Sans se préoccuper de ce que penserait Lucius ou même Narcissa, Harry resta collé à Drago refusant de le quitter même pour aller prendre leur douche. Son compagnon ne sembla pas s'en formaliser, rassuré lui aussi par le contact permanent de Harry.
Ils gardèrent le silence, échangeant des regards d'une intensité rarement égalée, se frôlant à chaque mouvement comme pour se rassurer en voyant que l'autre était indemne.
Finalement, le brun attira le blond contre lui, le serrant contre lui avec force. Sans relâcher son étreinte, ses muscles se décrispant sous l'eau chaude, il finit par murmurer.
— Tu vas bien ?
En temps normal, Drago se serait détaché de lui et aurait plaisanté sur son sentimentalisme. Ou il aurait caché son malaise pour ne pas paraître faible selon ses propres critères. Cette fois pourtant, il s'accrocha à son compagnon et laissa échapper un léger grognement.
— Je suppose.
Pour couper court à toute conversation gênante, il embrassa Harry, presque avec désespoir. L'ancien Gryffondor n'était pas dupe, mais il ne chercha pas à se dégager ou à le repousser, loin de là. Finalement, après un long moment, enlacés, front contre front, Drago soupira.
— Allons voir qui est cette gosse que mon père a décidé de ramener.
Harry gloussa doucement, et retint un instant Drago sous la douche.
— À ce sujet…
Le blond montra presque les dents et haussa les épaules.
— Rien à dire. Il a secouru la gamine et pour une obscure raison, il a décidé de la ramener ici. Visiblement, Azkaban l'a rendu… sentimental. Dommage qu'il n'y ait pas fait un séjour plus tôt…
Le brun soupira tristement, mais ne répondit pas au ton amer. Il enlaça juste ses doigts à ceux de Drago, lui montrant son soutien, prêt à le suivre n'importe où.
Ils se séchèrent et s'habillèrent rapidement — Narcissa avait fait des miracles en envoyant son elfe leur chercher des vêtements à leur taille — avant de rejoindre le salon.
Lucius les accueillit d'un regard noir, qu'ils ignorèrent avec brio. Visiblement, l'aristocrate avait encore du mal à se faire à leur proximité et à leur relation.
Il s'était douché lui aussi, au vu de ses cheveux pâles encore humides et la petite fille qu'il avait secourue était blottie sur ses genoux, sa petite main agrippée à sa chemise. Elle aussi avait été douchée et était vêtue d'une petite robe à sa taille, ses cheveux bruns désormais propres et démêlés avaient été nattés en couettes. Elle regardait autour d'elle d'un air émerveillé, visiblement peu habituée au luxe.
L'homme la tenait presque possessivement, caressant son dos d'un air absent.
Narcissa était assise près de son époux, observant la petite avec un léger sourire attendri, comme si elle avait déjà adopté l'enfant.
Harry serra un peu plus la main de Drago, avant de porter son attention sur la fillette.
Elle était mince, presque maigre, et le fantôme de l'enfant qu'il avait été autrefois vint le hanter. Visiblement, elle ne mangeait pas toujours à sa faim. Ses joues étaient creuses et elle avait des cernes sous les yeux.
Étrangement, elle semblait faire totalement confiance à Lucius, et sa main crispée sur sa chemise indiquait clairement qu'elle ne se laisserait pas être séparée de l'homme qui l'avait secourue. Qui lui avait sauvé la vie.
Le détective se souvint des vêtements qu'elle portait, des guenilles informes. Si au premier coup d'œil il avait pensé que l'état déplorable de sa tenue était dû à l'incident de l'allée des Embrumes, il commençait à se dire que personne ne viendrait récupérer cette petite. Que personne ne prenait soin d'elle, avant Lucius, et qu'elle s'était trouvée seule sur place. Probablement une enfant des rues, qui mendiait pour manger.
Drago attaqua immédiatement, ses yeux gris prenant une teinte métallique.
— Qu'allez-vous faire d'elle ?
Harry soupira en reconnaissant la façon de parler qu'il avait autrefois à Poudlard, lorsqu'il était un gamin trop gâté. Lucius leva un sourcil furieux, prêt à répliquer avec acidité, mais Narcissa intervint, d'une voix douce bien que son ton soit sans appel.
— Ça suffit.
Elle jeta un regard glacial à son fils.
— Drago, nous n'allons pas laisser cette petite livrée à elle-même. Elle va rester ici, et nous prendrons soin d'elle jusqu'à ce que sa famille se décide à vouloir la récupérer. Quoi que tu puisses nous reprocher, cette enfant est innocente.
Drago se crispa, mais Harry enlaça leurs doigts et pressa sa main. Le brun prit la parole, d'un ton ferme pour couper la dispute qui se profilait.
