OCTOBRE

Sous la lune d'automne

Les ailes de la libellule

Sont immobiles

Môen

Chapitre V - Mise à nu

Harry ouvrit lentement les yeux, se réveillant dans une semi-pénombre. Il pouvait sentir la froideur du sol contre son dos et la puanteur de l'humidité d'une cave. Sa tête lui faisait mal, son corps était engourdi, mais il était en vie. Il essaya de se redresser en se frottant les yeux.

Son premier réflexe fut de chercher instinctivement le collier qu'il portait habituellement autour de son cou puis, il tâtonna autour de lui à la recherche de ses lunettes. Ses doigts effleurèrent le sol rugueux, rencontrant des résidus de saleté et des petits cailloux, mais il ne trouva aucune trace de ses lunettes.

Harry laissa son regard errer dans l'obscurité. Les contours flous des murs en pierre se dessinaient autour de lui. Une lueur pâle filtrait à travers des barreaux crasseux, éclairant à peine les murs de pierre humide. L'air épais était chargé d'une odeur âcre de moisissure.

Lorsque sa vision s'ajusta enfin un peu, il réalisa qu'il était dans une cellule étroite et sombre. Il aperçut un gros rat mort dans un coin sombre et sourit avec fatigue en se disant, qu'au moins, il ne mourrait pas de faim dans cet endroit lugubre.

Son attention fut ensuite attirée par un objet étrange qui gisait près du mur opposé. Avec précaution, il se redressa et se traîna jusqu'à lui. Ses doigts effleurèrent la surface rugueuse de l'objet et il réalisa que c'était un vieil ours en peluche. Harry se pencha pour le ramasser, l'examinant avec curiosité. Le jouet était dans un état de délabrement avancé, sa fourrure décolorée et ébouriffée, ses coutures usées et décousues. Une étiquette pendait encore à son cou, mais le nom qui y était inscrit était illisible, probablement effacé par le temps.

Il serra doucement l'ours dans sa main et sa gorge se serra alors qu'il se demandait comment un jouet pour enfant avait pût se retrouver ici.

Un pas feutré, venant du couloir mal éclairé, lui fit redresser la tête. Il scruta l'obscurité avec une pointe d'appréhension. Une silhouette féminine se tenait là, juste en dehors de sa cellule, l'observant en silence. Ses traits du visage, encadrés par de longs cheveux blonds – presque argentés - étaient à peine visibles, mais Harry avait l'impression de reconnaître quelqu'un.

Il cligna des yeux pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.

La femme le fixait en silence et Harry cru déceler dans son regard une tendresse presque maternelle. Une étrange sensation s'empara de lui, presque comme s'il avait été enveloppé d'un doux réconfort.

Puis, sans un mot, la silhouette se fondit dans l'ombre. Harry figé, se demanda pendant un instant, s'il devait l'appeler. Mais il n'y avait déjà plus personne et il secoua la tête, se demandant s'il avait imaginé cette vision.

Une vague de souvenirs flous et confus l'envahit. Des images fugaces, des éclats de rire lointains, et des moments de chaleur. Harry sentit son esprit dériver. Il revoyait une femme aux cheveux bruns et des yeux emplis de tendresse, le tenant dans ses bras alors qu'il n'était qu'un tout petit enfant. Il pensa à un homme aux lunettes rondes et aux cheveux en bataille qui lui lançait en riant de petits sortilèges inoffensifs, transformant les objets du quotidien en jeux amusants.

Il était conscient que ces souvenirs étaient probablement faux. Ça ne pouvait pas vraiment être ses parents. Tout semblait confus et il ne pouvait pas faire la distinction entre ce qui était réellement arrivé et ce qu'il avait imaginé.

La scène se transforma et il se revit debout devant une maison en ruine, les flammes dévorant tout sur leur passage. Des éclairs verts zébraient le ciel et une voix glaciale ricanait dans l'obscurité. Harry sentit une douleur intense lui étreindre la tête. Il se recroquevilla sur le sol.

Lorsque le flashback se dissipa, Harry se retrouva de nouveau dans le cachot sombre et humide. Son cœur battait la chamade, et il se sentait plus désorienté que jamais. La froideur du cachot lui pesait davantage et une lourde sensation d'abandon et d'isolement s'abattit sur lui, comme un fardeau insupportable.

