Il arriva à Los Angeles un peu avant treize heures, et il devait avouer qu'il avait faillit devenir fou dans les embouteillages qui l'avaient tenu éloigné de son mari une heure de plus. Doug n'en pouvait plus mais il sentait son corps épuisé, bourdonner d'excitation à l'idée d'être enfin si proche de lui.

Tout en se dirigeant vers chez Maddie Buckley, il songeait à Evan.

À ce qu'il ferait lorsqu'il le retrouverait. Il espérait le voir chez sa sœur à son arrivée, mais même s'il était au travail, ce ne serait plus qu'une question de temps avant qu'il ne rentre à la maison.

Il sortit de l'autoroute et s'engagea vers le centre-ville.

Il traversa la ville et tourna dans un quartier résidentiel, avec le soleil de plomb qui cognait à travers sa vitre. Il posa le pistolet sur ses genoux, puis le remit sur le siège passager, et continua de rouler.

Enfin, il arriva dans la rue où elle vivait.

Il roula lentement lorsqu'il passa devant le bâtiment et se gara à proximité pour guetter. Il sortit une chemise du sac de sport et la posa sur l'arme pour la cacher.

C'était une petite rue aux maisons proprettes et bien tenues qu'il lui faisait un peu penser à Hyde Park.

Il faisait une chaleur infernale.

Quelques minutes plus tard, Doug décida d'aller faire un tour de reconnaissance. Il coinça son arme à la ceinture et fit le tour du bâtiment avant d'y entrer et de rejoindre l'appartement de Maddie Buckley.

Il frappa à la porte juste après avoir coller sa main sur l'œilleton de la porte.

Après une minute sans réponse, il força la serrure et entra dans l'appartement en refermant la porte. Il fit rapidement le tour pour vérifier qu'il n'y avait vraiment personne. Il n'y avait aucune photo sur les murs et seul un cadre de Maddie et d'un homme asiatique ornait la commode de l'entrée.

Il fouilla rapidement la chambre mais les vêtements masculins étaient trop petits pour appartenir à Evan. Son mari ne vivait pas ici et il sentit la colère et l'épuisement se battre en lui.

Il entendit soudain la porte s'ouvrir et il se cacha derrière la porte de la chambre.

– Attends Buck, lâcha la voix de Maddie Buckley alors qu'elle traversa son appartement son téléphone collé à l'oreille.

Elle fouilla dans la commode et sortie un crayon et un bloc de papier avant de se pencher en avant.

– Vas-y, je t'écoute.

Elle écrivit quelque chose sur le papier et se redressa.

– Dis-moi juste quand ! Deux jours ? Oui c'est bon, je peux venir pour le déjeuner et ensuite j'ai une garde.

Elle arracha le papier et le glissa dans son sac qu'elle avait toujours sur l'épaule.

– J'ai échangé pour aller sur la jetée demain. Tu y seras aussi ?

Maddie s'approcha de la chambre et récupéra d'autres chaussures, plus confortable dans lesquelles elle sauta sans mal.

– Oui, bien sûr Buck pas de problème, poursuivit-elle alors que Doug serrait son arme dans son poing. On se verra demain et on rattrapera le temps perdu dans deux jours.

Doug cessa de respirer alors que Maddie était à moins de dix centimètres de lui. Il la vit sourire tendrement à travers la fente de la porte.

Il pouvait voir à présent à quel point elle ressemblait à Evan.

– J'ai hâte d'y être, poursuivit-elle. Je t'aime petit frère.

Elle tourna les talons et quitta l'appartement rapidement avant même que Doug ne puisse réagir. Est-ce que le Buck auquel elle venait de parler au téléphone était Evan ? Avait-il changé de nom ? C'était prévisible. Il était son mari, il avait surement appris quelques trucs de lui sans avoir l'air. Comme récupérer l'identité d'un mort récent pour pouvoir disparaitre sans laisser de traces.

