Harry soupira et frotta son front contre le bras de Drago, avec un léger sourire tendre. Puis il leva les yeux vers lui, remarquant que contrairement à lui, il avait pris le temps de s'habiller.
— Ron est venu à cause des enfants.

Aussitôt, Drago se tendit, plissant les yeux.
— Quel est le problème ?
Harry ne put retenir un sourire ému face à sa réaction immédiate, et il le rassura en posant sa main sur celle de Drago.
— Des habitants de l'allée des Embrumes ont signalé leur absence soudaine.

Le blond grommela, visiblement agacé et il partit à grands pas vers la cuisine. Probablement pour se préparer du thé, devina Harry. C'était toujours ce qu'il faisait lorsqu'il était énervé, pour s'occuper les mains et se donner le temps de réfléchir.

Ron le regardait étrangement et Harry leva un sourcil perplexe à son intention, mais son ami haussa les épaules avec un rictus amusé. Tout ce qui perturbait Drago avait tendance à réjouir Ron.
— Donc ? Je peux avoir plus d'explications ?

Harry hocha la tête, et après un bref coup d'œil en direction de la cuisine où s'était réfugié Drago, il répondit.
— Ils sont au Manoir Malefoy.

Ron prit une fois de plus une teinte carmin et Harry roula des yeux en ricanant. Son meilleur ami avait l'habitude de réagir immédiatement et sa peau se colorait très vite. Il trouvait d'ailleurs amusantes toutes ces nuances de rouge qu'il pouvait prendre lorsqu'il était gêné… Drago s'en amusait également, et en jouait régulièrement, n'hésitant pas à le provoquer pour voir jusqu'à quel point le rouquin pouvait virer à l'écarlate…

Il laissa quelques secondes à Ron pour digérer l'information, mais celui-ci secoua la tête, visiblement perplexe.
— J'ai dû mal comprendre. J'ai cru que tu me disais qu'ils étaient au Manoir Malefoy.

Drago choisit ce moment pour arriver, et vu son visage fermé, il n'avait pas l'intention de plaisanter. Il grogna, agacé.
— Quoi, Weasley ? Tu préfères qu'ils soient à la rue plutôt que près de mes parents ?

Harry attira son compagnon à ses côtés, lui frottant discrètement le dos en signe de réconfort. Il fixa Ron et haussa un sourcil — expression empruntée à Drago.
— Ron… j'espère que tu n'as pas l'intention de nous dire de remettre ces gosses à la rue ou de les livrer au Ministère ? Si on te pose la question, tout est sous contrôle. Lucius prend juste… sa part du marché à cœur.

Ron les dévisagea l'un après l'autre, effaré.
— Mais… Il sort d'Azkaban ! Bon sang, il y a peu c'était encore le grand méchant loup et maintenant vous lui confiez un groupe de gosses ?

Drago éclata d'un rire amer, déstabilisant l'Auror.
— La vie est étrange, non ? Mais ton pote ici présent adore comploter avec mon paternel. Qui au passage m'a élevé et je suppose qu'il ne s'en est pas top mal sorti…

Il se leva d'un pas raide et quitta la pièce. Harry grogna en se passant une main sur le visage.
— Bon sang, Ron ! Tu ne pourrais pas être un peu plus… diplomate ?

L'auror fronça les sourcils, visiblement prêt à hurler après Harry, avant de grogner, agacé.
— Si tu pouvais me tenir au courant de tes petites manigances… ça m'éviterait d'avoir du travail supplémentaire !

Harry croisa les bras sur sa poitrine, et siffla, acide.
— La situation est sous contrôle. Sauf si nos services ne sont plus requis, auquel cas, Drago et moi pouvons décider de partir en vacances loin d'ici. Et ne te sens pas obligé de débarquer à chaque signalement que tu recevras, un simple hibou aurait suffi.

Ron rougit — et cette fois, Harry ne sourit même pas, trop énervé — et se leva d'un bond, quittant les lieux sans un mot de plus. Le brun jura sourdement, et se frotta le visage, se demandant s'il devait prévenir Hermione de ce qui venait de se passer. Puis il haussa les épaules.
Ron était un grand garçon. S'il décidait de bouder, il s'expliquerait lui-même avec sa moitié…

Le jeune homme se leva et se dirigea vers la pièce qu'ils étaient en train d'aménager en jardin d'hiver — le fameux jardin d'hiver qu'il avait demandé lorsqu'il avait découvert celui du Manoir Malefoy — et s'appuya contre la porte, observant Drago. Il était devant la baie vitrée et regardait l'extérieur pensivement, les mains serrées sur sa tasse de thé.
Harry se gratta la gorge pour attirer son attention et le vit sourire, sans pour autant bouger.
— Tu as conscience que je t'ai vu arriver dans le reflet de la vitre, Potter ?