Serrant les dents pour contenir l'amertume qui montait en lui, Harry enfouit son visage dans l'ours en peluche, essayant en vain d'y trouver un peu de réconfort. Cependant, l'humidité glaciale et le parfum âcre de moisi de l'ours lui évoquèrent seulement un sentiment de solitude encore plus profond.

Harry serra l'ours contre lui, laissant échapper un soupir mélancolique.

Les heures semblaient s'étirer dans la cellule sombre, marquées par les gouttes d'eau qui tombaient régulièrement, créant une mélodie hypnotisante. Harry percevait des échos étouffés d'une dispute indistincte, comme si les voix se trouvaient à des kilomètres de distance. Les mots ne parvenaient pas jusqu'à lui, laissant seulement une vague impression de tension dans l'air.

Harry s'adossa contre le mur froid, perdu dans ses pensées. Son esprit vagabondait, se demandant si Drago allait bien, s'il avait réussi à se protéger de la colère dévastatrice de son propre père.

Soudain, il entendit des pas résonner, dans le corridor étroit menant à sa cellule, accompagnés du léger tintement d'une canne heurtant le sol. Le cœur de Harry s'accéléra alors qu'il observait Lucius Malfoy faire son entrée. L'homme s'arrêta un instant pour regarder Harry, toujours au sol, puis il invoqua une chaise d'un geste négligent de sa baguette, s'installant avec une élégance glaciale. Son regard froid et perçant ne quitta pas Harry, le scrutant avec un mélange d'intérêt et de dédain.

« Harry Potter, », déclara-t-il d'une voix teintée de froideur, « capturé comme un vulgaire rat. »

Harry resta silencieux, soutenant sans ciller le regard hautain de Lucius Malfoy. La pensée fugace du rat mort au fond de la cellule lui traversa l'esprit.

Lucius plissa le nez avec dégout, comme si l'odeur de la pièce lui était insupportable. D'une main, il brossa le haut de sa chemise blanche.

« Si l'odeur vous incommode, Monsieur Malfoy, vous devriez peut-être remonter dans votre manoir. »

Lucius offrit un sourire carnassier : « Inutile Potter. Je suis habitué à l'odeur de la pourriture. Mais merci de votre sollicitude.»

« Vous souhaitiez me dire quelque chose ? »

Lucius garda le silence. Harry continua « Non, parce que vous avez fait tellement d'efforts pour me recevoir chez vous que vous devez vraiment avoir beaucoup de choses à me raconter… »

La canne s'écrasa entre les jambes d'Harry avec une férocité affolante. La pierre se fissura légèrement. Le jeune homme pensa qu'à quelques centimètres près, il aurait eu la peau et les muscles transpercés. Il déglutit difficilement. Lucius prit dans sa main gantée, comme un étau, le menton de son prisonnier et se pencha dangereusement.

« Pardonnez-moi, Potter, où sont mes manières. J'ai perdu mon sang-froid. Il faut dire que j'apprécie mal l'insolence. Souhaitez-vous une tasse de thé ? »

Harry essaya de dégager sa tête de la poigne mais il dût attendre que Lucius daigne le relâcher avec un petit sourire méprisant.

« Si vous souhaitez me tuer, autant le faire maintenant » lança Harry. Mais Lucius se recula dans sa chaise, un sourire cynique jouant sur ses lèvres :

« Souhaitez-vous tant mourir ? »

« Et bien, vous êtes le bras droit de Voldemort (Lucius tressaillit légèrement à ce nom) alors je suppose que si je suis là, c'est pour me faire tuer. »

Lucius posa deux doigts sur sa pommette, observant Harry :

« Mais vous ne répondez pas à ma question, Monsieur Potter. »

« Hé bien, si j'ai le choix, alors non, je ne souhaite pas mourir. »

« Mais vous avez été élevé dans ce but, n'est-ce pas ? Comme un cochon que l'on mène aux abattoirs. Alors tout de suite ou plus tard, quelle importance pour vous ? »

Harry savait bien que la question de Lucius n'était pas vraiment une question, mais plutôt une provocation. Mais il savait aussi que l'homme face à lui ne comptait pas le tuer immédiatement. Il semblait vouloir discuter, peut-être même négocier. Il y avait encore une carte à jouer.

