Il y eut un instant de silence, alors que Harry plissait le front en réfléchissant aux mots de Lucius. D'un coup, Narcissa murmura quelques mots d'une voix dangereusement froide.
— Pardon ? Tu envisages quoi ?
Tranquillement, l'homme planta sa canne sur le parquet verni et se redressa, fièrement. Puis il répéta, sans la moindre hésitation.
— Je compte utiliser la présence de ces gosses ici pour rappeler que la guerre est terminée.
Harry avait toujours vu Narcissa Malefoy calme et maître d'elle-même. D'apparence froide, elle avait un contrôle de chacune de ses réactions. Cette fois pourtant, cette façade se craquela légèrement alors que ses yeux brillaient de rage et qu'elle serrait les poings. Elle ne hurla pas — et Harry pensa que c'était uniquement à cause des enfants autour d'eux — mais son ton était particulièrement révélateur de son état d'esprit.
— J'espère que c'est une stupide plaisanterie de ta part Lucius ! Je croyais que tu avais compris que le temps de tes petites manipulations était derrière nous ! Je ne compte pas supporter de nouveau… tout ça !
Sa voix s'était élevée sur les derniers mots, mais elle se reprit immédiatement, se redressant et lissant sa jupe nerveusement. Harry posa une main sur son bras, lui souriant amicalement.
— Attendez, Narcissa. J'aimerais plus de précisions sur cette idée, ça ne me semble pas si idiot que ça.
Narcissa soupira et hocha la tête, faisant totalement confiance à Harry Potter pour prendre les bonnes décisions. Lucius plissa les yeux en le jaugeant, puis il haussa les épaules.
— Quelle que soit la misère que vous exposerez allée des Embrumes, il y aura toujours des sorciers pour penser que… c'était mérité. Je veux dire, personne ne plaindra les familles de Mangemorts, quoi que vous puissiez dire ou montrer. Si vous voulez vraiment… attirer l'attention de tous, lumière et ténèbres, alors utilisez les enfants.
Harry pinça les lèvres, indécis.
— Utiliser les enfants ?
— Oh par pitié, monsieur Potter ! Les enfants magiques sont précieux ! Il n'y a que vos amis Weasley pour être aussi… prolifiques ! Personne ne restera insensible à un groupe de gosses abandonnés.
Harry jeta un bref regard sur le petit groupe, tous les enfants collés les uns contre les autres, visiblement impressionnés. Il se frotta les yeux.
— J'étais un enfant lorsque la Gazette m'a traîné dans la boue…
Lucius grimaça et détourna le regard, subitement gêné. Il soupira, et avoua, visiblement avec répugnance.
— Je n'étais pas vraiment étranger à votre disgrâce. Une promesse de célébrité pour miss Skeeter, et quelques subventions soudaines pour monsieur Cuffe, et j'aurais pu leur faire publier n'importe quoi.
Narcissa eut un reniflement agacé, découvrant visiblement jusqu'où avaient été les manipulations de son époux.
Accroché à son idée, Lucius désigna un petit garçon brun, qui ne devait pas avoir plus de cinq ou six ans. Harry pensa qu'il était probablement un nourrisson à la fin de la guerre.
— Vous voyez cet enfant ? Vous avez dû croiser son grand frère à Poudlard. Flint. Il lui ressemble comme deux gouttes d'eau et personne ne savait ce qu'il était devenu… Le père et le fils portaient la marque et sont à Azkaban. Sans espoir de rédemption, j'en ai peur. Quant à la mère… Elle a été tuée par le Seigneur des Ténèbres en personne parce que le jeune Marcus a failli dans une de ses missions.
Harry cligna des yeux lentement.
— Ce sont tous des enfants de Mangemorts ?
Lucius se tendit, se méprenant sur la question, et répondit sèchement.
— Et si c'était le cas ? Vous allez les ramener d'où ils viennent ?
Le jeune homme secoua la tête.
— Bien sûr que non. Je cherche juste à comprendre d'où ils viennent. Ces enfants ne sont pas responsables des choix de leurs parents ! Il n'y a pas d'orphelinats dans le monde magique ?
Narcissa répondit avec douceur.
— Non. Comme Lucius l'a dit, les enfants magiques sont précieux. Lorsque les parents ne sont plus en capacité de s'en occuper, le parrain ou la marraine désignés par les parents hérite de la garde s'il n'y a pas d'autre famille.