Harry soupira.
— Ron peut être… terriblement insensible.
Drago ricana.
— Et toi tu es définitivement exhibitionniste. Tu devrais aller t'habiller.

Harry se détendit à la plaisanterie et avança en souriant largement. Il enlaça Drago posant son menton sur son épaule.
— Pourquoi, ça te perturbe ?
Le blond se laissa aller contre lui, et murmura, amusé.
— Tu aimerais bien, hein ? Ne comptes pas sur moi pour brasser de la pimentine si tu tombes malade.

Harry embrassa la ligne de la mâchoire de Drago, avec tendresse.
— Ou on peut retourner se coucher un peu.

Drago se retourna et le détailla des pieds à la tête, avec un sourire en coin.
— Même si tu as de… solides arguments, va t'habiller. Je te rappelle qu'il y a une tribu d'enfants au Manoir Malefoy et que si toi tu as confiance en mon père, moi je préfère me méfier de ses idées.

Après un léger rire moqueur et un léger baiser rapide, Harry tourna les talons pour se rendre sous la douche et se préparer.

Lorsqu'il fut prêt, Drago était toujours à la même place, toujours pensive, mais moins tendu. Il lui jeta un bref coup d'œil amusé.
— Prêt à jouer les nounous ?
Harry gloussa.
— Ça peut être amusant ! Dis-moi… tu étais sérieux, quand tu as proposé à Peter qu'il… vienne ici ?

Drago soupira.
— Il a besoin d'aide. Et il te fait confiance. Bien évidemment que j'étais sérieux. Ce qu'il a fait pour tous ces gosses, c'est plutôt extraordinaire pour son âge.

Harry lui lança un tel regard empli de gratitude que Drago rougit légèrement et il l'entraîna en direction de la cheminée pour masquer son trouble.

*

Lorsqu'ils débarquèrent au Manoir Malefoy, un elfe leur annonça que les enfants dormaient encore. Harry jeta un bref coup d'œil moqueur à son compagnon, mais ce dernier l'entraîna vers le bureau de son père et frappa deux coups avant d'entrer.

Lucius était à son bureau, apparemment plongé dans une pile de parchemins. En les voyant, il reposa les papiers et se laissa aller en arrière dans son siège.
— Drago. Tu venais voir si l'ogre que je suis n'avait pas dévoré tous ces pauvres enfants innocents ?

Loin de se sentir mal à l'aise, le blond fixa son père sans ciller et celui-ci reporta son attention sur Harry.
— Monsieur Potter. Toujours décidé à m'associer au premier orphelinat sorcier pour les enfants des rues ?

L'ancien Gryffondor sourit, amusé.
— Bien évidemment. Le Ministère a reçu des signalements d'un groupe d'enfants ayant disparu… En envoyant l'information à la Gazette que vous avez décidé de recueillir ces orphelins, et en mentionnant que je suis associé au projet, ça devrait aider à… apaiser les choses, non ?

Lucius se frotta les yeux, perdant légèrement de sa superbe.
— Oui et non. Vous éviterez des émeutes à brève échéance surtout après l'incident de l'empoisonnement de l'allée des Embrumes. Cependant… le malaise est bien plus profond. L'allée a toujours été le repaire des laissés pour compte, ça ne pourra jamais devenir une jolie petite rue commerçante. Ou un quartier résidentiel chic.

Harry se laissa tomber sur une chaise, sourcils froncés.
— Je ne suis pas certain de voir où vous voulez en venir, Lucius.

L'homme haussa les épaules.
— Ces gens sont abandonnés à eux-mêmes depuis des décennies. Bien avant le seigneur des ténèbres. Même avant Grindelwald et ses exactions en Europe. À votre avis, comment vont-ils réagir si nous prenons les enfants pour les élever ?
— Ils vont crier au complot et croire que c'est pour leur nuire.

Lucius eut un sourire appréciateur.
— Bien vu, monsieur Potter. Finalement, mon vieil ami Severus se trompait en vous trouvant stupide.