« Vous attendez que je vous fasse changer d'avis ? – Harry tendit la main vers Lucius - Faisons un pacte, vous et moi. »

Lucius ne fit pas mine de bouger et regarda la main avec un certain dégoût non dissimulé. Harry ne se laissa pas intimider. « Monsieur Malfoy, arrêtons cette guerre, ensemble. »

L'homme blond émit un son guttural qu'Harry comprit être de l'amusement.

« Oui, Monsieur Potter, arrêtons cette guerre ensemble. Je sais exactement comment faire. Vous, entre les mains du Seigneur. »

Harry plissa légèrement les yeux. Lucius continua.

« Vous êtes devenu une obsession pour lui. Une obsession malsaine et dévorante. Il vous voue une telle haine, mais il a aussi pour vous un tel désir. Il ne s'agit plus seulement de sa quête de pouvoir, de sa soif de contrôle. Non, il veut vous anéantir complètement. Il serait prêt à réduire ce pays à feu et à sang, à tout détruire, juste pour vous voir ramper à ses pieds.

Harry baissa les yeux. « Pourquoi ? Pourquoi cette obsession ? »

Lucius le regarda froidement : « Oh, Monsieur Potter, vous n'avez pas encore compris ? Vous êtes son ultime adversaire, la seule chose qui l'empêche d'atteindre une victoire totale. Vous incarnez l'espoir, la résistance, tout ce qu'il déteste. Vous êtes son épine dans le pied, sa hantise la plus profonde. Mais aussi ce qu'il souhaite le plus posséder. Et quand il vous aura, il vous brisera jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de vous. »

« Et vous pensez que me livrer à lui pourrait l'arrêter ? »

« Pensez à toutes ces exactions, tous ces innocents qui ont souffert à cause de vous, à cause de votre résistance acharnée contre le Seigneur. Combien de vies ont été détruites, combien de familles ont été brisées ? C'est votre obstination à vous opposer à lui qui a conduit à tout cela. Sa fixation sur vous le consume, l'obsède au point qu'il en devient irrationnel. Si vous disparaissiez, Potter, si vous n'étiez plus là pour lui résister, il n'aurait plus d'objectif. Sa soif de pouvoir perdrait tout son intérêt. Sans son obsession, le Seigneur dépérira. »

« Ce n'est pas comme ça que je vois les choses. Je pense que vous vous trompez, Monsieur Malfoy. Voldemort ne s'arrêtera pas, même si je me livre à lui. Il était ainsi avant ma naissance, et il sera ainsi après ma mort. Si ce n'était pas moi, ça aurait été quelqu'un d'autre. Vous croyez vraiment qu'après ma mort, il va soudainement décider de tout abandonner ? Non, il trouvera un autre ennemi à combattre, une autre cause à poursuivre. Sa soif de pouvoir et de contrôle est insatiable, et il ne s'arrêtera qu'à sa mort. »

Lucius plaça un doigt sur ses lèvres et sembla réfléchir un instant. Il eut un sourire énigmatique.

"Je dois avouer, que je me trouve face à un dilemme intéressant. Vous ne souhaitez pas mourir. Mon Seigneur veut vous tuer. Je souhaite vous livrer et ma chère épouse a, elle aussi, de fortes opinions sur la question, et elles diffèrent quelque peu de celles des miennes. Je dirais que nous sommes à match égal. Mais j'ai toujours la balle."

Harry sembla surpris. « Madame Malfoy ? Elle… » Mais Lucius le coupa :

« Seulement, Monsieur Potter, pourquoi devrais-je aussi ajouter ma famille sur la liste de vos victimes ? Dites-moi, que pensez-vous qu'il arrivera si le Seigneur découvre que j'avais la possibilité de vous offrir à lui ? Vous n'êtes plus un enfant, n'est-ce pas… vous vous doutez de ce qu'il arrivera. Regardez autour de vous, regardez les ravages que votre simple existence a causé. Regardez les corps tombés, les rues ensanglantées. Et tout cela, tout cela pourrait prendre fin si je vous livrais au Seigneur.»