— Nous rentrons. Nous vous tiendrons au courant, si nous apprenons plus de choses au sujet de cette petite. Ou de ce qui s'est passé tout à l'heure.
Il tira Drago fermement, et l'attira dans la cheminée, attrapant au passage une poignée de poudre de cheminette.
Lorsqu'ils sortirent dans leur appartement, Drago chercha à se dégager, l'air sombre, prêt à aller s'isoler, mais Harry l'attira contre lui fermement.
— Ce n'est pas parce que tu en veux à ton père que tu n'as pas le droit d'être inquiet.
— Potter… ce n'est pas le moment.
— Tu te souviens du moment où tu es revenu dans ma vie ?
Drago haussa un sourcil surpris, et montra presque les dents, visiblement sur les nerfs. Mais Harry eut un sourire malicieux.
— Bien sûr que tu t'en souviens. Je t'ai fait confiance pour assurer mes arrières. Tu m'as hurlé dessus, mais tu as su réagir et me protéger.
Le blond grogna, lui lançant un regard noir.
— Je n'ai pas eu le choix. Toi et ta stupide habitude de te jeter tête la première au-devant du danger.
Harry ricana.
— J'ai eu des dizaines de coéquipiers. Même Ron. Aucun n'a accepté de travailler avec moi. Je suis resté moi-même avec toi, je n'ai pas changé, parce que tu étais celui qu'il me fallait. Il n'y a que toi qui me connaisses parfaitement, Drago, et le seul à qui je peux confier ma vie les yeux fermés.
Drago haleta, mais Harry ne lui laissa pas le temps de continuer.
— Ce que je veux dire, c'est que tu me connais, mais l'inverse est vrai également. Tu peux râler et menacer, tu peux retomber dans tes mauvaises habitudes et dans ton ironie mordante, tu n'arriveras pas à me faire fuir. Peut être qu'un jour tu te lasseras de moi et tu… décideras de mettre fin à notre… à ce qu'on a, mais en attendant, je sais parfaitement ce que tu ressens.
Le blond renifla d'un air agacé, mais le discours de Harry le déstabilisait. Ils n'avaient pas l'habitude ni l'un ni l'autre d'exposer aussi sincèrement leurs sentiments, ou leurs pensées. Harry hésita un bref instant et reprit, les joues rouges d'embarras, mais un air décidé dans son regard vert.
— Quoi qu'il ait pu faire, c'est ton père Drago. Je ne te verrais pas autrement si tu t'inquiètes pour lui, ou si tu… as de bonnes relations avec lui.
— Foutaises ! Il a tenté de te tuer !
— C'est vraiment ça le problème ?
Drago se laissa aller contre son compagnon, et ferma les yeux, avec un grognement agacé.
— Tu me connais trop bien.
Ils restèrent silencieux un long moment, avant que Drago ne reprenne doucement.
— Je lui en veux. Je n'arrive pas à le pardonner de ne pas m'avoir protégé. De m'avoir laissé prendre cette foutue marque. Je lui en veux de ne pas s'être excusé auprès de moi pour ses erreurs, de ne pas être venu me parler après sa sortie d'Azkaban. Merlin, tu l'as libéré et ce foutu idiot est incapable de te remercier simplement !
Harry déposa un tendre baiser sur la tempe de Drago, le gardant contre lui, comprenant qu'il avait besoin de lui alors que de pénibles souvenirs revenaient à la surface. Le blond grogna doucement.
— Tu vas me trouver horrible, mais je… je suis jaloux de cette pauvre gosse. Il a fait plus pour cette gamine abandonnée qu'il n'a jamais fait pour moi. Je n'ai aucun souvenir d'avoir été un jour dans les bras de mon père de cette façon, ou consolé ainsi.
— Si ça peut te rassurer, je ne te trouve pas horrible.
Drago ricana, mais il semblait plus détendu. Il plissa le nez, avec un rictus amusé.
— Fichu Gryffondor sentimental.
Ils s'écartèrent légèrement, sans pour autant briser le contact entre eux, comme si se toucher leur était essentiel. L'ancien Serpentard leva un sourcil interrogatif.
— Et maintenant ?
Harry soupira.
— Ron et les autres vont être débordés avec l'explosion qui s'est produite chez Barjow et Beurk. Je ne pense pas qu'on puisse les aider sur ce point. Pas pour l'instant en tout cas. Mais on peut en profiter pour chercher qui est la petite fille que ton père a secourue.
Épuisés, Harry et Drago avaient fini par aller se coucher, et s'étaient endormis l'un contre l'autre. Ils furent réveillés en sursaut par des hurlements, les appelant avec impatience.
Drago marmonna, furieux.