Harry ne répondit pas, et il s'approcha des enfants, pour s'asseoir au milieu d'eux. Il prit le frère de Marcus Flint — il se souvenait du capitaine de Quidditch de l'équipe de Serpentard — sur ses genoux, le rassurant d'un sourire.
Le gamin s'accrocha à lui, visiblement peu habitué aux gestes de tendresses, lui jetant un regard interrogateur. Harry hocha sèchement la tête en direction de Lucius.
— Très bien. Allez-y. Mais je vous conseille de ne pas vous servir d'eux pour votre propre intérêt.
Puisque Drago revenait avec un Peter métamorphosé — propre et correctement vêtu — Narcissa prit les choses en main pour les petits, chargeant les elfes de les conduire dans la salle de bains pour qu'elle les aide à se laver.
Impressionnés par la femme magnifique, les enfants suivirent en silence, terriblement obéissants et beaucoup trop calmes pour leur âge.
Épuisé, Harry se laissa aller dans un fauteuil, fermant un instant les yeux, alors que Drago le couvait du regard. Ce dernier lança un regard d'avertissement en direction de son père. Installé dans son fauteuil préféré et qui avait la petite Hope dans les bras, la laissant somnoler contre lui.
— Nous allons rentrer dormir un peu. Nous reviendrons d'ici quelques heures pour… faire le point.
Le jeune homme se tourna ensuite vers Peter, qui sembla inquiet, et il comprit pourquoi Harry l'avait pris sous son aile. Il lui faisait terriblement penser à son compagnon lorsqu'ils étaient adolescents, affichant cet air décidé et plein de bravoure et avec l'impression qu'il portait le poids du monde sur les épaules.
— Peter, je suppose que tu préfères rester avec tes camarades ? À moins que tu ne veuilles venir chez nous ?
Le gamin écarquilla les yeux, stupéfait d'avoir le choix. Il haussa les épaules, comme s'il s'en moquait, mais ses yeux brillants de larmes étaient une bonne indication de son état d'esprit. Hésitant, il baissa la tête.
— Je… j'devrais rester avec les p'tits. Pour les rassurer. Et aider aussi.
Drago lui adressa un clin d'œil amusé.
— Ma mère a suffisamment d'elfes pour l'aider, ne t'en fais pas. Mais reste avec eux pour cette nuit, et on verra par la suite ce que tu veux faire d'accord ?
Le garçon se jeta contre lui, visiblement débordé par ses émotions. Drago se raidit, dans un premier temps avant de le serrer contre lui, laissant échapper un léger rire. Il passa la main dans la tignasse du gamin des rues comme il le faisait souvent avec Harry et il lui adressa un clin d'œil complice.
— Hey c'est Harry le héros, pas moi.
Peter le dévisagea et secoua la tête.
— Vous êtes tous les deux mes héros.
Drago masqua son trouble soudain et il serra Peter contre lui avant de s'écarter. Lucius avait observé la scène sans un mot, et sans montrer la moindre émotion. Il ne fit pas le moindre commentaire non plus. Son fils lui recommanda de les appeler au moindre problème avant de s'approcher de son compagnon pour lui tendre la main.
Harry lui jeta un regard fatigué et Drago secoua la tête, lèvres pincées.
— Tu es exténué. Viens. Rentrons.
— Mais…
— Potter. La situation est sous contrôle. Après quelques heures de sommeil, nous reviendrons pour ce plan ambitieux que tu as concocté avec mon père…
Le brun eut un sourire paresseux et se laissa entraîner, s'arrêtant juste pour enlacer Peter au passage, avant que Drago ne le pousse dans la cheminée.
*
Une fois chez eux, il tituba hors de l'âtre, alors que la fatigue le terrassait, et il laissa Drago l'aider à se débarrasser de ses vêtements. Trop épuisés pour se restaurer ou ranger les vêtements qu'ils semèrent dans l'appartement jusqu'à leur chambre, ils s'effondrèrent sur leur lit, pour s'endormir aussitôt, enlacés.
Des cris les réveillèrent et Harry grogna, agacé. Drago enfouit son visage dans l'oreiller avant de marmonner, furieux.
— Je vais tuer Weasley.
Harry soupira et se releva en bâillant, en caleçon, marmonnant. Son compagnon ne put s'empêcher de ricaner, moqueur.
— C'est ton pote. Ton problème.
Puis il se réinstalla avec un soupir satisfait, profitant de la chaleur du lit.