Harry baissa les yeux : « Pourquoi vous êtes vous rangé à ses côtés ? Pourquoi avoir choisi un tel maître… »

« Un maître ? – Lucius fronça le nez avec dégoût - Un Malfoy n'a pas de maître, Potter, surtout pas quelqu'un d'aussi basse engeance que Voldemort. Disons que j'avais quelques affinités avec ses idées sur la noblesse de la Magie. Et pour finir, j'ai fait ce qu'il fallait pour la survie de ma lignée. J'ai seulement choisi le côté du plus puissant.

« Vous avez sacrifié vos valeurs pour le pouvoir. »

« Monsieur Potter, des valeurs, je peux vous en trouver dix par jour. Je ne suis pas quelqu'un de si entêté que cela, mais j'aime que les choses aillent dans la direction où je le veux. La véritable puissance réside dans la survie et sur la balance, entre les valeurs et la vie, mon choix est vite fait. »

« Monsieur Malfoy, seriez-vous prêt à sacrifier tout ce que vous êtes pour la survie de votre lignée ? »

« Je serai prêt à bien pire encore. »

Harry demeura silencieux pendant un instant, évaluant soigneusement ses mots. Puis, d'une voix calme mais résolue, il répondit :

« Vous avez dit choisir le coté du plus puissant, alors rejoignez moi. »

Un sourire cynique joua sur les lèvres de Lucius. "Dans cette guerre, vous êtes un poussin face à un crocodile. Comment un enfant pourrait-il sauver le monde ? »

Harry soutint son regard sans ciller, ses yeux verts fixant le visage hautain de Lucius.

« Je suis plus puissant que j'en ai l'air et chaque jour, la magie continue de grandir en moi. Je ne prétends pas que ce sera facile, ni que je détiens toutes les réponses mais je suis prêt à vous prouver que vous pouvez vous joindre à moi. »

Lucius laissa échapper un rire sec. "Vous avez un ego surdimensionné, Potter. Vous vous voyez comme le héros de votre propre histoire, le sauveur destiné à triompher de toutes les épreuves."

« C'est ainsi que l'on m'a élevé. »

Lucius baissa un instant les yeux, plongé dans ses pensées. « On vous a élevé d'une bien étrange façon, Monsieur Potter. »

« Souhaitez-vous réellement que l'on parle d'éducation d'enfant ? »

Un voile passa sur le visage de Lucius. Harry enchaîna : « Monsieur Malfoy, je sais que vous avez des doutes sur la voie que vous devez suivre. Je sais que votre loyauté est partagée entre votre famille, Voldemort et vos propres convictions. Mais je vous en conjure, prenez une décision qui vous permettra de regarder votre fils dans les yeux sans honte. Je peux vous libérer de l'emprise de Voldemort. Nous pouvons tous nous libérer ! »

Lucius Malfoy semblait perdu dans ses pensées, son visage impassible. Ses yeux gris fixaient Harry avec une intensité qui semblait traverser les couches de sa propre âme. Finalement, il soupira :

« Un bien beau rêve, en effet. – Lucius se leva et d'un geste de baguette fit disparaitre la chaise sur laquelle il était assis – Dumbledore vous a déjà condamné à une mort certaine. Il vous a choisi comme une pièce sacrifiable dans ce jeu de guerre. Peu importe que ce soit maintenant ou plus tard, votre destin est scellé. Si mon choix est entre protéger ma famille ou vous laisser mourir dans les griffes du Seigneur, alors sachez que ma décision est déjà prise. Peu importe toutes les larmes que versera ma femme, demain je vous livrerais au Seigneur. »

L'homme parlait d'une voix froide et calculatrice comme s'il traitait d'une simple transaction commerciale. Il tourna le dos à Harry et commença à partir.

« Attendez ! Je peux vous montrer ! »

Lucius se retourna et fixa de toute sa hauteur, les deux mains sur le pommeau de sa canne, Harry Potter.

« Laissez-moi vous montrer. Après vous pourrez faire ce que vous voulez. »

« Ne me faites pas perdre mon temps plus longtemps, monsieur Potter » Cependant, Lucius ne fit pas mine de bouger.

Tout en maintenant son regard fixé sur Lucius, Harry caressa du bout des doigts le pendentif à son cou. Le collier émit une lueur faible, un éclat à peine perceptible dans l'obscurité des cachots. Il sentit le regard de Lucius se poser sur lui, captivé par ce détail inattendu.