Il se dirigea vers la porte et remarqua le bloc note. Il récupéra le crayon et passa la mine sur le papier. Une adresse apparut sur le papier et Doug ne put réprimer un soupir de soulagement.

Il était intimement persuadé qu'il s'agit de l'endroit où vivait Evan.

En reprenant la route, Doug sentit son pouls s'accélérer à l'idée de se trouver à présent tout près du but. Il prit un virage et ralentit. Au loin se dessinait un chemin de gravier. L'itinéraire indiquait qu'il était censé tourner, mais il n'arrêta pas la voiture. Si Evan était chez lui, il reconnaîtrait aussitôt le véhicule, et Doug ne le souhaitait pas.

Du moins pas avant que tout soit prêt.

Il roula dans les parages, en quête d'un endroit discret pour se garer. Il n'y avait pas grand-chose et il ne pouvait pas risquer d'être repéré. Une voiture d'apparence abandonnée éveillait toujours les soupçons.

Impossible de trouver une place disponible.

Il refit le tour, gagné par la colère. Il n'aurait pas eu autant de mal s'il avait loué une voiture ! À présent, il ne trouvait pas le moyen de se garer suffisamment près de chez Evan, sans qu'il le remarque.

Il fit marche arrière et se gara à deux rues de là.

Il avait eu la présence d'esprit de changer ses plaques avec celle d'une voiture garé devant chez Maddie afin de pouvoir gagner un peu de temps.

La maison d'Evan se situe au moins à quinze cents mètres, rumina-t-il en coupant le moteur, mais il ne voyait pas comment faire autrement.

Dès qu'il ouvrit la portière, la touffeur l'enveloppa. Il vida le sac de sport en répandant ses vêtements sur la banquette arrière, puis il y mit l'arme, les cordes, les menottes et le gros adhésif...

Tout en hissant le sac sur son épaule, Doug regarda aux alentours. Personne ne l'observait, à cette heure-ci tout le monde travaillait. Il décida qu'il pouvait laisser la voiture ici pendant une heure ou deux, avant qu'elle n'attire l'attention.

Il quitta le parking et se mit à longer la route, tandis que son mal de tête le reprenait. Cette chaleur était carrément infernale. Il marcha sur le bas-côté et regarda les gens dans les voitures qu'il croisait.

Aucun Evan en vue.

Il parvint au début du chemin de gravier et s'y engagea. Une petite route poussiéreuse et parsemée de nids-de-poule, qui semblait ne mener nulle part jusqu'à ce qu'il repère enfin deux petits pavillons à huit cents mètres.

De nouveau, son cœur s'affola.

Evan vivait dans l'une de ces deux maisonnettes. Il se déplaça sur le côté, rasant les arbres, se faisant le plus discret possible. Il espérait trouver de l'ombre, mais le soleil était au zénith et la chaleur demeurait omniprésente. Sa chemise était trempée et la sueur dégoulinait sur ses joues. Haletant, le cœur battant à lui en crever la poitrine, il s'arrêta pour reprendre son souffle.

Il était si fatigué.

De loin, aucune des deux maisons ne paraissait occupée. Ni même habitable, d'ailleurs ! Rien à voir avec leur demeure de Hyde Park, ses persiennes et sa porte d'entrée rouge. Sur la façade du pavillon le plus proche, la peinture s'écaillait et les bardeaux pourrissaient dans les angles. Il s'avança et regarda les fenêtres, en quête du moindre mouvement à l'intérieur.

Rien.

Doug ignorait lequel des deux Evan occupait. Il prit le temps de les examiner attentivement. Les deux se trouvaient en piteux état, mais un surtout semblait quasi à l'abandon. Il s'approcha du moins délabré en évitant de frôler la fenêtre.

Doug avait mis vingt minutes pour venir de l'endroit où se trouvait sa voiture.

Sitôt qu'il surprendrait Evan, il tenterait à coup sûr de s'échapper. Il refuserait de s'en aller avec lui. Peut-être même se défendrait-il. Alors, il le ligoterait, le bâillonnerait avec le gros adhésif, puis irait récupérer la voiture. À son retour, il le mettrait dans le coffre et l'y laisserait jusqu'à ce qu'ils soient loin de cette foutue ville.