Une ombre passa dans le regard vert et Drago fusilla son père du regard. Lucius grimaça, conscient d'avoir été indélicat, mais il ne fit pas la moindre excuse. Il garda le silence, un instant, avant de soupirer.
— J'avoue que j'ignore ce qui pourrait aider, être le moins… dommageable. Il y a tellement de méfiance là-bas que… tout acte même de bonne volonté pourrait être mal interprété.

Harry pinça les lèvres.
— Dans ce cas, annonçons la création de cet orphelinat. Vous et moi. Sans impliquer le Ministère. Ensuite, je suppose que nous verrons au jour le jour pour gérer la situation.

Drago eut un rire amusé, et secoua la tête en couvant du regard son compagnon.
— Agir en premier et réfléchir ensuite, hein ?
Harry lui répondit d'un clin d'œil, et Lucius prit conscience de leur proximité, de leur complicité. Il avait voulu l'ignorer jusqu'à présent, mais désormais c'était si évident qu'il ne pouvait pas juste fermer les yeux et espérer que c'était une passade, ou une relation inventée de toutes pièces pour le rendre dingue…

L'ancien prisonnier soupira, décidant qu'il n'était pas si furieux qu'il aurait pu l'être. Peut-être bien que Harry Potter avait fait ses preuves, finalement. Peut-être également que sa chère épouse l'obligeait à ouvrir les yeux et à accepter celui qui avait été un jour son ennemi…

Drago ignora son père une fois de plus et entraîna Harry à sa suite, laissant Lucius gérer les communiqués avec la presse. Il avait dans l'idée de profiter un peu du calme ambiant pour lui faire visiter le parc du Manoir, mais en arrivant dans le salon, ils trouvèrent Peter installé sur une chaise, le dos droit, attendant en silence, impressionné par les lieux.

Le gamin semblait mal à l'aise, mais Harry lui sourit largement et s'approcha à grands pas pour l'enlacer.
— Hey, bien dormi ?
Drago lui ébouriffa les cheveux et Peter sembla se détendre, regardant les deux hommes avec une reconnaissance infinie. Il hocha la tête, avec un sourire.

Le blond fronça les sourcils regardant autour de lui.
— Tu es tout seul ?
— Je ne voulais pas… déranger. Je peux attendre, c'est juste que j'étais réveillé et…

Harry gloussa gentiment.
— Détends-toi, ce n'était pas un reproche ! Tu dois avoir faim ? De quoi as-tu envie ?
Drago appela un elfe, et Peter s'empourpra en se rendant compte que la petite créature attendait ses ordres. Un peu honteux, il haussa les épaules.
— Je… ne sais pas.

Harry prit les choses en main, comme si tout était normal. Il se rappela soudain qu'avant Poudlard, il n'avait jamais eu l'occasion de goûter au chocolat et il devina que Peter devait être dans le même cas.
— Un bol de chocolat au lait, et un verre de jus de citrouille ? Oh, et de la brioche !

L'elfe disparut immédiatement, et il fallut quelques secondes pour faire apparaître le petit déjeuner demandé sur la table, face à l'enfant. Ce dernier cligna des yeux, abasourdi, incapable de croire que tout était pour lui.
Toujours aussi calmement, Harry le rassura d'une pression sur l'épaule.
— Mange ce dont tu as envie, ne t'en fais pas.

Une grosse larme coula sur la joue du gamin, mais il l'essuya aussitôt rageusement. Harry s'installa dans le sofa un peu plus loin en compagnie de Drago. Suffisamment loin pour le laisser manger tranquillement sans avoir l'impression d'être épié. Assez proche pour le rassurer et lui rappeler qu'il n'était plus seul.

Drago se laissa aller contre Harry, les sourcils froncés, réfléchissant à la situation et à ce qu'ils pouvaient faire pour éviter de faire exploser le monde magique.
D'un geste affectueux, Harry lui ébouriffa les cheveux, même en sachant qu'il détestait ça, avant de déposer un léger baiser sur son front.
— Tu réfléchis trop. Tu dis toi-même que les enfants magiques sont sacrés. Tu as été choqué de découvrir qu'ils étaient… livrés à eux-mêmes. Ron ne savait pas non plus, et il a eu globalement la même réaction. Peut-être que l'annonce de ton père fera l'effet d'une bombe, mais dans le bon sens ? Après tout, personne n'oserait suggérer de renvoyer ces enfants à la rue, n'est-ce pas ?

Drago soupira et haussa les épaules.
— Espérons… En tout cas, c'est la dernière fois que ce foutu ministre nous implique dans tout ce bazar.