Le monde magique était calme. Désespérément calme.

C'était parfois ce que pensait Harry avec un peu de dépit avant de se reprendre et de se souvenir qu'il avait désormais tout ce dont il aurait pu rêver un jour. Il avait même bien plus que ce qu'il avait espéré.

Ses amis étaient toujours présents pour lui. Hermione venait d'accoucher d'une petite Rose dont il était le parrain et il était déjà fou de la petite.

Il avait trouvé l'amour. C'était imprévu et totalement inattendu, mais il avait parfois l'impression d'avoir trouvé son âme sœur. Bien sûr, il ne l'avouerait pas en ces termes au principal concerné, sous peine de recevoir quelques moqueries bien méritées. Drago Malefoy, après des années à se battre avec lui, était finalement parfait pour lui. Il savait comment le rassurer, comment le motiver. Il le poussait sans cesse à se dépasser et à ne jamais regarder en arrière.

Il avait confiance en lui, au point de s'en remettre à lui les yeux fermés. C'était le cas depuis leur premier jour en tant que coéquipiers lorsqu'ils étaient aurors, et peut-être même avant.

Il avait une grande famille également. Teddy passait de plus en plus de temps chez eux, parce qu'Andromeda se disait trop âgée pour donner à un petit garçon de cinq ans tout ce dont il avait besoin. Peter vivait avec eux et malgré ses quinze ans, il était comme leur fils. Harry et Drago le considéraient comme tel en tout cas et l'adolescent se laissait apprivoiser, les regardant tous les deux avec admiration.

En plus de ces deux garçons, il y avait tous les enfants du manoir Malefoy. Ils allaient régulièrement les voir et ils étaient toujours accueillis par des cris de joie.

Narcissa n'hésitait jamais à montrer son affection pour Harry, bien que de façon plus discrète que Molly Weasley. Cependant, elle faisait toujours en sorte que Harry se sente bien accueilli chez elle.

Étrangement, Lucius n'avait jamais émis la moindre protestation. Il restait froid — cet homme semblait être incapable de chaleur hormis envers Hope — mais il tolérait finalement plutôt bien que son héritier ait choisi Harry Potter comme compagnon. Drago restait méfiant et il avait toujours beaucoup de ressentiment envers son père, mais les choses s'amélioraient doucement.

Après le battage médiatique organisé autour de l'action de Lucius — financer un orphelinat et prendre en charge les enfants abandonnés de l'Allée des Embrumes — l'intérêt pour les actes de l'ancien Mangemort s'était émoussé.

Bien que ce soit positif puisque ça impliquait que le monde magique faisait de nouveau légèrement confiance à Lucius — assez pour ne pas le surveiller en permanence — Harry le regrettait parfois. Puisqu'il n'y avait plus de sujet d'actualité, la Gazette en revenait à ses articles fétiches, sur la vie de leur héros, Harry Potter. Malgré ses multiples plaintes auprès du rédacteur en chef de la Gazette, Barnabas Cuffe, Skeeter continuait de le traquer et d'interpréter à sa façon chacun de ses gestes…

Ainsi, après avoir fait la une alors qu'il avait été photographié embrassant Drago Malefoy d'une manière totalement indécente, Harry se méfiait lorsqu'il sortait de chez lui.

Il se moquait bien d'afficher ses sentiments envers Drago, la photo d'eux qui avait été volée le faisait sourire d'un air niais lorsqu'il l'avait sous les yeux selon son compagnon adoré, et Ron prenait une teinte violacée à chaque fois que cette photo était évoquée… mais il préférait garder sa vie privée pour lui.

Il ne voulait pas que Drago reçoive encore des beuglantes ou des lettres haineuses parce qu'ils étaient en couple. Il refusait de lire les idioties de Skeeter, qui sous-entendait que le jeune Malefoy profitait de lui, abusait de lui ou l'avait drogué pour avoir son attention.

Et surtout, il pestait parce qu'un détective suivi par la presse à scandale en permanence ne pouvait pas être un bon enquêteur… La discrétion était un des éléments indispensables de leur activité.

Cependant, sa bataille contre la Gazette semblait être perdue d'avance. Il détestait cette impression d'être traqué en permanence, de devoir regarder derrière lui sans arrêt, se méfier de ce qu'il disait en dehors de chez lui… et de se montrer méfiant même envers ses amis.

Lorsque la Gazette arriva ce matin-là et qu'il vit le nombre de pages plus élevé que les autres jours, Harry soupira et comprit qu'il y avait encore un article sur lui. À chaque fois, la Gazette prenait soin d'ajouter des pages pour retracer sa vie, pour retracer la guerre et la bataille contre Voldemort. Comme si les sorciers avaient déjà oublié et qu'il fallait tout leur rappeler…

Cette fois pourtant, lorsqu'il déplia le journal, il se figea et sa magie s'agita furieusement. Il n'avait pas encore lu la moindre ligne qu'il était déjà fou de rage, envisageant d'aller raser les locaux de la Gazette. Peut-être que si le monde magique le voyait comme le prochain mage noir, il pourrait peut-être espérer un peu de paix.

