Harry et Drago avaient laissé le choix à Peter, et le jeune garçon n'avait pas hésité longtemps avant d'accepter de vivre avec eux.

L'adolescent se refusait à parler de ses parents biologiques, répondant invariablement qu'il avait été abandonné, et qu'il vivait dans la rue depuis aussi longtemps qu'il se souvienne. L'homme qui prenait soin des enfants, un né-de-moldu qui se faisait déjà appeler Peter Pan l'avait recueilli et aidé, lui apprenant tout ce qu'il fallait savoir du monde impitoyable de la rue en l'éduquant de son mieux, à mesure de ses moyens.

Lorsque la guerre avait fait rage, l'homme les avait tous cachés au plus profond de l'Allée sordide et il avait un jour disparu pour de bon. Un des commerçants qui leur donnait quelques restes de nourriture avait fini par leur annoncer qu'il avait été tué par des rafleurs, en voulant résister. Il aimait suffisamment la bande de gamins dépenaillés qu'il avait rassemblée pour se battre contre les sbires de Voldemort, espérant rejoindre ses petits protégés et les garder en sécurité.

Le jeune David, alors âgé de dix ans tout juste, avait pris les choses en main. Les enfants les plus âgés partaient d'eux-mêmes pour essayer de s'en sortir, et il reprit le nom de Peter, rassurant les plus petits et faisant en sorte de tous les garder en vie, alors qu'il était un gosse à peine plus âgé et tout aussi terrorisé.

Comme il était l'un d'entre eux, ils avaient tous suivi docilement, et Peter avait grandi avec sous sa garde jusqu'à une quinzaine de gosses abandonnés. Il était rapidement devenu le plus vieux d'entre eux, mais il n'avait pas cherché à s'en aller, conscient qu'il avait une grande responsabilité, dévouant son enfance à protéger les plus jeunes.

Jusqu'au jour où les deux détectives étaient arrivés dans sa vie, bouleversant tout.

Drago murmura, visiblement touché par son histoire.

— Tu veux être appelé comment alors ? David ou Peter ?

Le gamin plissa le nez et renifla avec mépris.

— Personne ne voulait de David, j'ai été balancé dans la rue pour y crever. Peter, lui, il a au moins réussi à protéger les p'tits.

Sachant que Drago voulait absolument savoir qui étaient les géniteurs de l'adolescent, probablement pour les envoyer à Azkaban ou les menacer — ou toute autre vengeance qu'il pourrait imaginer — Harry intervint gentiment.

— Viens, Peter, nous devrions aller voir ta chambre et voir comment tu voudrais t'installer. Sans compter faire la liste de ce qui te manque.

Le gamin sembla choqué et il les regarda l'un après l'autre.

— J'ai une chambre ?

Drago gloussa, sans se rendre compte de l'importance du moment pour son jeune protégé, et il roula des yeux.

— Harry l'a préparé au cas où tu veuilles venir. C'est juste une pièce en plus, pas un palace.

L'adolescent cligna des yeux, ne semblant pas y croire. Il se mordilla la lèvre sur la défensive. Harry lui sourit doucement, comme pour l'apprivoiser. Là encore, il le comprenait, parce qu'il était passé par les mêmes émotions, craignant qu'on ne lui retire chaque chose merveilleuse qui arrivait dans sa vie, à l'instant où il était arrivé dans le monde magique.

— Peter. On ne va pas te faire dormir par terre. Tu sais, mon filleul Teddy, il a aussi une chambre ici. Si on t'a proposé de venir vivre avec nous, c'était pour que tu sois accueilli correctement.

Peter hocha la tête, incertain, son regard allant de Drago à Harry. Finalement, il sembla se détendre et il accepta de suivre Harry, restant tout de même prudent.

Il écarquilla les yeux face à la pièce qui lui semblait immense, en voyant le lit confortable, le bureau et l'armoire. C'étaient des meubles simples, mais neufs. Uniquement pour lui.

Harry lui sourit et le poussa doucement à l'intérieur.

— Tu peux décorer comme tu veux bien sûr. Et nous irons t'acheter des vêtements. J'ai une amie qui est enceinte et au repos forcé, je crois qu'elle… serait ravie de t'aider à apprendre la magie correctement. Ainsi que tout ce que tu as besoin d'apprendre.

Une larme roula sur la joue de Peter et il renifla en détournant la tête.

— Merci.

Harry lui posa une main sur l'épaule, sans un mot. Puis il le laissa explorer sa chambre seul, plus pour lui laisser le temps de gérer ses émotions qu'autre chose.

Lorsqu'il rejoignit Drago, ses yeux brillaient et il eut un sourire un peu crispé.

— J'ai pensé qu'Hermione serait parfaite pour lui enseigner la magie.