Lucius arqua un sourcil, un léger frisson traversant son regard glacial. « Qu'est-ce que c'est ? »

Harry ne répondit pas immédiatement. Ses doigts effleurèrent le fermoir du collier, et avec un mouvement fluide, il le retira de son cou.

Le silence s'étira, brisé uniquement par le son ténu du collier glissant entre les doigts de Harry. Puis, d'un geste subtil, il leva la main, laissant le collier suspendu dans les airs entre eux.

Lucius dévisagea Harry avec une certaine fascination morbide. Une ombre de peur passa soudainement dans son regard, qui apparut et disparut en un instant.

Un sourire énigmatique étira les lèvres de Harry. Il remit le collier autour de son cou : "Ce n'est pas encore tout à fait au point. Qu'en pensez-vous ? Peut-être que je vous joue un tour, ou peut-être que je vous montre simplement que je ne suis pas aussi vulnérable que vous le pensez."

Les paroles de Harry semblaient flotter dans l'air. Lucius garda le silence, ses yeux toujours fixés sur Harry. « Si vous me croyez maintenant assez fort pour défier Voldemort, alors peut-être devriez-vous réévaluer votre stratégie, Monsieur Malfoy. » ajouta Harry d'une voix mesurée.

« Vous jouez un jeu dangereux, Monsieur Potter. »

« La situation est déjà dangereuse, Monsieur Malfoy. - répliqua Harry d'un ton calme. - Je vous demande de considérer ce que je vous montre comme un geste de bonne foi, un aperçu de ce que nous pouvons accomplir ensemble si nous faisons le bon choix. Si je dois me sacrifier pour le monde, alors je souhaite être celui qui choisira comment le faire. »

Lucius baissa les yeux sur un éclat de lumière au sol qui avait retenu son attention. D'un geste discret, il utilisa le bout de sa canne pour faire glisser délicatement l'objet en direction de Harry. Une paire de lunettes, négligemment abandonnée, attendait patiemment d'être récupérée. Lucius exécuta ce geste sans un mot, le visage plus glacial encore qu'à l'accoutumée, ne montrant aucune intention de bienveillance. Puis, il se détourna et se dirigea vers la porte des cachots.


Les portes massives du manoir Malfoy s'ouvrirent avec une lenteur calculée, laissant entrevoir un hall grandiose, orné de dorures et de riches tapisseries. Pour Drago, chaque pas à l'intérieur réveillait des souvenirs complexes et parfois douloureux. Chaque tableau de noble ancêtre semblait scruter son passage avec un air de désapprobation silencieuse, comme s'il était toujours jugé selon les normes strictes des Malfoy. La grandeur du manoir cachait en réalité pour Drago un poids insupportable de tradition et de loyauté forcée. Les pensées de Drago se bousculaient dans sa tête Il était prêt à combattre à nouveau son père, mais il ne pensait pas gagner. Depuis sa défaite, son coté gauche le faisait souffrir et il espérait qu'il n'avait pas d'organe perforé. Il tiendrait tout-au-plus cinq minute dans un combat en règle.

Severus, lui, observait les lieux d'un œil vigilant, s'efforçant de masquer les sentiments ambivalents qui l'assaillaient. Sa position était précaire et il ne pouvait pas se permettre de laisser transparaître la moindre faille dans son apparence impassible.

Son esprit calculateur cherchait en permanence le moindre signe de danger ou de menace cachée. Ses paroles et ses gestes devaient être minutieusement pesés, car le moindre faux pas risquait de compromettre des années de subterfuges et de sacrifices. Les motivations de Lucius demeuraient mystérieuses, et il n'était pas certain de pouvoir convaincre l'homme d'abandonner son plan. Pourtant, il était déterminé à tout tenter pour ramener Harry en sécurité. Lucius n'était pas un homme bête, mais il faudrait user de toutes les ruses pour arriver à le persuader de relâcher Potter.

Alors qu'ils s'avançaient, prêts à faire face à ce qui les attendait, un serviteur silencieux, vêtu d'une élégante tenue, les salua en s'inclinant devant eux. Il les guida ensuite d'un signe discret vers le grand salon. Au bout de la salle, dans un fauteuil élégant, se tenait Lucius Malfoy.