Drago sentit probablement son agacement — il avait toujours été très sensible à sa magie — puisqu'il arriva rapidement et lui posa la main sur l'épaule en se penchant pour regarder ce qui l'avait tant perturbé. Il comprit immédiatement et jura en resserrant sa prise sur l'épaule de Harry.

Sans surprise, la photo à la une du torchon le concernait directement. Cependant, cette fois, Peter était photographié, riant entre Harry et Drago.

Le journal parlait de cet adolescent mystérieux, régulièrement vu avec le couple d'hommes le plus célèbre de l'Angleterre magique. Skeeter devait les avoir assez suivis pour comprendre que Peter vivait avec eux, puis elle avait mené un véritable travail d'enquête, cherchant l'identité du jeune homme.

Elle avait rassemblé les témoignages de plusieurs commerçants du chemin de Traverse, affirmant que l'adolescent était un gamin des rues, venant de l'Allée des Embrumes, qui vivait de mendicité et de vols. Elle insistait lourdement sur son passé criminel à un si jeune âge alors que le garçon n'avait agi que pour survivre…

Skeeter avait même été jusqu'à aller dans l'Allée des Embrumes, interrogeant des passants — avec moins de résultats visiblement, puisqu'il n'y avait que deux ou trois témoignages flous — et elle avait illustré ses propos en photographiant le squat misérable dans lequel Harry et Drago avaient trouvé les enfants perdus.

La suite n'était qu'un ramassis de suppositions erronées et d'accusations à peine déguisées. Skeeter supposait que l'adolescent profitait du Sauveur et de sa fortune, laissant à ses lecteurs le soin d'imaginer le pire, dépeignant Peter sous les traits d'un véritable opportuniste aux dents longues, endormant la méfiance de Harry Potter pour mieux l'attaquer ensuite.

Drago arracha finalement le journal des mains de Harry pour le lancer sur la table et il obligea son compagnon à se tourner vers lui. L'enlaçant, il l'embrassa avec tendresse jusqu'à ce que Harry s'agrippe à lui comme si sa vie en dépendait.

Voyant le regard torturé de celui qu'il avait choisi, Drago fronça les sourcils, inquiet. Harry murmura, tristement.

— J'ai du supporter ces articles ignobles toute mon adolescence et je refuse que Peter ait à subir ça. Je n'avais personne pour me défendre, mais je ne compte pas fermer les yeux. Je me suis juré que je ne laisserai jamais plus cette vautour de Skeeter gâcher la vie de qui que ce soit.

Drago lui massa gentiment la nuque, en le fixant droit dans les yeux.

— Ne t'en fais pas. Je te promets de m'en occuper, d'accord ?

Harry se détendit et offrit à Drago un regard empli de reconnaissance. Ce fut assez pour serrer le cœur de l'ancien Serpentard et pour que ce dernier se jure de tout faire pour protéger Harry.

— Malefoy ? Ne fais rien qui puisse t'envoyer à Azkaban. Je ne suis pas certain que Kingsley m'apprécie encore assez pour pouvoir te faire sortir sans avoir à mettre le monde magique à feu et à sang…

Drago ne put s'empêcher de glousser, rosissant légèrement, alors que son compagnon avouait sans complexes qu'il était prêt à tout pour le garder près de lui. Y compris à déclencher une guerre dans le monde magique…

Harry hésita longuement au sujet de l'article, se demandant s'il devait ou non montrer le journal à Peter. Pour se décider, il eut juste à se souvenir de sa propre adolescence et il sut qu'il aurait détesté qu'on lui cache quelque chose comme ça. Peter méritait de savoir, mais surtout, il méritait de comprendre qu'il n'était pas seul et qu'il serait protégé.

Lorsque Peter se leva, baillant et les cheveux tout ébouriffés, Harry l'attendait, le journal soigneusement plié devant lui. Il enlaça l'adolescent et le laissa se réveiller tranquillement avant d'aborder le sujet qui posait problème.

— Peter ? J'aimerais te parler de quelque chose.

Aussitôt, l'adolescent se tendit, la peur revenant dans son regard comme lorsqu'il était à la rue, aux abois. Harry lui offrit un sourire rassurant, avant de se lancer, maladroitement.

— Tu sais à quel point je suis célèbre, n'est-ce pas ?

Prudemment, Peter hocha la tête, avant de hausser les épaules.

— Ouais, mais tu es un héros aussi… je suppose que c'est normal, non ?

Harry se frotta le visage et secoua la tête.

— Quand j'avais ton âge, pendant la guerre, les choses étaient… compliquées. Je veux dire… un jour, j'étais l'espoir d'un monde meilleur, le lendemain j'étais l'ennemi à abattre.

Peter fronça les sourcils et hocha lentement la tête, visiblement incertain. Harry lui sourit de nouveau.