— Tu veux donner plus d'excuses à la belette pour débarquer ici n'importe quand ?

Harry se mit à rire, et secoua la tête.

— Je veux surtout détourner Hermione de son idée fixe de travailler jusqu'à l'accouchement ou presque. Ça évitera à Ron de venir squatter chez nous pour échapper aux disputes entre Molly et Hermione justement…

Drago leva un sourcil moqueur.

— La belette, squatter ici ? Tu veux le tuer ?

Avec un éclat de rire, Harry déposa un baiser sur les lèvres de Drago pour le faire taire.

La Gazette ne se contenta pas simplement d'une annonce pour informer la population de la création du premier orphelinat magique. Il y eut une édition spéciale, emplie d'enquêtes et d'interviews.

La déclaration de Lucius était simple : repenti après son séjour à Azkaban, il avait contacté Harry Potter — un proche de son fils — pour lui proposer de financer une bonne action. Il voulait prouver au monde magique qu'il avait changé après tout, et montrer qu'il pouvait être philanthrope était un bon début.

Lucius avait simplement ajouté que le sort des enfants magiques avait toujours été une de ses priorités et que c'était le statut d'orphelin de Harry Potter qui les avait convaincus de la nécessité de créer un lieu pour que les enfants magiques soient protégés.

Ensuite… Il ajouta que Harry et son fils l'avaient informé de la présence d'un groupe d'enfants abandonnés, de toutes origines. Il avait aussitôt décidé de les prendre dans son immense demeure et de s'assurer qu'ils soient nourris et vêtus correctement. Il comptait également leur donner une instruction pour qu'ils aient une chance d'aller à Poudlard le moment venu.

Bien évidemment, la Gazette envoya un journaliste interroger Harry Potter, pour s'assurer de la véracité de cette déclaration. Et si Harry rejetait systématiquement toute demande de rendez-vous venant d'un journaliste, il se plia cette fois de bonne grâce à l'exercice, confirmant les paroles de l'ancien prisonnier, prouvant au monde magique que ceux qui avaient été fidèles à Voldemort n'étaient pas toujours complètement mauvais.

La Gazette connut un succès retentissant avec ce numéro, épuisant les tirages. Harry décida que c'était une victoire en constatant que personne ne protestait violemment. Visiblement, même si Lucius Malefoy avait perdu tout crédit, le soutien de Harry Potter suffisait à rassurer le public.

Shakelbolt convoqua Harry, mécontent que le Ministère soit tenu à l'écart de sa décision. Loin d'être impressionné par ses reproches, le jeune détective haussa simplement les épaules, en lui assurant tranquillement que tout était sous contrôle.

Il en profita pour rappeler que le Ministère aurait eu le temps de s'occuper de créer un orphelinat, après Tom Jédusor et lui-même, mais qu'il n'avait pas su saisir l'opportunité au vol.

Si le monde magique n'avait globalement pas protesté de l'initiative du patriarche Malefoy, l'Allée des Embrumes restait toujours un endroit instable, prêt à s'enflammer au moindre problème.

Harry proposa qu'ils y déambulent régulièrement, pour prouver à la population qu'ils restaient disposés à les aider. Emmener les enfants avant de disparaître n'était pas une bonne idée, loin de là.

Personne ne leur parla, mais ils furent très largement observés. Ni l'un ni l'autre ne s'en formalisa : ils étaient conscients que c'était de cette façon que les choses se passaient dans cet endroit oublié de tous.

Les deux détectives inspiraient plus confiance que les Aurors bourrés de préjugés qui débarquaient dans l'allée avec des grimaces effarées. Ils ne jugeaient pas, se contentant d'aider de leur mieux ceux qui en avaient besoin. Et surtout… Surtout, les deux hommes n'avaient plus aucun lien avec le Ministère. La période Voldemort avait définitivement tué toute confiance en l'institution et il faudrait probablement des années et plusieurs réformes claires pour changer cet état de fait.

Lorsque Hermione vint donner son premier cours à Peter, le garçon avait reçu sa baguette et une garde-robe complète. Il était encore perdu, mais il était bien décidé à apprendre la magie, ce qui lui avait toujours été refusé.

Hermione lui enseigna avec un calme olympien, prenant le temps de lui expliquer chaque chose, et l'adolescent progressait rapidement. La jeune fille était presque certaine qu'elle pouvait faire en sorte de lui faire rattraper le niveau de Poudlard pour qu'il puisse intégrer l'école de magie l'année suivante, s'il le souhaitait. Ce serait du travail, mais Peter était motivé et plutôt doué.