La pièce était imprégnée de l'opulence habituelle des Malfoy, avec ses murs lambrissés d'un bois sombre et son tapis épais étouffant le moindre bruit de pas. Lucius, le visage impassible et les yeux acérés, les accueillit d'un geste de la main. Drago sentit un frisson le parcourir.

Trois tasses de porcelaine fine trônaient sur une table basse devant lui, leur contenu dégageant une fumée parfumée.

La scène était étrangement déroutante, comme si les pièces du puzzle ne s'emboîtaient pas du tout comme prévu. Drago et Severus échangèrent un bref regard d'incompréhension.

Severus, toujours vigilant, s'assit dans un fauteuil, saisit délicatement l'une des tasses et en but une gorgée, feignant l'aisance. Drago, quant à lui, déclina silencieusement l'offre, préférant rester debout, en retrait.

Assis dans le fauteuil avec une élégance détachée, Lucius Malfoy, apparemment serein, attendait patiemment, laissant le silence s'étirer jusqu'à ce qu'il soit rompu par le subtil « clink » des tasses posées sur la soucoupe.

Lucius fit courir ses doigts sur le velours de l'accoudoir, les yeux toujours fixé sur ses invités, puis il parla d'une voix posée : « Connaissez-vous cette devinette populaire ? »

Un lourd silence emplit la pièce.

« Ce sont trois Mangemorts qui boivent le thé, - commença-t-il d'une voix étrangement mesurée, - lequel meurt en premier ? »

Severus se figea, ses yeux noirs verrouillés sur Lucius. Drago, quant à lui, resserra sa prise sur sa baguette, prêt à agir à la moindre menace.

L'air s'alourdit encore. Cependant, Lucius demeura immobile, son visage impassible ne laissant transparaître aucune intention belliqueuse.

Drago fut le premier à briser le silence : « Père, où est Potter ? »

« Mon fils – Lucius pointa la blessure de Drago – cela semble bien douloureux. Que t'est-il donc arrivé ? Tu devrais faire plus attention. Qui sait ce qu'il pourrait encore t'arriver d'autre ? »

La main de Drago se crispa en un spasme. Il recula d'un pas.

« Nous sommes venus chercher Harry Potter », déclara Severus d'un ton direct.

Le regard de Lucius passa de Drago à Severus et il prit un air ennuyé : « Et pourquoi donc devrais-je vous permettre de partir avec lui ? Pourquoi deux Mangemorts souhaiteraient prendre la proie d'un troisième Mangemort ? À moins que… - Lucius eut un étrange sourire – à moins que les choses ne soient pas comme on pourrait le penser ?»

Le cœur de Drago battait fort dans sa poitrine. « Nous ne sommes pas ici pour discuter, Père. »

« Sais-tu ce qui arrive aux enfants désobéissants, Drago ? » Drago releva la tête et regarda son père, une lueur de défi dans les yeux. « Je ne suis plus un enfant. »

Lucius l'ignora : « Les enfants désobéissants finissent au cachot. Ou meurent, s'ils sont trop faibles. C'est…l'ordre des choses. »

Severus se crispa : « Est-ce qu'Harry Potter est mort ? »

Lucius sembla réfléchir un instant, puis il sourit sournoisement : « Pas encore… »

La main de Severus se détendit imperceptiblement : « Alors il est dans les cachots… »

« Ah, Severus, Drago, quel plaisir de vous voir en train de quémander la vie de ce pauvre Potter. Vous ne manquez jamais une occasion de me divertir, n'est-ce pas ? »

Severus joua le jeu sans sembler s'offusquer, s'inclinant légèrement en direction de Lucius.

Ce dernier se leva gracieusement de son fauteuil. « Très bien, vous pouvez l'emmener, mais je vous conseille de ne pas vous attarder. »

Severus sembla satisfait de cette réponse et Drago sursauta : « Alors, vous nous laissez passer sans opposition ? »

Un sourire léger se dessina sur les lèvres de Lucius. « Pour l'instant, oui. »

Drago échangea un regard rapide avec Severus, puis ils s'éloignèrent, quittant la salle sans demander leur reste.