est marrant Drago râlait de la même façon à mon idée.

Déstabilisé, Ron cligna des yeux, perplexe.
- Il ne voulait pas que son père soit libéré ?
- Pas vraiment. Il était furieux après moi.
- Furieux à quel point ?
Harry ricana.
- Comment agit Hermione quand elle est en colère après toi ?
Ron s'empourpra violemment et ouvrit et ferma la bouche avant de marmonner quelques mots que Harry saisit au vol "Trop de détails". Puis il s'apaisa légèrement. Le brun prit mentalement note de demander à son amie ce qu'elle pouvait bien infliger au rouquin pour le mettre dans cet état, visiblement elle avait trouvé une technique bien plus efficace que les hurlements pour mettre au pas son fiancé…

- Si c'était pas pour faire plaisir à la fouine, pourquoi tu as fait ça ?
Harry grogna.
- Arrêtes de l'appeler comme ça ! Ensuite, Lucius a toujours agi dans son intérêt en premier lieu. Il sait parfaitement qu'il vaut mieux pour lui faire profil bas et ne pas chercher à semer le chaos. Il fallait quelque chose pour réconcilier les proches des Mangemorts avec le reste du monde magique.
- En libérant ce foutu aristo ?
- Quoi que tu en penses, Lucius était craint et respecté. Il était présent à la bataille de Poudlard mais il n'a pas participé, ce qui le place dans une situation un peu étrange de semi-neutralité. Il devient la preuve de cette façon que les fautes du passé peuvent être rachetées.
- Mais…
- Ron. L'allée des Embrumes est la preuve que le monde magique est dans un équilibre instable. Lucius est le lien parfait entre eux et le reste du monde magique. Il y avait ses habitudes malgré son rang social, et il est parfaitement capable de jouer le rôle de médiateur.
- À condition qu'il soit d'accord.

Harry ricana.
- Oh crois moi… Narcissa y veillera. Comme je l'ai dit à Drago, je n'ai pas pris cette décision par hasard ou sur un coup de tête.
Ron marmonna et souffla en secouant la tête.
- Kingsley pense que c'est Malefoy père qui a organisé l'attaque. Vu les articles qui en font un martyr… ça sent le coup fourré.

Harry soupira et haussa les épaules.
- Je suppose que c'était le but : le renvoyer en prison ou le faire totalement innocenter. Bien que je penche plus pour la première solution. Je t'assure Ron, qu'il n'a rien à voir avec ça.
- Tu lui fais confiance ?
- Bien sûr que non. Mais il n'a appris sa libération que quelques heures avant sa sortie, et il n'a eu aucun contact avec qui que ce soit.
- Qui voudrait s'attaquer à lui ? Une vengeance ?
- Et bien, Lucius a énormément d'ennemis. Trop pour être décomptés.

Ron resta silencieux un long moment, le front plissé, réfléchissant visiblement à la situation. Finalement, il soupira lourdement et hocha la tête.
- Parfait. Donc, pour résumer le pauvre Malefoy père s'est fait attaquer. Tu supposes qu'il est toujours en danger. Donc, je te réquisitionne toi et ton copain pour assurer sa protection.

Harry renifla.
- Quoi ? Comment ça tu me réquisitionnes ? Et pourquoi le Ministère ne dépêche pas des Aurors pour surveiller le Manoir Malefoy ?

Ron ricana et se pencha, les yeux pétillants d'amusement.
- J'ai des ordres, mon ami. Il paraît selon Kingsley que tu as offert ton aide en contrepartie de la libération de Malefoy… Donc… nos équipes étant débordées par l'agitation dans l'allée des Embrumes, tu gères ton… futur beau-père.

Le rouquin se mit à rire face à l'air choqué de Harry et il le salua, lui assurant qu'il repasserait vite prendre des nouvelles de son nouveau protégé.