Le jeune homme trouvait peu à peu sa place, appréciant les moments près des deux hommes qui l'avaient sauvé. Ils allaient voir les enfants dont il avait eu la charge chaque jour, et lorsqu'il les voyait s'épanouir, courir et jouer, redevenant des enfants et oubliant leur passé de mendicité, Peter était pleinement rassuré et il s'autorisait à redevenir l'enfant qu'il n'avait jamais été.

Le jeune garçon solitaire apprit à compter sur d'autres personnes que lui-même, s'en remettant à Harry ou Drago pour prendre des décisions le concernant. Il adorait s'occuper de Teddy lorsqu'il venait passer quelques jours chez les deux hommes, et vouait à ses sauveurs une admiration sans bornes.

Pour la première fois de sa courte vie, l'adolescent redevint un enfant insouciant, libre de grandir en paix. Harry le comprenait et passait du temps à parler avec lui, conscient que le poids qu'il avait eu sur les épaules avait dû laisser des traumatismes.

Drago restait silencieux, mais il déployait toutes ses ressources pour identifier la famille biologique de Peter, pour leur faire payer ce qu'ils avaient fait à un enfant qu'il adorait.

Narcissa s'assurait que les enfants apprennent à lire et écrire lorsqu'ils en avaient l'âge et elle avait organisé une pièce du manoir en salle de classe.

Lucius la regardait faire sans protester, et même s'il faisait semblant de s'en agacer, Harry se rendit rapidement compte que l'homme était ravi de l'animation autour de lui. Il avait une relation privilégiée avec la petite Hope, et passait beaucoup de temps avec elle, à lui parler avec patience, lui apprenant à lire et écrire sans jamais élever la voix sur elle. Puisqu'elle ne parlait toujours pas, Narcissa avait décidé qu'elle avait besoin de leçons particulières et son époux s'en chargeait sans se plaindre. Le médicomage appelé par Narcissa avait assuré qu'elle était en parfaite santé et que son silence était plus un blocage psychologique qu'une pathologie.

En un mois, la petite fille avait changé. Elle avait repris du poids, souriait et se montrait terriblement affectueuse. Si elle était presque fusionnelle avec Lucius, elle ne manquait jamais de se jeter dans les bras de Drago quand elle le voyait, avant de retourner auprès de l'homme qui lui avait sauvé la vie.

Personne ne fut étonné qu'elle réserve ses premières paroles à Lucius, s'adressant à lui avec hésitation pour le remercier timidement.

Tous ces enfants avaient une ombre dans le regard, prouvant qu'ils avaient passé des moments difficiles. Ils avaient connu la faim, le froid et la peur. Même si Peter s'était occupé d'eux en leur offrant une présence réconfortante et de la tendresse, ils n'avaient jamais su faire confiance aux adultes. Il fallait de la patience aux Malefoy pour qu'ils s'ouvrent à eux.

Si Lucius pensait parfois à son image de marque, Narcissa se donnait corps et âme à cette tâche, trouvant sa rédemption pour ses erreurs en ces enfants meurtris. Le couple avait par ailleurs décidé de leur offrir une nouvelle identité, à tous, pour qu'ils ne puissent jamais être accusés des crimes de leurs parents.

Installés dans leur jardin d'hiver, Harry et Drago somnolaient, dans les bras l'un de l'autre sur un transat. Peter dormait profondément dans le transat voisin, le jeune Teddy âgé de tout juste cinq ans dans les bras — tout aussi endormi.

Ils avaient eu envie de faire une soirée « à la belle étoile », pour observer les étoiles filantes prévues. Finalement, ils n'avaient pas vraiment regardé le ciel. Teddy avait joué longuement avant de s'assoupir dans les bras de Peter. Ce dernier, comme toujours, avait passé son temps à veiller sur le petit garçon tout en jetant des regards en coin en direction des deux adultes, pour s'assurer qu'ils approuvaient son comportement. L'adolescent s'était ensuite endormi, installé confortablement et en confiance.

Harry soupira finalement et murmura.

— Je n'imaginais pas que ma vie ressemblerait à ça un jour.

Drago ricana, mais il se tendit légèrement, un peu inquiet.

— Des regrets, Potter ?

Harry le fixa longuement, puis il se rapprocha pour l'embrasser tendrement, à peine un effleurement de ses lèvres, arborant un sourire malicieux et amoureux.

— Pas le moindre regret. Tu as fait de ma vie quelque chose d'encore meilleur que mes rêves les plus fous.

Drago haussa un sourcil moqueur, mais son regard gris brillait, et Harry pouvait y lire tout ce qu'il voulait savoir. Il murmura, avec un sourire.

— Que de sentimentalisme...

Harry gloussa à son tour et effaça son sourire d'un baiser plus approfondi.

— Tais-toi Malefoy, et profite. Je sais que tu adores ça !