— Je vais tuer ta belette.
Harry se contenta de ricaner et se leva en bâillant pour se diriger vers le salon, où Ron devait être installé.
En le voyant arriver en caleçon, son meilleur ami leva les yeux au ciel, rougissant déjà légèrement.
— Hors de question que je mettes encore un pied dans ta chambre. Je préfère ignorer avec qui tu partages ton lit.
Le brun gloussa.
— Tu sais parfaitement qui partage mon lit, Ron. Pourquoi ce réveil en fanfare ?
Toute trace de plaisanterie disparut dans l'attitude de Ron et il passa une main dans sa tignasse.
— C'était bien une explosion hier, et pas accidentelle, tu peux me croire. Quelqu'un avait piégé la boutique Barjow et Beurk. En creusant, nous avons découvert que cet… honorable établissement a été fermé à cause d'Amos Diggory, qui a bloqué l'autorisation d'ouverture dans un océan de paperasse. Le vieux Barjow avait fait appel, mais ça n'avait pas encore été jugé au Magenmagot. D'après ce qu'on m'en a dit au Ministère, il allait avoir gain de cause, donc aucun avantage à détruire son commerce.
Harry hocha la tête, notant mentalement toutes les informations données par Ron. Le rouquin allait continuer, mais il marqua une pause et rougit un peu plus. Harry roula des yeux en comprenant que Drago venait d'entrer, probablement sans avoir pris la peine de s'habiller, tout comme lui.
Le brun bouscula son ami avec un ricanement moqueur.
— Allez, Ron ! Tu as grandi dans un dortoir de garçons, et Seamus n'était pas spécialement pudique. Ça ne t'a jamais gêné ! Pas plus que les douches collectives après le Quidditch.
Ron râla pour la forme, et Harry frissonna lorsque Drago se colla contre son dos, l'enlaçant sans la moindre hésitation et posant son menton sur son épaule pour écouter la suite de la conversation. L'Auror les fusilla tous les deux du regard, et grogna.
— Je compte mettre le souvenir de l'accouchement d'Hermione dans une pensine et vous forcer à regarder. En vengeance de tous ces moments gênants que vous m'imposez…
Voyant que sa menace n'avait pas un grand impact, il leva dramatiquement les yeux au ciel, et continua son récit.
— Où j'en étais déjà ? Ah. L'explosion. Donc, la boutique, détruite, mais nous n'avons pas trouvé de victimes. D'ailleurs à ce sujet, personne n'a réclamé une enfant perdue.
Harry fit un rapide geste de la main, écartant la remarque de Ron.
— Pour la petite, on s'en charge. Je soupçonne que c'est une enfant des rues, elle est maigre et… enfin. Tu vois.
Ron soupira, mais ne répliqua pas, comprenant que son ami faisait mention de sa propre enfance. Il hocha la tête, laissant Harry se débrouiller pour identifier l'enfant que Lucius Malefoy semblait avoir pris sous son aile. Il reprit, après une légère hésitation.
— Ce matin, nous avons été au domicile de monsieur Barjow. Étrangement, je le voyais vivre dans une baraque style maison hantée, bien flippante, mais il possède un joli cottage en banlieue. Nous l'avons trouvé, mais… il n'a rien pu nous dire. Il a été tué. À première vue, un Avada.
Harry sentit Drago se raidir dans son dos, et il plissa le front, réfléchissant à la situation.
— J'aimerais te dire que Barjow devait avoir pas mal d'ennemis, puisqu'il était connu pour son commerce de magie noire et qu'il avait une tendance certaine à arnaquer certains de ses clients, mais j'ai la désagréable impression que c'est lié à l'explosion de son magasin.
Ron lui jeta un regard noir.
— Harry, mon pote. Je t'aime comme un frère, mais je déteste quand tu fais ça. Tes foutues intuitions ont la fâcheuse tendance à se vérifier… Tu as toujours été un aimant à problèmes, mais ces derniers temps, tu te surpasses !
Drago qui était resté silencieux haussa un sourcil surpris.
— Attends une minute, Weasley… Ce n'est que maintenant que tu te rends compte qu'il attire les problèmes en permanence ? Si c'est le cas, prévois de changer de carrière, je crois que l'ensemble du monde magique était au courant depuis un moment, ce qui fait que tes capacités de déduction sont… carrément mauvaises.
Le rouquin haussa les épaules et se dirigea vers la cheminée.
— J'avais espoir que les choses s'arrangent avec les années. Sur ce, il y en a qui travaillent et qui ne peuvent pas se permettre de faire des grasses mâtinées ou de se promener à demi nu toute la journée.
Et il disparut dans les flammes vertes sans leur laisser la possibilité de répondre.