Le brun roula des yeux et sortit de la chambre d'un pas lourd, les cheveux emmêlés, clignant furieusement des yeux.
Ron attendait, les bras croisés, n'éprouvant visiblement pas la moindre compassion pour son meilleur ami. Ce dernier le fusilla du regard, ramassant au passage les vêtements abandonnés la veille au sol.
Toujours aussi prévisible, le rouquin s'empourpra et détourna les yeux, mal à l'aise avec l'idée que son meilleur ami ne vive pas seul. Pire. Qu'il partage sa vie et une trop grande intimité avec Drago Malefoy.
— Ron ? Qu'est-ce qui ne pouvait pas attendre une heure décente ?
L'Auror s'insurgea, bras croisés.
— Hey il est près de neuf heures ! Je ne débarque pas à l'aube non plus !
Harry soupira et se passa la main dans les cheveux en bâillant une fois encore.
— On a été occupé une partie de la nuit avec Drago…
Ron prit une teinte rouge brique, et toussota, avant de grogner.
— Bon sang, Harry !
Le brun cligna des yeux, avant de comprendre et il ricana moqueur, sans pour autant détromper son meilleur ami. Peut-être qu'ainsi Ron éviterait de débarquer à n'importe quelle heure comme en terrain conquis…
Ron soupira et secoua la tête, essayant de se reprendre. Il prenait soin de ne pas croiser le regard de Harry. Finalement, il se laissa tomber dans un fauteuil en grognant.
— La fouine n'est pas là ?
— Drago dort encore.
Ron plissa le nez, hésitant visiblement à faire une remarque, puis abandonna et secoua la tête.
— On a eu plusieurs signalements allée des Embrumes.
Son attention attirée, Harry s'installa face à Ron et d'un coup de baguette attira deux tasses et la cafetière pleine.
— Des signalements ? De quel genre ?
Ron se laissa aller en arrière, et but une gorgée de café avec un soupir satisfait.
— Apparemment, un groupe de gamins a disparu. Mais aucun parent n'a signalé le moindre problème. Juste, les gosses ont cessé de venir traîner à l'endroit où ils passent leur temps. Ceux qui habitent autour ont fini par s'inquiéter et envoyer l'information au bureau des Aurors.
Harry leva un sourcil moqueur.
— Et tu viens chez moi pour ça ? Je commence à croire que tu aimes nous tirer du lit…
Le rouquin souffla.
— Je suis sérieux Harry. On a ordre de surveiller l'allée des Embrumes comme le lait sur le feu et un groupe de gamins qui se volatilise… c'est… Bon sang, il suffit d'un début de rumeur comme quoi les mômes se font enlever pour basculer dans les émeutes sanglantes !
Harry eut un sourire et but tranquillement son café, laissant Ron s'agacer tout seul. Puis il reposa sa tasse tranquillement et répondit.
— Je sais où sont les enfants.
Ron se tut et cligna des yeux. Puis il se frotta le visage.
— Je ne suis pas sûr de comprendre.
Harry éclata de rire, et leva un sourcil moqueur.
— Je veux dire que nous avons passé une partie de la nuit à rassembler et récupérer ces enfants avec Drago. Ce sont des orphelins, des enfants abandonnés. Alors on s'est chargé de les mettre en sécurité.
Ron murmura, incrédule.
— Des enfants abandonnés ?
- Yep.
— Mais…
Harry laissa échapper un ricanement sarcastique.
— Bienvenue dans le monde réel. Drago a eu la même réaction. Il n'y a pas d'orphelinat dans le monde magique, tu te souviens ? Rien, aucune structure pour s'assurer que les enfants sont en sécurité. Après la guerre, qui a pris soin des enfants de ceux qui ont été jetés à Azkaban ?
Ron cligna des yeux, puis leva les mains en signe de défense.
— Hey je n'y suis pour rien !
Harry soupira et souffla.
— Désolé, mais je manque de sommeil et voir tous ces gosses livrés à eux-mêmes… Bon sang, Ron, tu savais que Flint, la brute qui jouait au Quidditch à Poudlard avait un petit frère ? Il était bébé à la fin de la guerre et il a grandi dans la rue ! Je ne sais même pas comment c'est possible…
Ils restèrent silencieux, face à face, jusqu'à ce qu'un plaid soit jeté sur Harry et que deux mains chaudes se posent sur ses épaules. Drago adressa un vague signe de tête en direction de Ron.
— Weasley. Un problème ?