Doug parvint sur le côté de la maison et se plaqua contre le mur, tout en évitant la fenêtre. Il guettait le moindre mouvement, un bruit de porte qu'on ouvrait, de l'eau qui coulait ou un tintement de vaisselle, mais il n'entendait rien.

Sa tête le faisait toujours souffrir et il avait soif.

La chaleur l'accablait et sa chemise lui collait à la peau. Il pantelait mais se trouvait si près d'Evan à présent. Et il repensait à la manière dont il l'avait quitté sans se soucier de le laisser en larmes. Il s'était moqué de lui dans son dos. Lui et cet inconnu, quel qu'il fût. Doug se doutait qu'il existait forcément un homme.

Evan ne pouvait pas se débrouiller tout seul.

Il jeta un regard derrière le pavillon et ne vit rien. Il s'avança à pas de loup, l'œil aux aguets. Devant lui se trouvait une petite fenêtre et il tenta sa chance en regardant à l'intérieur.

Aucune lumière allumée.

Une cuisine propre et bien rangée, avec un torchon posé sur l'évier. Comme Evan en avait l'habitude. Il gagna la porte en silence et tourna la poignée.

Elle n'était pas fermée à clé.

Tout en retenant son souffle, il ouvrit la porte et entra dans la maison, puis marqua une nouvelle pause en tendant l'oreille. Aucun bruit. Il traversa la cuisine et pénétra dans le salon... Puis dans la chambre et la salle de bains.

Doug lâcha une bordée de jurons en constatant qu'Evan n'était pas là.

Encore fallait-il qu'il se trouvât dans la bonne maison, bien sûr, mais la fresque sur le mur était une assez bonne indication. Il reconnaissait sans mal sa patte dans l'œuvre.

Il repéra la commode et en ouvrit le premier tiroir.

Il farfouilla dans la pile de sous-vêtements, palpant le tissu entre le pouce et l'index. Mais cela faisait si longtemps qu'il ne se rappelait plus si c'étaient ceux qu'il portait à la maison. Quant aux autres vêtements, ils ne lui disaient rien, bien qu'ils fussent tous de la taille d'Evan, ce qui lui confirma qu'il vivait seul.

Il reconnut le shampooing et gel douche, en revanche, ainsi que la marque du dentifrice. Dans la cuisine, il fouilla les tiroirs, en les ouvrant un à un jusqu'à ce qu'il tombe sur une facture, libellée au nom de Buck Carter.

Comment avait-il osé le renier à ce point ?

Il allait lui rappeler qu'il était un Kendall, il le lui rentrerait de force dans le crâne à coups de poings. Appuyé contre le buffet, il contempla le patronyme, désormais certain d'avoir atteint son but.

Seul problème : Evan n'était pas là et il ignorait quand il reviendrait.

Certes, il ne pouvait pas laisser indéfiniment sa voiture garé dans le quartier, mais il se sentait si fatigué tout à coup. Il avait envie et besoin de dormir. Il avait roulé presque deux nuits et deux jours entiers et sa tête allait exploser.

D'instinct, il regagna la chambre.

Evan avait fait le lit et, en retirant la couverture, il retrouva l'odeur de son mari entre les draps. Il s'y glissa et la respira à pleins poumons. Les larmes aux yeux, il comprit à quel point il lui manquait et combien il l'aimait, et aussi qu'ils auraient pu être heureux s'il n'avait pas témoigné un tel égoïsme.

Incapable de rester éveillé, il se dit qu'il ferait juste un somme.

Pas trop longtemps, juste assez pour avoir les idées claires, ce soir, quand il reviendrait, et ne pas commettre d'erreurs afin qu'Evan et lui puissent redevenir des époux.

Il ferma les yeux en imaginant la façon dont se passerait leurs retrouvailles.