— Tout ça pour te dire que la Gazette publiait tout et n'importe quoi à mon sujet.

Cette fois, l'adolescent l'interrompit, avec une moue amusée.

— Harry, tu sais que peu importe ce qu'ils disent, je te connais. Je te fais confiance et je me moque bien de ce qu'ils pensent. Toi et Drago, vous êtes les seuls à nous avoir tendu la main et…

Harry sourit et se leva pour l'enlacer. Il lui ébouriffa les cheveux encore une fois, aimant ce simple geste de tendresse que son propre parrain avait souvent eu pour lui.

— Peter, je me moque de ce qu'ils publient à mon sujet depuis bien longtemps. Cependant… je sais à quel point c'est dur à supporter. Si je te dis ça, c'est parce qu'ils… ils parlent de toi.

Peter resta silencieux un long moment, abasourdi.

— Moi ?

Harry hocha la tête.

— Je ne voulais pas te le cacher. Mais je veux que tu saches que Drago est parti s'en occuper, pour qu'ils ne s'attaquent plus jamais à toi.

L'adolescent sembla perdu, l'air bien plus jeune que ses quinze ans. Il prit le journal sans que Harry l'en empêche et il hoqueta en découvrant l'article.

Après un long moment, il lâcha le journal et soupira.

— Je suppose que ce n'est pas pire que lorsqu'on nous pourchassait. Avant, quand on devait voler pour manger.

Harry secoua la tête.

— Peu importe. Ni Drago ni moi ne laisserons faire. Tu es comme notre fils, Peter.

Cette fois, le garçon se jeta contre Harry, les yeux pleins de larmes, et il se laissa consoler.

Drago revint quelques heures plus tard, avec un sourire satisfait et légèrement mauvais. Il adressa un clin d'œil complice à Harry avant de prendre spontanément Peter dans ses bras. C'était plutôt inhabituel, Drago n'était pas spécialement câlin, préférant montrer son affection autrement. Il n'y avait que Harry qui pouvait le faire sortir de sa coquille en général.

Il refusa de dire ce qu'il avait fait, mais son petit sourire indiquait à Harry que d'ici peu, il serait au courant… et qu'il y aurait probablement des retombées retentissantes.

Peter se détendit enfin, comme s'il comprenait enfin que les deux hommes ne le laisseraient pas livré à lui-même. Il ne serait plus abandonné, quoi qu'il arrive.

La matinée était bien avancée quand des coups frappés à la porte les firent sursauter et ce fut Harry qui alla ouvrir, laissant Drago et Peter discuter tranquillement dans le salon. Face au couple inconnu à sa porte, il fronça les sourcils, perplexe.

L'homme était petit et bedonnant, son crâne presque chauve couronné d'une touffe de cheveux d'un gris sale. Il devait approcher la cinquantaine, même s'il était difficile de lui donner véritablement un âge. Il était habillé d'un costume démodé qui avait connu des jours meilleurs et Harry fronça le nez en sentant une forte odeur de naphtaline en émaner, comme s'il avait ressorti ses meilleurs vêtements pour une occasion spéciale. Il le fixait de ses yeux noirs, avec une expression avide qui déplut immédiatement au jeune homme.

La femme près de lui était une petite blonde à l'air vulgaire et aux formes pulpeuses. Elle était bien trop maquillée, ses cheveux étaient entassés en une choucroute emmêlée au sommet de sa tête et elle était habillée de vêtements voyants et trop petits, exposant bien trop de peau pour le confort de Harry. Perchée sur des talons hauts, elle oscillait dangereusement, comme si elle n'avait pas l'habitude d'en porter. Elle mâchait un chewing-gum avec enthousiasme et elle ne prêtait pas attention à Harry, essayant plutôt de voir l'intérieur de son appartement par-dessus son épaule avec un air avide.

Harry fronça les sourcils et il croisa les bras sur sa poitrine, laissant malgré lui un peu de magie s'échapper de lui, faisant sursauter l'homme. Ce dernier commença à transpirer et il s'essuya le front avec un mouchoir qui avait dû être blanc dans une autre vie. Le visage fermé, Harry s'adressa à eux, un peu agressivement.

— Oui ? C'est à quel sujet ?

La femme lui offrit un large sourire et fit un pas maladroit vers lui, tendant les bras, comme si elle voulait l'enlacer. Harry recula brusquement avec une grimace et la femme trébucha, retenue immédiatement par son compagnon. Ce dernier lui lança un regard d'avertissement avant de la lâcher et il bomba le torse avant de dévisager Harry d'un regard satisfait.

L'instinct du jeune homme ne l'avait jamais trompé et il sentit que quelque chose de vraiment mauvais était sur le point d'arriver. Lorsque l'homme ouvrit enfin la bouche, il se raidit, mais il ne s'attendait certainement pas à la bombe qu'il lâcha.

— Nous sommes les parents de David. Le petit que vous avez récupéré. Le garçon qui fait la une de la Gazette. Et nous venons chercher notre fils, bien sûr.